Sarcopénie et dénutrition du sujet âgé - Le Moniteur des Pharmacies n° 3377 du 03/07/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3377 du 03/07/2021
 

Cahier Formation

ORDONNANCE

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PATHOLOGIE

La sarcopénie et la dénutrition du sujet âgé en 4 questions

Etroitement liées, dénutrition et sarcopénie constituent un facteur majeur de vulnérabilité du sujet âgé, pour autant encore mal connu. Mieux connaître les causes de leur survenue permet de les dépister à temps pour réduire l’apparition de complications.

1 DE QUOI S’AGIT-IL ?

La dénutrition

La dénutrition protéinoénergétique est un déséquilibre entre les apports nutritionnels et les besoins de l’organisme. Elle est la conséquence d’une diminution des apports alimentaires ou d’un hypercatabolisme augmentant les besoins protéinoénergétiques. Elle est fréquente chez les personnes âgées et augmente avec l’âge.

La sarcopénie

• La sarcopénie est un syndrome multifactoriel complexe défini par une diminution progressive de la force, mais aussi de la masse et de la fonction musculaire squelettique. Sur le plan histologique, ce sont majoritairement les fibres musculaires squelettiques de type II (fibres à contraction rapide sollicitées lors d’exercices brefs mais intenses) qui sont atrophiées.

• Cette perte musculaire est aggravée par une dénutrition (à l’hôpital, la sarcopénie concerne 21 à 44 % des personnes de plus de 65 ans dénutries). Cependant, la sarcopénie peut s’observer en l’absence de dénutrition ou de pathologie associées (indice de masse corporelle, ou IMC, normal ou sans perte de poids) et représente un facteur de vulnérabilité.

2 QUELS SONT LES ÉTIOLOGIES ET FACTEURS DE RISQUE ?

Concernant la dénutritionCarence d’apports nutritionnels

De nombreux facteurs sont à risque de diminution d’apports et de carences alimentaires. Certains sont sans lien avec l’âge, comme les pathologies à l’origine de maldigestion ou de malabsorption (atteinte pancréatique, maladie cœliaque, diarrhées persistantes, alcoolisme chronique, etc.). D’autres sont plus spécifiques à la personne âgée, tels que :

- des facteurs socioéconomiques et environnementaux : deuil (notamment, si le conjoint décédé était celui qui cuisinait), difficultés financières, isolement social, état de dépendance pour la mobilité et l’alimentation, etc. ;

- un mauvais état buccodentaire (qui peut constituer une entrave à la mastication et à la consommation de la viande en particulier) et les troubles de déglutition ;

- des troubles de l’odorat et du goût liés à l’âge (avec davantage d’appétence pour le sucré que pour le salé) ;

- des troubles psychiques ou neurologiques : dépression, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, etc. ;

- un régime trop restrictif en cas de diabète, d’hypercholestérolémie, ou un régime désodé strict, qui peuvent s’avérer anorexigènes ;

- la polymédication peut majorer les troubles de l’appétit, non seulement parce que la grande quantité d’eau inhérente à l’administration orale des médicaments contribue à ressentir plus précocement la satiété, mais aussi en raison de leurs effets indésirables potentiels (voir encadré ci-contre).

Hypercatabolisme

Les pathologies infectieuses, inflammatoires chroniques (cancers notamment) et les décompensations de pathologie chronique entraînent une augmentation des besoins énergétiques. Sous l’effet de certains médiateurs de l’inflammation, comme les cytokines, le catabolisme protéique et la protéolyse musculaire sont accrus chez le patient âgé, qui, à chaque épisode pathologique, puise dans ses réserves nutritionnelles et ressort fragilisé des différents événements intercurrents.

Concernant la sarcopénie Diminution de l’activité physique

Avec l’âge, on observe une réduction de l’activité physique voire une sédentarité, qui altèrent la fonction musculaire.

Diminution de synthèse de protéines musculaires

Chez la personne âgée, après un repas, la synthèse protéique est moins stimulée que chez un sujet plus jeune, probablement du fait d’une résistance à l’insuline et de l’effet stimulant de la leucine sur la synthèse protéique. De plus, les acides aminés alimentaires sont séquestrés par les territoires splanchniques, c’est-à-dire qu’ils restent plus volontiers dans l’intestin et le foie, et sont donc moins disponibles dans la circulation générale pour participer à la synthèse protéique musculaire.

Facteurs hormonaux

La synthèse d’hormones anabolisantes, comme la testostérone, l’hormone de croissance et l’insulin-like growth factor, diminue avec l’âge, ce qui pourrait expliquer la réduction de la masse musculaire.

Troubles nutritionnels

Les troubles nutritionnels et la réduction d’apports protéiques qui en résultent aggravent la sarcopénie.

Inflammation à bas bruit

Une inflammation, généralement non détectable sur un bilan biologique, est souvent présente chez le sujet âgé et majore le catabolisme protéique comme la résistance à l’insuline.

3 QUELLES EN SONT LES CONSÉQUENCES ?

Altération de la fonction locomotrice

A elle seule, la sarcopénie augmente le risque de dépendance et d’altération de la qualité de vie. En effet, elle induit une fatigabilité, des difficultés motrices et un moindre équilibre qui expose à un risque plus élevé de chute, de fractures et de perte d’autonomie. Elle accroît le risque d’ostéoporose, laquelle aggrave les conséquences d’une chute.

• La dénutrition qui entraîne une perte tissulaire, notamment musculaire, exacerbe ces risques.

Modifications métaboliques

La sarcopénie et la dénutrition sont responsables d’une baisse de sensibilité à l’insuline (les muscles étant un site de captation du glucose). Cela augmente le risque de maladie nutritionnelle de surcharge lié à l’insulinorésistance, comme le diabète de type 2 ou l’obésité. Contrairement aux idées reçues, un patient obèse peut donc être dénutri.

Modifications de la pharmacocinétique et de la tolérance aux médicaments

• Chez la personne âgée, du fait de la sarcopénie, la masse maigre diminue au profit de la masse grasse. Cela modifie les volumes de distribution des médicaments liposolubles et allonge leur demi-vie, élevant le risque iatrogène.

• En outre, le taux de protéines plasmatiques étant réduit en cas de dénutrition, on observe une diminution de la fixation des médicaments sur ces protéines, avec pour conséquence une hausse des formes libres et une majoration de l’effet des médicaments à forte affinité pour l’albumine.

