Télésoin : une nouvelle façon de « réseauner » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3392 du 20/11/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3392 du 20/11/2021
 
NUMÉRIQUE EN SANTÉ

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) : Yves Rivoal

Inscrit dans les mesures exceptionnelles liées à l’état d’urgence sanitaire, le télésoin est désormais autorisé en pharmacie, depuis juin 2021. Entre la vaccination contre la grippe et le Covid-19 et les tests antigéniques, il ne figure pas vraiment parmi les priorités du moment à l’officine. Mais la donne pourrait changer rapidement.

Le télésoin pourrait être demain aux pharmaciens ce que la téléconsultation est aujourd’hui aux médecins : un nouveau mode d’interaction à part entière avec les patients. » Pour étayer son pronostic, Matthieu Becamel, directeur marketing de Maiia, invite à regarder dans le rétroviseur. « En 2016, la téléconsultation était au même stade que le télésoin aujourd’hui : elle entrait à peine dans la phase des primoadoptants et était accueillie avec scepticisme par les principaux concernés, les médecins. Cinq ans plus tard, elle représente entre 13 et 17 % des consultations. »

Autorisé en officine depuis la parution de l’arrêté du 3 juin 2021, le télésoin pourrait effectivement s’imposer dans le quotidien des équipes officinales. Ce nouveau mode d’exercice à distance et en visio entre le pharmacien et son patient a en effet des atouts à faire valoir. « Le dispositif technique à mettre en place est d’abord beaucoup moins lourd que pour la téléconsultation où il faut investir dans toute une batterie de dispositifs médicaux », rappelle Guillaume Gobert, le cofondateur d’Ordoclic qui équipe 1 500 officines avec ses services d’ordonnance électronique et de télésoin. Pour échanger en visio avec un patient, il n’y a pas non plus besoin de télécharger un logiciel. Les plateformes sont accessibles sur le Web via un login et un mot de passe. Il suffit donc de disposer d’une bonne connexion à Internet et de posséder un ordinateur, une tablette ou un smartphone équipé d’une caméra et d’un micro.

Certains acteurs de la téléconsultation se sont d’ailleurs déjà positionnés sur ce marché avec des offres à partir de 49 € HT (voir page 22). Medaviz a, de son côté, fait le choix de la gratuité pour les pharmacies en exercice isolé (c’est-à-dire hors de l’exercice coordonné et des structures de type communauté professionnelle territoriale de santé ou CPTS). Les plateformes de télésoin s’appuient toutes sur des agendas afin de gérer les prises de rendez-vous, certaines comme Avis2sante ou Ordoclic le proposant aussi sans rendez-vous. « Sur Maiia, le pharmacien peut bloquer un créneau au comptoir ou au téléphone, précise Matthieu Becamel. Les patients ont, eux, la possibilité de le faire sur notre plateforme après avoir sélectionné leur pharmacie. » Chez Ordoclic, une prise de rendez-vous enclenche systématiquement l’envoi d’un e-mail de confirmation au patient avec le lien pour se connecter au télésoin en visio. « Le pharmacien peut également joindre au message un questionnaire ou un formulaire à remplir s’il a par exemple besoin de recueillir le consentement de son patient, précise Guillaume Gobert. Pendant la séance, il peut partager son écran, prendre des photos de son patient et renseigner les données issues de son examen clinique. A la fin de la séance, le compte rendu est généré et envoyé automatiquement au patient via un lien sécurisé et déposé en même temps dans le dossier médical partagé du patient. » Tous les acteurs proposent également une solution de paiement par carte bancaire en ligne avec émission automatique de la facture pour la rémunération des actes sortant du cadre de la convention pharmaceutique.

Offrir de nouveaux services

Côté usages, le champ des possibles est vaste. Dans ses recommandations pour la qualité et la sécurité du télésoin publiées en février dernier (voir page 24), la Haute Autorité de santé (HAS) précise : « Aucune situation de soin ne peut être exclue , a priori, du télésoin, à l’exception des soins nécessitant un contact direct en présentiel avec le patient ou un équipement spécifique non disponible auprès du patient. » L’expérimentation menée sur la plateforme de télésoin TéléO dans 18 officines par l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Occitanie, en partenariat avec le groupement d’intérêt public (GIP) e-santé Occitanie, apporte un éclairage intéressant sur les cas d’usages qui pourraient émerger. « Les actes conventionnés comme les bilans partagés de médication ou les entretiens pharmaceutiques ne concernaient qu’un quart des actes réalisés, confie Anne-Sophie Vidal, chargée de mission à l’URPS pharmaciens Occitanie. L’accompagnement à l’ordonnance et le conseil associé pour des patients qui se faisaient livrer leurs médicaments à domicile représentaient un autre quart, les 50 % restants portaient sur l’éducation thérapeutique, les soins de support ou le conseil en phytothérapie. »

