D’un signe, il ne suffira pas - Le Moniteur des Pharmacies n° 3386 du 09/10/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3386 du 09/10/2021
 

MONITEUR EXPERT

TRIBUNAL

Auteur(s) : Anne-Charlotte Navarro

Le port du voile ou d’un quelconque signe religieux suscite souvent des interrogations chez les employeurs. Sous peine de créer une différence de traitement injustifiée, ils ne peuvent restreindre l’interdiction du port aux seuls signes religieux ostentatoires de grande taille.

LES FAITS

Mme V., éducatrice spécialisée, travaille depuis 2014 pour la société W. A son retour de congé parental, en 2018, elle refuse de retirer son voile. Se fondant sur les instructions de service affichées dans l’entreprise, son employeur la sanctionne. Mme V. saisit la juridiction compétente pour faire effacer de son dossier les avertissements reçus. Elle évoque la conformité du droit allemand à la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000, interdisant la discrimination. La juridiction allemande demande donc à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) si la politique de neutralité de l’entreprise peut être conforme avec l’exigence de non-discrimination du droit européen.

LE DÉBAT

L’article 1er de la directive 2000/78 dispose que « la directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les Etats membres, le principe de l’égalité de traitement ». Le div ajoute que cette discrimination peut être directe lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ou indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes. En l’espèce, Mme V. estimait que les dispositions des instructions de service de l’entreprise avaient pour effet de créer une discrimination directe des femmes de confession musulmane qui ne pouvaient se conformer aux règles de leur religion pendant le temps de travail. En réponse, la société W. remarquait que cette note était appliquée de la même façon quelle que fût la religion en cause. Ainsi, elle avançait qu’une salariée avait été sanctionnée pour ne pas avoir retiré sa croix catholique.

LA DÉCISION

La CJUE estime que, dans une entreprise, une règle interne interdisant aux travailleurs de porter tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, ne constitue pas à l’égard des travailleurs qui observent certaines règles vestimentaires en application de préceptes religieux « une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions, dès lors que cette règle est appliquée de manière générale et indifférenciée et non limitée à un signe de grande taille ». Cette décision complète celle rendue par la Cour de cassation le 14 avril 2021, dans laquelle les hauts magistrats français avaient décidé qu’une enseigne d’habillement ne pouvait pas interdire le port du voile à une salariée en raison des supposées attentes de la clientèle et de l’image de l’entreprise. Ainsi, l’employeur peut imposer la neutralité vestimentaire aux salariés à condition de justifier d’un motif légitime. Les attentes supposées de la clientèle ne sont pas un motif légitime. Face à un litige, le juge appréciera au cas par cas si la raison invoquée est légitime.

Pour l’officine, il paraît probable que l’exigence de la délivrance de conseils de santé neutre et fondée sur la science et non sur des croyances personnelles puisse être envisagée.

Source : CJUE, 15 juillet 2021, n° C-804-18 et C-341-19.

À RETENIR

L’employeur peut interdire le port de signe d’appartenance politique ou religieuse par le biais d’une clause du contrat de travail ou le règlement intérieur de l’entreprise.

L’interdiction doit être justifiée par un but légitime.

Cette interdiction doit être appliquée de manière générale et indifférenciée.

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