Altération du système immunitaire

• La diminution de réserve d’acides aminés a pour conséquence une altération du système immunitaire favorisant la survenue d’infections, d’aggravations de maladies chroniques (par exemple, décompensation d’insuffisance cardiaque, de bronchopneumopathie chronique obstructive ou BPCO), de troubles trophiques et de retard de cicatrisation. La dénutrition sévère est ainsi associée à une augmentation importante du risque d’hospitalisation, de la durée moyenne de séjour, de l’incidence d’infections nosocomiales et de la morbimortalité.

• En outre, l’immobilisation qui résulte de fractures consécutives à une chute peut accroître le risque d’escarres (en particulier en cas de dénutrition), lesquels aggravent la dénutrition selon un cercle vicieux (la cicatrisation d’escarres nécessitant un hypercatabolisme protidique), pouvant mener à un état grabataire voire au décès.

4 COMMENT EST ÉTABLI LE DIAGNOSTIC ?

De dénutrition

Actuellement coexistent deux types de critères pour le diagnostic de dénutrition chez le sujet de plus de 70 ans : les recommandations françaises de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2007 et les propositions de la Global Leadership Initiative on Malnutrition (Glim) de 2017. La HAS et la Fédération française de nutrition (FFN) travaillent actuellement sur des nouveaux critères qui rapprocheront la définition française de celle du Glim.

Critères de la HAS

• Le diagnostic de dénutrition chez le sujet âgé est établi sur la présence d’au moins un critère phénotypique suivant :

- perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou 10 % en 6 mois ;

- IMC < 21 kg/m2 ;

- albuminémie < 35 g/l (ce dosage doit être interprété en tenant compte de l’état inflammatoire, évalué par le dosage de la protéine C réactive, car l’albuminémie diminue en cas de syndrome inflammatoire) ;

mini-nutritional assessment global (MNA global) < 17.

• Il n’y a pas de critère étiologique.

• Il est important de préciser si la dénutrition est sévère ou non, une dénutrition sévère étant associée à une augmentation importante de la mortalité et de la morbidité et justifie de ce fait une prise en charge rapide, souvent par nutrition artificielle. Elle est considérée comme sévère en présence de l’un ou de plusieurs des critères suivants :

- perte de poids ≥ 10 % en 1 mois ou ≥ 15 % en 6 mois ;

- IMC < 18 kg/m2 ;

- albuminémie < 30 g/l.

Critères du Glim

• En 2017, un groupe d’experts internationaux a publié un consensus pour le diagnostic de dénutrition. Dans l’objectif de dépister plus précocement la dénutrition et de réduire le délai de sa prise en charge, le Glim préconise une approche en deux étapes : une identification des patients à risque au moyen du MNA dans sa forme courte, puis un diagnostic à proprement parler avec évaluation de la gravité. Les recommandations diagnostiques du Glim sont fondées sur l’association de critères phénotypiques et étiologiques. Le diagnostic est établi sur la présence d’au moins un critère phénotypique et d’au moins un critère étiologique.

• Concernant les critères phénotypiques, il peut s’agir de :

- perte de poids > 5 % dans les 6 mois précédents ou > 10 % au-delà des 6 mois précédents ;

- IMC < 22/m2 (chez le sujet de plus de 70 ans) ;

- réduction de la masse musculaire.

• Concernant les critères étiologiques, il peut s’agir de :

- diminution d’apports alimentaires ou n’importe quelle situation digestive affectant l’absorption ;

- présence d’une affection aiguë, d’une inflammation ou d’une maladie chronique.

De sarcopénie

• Le diagnostic de sarcopénie doit tenir compte non seulement de la réduction de la masse musculaire, mais aussi de l’altération de la fonction musculaire.

• En 2019, l’European Working Group on Sarcopenia in Older People (EWGSOP) a proposé un schéma de diagnostic consensuel en quatre étapes :

- examen clinique ou questionnaire SARC-F pour le dépistage ;

- évaluation de la force musculaire par un test de lever de chaise ou par la mesure de la force de préhension à l’aide d’un dynamomètre ;

- mesure de la composition corporelle pour confirmer le diagnostic (la réduction de la masse musculaire peut être appréciée par la mesure de la circonférence brachiale et du mollet, et mesurée par absorptiométrie biphotonique aux rayons X, en utilisant le même appareil de mesure que celui de la densité osseuse minérale, soit par impédancemétrie soit par scanner ou IRM) ;

- détermination de la gravité de la sarcopénie par des tests de fonctionnalité musculaire comme le test Get up and Go (voir encadré page 4), simple à pratiquer en consultation.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la dénutrition du sujet âgé ?

La prise en charge de la dénutrition de la personne âgée doit être la plus précoce possible. Elle repose sur une stratégie nutritionnelle dépendant à la fois de l’état de nutrition du patient et de ses apports alimentaires spontanés.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Objectifs

• Un dépistage précoce et une prise en charge rapide permettent de limiter la fonte musculaire et de compenser les carences pour éviter les complications graves.

• La prise en charge de la dénutrition des personnes âgées (à partir de 70 ans) repose sur les recommandations de la HAS de 2007. Elle est d’autant plus efficace qu’elle est mise en œuvre précocement. Selon la HAS, les besoins spécifiques de base chez une personne âgée pratiquant une activité physique sont de 30 à 40 kcal/kg de poids corporel/jour et les apports en protéines doivent être compris entre 1,2 à 1,5 g/kg/jour.

Modalités de traitement

• La prise en charge est fondée sur l’augmentation des apports nutritionnels et la correction des facteurs de risque identifiés (difficultés masticatoires, troubles de la déglutition, pathologie concomitante, isolement, incapacité à préparer les repas, dépression, etc.).

• L’alimentation orale doit être privilégiée. L’alimentation artificielle entérale s’envisage quand l’alimentation orale est insuffisante ou impossible (troubles de la déglutition neurologiques ou otorhinolaryngologiques). La nutrition parentérale est indiquée en cas d’occlusion, de malabsorption ou, en dernier recours, en cas d’échec de nutrition entérale bien conduite.