Cotitulaire avec son épouse et deux autres associés de la pharmacie du Centre à Plaisance-du-Touch en banlieue toulousaine (Haute-Garonne), François Roux faisait partie des pharmacies pilotes de cette expérimentation. « Au total, nous avons dû réaliser une vingtaine de télésoins dans le cadre de l’accompagnement en soins de support en oncologie que nous avons développé il y a maintenant plusieurs années afin d’aider les patients à mieux supporter les effets indésirables de leur chimiothérapie et d’éviter d’éventuelles interruptions de traitement. » Avec son équipe composée d’une vingtaine de collaborateurs, dont trois pharmaciens adjoints, François Roux a proposé ce nouveau service à des patients déjà suivis à l’officine, et qui venaient de loin pour chercher cette expertise. « Nous avons aussi eu recours au télésoin pour du conseil à l’ordonnance, et notre étudiant en 6e année de pharmacie en a également réalisé une dizaine pour des entretiens pharmaceutiques sur l’asthme », ajoute-t-il.

Resserrer les liens

De cette expérimentation, François Roux tire un premier bilan positif. « Mis à part une patiente qui n’arrivait pas à se connecter et un souci de liaison, sur le plan technique, tout a très bien fonctionné, assure le cotitulaire. La petite appréhension que je pouvais avoir sur la fluidité des conversations a très vite disparu car, pendant les séances, nous échangeons avec les patients comme si nous étions en face-à-face. » Mais pour François Roux, le plus important est ailleurs. « Grâce au télésoin, nous avons pu maintenir le lien avec des patients cancéreux ou âgés, le plus souvent immunodéprimés, qui avaient peur de venir à l’officine à cause des confinements », se félicite le pharmacien. L’enquête de satisfaction réalisée par l’URPS pharmaciens Occitanie a elle aussi mis en évidence des retours très positifs de la part des patients pris en charge. Patients qui étaient majoritairement des femmes, à 40 % âgés entre 65 et 80 ans, les plus de 80 ans représentant un quart de la patientèle, les moins de 65 ans 30 %. « 75 % des sondés se disaient prêts à renouveler l’expérience et 83 % la recommanderaient à leur entourage, dévoile Anne-Sophie Vidal. 57 % ont même déclaré que si leur pharmacien ne leur avait pas proposé ce télésoin, ils ne seraient pas allés consulter. »

« Si l’on considère qu’une grande partie des activités de l’officine peut entrer dans ce cadre, je suis persuadé que, d’ici quelques années, toutes les pharmacies s’y mettront, et que cela pourra représenter 1 ou 2 % de notre activité. A condition, bien sûr, que la profession arrive à démontrer la valeur ajoutée de ce dispositif dans l’accès aux soins, et à négocier une rémunération à la hdiv du service rendu au patient », note François Roux. Guillaume Gobert est sur la même longueur d’onde. « Le télésoin peut notamment se révéler un outil très précieux pour tout ce qui touche à l’observance. Les médecins généralistes voient leurs patients au mieux tous les trois mois, et ils n’ont pas le temps de s’assurer qu’ils prennent bien leur traitement. Chose que peuvent faire les pharmaciens qui sont, à mon sens, les mieux placés pour détecter des problèmes d’observance. On pourrait donc imaginer demain des prescriptions pour des protocoles de suivi d’observance par télésoin pour des patients chroniques soupçonnés de ne pas respecter les termes de leur traitement. »

À RETENIR

- Pour exercer à distance, les pharmaciens sont autorisés, depuis juin 2021, à pratiquer le télésoin.

- Le télésoin s’adresse à tous les patients, pour toutes les situations, à l’exception des soins nécessitant un contact direct en présentiel entre le patient et son pharmacien. Cette activité ne requiert pas d’investissement en matériel coûteux.

- Bilans partagés de médication, entretiens pharmaceutiques, suivi de l’observance… A l’avenir, les applications du télésoin pourraient prendre une part importante dans l’activité de l’officine.

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