Nouveaux tests sérologiques, pour quelle logique ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3370 du 22/05/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3370 du 22/05/2021
 
DIAGNOSTIC DU SARS-COV-2

EXPERTISE

AUTOUR DU MÉDICAMENT

Auteur(s) : Yves Rivoal

Au printemps 2020, alors que la France était confinée, une première génération de tests sérologiques a été un temps utilisée à des fins de diagnostics rétrospectifs et de rattrapage du Covid-19. Avant de disparaître du paysage. La mise sur le marché d’une seconde génération de tests à effectuer en laboratoire pourrait remettre la sérologie dans la partie.

A la différence des tests sérologiques de première génération qui reconnaissaient la trace d’une primo-infection, mais pas les anticorps issus d’une vaccination, ces nouveaux tests se distinguent par une sérologie tout-terrain capable d’identifier les anticorps d’origine infectieuse et vaccinale », explique en préambule Michel Sala, responsable des affaires médicales de Cerballiance, un réseau qui fédère près de 450 laboratoires d’analyses médicales. « La nouvelle génération de tests d’immunoglobulines G (IgG) permet effectivement de quantifier, dans le sang prélevé sur des personnes susceptibles d’avoir été infectées par le Sars-CoV-2, le taux d’IgG qui ciblent les anticorps dirigés contre le receptor binding domain (RBD) de la protéine S, principale cible des vaccins disponibles et en cours de développement », confirme Isabelle Boudon, porte-parole d’Abbott France.

Pour Astrid Vabret, virologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen (Calvados) et membre du conseil scientifique de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) - maladies infectieuses émergentes, ces tests sérologiques Anti-S ont une première vertu. « Ils vont nous permettre, dans les études de séroprévalence, de différencier plus finement les personnes chez qui on détecte des anticorps Anti-N dirigés contre la protéine interne et des anticorps Anti-S et celles qui n’ont généré que des Anti-S. Les premières ont été infectées par le virus, les secondes ont été vaccinées. Ces données sont très importantes pour évaluer le degré d’immunité collective au sein d’une population. » « Et l’Organisation mondiale de la santé ayant publié au mois de décembre dernier un standard international, nous disposons désormais de nouveaux réactifs Anti-S titrés qui donnent une dimension quantitative à ces tests, avec des résultats qui seront comparables entre pays et entre laboratoires, ces derniers étant progressivement en train de se caler sur ce standard », ajoute Michel Sala.

Pas infaillible

Pour ce qui est de la dimension quantitative de ces tests, Astrid Vabret incite à la prudence. « Les recherches menées un peu partout dans le monde afin de déterminer la quantité d’anticorps à posséder pour être protégé sont toujours en cours. Et même si l’on parvient à définir un taux référent sur le plan international, celui-ci ne sera pas infaillible puisque nous ne connaissons pas encore les variations interindividuelles, qui peuvent être très importantes. Par ailleurs, tous les tests ne se valent pas. Certains sont très bons, d’autres peu fiables en matière de performances analytiques. »

La perspective de disposer prochainement d’un corrélat de protection pourrait toutefois ouvrir de nouvelles perspectives. « Grâce à ces tests, nous pourrons déterminer chez un patient ayant déjà été en contact avec le virus s’il n’a besoin que d’une seule dose de vaccin en fonction du taux d’anticorps neutralisants déjà présents dans son organisme, souligne Astrid Vabret. Le souci est que l’on ne sait pas aujourd’hui s’il faudra protéger les gens contre les réinfections. Si ces dernières entraînent des formes bénignes et asymptomatiques, et permettent en plus de booster l’immunité, nous pourrons alors adapter la stratégie vaccinale en la concentrant sur les populations les plus fragiles, comme pour la grippe. Mais, à l’heure actuelle, il est beaucoup trop tôt pour tirer des plans sur la comète. » Le recours aux tests sérologiques intéresse aussi les personnes immunodéprimées sévères dont les réponses aux schémas vaccinaux classiques sont insuffisantes. « En fonction du taux d’anticorps présents dans leur organisme, elles pourront se voir administrer une troisième dose voire une quatrième, ou des rappels réguliers », note Michel Sala.

Sur le plan sociétal, les tests pourraient être mis à contribution, notamment dans le pass sanitaire que le gouvernement souhaite introduire à partir de juin pour accéder à certains événements culturels et sportifs. « L’entrée pourrait effectivement être conditionnée à la présentation d’un test sérologique récent prouvant que vous avez un certain taux protecteur d’anticorps, ce principe pouvant aussi être appliqué aux voyageurs internationaux désireux d’entrer dans un pays », souligne Michel Sala. Pour Astrid Vabret, l’intérêt de ces tests dans la mise en place de ces passeports sanitaires sera toutefois limité dans le temps. « Lorsqu’une grande majorité de la population possédera des anticorps à la suite d’une infection naturelle ou d’une vaccination, j’espère que l’on ne donnera pas aux chiffres des valeurs qu’ils n’ont pas, et que l’on ne va pas non plus les surinterpréter. Imaginons que le corrélat de protection soit fixé à 1 000 unités/ml : est-ce que l’on va empêcher les gens qui auront 990 unités d’assister à un concert parce qu’il leur manque 10 unités ? », s’interroge la virologue, qui rappelle également que « de façon générale, avoir une sérologie positive ne signifie pas que vous êtes protégé. Et à l’inverse, une sérologie négative ne prouve pas que vous ne l’êtes pas, les anticorps ne constituant pas la seule protection contre le virus. L’organisme fabrique aussi, en cas d’infection, une mémoire immunitaire cellulaire que l’on ne sait pas doser. »

Anticipation

Michel Sala estime que ces nouveaux tests sérologiques pourraient enfin contribuer à anticiper le risque de chronicisation de cette pandémie. « Si l’on fait l’analogie avec l’hépatite B, les dialysés et les professionnels de santé sont régulièrement suivis en tant que personnes à risque, et dès que leur taux d’anticorps tombe sous le seuil de protection, on leur fait un rappel. » Ce risque de chronicisation est toutefois peu probable, d’après Astrid Vabret. « Jusqu’à présent, il n’existe pas d’exemple de virus responsable en même temps d’une infection aiguë et d’une pandémie chronique. Lorsque l’on regarde les autres coronavirus apparus dans la population humaine depuis des siècles, il y a toutes les chances pour qu’une fois installé le Sars-CoV-2 prenne un rythme saisonnier, comme la grippe, avec une pathogénicité qui s’atténuera avec le temps. »

Malgré toutes leurs promesses, les tests sérologiques de seconde génération peinent à décoller en France. « Alors qu’en Italie la sérologie quantitative Anti-S est intégrée dans le plan stratégique vaccinal, les dosages étant effectués immédiatement avant la vaccination et après un, six et 12 mois, note Isabelle Boudon. Et aux Emirats arabes unis, les personnes deux fois vaccinées qui présentent un taux d’anticorps trop faible sont invitées à recevoir une troisième injection. »

Pour Michel Sala, le retard pris par la France est probablement lié au côté restrictif de la première recommandation de la Haute-Autorité de santé (HAS). « Celle-ci a été formulée il y a un an, et visait clairement à freiner l’utilisation de cet outil de peur qu’il ne soit mal utilisé. Un an plus tard, les connaissances ont progressé et les technologies sont plus fiables. On peut donc espérer que la V2 de cette sérologie s’intégrera dans l’arsenal de diagnostic du Sars-CoV-2. » Sollicitée, la HAS a indiqué avoir commencé à travailler sur l’actualisation de sa première recommandation, mais sans pouvoir s’avancer sur un calendrier…

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