• La prise en charge diététique constitue la mesure de première intention de la correction de la dénutrition. Différents conseils diététiques sont préconisés chez la personne âgée :

- respecter 3 repas par jour avec éventuellement 1 ou 2 collations. Eviter les périodes de jeûne nocturne supérieur à 12 heures en retardant l’horaire du dîner, en avançant celui du petit-déjeuner ou en proposant une collation. La sensation de satiété pouvant apparaître plus rapidement chez le sujet âgé, il est conseillé de fractionner les repas. La collation doit être composée préférentiellement d’un yaourt, de fromage et d’un fruit ;

- respecter l’équilibre alimentaire en suivant les recommandations journalières du Programme national nutrition santé (PNNS) : 2 portions de viande, poissons ou œufs, 5 portions de fruits et légumes et 3 à 4 produits laitiers. Un féculent doit être apporté à chaque repas ;

- conserver une hydratation suffisante en buvant 1 à 1,5 litre d’eau ou de boissons (tisanes, jus de fruits, etc.) sans attendre la sensation de soif ;

- adapter les textures en cas de difficultés masticatoires ou à déglutir. Des efforts sur la présentation des plats dans un environnement agréable ou l’usage d’exhausteurs de goût (herbes aromatiques, épices, etc.) encouragent à manger ;

- pour répondre aux besoins nutritionnels : choisir des protéines à haute valeur­ biologique (les protéines animales sont plus digestibles et contiennent davantage d’acides aminés essentiels que les protéines végétales) et enrichir les préparations par l’ajout d’aliments (poudre de lait, lait concentré, fromage râpé, œufs, viande hachée, crème, beurre ou huile, etc.) ou de poudres de protéines industrielles (Protinut, Protifar, Clinutren Instant Protein, Fresubin Protein Powder, Delical Poudre de Protéines). L’enrichissement alimentaire a pour but d’augmenter l’apport énergétique et protéique d’une ration sans en augmenter le volume.

• Les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont proposés en cas d’échec de l’alimentation enrichie ou de dénutrition sévère.

Choix thérapeutiques

La stratégie de prise en charge doit tenir compte de la sévérité de la dénutrition et du niveau d’apport nutritionnel.

• En cas de dénutrition modérée et avec des apports alimentaires spontanés normaux ou diminués (mais supérieurs à la moitié de l’apport habituel), la prise en charge repose sur des préconisations diététiques et des conseils d’enrichissement alimentaire. Une réévaluation de l’efficacité des mesures est réalisée entre 15 jours à 1 mois après la mise en place. En cas d’échec, un traitement par CNO sera instauré. Lorsque les apports sont fortement diminués (inférieur à la moitié des apports habituels), les mesures précédentes s’accompagnent d’emblée d’une prescription de CNO.

• En cas de dénutrition sévère et lorsque les apports sont normaux ou diminués, la prise en charge est réalisée d’emblée par des CNO, en complément des conseils diététiques et de l’enrichissement alimentaire. Après une évaluation à 1 semaine et en cas d’échec des mesures, le choix d’une nutrition entérale est discuté. Si les apports sont fortement diminués, elle peut être proposée d’emblée. La situation est réévaluée à 1 semaine. Une nutrition parentérale peut s’envisager individuellement en cas d’échec d’une nutrition entérale bien conduite.

Cas particuliers

• En cas de démence sévère, les nutritions entérale et parentérale ne sont pas pratiquées. Il n’y a aucune preuve concluante en faveur de l’utilisation de la nutrition artificielle chez ces patients. Il est possible d’augmenter les apports alimentaires en utilisant la technique du « manger-main ». Des repas ou collations sont proposés sous forme de bouchées enrichies, assez colorées et attrayantes et facilement prises en main.

• Chez le patient insuffisant rénal chronique non dialysé, une restriction protéique est recommandée pour limiter la progression de la maladie rénale : 0,8 g/kg/jour à partir d’un débit de filtration glomérulaire inférieur (DFG) à 90 ml/min/1,73 m2, 0,55-0,60 g/kg/jour si le DFG est inférieur à 59 ml/min/1,73 m2. L’alimentation seule comble les besoins en protéines et la supplémentation en CNO n’est pas indiquée. Un suivi spécialisé est nécessaire.

En revanche, la dialyse s’accompagne d’une majoration des besoins protéiques (1,2 à 1,3 g/kg/jour). La moitié de ces apports doit être composée de protéines à haute valeur biologique, ­produits laitiers plutôt que viande pour limiter l’acidose. Les CNO standards peuvent être utilisés et leur choix doit être adapté au condiv du patient. Limiter la surcharge hydrique, en choisissant des formules concentrées ou sous forme semi-liquides (crèmes, soupes, compotes, etc.) et solides (gâteaux, petits pains, notamment). La teneur en potassium et en phosphore doit être prise en compte.

TRAITEMENTS

Les compléments nutritionnels oraux (CNO)

• Ce sont des aliments destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS) appartenant à la catégorie des dispositifs médicaux indiqués dans le cadre de la prise en charge nutritionnelle de la personne âgée dénutrie. Ils répondent au cahier des charges de l’Assurance maladie (arrêté du 2 décembre 2009) et sont pris en charge dans les cas de dénutrition avérée.

• Ce sont des mélanges nutritifs complets, hyperénergétiques ou hyper­protidiques enrichis en fibres, en acides gras polyinsaturés oméga 3, ou en arginine permettant d’augmenter la ration protéinoénergétique sous un volume restreint. La HAS recommande les produits les plus concentrés : hyper­énergétiques (≥ 1,5 kcal/ml ou g) et/ou hyper­protidiques (protéines ≥ 7,0 g/100 ml ou 100 g, ou protéines ≥ 20 % de l’apport énergétique total).

• La supplémentation orale peut être décidée en cas d’échec des conseils diététiques et des mesures d’enrichissement alimentaire ou d’emblée si la dénutrition est sévère. Les CNO sont indiqués lorsque la différence entre les ingestas et les besoins théoriques n’est pas supérieure à 600 kcal/jour. L’objectif est de réaliser un apport nutritionnel supplémentaire de 400 kcal/jour et/ou de 30 g/jour de protéines (le plus souvent avec 2 unités/jour) et de ne pas dépasser un apport supplémentaire de 1 000 kcal/jour et/ou 80 g de protéines. Les CNO font partie intégrante du traitement et ne remplacent pas l’alimentation.

• Ils sont proposés avec des textures et des goûts variés. Les préférences du patient (arômes, goût salé, sucré ou neutre, présentation sous forme de potages, de plats mixés, de boissons lactées, de jus de fruits, de petits pains, de gâteaux) doivent être respectées pour renforcer l’adhésion. Certains CNO présentent une composition adaptée à la pathologie du patient (diabète, insuffisance rénale).

• Conseils de prise : en collation en dehors des repas habituels (1 h 30 à 2 heures après un repas ou 2 heures avant le repas de midi) ou à la rigueur à la fin des repas lorsque ce dernier est complet. Une prise avant le coucher limite la période de jeûne nocturne. Servis frais, les produits sucrés sont plus agréables à la consommation. Les CNO peuvent être chauffés (au microonde ou au bain-marie sans jamais les faire bouillir), notamment les formes soupes et mixées ou lorsqu’ils sont pris en collation comme un chocolat chaud ou un café au lait. Les CNO peuvent aussi être intégrés dans la préparation de plats.

• Effets indésirables : les CNO les plus concentrés peuvent entraîner des diarrhées et des douleurs abdominales, ce qui peut être corrigé par des prises fractionnées.

• Interactions : la résorption intestinale de la lévodopa pouvant être diminuée par les acides aminés des CNO (compétition pour un même transporteur intestinal), administrer la lévodopa au moins une demi-heure avant le CNO.

La nutrition artificielle La nutrition entérale

• La nutrition entérale est proposée en cas d’échec de la prise en charge orale ou lorsque la dénutrition est sévère avec des apports fortement diminués. Elle peut aussi être indiquée d’emblée lorsqu’il existe des troubles sévères de la déglutition.

• La nutrition entérale représente la technique de choix lorsque le tube digestif est fonctionnel. Cependant, il existe des contre-indications : occlusion intestinale, vomissements répétés et surface intestinale fonctionnelle insuffisante.

• Elle consiste en l’administration des nutriments soit à l’aide d’une sonde nasogastrique ou nasojéjunale, soit directement au niveau de l’estomac (gastrostomie) ou de l’intestin grêle proximal (jéjunostomie). Les nutriments sont des mélanges stériles de protéines, de lipides, de glucides, de vitamines, de sels minéraux et d’oligo­éléments. Ces mélanges polymériques peuvent être hypocaloriques, isocaloriques et normo ou hyperprotidique, hypercaloriques et hyperprotidiques. Il existe des formules avec ou sans fibres et aussi des formules spécifiques pour les patients diabétiques ou insuffisants rénaux. Il existe aussi des mélanges semi-élémentaires contenant des petits peptides et une grande proportion de triglycérides à chaînes moyennes qui semblent efficaces en cas d’anomalie de la digestion.

• La nutrition entérale est commencée au cours d’une hospitalisation pour la mise en place de la sonde. Ensuite, sans complication, elle est poursuivie à domicile avec une prise en charge adaptée et l’intervention d’une infirmière et parfois d’un diététicien.

• Les complications les plus fréquentes sont : diarrhées ou constipation, reflux gastro-œsophagiens et œsophagite, pneumopathie d’inhalation, perturbations métaboliques (hyponatrémie ou carences en vitamines et en sels minéraux), obstruction de la sonde, mauvais positionnement à l’origine d’ulcération des ailes du nez, d’épistaxis, de sinusite ou d’otite.

La nutrition parentérale

• Elle est réservée à trois situations particulières : malabsorption sévère anatomique ou fonctionnelle, occlusion intestinale aiguë ou chronique et échec de la nutrition entérale bien conduite.

• Les produits sont administrés par voie veineuse centrale à l’aide d’une pompe ou par voie veineuse périphérique pour une courte durée.

• Le mélange nutritif est « binaire » (glucose et acides aminés) ou « ternaire » (glucose, acides aminés et lipides). Les vitamines et les oligoéléments sont absents de ces mélanges et sont administrés en complément. L’absence de ce complément vitaminique expose le patient à des complications neurologiques graves (encéphalopathie, coma).

• Les principales complications sont : infections (les plus importantes), thromboses veineuses, hyper ou hypo­glycémie, apports lipidiques inadaptés (carence en acides gras essentiels ou hypertriglycéridémie), complications hépatobiliaires et obstruction du cathéter.

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme V., 82 ans, est dénutrie

Il y a 4 mois, Mme V., 82 ans, pesait 51,5 kg et était plutôt active. Mais depuis le décès brutal de son mari, remontant à 3 mois, elle passe beaucoup de temps dans un fauteuil, dort mal, manque de tonus et de motivation pour sortir. Elle n’a pas envie de cuisiner et mange ce qu’elle trouve dans son réfrigérateur ou congélateur. Il y a 1 semaine, Mme V. est tombée à son domicile et s’est fracturé le poignet gauche. Lors de son passage aux urgences, elle pesait 45 kg. Inquiète, sa fille a décidé de l’emmener consulter son médecin traitant il y a 2 jours. Ce dernier a prescrit un bilan biologique et revoit Mme V. aujourd’hui. Au sortir de la consultation, accompagnée de sa fille, elle présente l’ordonnance suivante.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Jusqu’au décès de son mari, Mme V. n’avait aucun traitement chronique. Elle demandait parfois du paracétamol pour calmer des douleurs d’arthrose.

Que lui a dit le médecin ?

Le généraliste a expliqué que la perte de poids de 6,5 kg (10 % du poids corporel de Mme V.) était trop importante sur une période de 4 mois. La fille de Mme V. rapporte que le médecin a même parlé de dénutrition sévère (l’IMC est à 17). Sans la mise en place d’un traitement par CNO et d’un antidépresseur, la dénutrition risque de s’aggraver et d’entraîner d’autres complications. Le médecin a expliqué que les CNO faisaient partie intégrante du traitement. Il a indiqué qu’il y avait une carence en vitamine D à corriger pour éviter d’aggraver l’ostéoporose à la suite de sa fracture. Il a fixé un rendez-vous dans une semaine pour évaluer la tolérance et l’observance aux CNO.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui. La prescription initiale de CNO est de 1 mois au maximum, mais la première délivrance est limitée à 10 jours, à l’issue desquels le pharmacien évalue la tolérance et l’adhésion du patient (arrêté du 7 mai 2019). Cette première délivrance permet d’adapter les CNO délivrés aux goûts du patient pour la suite du traitement.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Delical HP HC est un CNO hyper­énergétique et hyper­protidique apportant 360 kcal et 20 g de protéines pour 200 ml.

• La miansérine est un antidépresseur aux propriétés noradrénergiques, sérotoninergiques et possiblement antihistaminiques, mais sans effet anticholinergique. Elle présente aussi une action sédative, anxiolytique et un effet régulateur du sommeil.

• Le cholécalciférol (vitamine D) et le carbonate de calcium, correcteurs de carence, sont indiqués en prévention de l’ostéoporose.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

• Oui, elle est conforme à la stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéinoénergétique chez la personne âgée (HAS 2007). La prise en charge permet d’assurer les objectifs nutritionnels recommandés (30 à 40 kcal/kg/jour et 1,2 à 1,5 g/kg/jour de protéines).

• Par ailleurs, la situation associée à la dénutrition doit être prise en charge. Ici, la miansérine vise à corriger l’état dépressif de Mme V. Elle fait partie des antidépresseurs recommandés en première intention.

Y a-t-il des contre-indications ?

Non. Mme V ne souffre pas de lithiase calcique urinaire qui contre-indiquerait le calcium et le cholécalciférol. Elle ne souffre pas d’insuffisance hépatique sévère qui contre-indiquerait la miansérine.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Oui. Une supplémentation nutritionnelle par 2 unités de Delical HP HC permet d’augmenter les apports nutritionnels de 400 kcal et de 30 g de protéines par jour.

• La posologie classique de miansérine est comprise entre 30 et 90 mg/jour. Chez la personne âgée, il est recommandé de diminuer la dose moyenne de moitié. Elle doit être adaptée progressivement, ce qui est bien le cas ici.

• L’administration d’une ampoule de cholécalciférol toutes les 2 semaines est recommandée jusqu’à la correction de la carence. La posologie de 2 comprimés de carbonate de calcium par jour est cohérente.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Utilisation du CNO

Les CNO sont administrés en supplément des repas, en collation, soit 1 h 30 à 2 heures après un repas, soit 2 heures avant le repas de midi. Ils peuvent éventuellement terminer un repas lorsque celui-ci a été complet ou être pris le soir avant le coucher pour limiter le jeûne nocturne. Une conservation préalable au réfrigérateur améliore le goût.

Utilisation des médicaments

• Les comprimés de miansérine sont à avaler sans les croquer, de préférence le soir au coucher.

• Le contenu de l’ampoule de cholécalciférol peut être pris pur à l’aide d’une cuillère ou mélangé dans un aliment liquide ou semi-solide (purée de légumes, compotes).

• Les comprimés de calcium doivent être sucés 2 fois par jour.

Que faire en cas d’oubli ?

• Si une unité de CNO n’a pas été prise, il peut être difficile de la rattraper le jour suivant sans risquer de couper l’appétit ou qu’elle soit mal acceptée. Elle sera simplement sautée.

• Il est possible de prendre les compléments nutritionnels, le cholécalciférol ou le calcium dès que l’oubli est constaté.

• La prise de miansérine doit être différée au lendemain soir sans avaler une double dose.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

• Avec la renutrition, la fatigue peut commencer à s’estomper en quelques jours et la patiente pourra constater une amorce de reprise de poids en 1 semaine.

• L’effet bénéfique de la miansérine sur l’humeur et le sommeil se fera sentir au bout de 2 et 4 semaines.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Quelques troubles intestinaux (diarrhées, ballonnements) peuvent apparaître avec les formes concentrées de CNO.

• Une somnolence diurne, une augmentation des transaminases, l’apparition d’œdèmes sont les effets secondaires les plus fréquents avec miansérine.

• Des troubles cutanés (prurit, érythème, éruptions) peuvent survenir avec le cholécalciférol.

• Une sensation de bouche sèche est possible avec le calcium.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• La consommation de CNO de manière fractionnée (en 4 à 5 fois) limite la survenue de ballonnements abdominaux.

Il est important de déconseiller la consommation d’alcool pour ne pas majorer l’effet sédatif de la miansérine.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• Une prise de poids trop rapide (1 kg en 3 jours) et la survenue d’œdèmes des membres inférieurs marqueraient un syndrome de renutrition inapproprié (quoique peu probable chez Mme V.) et imposeraient une consultation rapide.

• L’apparition d’une fièvre ou de signes infectieux nécessite un contrôle rapide de l’hémogramme en raison d’un risque d’agranulocytose lié à la miansérine, rapporté en particulier chez les personnes de plus de 65 ans. Une modification du comportement avec l’émergence d’idées suicidaires liée à une levée d’inhibition (notamment en début de traitement) impose aussi une consultation rapide.

Conseils complémentaires

• Du fait de la fracture du poignet, le pharmacien indique qu’il est possible de faire intervenir une aide à domicile aux heures des repas. Mais la fille de Mme V. précise qu’elle sera là pour l’aider à préparer les repas ou à couper la viande.

• Le pharmacien donne aussi des conseils pour enrichir les plats avec des produits divers : poudre de lait, lait entier, poudre de protéines, fromages (gruyère, crème de gruyère, etc.), crème fraîche, œufs, jambon.

• Il insiste sur l’importance d’une bonne hydratation : 1 à 1,5 litre/jour d’eau ou de liquides (tisane, bouillon, etc.). Ne pas attendre la sensation de soif.

CONSEILS ASSOCIÉS

Accompagner le patient

Pour prévenir les complications liées à la dénutrition, il est nécessaire de lutter contre les idées reçues pour la dépister et la prendre précocement en charge. Les conseils nutritionnels et ceux concernant les modes d’utilisation des CNO favorisent l’adhésion du patient et améliorent la prise en charge.

LA DÉNUTRITION VUE PAR LE PATIENT

• Souvent banalisée, la dénutrition est sous-estimée par le patient et son entourage. Elle est davantage perçue comme une fatalité ou un symptôme (associé à une autre pathologie) que comme une maladie à part entière. Elle est alors difficile à accepter par le patient, ce qui retarde sa prise en charge.

• D’apparition silencieuse, elle est généralement associée à une image de maigreur, ce qui rend son dépistage particulièrement difficile chez les patients en surpoids.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la dénutrition

• Informer les patients et leur entourage des effets pathologiques de la dénutrition (difficulté de cicatrisation, plus grande vulnérabilité face aux infections, risque de chute, etc.), notamment en cas de maladie sous-jacente.

• Etre vigilant quant au risque de dénutrition lors de certaines situations (veuvage, isolement, difficultés financières, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, régimes restrictifs, candidose oropharyngée, etc.). Toute perte de poids non volontaire chez une personne en surpoids doit alerter.

A propos de la surveillance Surveillance du poids

• Afin de dépister la dénutrition, il est important qu’un patient âgé soit pesé à chaque consultation médicale.

• Le patient dénutri pris en charge à domicile doit quant à lui se peser 1 fois par semaine ou tous les 15 jours.

Surveillance buccodentaire

Il est important de veiller au bon état buccodentaire, de soigner les dents abîmées, d’appareiller si nécessaire et d’adapter les prothèses en cas de perte de poids importante.

Surveillance des apports nutritionnels

• Lutter contre les idées reçues du type « en vieillissant, on a besoin de moins manger ». Avec l’âge, les besoins en pro­téines, mais aussi en certains minéraux et vitamines sont au contraire plus importants. Pour compenser l’augmentation des besoins, rappeler la nécessité de consommer 3 à 4 produits laitiers par jour et des protéines (viande, poisson ou œufs) 1 à 2 fois par jour. Les apports hydriques doivent être au minimum de 1 litre/jour, sans attendre la sensation de soif.

• Adapter la texture des aliments (hachée, moulinée, mixée ou liquide) aux capacités de mastication et de déglutition du patient.

• Fractionner les prises alimentaires et prévoir 1 ou 2 collations dans la journée.

• Eviter les périodes de jeûne nocturne trop longues.

• Prévoir une aide au repas pour remédier aux problèmes d’organisation (portage de repas équilibrés) ou une aide médicale pour corriger les troubles praxiques et de la déglutition. Des séances de rééducation spécifiques par un kinésithérapeute ou un orthophoniste peuvent être envisagées.

A propos des traitements

La prise en charge de la dénutrition est d’autant plus efficace qu’elle est précoce.

Enrichissement alimentaire

• Les densités caloriques et protidiques doivent être augmentées sans augmenter les portions. Pour cela, il est possible d’enrichir les repas par des produits riches en protéines (fromage râpé, œuf, jambon haché) ou en énergie comme l’huile, le beurre, le fromage râpé, la crème fraîche, etc.

• Penser aux équivalences protéiques entre aliments pour varier l’alimentation (voir encadré ci-contre).

Compléments nutritionnels oraux (CNO)

• Il est important de varier les propositions de texture et de saveurs pour éviter toute lassitude qui conduirait à un abandon du traitement.

• Les CNO peuvent être proposés en collation (attendre 2 heures entre leur prise et le repas). Pendant les repas, ils doivent être présentés comme un complément, pour le dessert par exemple, mais ils n’ont pas vocation à remplacer l’alimentation classique.

• Faire preuve d’imagination : intégrer la boisson lactée au petit-déjeuner, en particulier les saveurs café ou chocolat, éventuellement tiédies. Les préparations lactées peuvent aussi servir aux préparations culinaires : lacté vanille, pour réaliser un flan instantané ; lacté goût neutre, pour faire une béchamel.

Nutrition artificielle

• En cas de nécessité de nutrition artificielle, la nutrition entérale doit être privilégiée à la parentérale, car elle préserve la fonction digestive.

• La nutrition entérale est indiquée en cas d’échec de la nutrition orale ou de dénutrition sévère. Elle peut aussi l’être en cas de troubles sévères de la déglutition quand la modification de texture ou de viscosité des liquides n’est pas suffisante pour permettre l’absorption d’une alimentation couvrant les besoins nutritionnels et hydriques.

• C’est la technique de renutrition qui fait le plus peur aux patients et à l’entourage. Pour faciliter son acceptation, il faut faire attention au vocabulaire utilisé. Le terme « sonde de gavage », par exemple, doit être abandonné au profit de « sonde d’alimentation ».

• En cas d’atteinte cutanée (rougeur sur les ailes du nez ou les pommettes), il est conseillé de changer le côté de fixation de la sonde, de ne pas toujours la poser sur l’oreille.

A propos des aides socialesStructures locales

Les centres communaux d’action sociale (CCAS) municipaux et les centres locaux d’information et de coordination (Clic), permettent d’attribuer des aides spécifiques aux personnes âgées ou handicapées pour faciliter une prise en charge à domicile.

Prise en charge financière

Allocation personnalisée d’autonomie (APA), aide sociale départementale et aide des caisses de retraite et de certaines mutuelles peuvent également être sollicitées.

SARCOPÉNIE ET DÉNUTRITION DU SUJET ÂGÉ

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

OUI, cependant, une planification des différentes prises est nécessaire. La lévodopa entre en compétition avec les protéines alimentaires, ce qui en diminue l’absorption. Il est donc important de dissocier les prises. Celles de Modopar sont réparties toutes les 4 heures au cours de la journée (soit à 8 h, 12 h, 16 h, 20 h) et sont à prévoir une demi-heure avant le repas. Clinutren sera pris vers 10 h (à 2 heures de distance du repas) et vers 15 h. Si M. P. n’arrive pas à le boire en une seule fois, il peut fractionner les prises en les espaçant d’au moins une demi-heure de celles du Modopar.

NON. Un patient hémodialysé présente une majoration des besoins protéiques (1,2 g/kg/jour). Chez Mme C., les compléments nutritionnels standards sont indiqués pour apporter une supplémentation énergétique et protéique, mais le volume (600 ml par jour) paraît trop important dans le condiv d’hémodialyse puisqu’il est nécessaire de contrôler les apports hydriques. Le pharmacien doit contacter le médecin. Tout en respectant les apports caloriques et énergétiques, il est préférable de proposer des formes liquides concentrées, semi-solides (crème dessert, compote, yaourt, etc.) ou solides (petits pains, madeleines, purée de légumes, etc.) pour limiter la surcharge hydrique.

OUI. Chez le patient obèse, le diagnostic de dénutrition repose sur la perte de poids (- 12 kg en 6 mois, soit plus de 10 % du poids initial) et non sur l’IMC. Il faut expliquer à Mme B. que même si son époux présente un excès de masse grasse, il a perdu de la masse maigre (masse musculaire), ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé (fatigue et risque de chute, déficit immunitaire, risque d’infections respiratoires et urinaires, etc.). Il faut en outre donner des conseils nutritionnels adaptés au cas de M. B. : éviter de manger des aliments trop énergétiques, choisir des protéines peu caloriques (viande, poisson, œuf, fromage blanc, poudre de lait écrémé et de protéines), pratiquer une activité adaptée régulière pour renforcer l’efficacité des mesures diététiques.

LES CHIFFRES

• La dénutrition concerne 4 à 10 % des personnes âgées vivant à domicile, 15 à 38 % de celles placées en institution et jusqu’à 70 % des personnes âgées hospitalisées.

• 40 % des hospitalisations du sujet âgé sont dues aux conséquences de la dénutrition.

• 25 % des sujets de plus de 70 ans et 40 % des plus de 80 ans sont concernés par la sarcopénie.

• Selon une étude réalisée entre novembre et décembre 2020 auprès de personnes âgées bénéficiaires de l’aide à domicile : 57,4 % d’entre elles sont porteuses de prothèse dentaire, 34 % souffrent de troubles digestifs, 7 % ne consomment que 1 à 2 repas par jour, 86 % n’utilisent que 3 composants dans leur dîner.

L’ESSENTIEL

- A elle seule, la sarcopénie représente un facteur de vulnérabilité chez le sujet âgé, qui reste à ce jour sous-estimé.

- Elle est aggravée par la dénutrition, mais peut s’observer chez une personne âgée bien portante.

- De nombreux facteurs sont à l’origine d’une dénutrition chez le sujet âgé, en particulier la polypathologie et la polymédication.

- Non prise en charge à temps, la dénutrition fait émerger des comorbidités (infections, escarres, etc.) et peut mener à un état grabataire, voire au décès.

POINT DE VUE

« Il est possible de récupérer de la masse musculaire. Une plus large utilisation du questionnaire SARC-F permettrait d’améliorer le dépistage de la sarcopénie, qui reste sous-estimée »

PR STÉPHANE SCHNEIDER, gastro-entérologue, vice-président de la Société francophone nutrition clinique et métabolisme (SFNCM)

La sarcopénie est-elle un problème sous-évalué ?

La sarcopénie reste sous-estimée parce que cette pathologie n’est décrite que depuis 30 ans et qu’il n’y a pas de traitement médicamenteux pour la prendre en charge. Toutefois, son diagnostic est plus aisé qu’il y a quelques années car, avant, on se fondait uniquement sur la masse musculaire. Il fallait donc impérativement mettre en évidence une perte de masse musculaire par l’anthropométrie ou des examens complémentaires, ce qui pouvait s’avérer imprécis ou difficile. Depuis que la définition de la sarcopénie a été revisitée et repose avant tout sur la perte de force, le diagnostic est en pratique clinique plus accessible. L’utilisation du questionnaire SARC-F permet le dépistage et le test au dynamomètre, le diagnostic. Améliorer le dépistage pourrait passer par une plus grande utilisation du questionnaire SARC-F, en le mettant à disposition dans les officines et chez les médecins traitants.

Est-ce qu’une personne âgée peut récupérer sa masse musculaire ?

La perte de muscle n’est pas inéluctable. On peut récupérer de la masse musculaire. Assurer, via l’alimentation, un apport protéique suffisant chez la personne âgée sarcopénique (1,2 g/kg/j) et pratiquer des exercices physiques contre résistance (comme le lever de poids notamment) permet d’améliorer la masse, la force et la fonction musculaires. Mais tout dépend si la sarcopénie est primitive (seulement liée au vieillissement) ou secondaire à une autre pathologie (comme un cancer, une maladie de Parkinson, une polyarthrite rhumatoïde, etc.). Dans ce cas, il est plus difficile de regagner ce qui a été perdu.

Sachant que pour le Glim la limite normale de l’IMC chez un sujet âgé est plus élevée que selon la HAS (22 contre 21), sur quels critères vous appuyez-vous pour le diagnostic ?

Les critères du Glim sont plus récents, cependant nous sommes tenus à l’hôpital, pour des raisons de codage et donc de contrôles par la Sécurité sociale, de respecter les critères de la HAS, qui restent pour l’instant les normes reconnues en France. Mais il faut tout de même savoir qu’en France l’IMC médian est à 25 ! Or, on peut être en surpoids et dénutri. C’est donc en réalité rare de faire reposer un diagnostic de dénutrition sur la valeur de l’IMC. Le plus important, c’est la notion de perte de poids. Il est donc primordial de pouvoir se référer à un poids antérieur de référence. C’est pourquoi il faut peser le sujet âgé à chaque consultation médicale.

INDICE DE MASSE CORPORELLE (IMC)

Rapport du poids (exprimé en kilogramme) sur la taille (exprimée en mètre) au carré. Chez l’adulte, il est normalement compris entre 18,5 et 25 kg/m2. Chez un sujet âgé, la limite inférieure de la normalité est fixée à 21 selon la HAS. Pour calculer l’IMC, il faut, si possible, mesurer la taille du sujet en position debout avec une toise. Si cela est impossible, il existe des formules (dites de Chumlea) permettant d’estimer la taille du sujet à partir de la mesure talon-genou.

MINI-NUTRITIONAL ASSESSMENT (MNA)

Questionnaire d’évaluation permettant d’identifier les personnes âgées dénutries ou à risque de dénutrition. Il existe une version longue réalisable (MNA G ou global) avec un score maximal de 30 points, fondée sur 18 items relatifs à l’état psychologique, physique, à la motricité ou aux habitudes alimentaires du patient, et une version courte en six items (MNA SF ou short form). La HAS ne reconnaît que la version longue pour le diagnostic de dénutrition.

QUESTIONNAIRE SARC-F

Strength, Assistance with walking, Rising from chair, Climbing stairs and Falls questionnaire, qui évalue la difficulté à porter 4,5 kg, à traverser une pièce, à se lever d’une chaise, à monter 10 marches et qui prend en compte le nombre de chutes dans l’année.

DYNAMOMÈTRE

Appareil utilisant un ressort dont la raideur, connue, permet d’évaluer de façon fiable et reproductible l’intensité de préhension.

PRISE EN CHARGE DE LA SARCOPÉNIE

- Il n’existe pas de recommandations de prise en charge de la sarcopénie mais des préconisations issues de différentes études, reposant sur la combinaison de moyens nutritionnels (apports protéiques de 1 à 1,2 g/kg/jour) et d’exercices physiques.

- Une activité physique même modérée présente un effet bénéfique. Les dernières études montrent que les exercices d’endurance (marche, natation, vélo, etc.) doivent être associés à des exercices contre résistance (aquagym avec poids, renforcement musculaire, notamment). Un minimum de 150 minutes/semaine de pratique d’une activité physique adaptée à l’état du patient est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

- La leucine, contenue dans les protéines de lactosérum (petit-lait) ou dans certaines poudres (Protipulse), est l’acide aminé qui stimule le plus efficacement la synthèse protéique en période postprandiale. Néanmoins, son efficacité n’a pas été démontrée à long terme.

- La vitamine D (à concentration plasmatique supérieure à 30 ng/ml) permettrait, selon certaines études, de maintenir une contraction musculaire efficace et d’améliorer la vitesse de marche.

Des études montrent qu’un apport en acides oméga 3 associé à de l’activité physique permet de limiter l’impact de l’inflammation chronique sur la fonte musculaire.

PRESCRIPTION ET DÉLIVRANCE DES COMPLÉMENTS NUTRITIONNELS ORAUX (CNO)

Prescription initiale : depuis le 1er juin 2019, la prescription initiale des produits pour complémentation nutritionnelle orale est limitée à 1 mois. En fonction du condiv, le médecin réévalue l’observance dès la première semaine en cas de dénutrition sévère ou lorsque les apports sont fortement diminués. Dans les autres cas, une évaluation à 15 jours est préconisée.

Renouvellement : les renouvellements de prescription sont possibles pour une durée de 3 mois au maximum.

Délivrance : la délivrance de la prescription initiale est fractionnée à 10 jours avec les produits les plus adaptés à l’état du patient (sans lactose, avec ou sans fibres, avec ou sans gluten, texture épaissie sous forme de crème, etc.). Au terme de ces 10 jours, le pharmacien évalue l’observance et la tolérance au traitement. Cette évaluation permet d’analyser les éventuels freins à la prise des CNO (lassitude, aversion des produits lactés, volume à boire trop important, etc.) et d’adapter - dans la mesure des apports prévus par la prescription - le complément qui reste à délivrer aux préférences du patient (textures, arômes, sucrés, salés, lactés ou non, etc.).

PROTÉINE À HAUTE VALEUR BIOLOGIQUE

Protéine contenant tous les acides aminés essentiels (leucine, isoleucine, valine, thréonine, méthionine, phénylalanine, tryptophane et lysine) nécessaires et en quantité suffisante pour couvrir les besoins de l’organisme.

ADDFMS

Selon un arrêté du 20 décembre 2000, « les ADDFMS représentent une catégorie d’aliments destinés à une alimentation particulière, qui sont spécialement traités ou formulés et destinés à répondre aux besoins nutritionnels des patients et qui ne peuvent être utilisés que sous contrôle médical ».

POINT DE VUE

« Il ne faut pas hésiter à goûter soi-même les CNO pour les proposer plus facilement »

MÉLISSA PHILIS, diététicienne nutritionniste à Sarrians (Vaucluse)

D’après votre expérience, quelles sont les situations les plus fréquemment à risque de dénutrition chez le sujet âgé ?

La perte ou l’hospitalisation du conjoint (ou celle du sujet lui-même) sont fréquemment à l’origine de dénutrition. Et en novembre et décembre derniers, j’ai observé un certain nombre de dénutritions liées au Covid-19. Dysgueusies et anosmie provoquent une diminution de l’appétit. Dans le cas de Covid longs, avec des complications sur plusieurs mois, la HAS a émis un protocole d’exercices de rééducation olfactive*, mais ce programme nécessite d’accompagner les personnes âgées. Ces exercices (consistant à sentir du café, du curry, du vinaigre, de la cannelle, des huiles essentielles, etc.), dont la fréquence recommandée est de 2 fois par jour, ne sont pas difficiles en eux-mêmes, mais pour une personne âgée seule, fragilisée et affaiblie, cela peut s’avérer compliqué de s’y astreindre si personne ne les y encourage.

Quels conseils pratiques un pharmacien peut-il donner pour améliorer l’acceptabilité et l’observance des CNO ?

La plupart des patients se sentent vite écœurés et rassasiés par les CNO. C’est pourquoi il faut fractionner l’administration et les servir frais. Souvent les boissons aromatisées aux fruits sont mieux acceptées. Mais elles sont moins protéinées (300 Kcal pour 8 g de protéines). Concernant les préparations lactées, il faut pouvoir faire tester plusieurs parfums. Des produits de forme, de texture et de saveur identiques ont des goûts différents selon le laboratoire fabricant. Ainsi, ce n’est pas, par exemple, parce qu’un patient n’a pas aimé un CNO à la vanille goûté à l’hôpital qu’il n’appréciera pas un CNO à la vanille d’une autre marque. Il ne faut pas hésiter à goûter soi-même les CNO pour avoir moins d’a priori et plus de facilité à les proposer. Les variantes salées ou celles sous forme de biscuits fourrés sont aussi une alternative. Par ailleurs, les CNO peuvent s’intégrer dans des préparations culinaires. Les laboratoires proposent d’ailleurs des livrets de recettes à cet effet, mais cela peut nécessiter que la personne âgée soit aidée dans la confection du repas. Enfin, les crèmes desserts peuvent être mises au congélateur pour faire des glaces.

* « Les troubles du goût et de l’odorat au cours des symptômes prolongés de la Covid-19 », méthode réponse rapide, 10 février 2021.

L’ESSENTIEL

- Une prise en charge précoce de la dénutrition est plus efficace.

- La stratégie repose sur le statut nutritionnel du patient et ses apports alimentaires.

- Dans un premier temps : préconisations diététiques et enrichissement alimentaire, complétés, en cas d’échec ou d’apports très diminués, de CNO.

- En cas d’échec ou de dénutrition sévère avec des apports alimentaires très diminués, une nutrition entérale est envisagée.

QU’EN PENSEZ-VOUS ?

La fille de Mme V. demande des précisions sur le mode de conservation des CNO. Après ouverture, ils se conservent :

A - 24 heures au réfrigérateur

B - 6 heures au réfrigérateur

C - 2 heures à température ambiante

D - 6 heures à température ambiante

E - La question est sans objet, les CNO doivent être consommés immédiatement et ne se conservent pas après ouverture

Réponse : les CNO sont conservés à température ambiante avant ouverture et pendant 24 heures au réfrigérateur après ouverture. Il est cependant possible de les laisser 2 heures en dehors du réfrigérateur après ouverture. Réponses A et C.

SYNDROME DE RENUTRITION INAPPROPRIÉ

Manifestations cliniques (comme des œdèmes) et troubles hydroélectrolytiques observés à la renutrition de patients dénutris ou ayant subi un jeûne prolongé (au moins 5 jours). Le risque est majoré en cas d’alcoolisme, de chimiothérapie, de traitement par certains médicaments (insuline, diurétique, antiacide).

QUESTION DE PATIENT

« Mon père est diabétique. Je suppose que les compléments alimentaires sont très sucrés et ne sont pas adaptés à son régime ? »

« Il existe des compléments nutritionnels qui présentent un indice glycémique bas pour les besoins spécifiques des patients diabétiques. Votre père devra toutefois surveiller régulièrement sa glycémie, surtout dans les premiers jours de traitement, et son traitement pourra être adapté si besoin. »

QUESTION DE PATIENT

« Si ma femme boit toute sa boisson lactée à 10 h, elle n’a plus faim au moment du déjeuner ! »

« Le but est de garder une alimentation normale, votre femme doit donc conserver son repas à midi. Pour ne pas couper l’appétit, elle peut boire la moitié de sa boisson et conserver le reste au réfrigérateur pour la terminer plus tard, lors d’une collation à 16 h ou à 22 h par exemple. Si la boisson n’est pas consommée dans les 24 heures elle devra être jetée. »

L’ESSENTIEL

- La dénutrition est une maladie sous-estimée à la fois par le patient et son entourage.

- Les troubles buccodentaires, les problèmes psychosociaux et certaines pathologies sont considérés comme des situations à risque de dénutrition.

- Si l’enrichissement de l’alimentation n’est pas suffisant, des CNO peuvent être proposés.

- Varier textures et goûts des CNO pour éviter la lassitude et favoriser l’observance.

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