Les effets indirects du Covid-19 sur les prix des officines

L’analyse de la structure du chiffre d’affaires (CA) et de son évolution sur les trois dernières années et les 12 derniers mois est indispensable quand on est acheteur. Sans volonté de frauder de la part du vendeur, il est des CA extrêmement volatils qu’il convient de retrancher de celui pris en compte pour la valorisation du fonds et la détermination du prix de cession. « On extrait habituellement du CA la fourniture d’une maison de retraite, d’une collectivité, une activité liée à l’intuitu personae du cédant, car la clientèle représentative d’un contrat est par définition non captive, explique Mathéa Quercy, expert-comptable du cabinet Quercy. De même, nous retraitons les chiffres en excluant un CA à l’export, regardons de près le CA des médicaments chers et son évolution d’une année sur l’autre. »

Depuis plusieurs années, le détail du CA réalisé avec ces médicaments issus de la réserve hospitalière est à faire déclarer dans les actes de vente. Recourir à l’isolement du CA et des marges permet en effet de comprendre les composantes du CA total, de relever d’éventuelles anomalies et d’apporter des actions correctrices.

Et depuis un an, ce travail de retraitement du CA s’intensifie encore. Sous l’effet de la crise sanitaire, les indicateurs de CA et de marge pour une majorité d’officines, essentiellement de proximité, ont évolué positivement. Les pharmacies orientées vers les services et le soin des patients sont celles qui ont le mieux performé. « Une pharmacie cliente de notre cabinet, réalisant 3 M€ de CA, est sur une tendance à 50 000 € de CA “tests antigéniques”. Dans le cadre d’une transaction, ce CA devra être extrait car on ne peut le considérer comme pérenne », illustre Mathéa Quercy. Un pharmacien cédant aujourd’hui son officine, qui a augmenté ses performances grâce à la vente de masques, de gels hydroalcooliques, à la réalisation des tests antigéniques peut avoir du mal à entendre que ce CA additionnel ne peut pas être pris en compte dans la valorisation de son officine et qu’il doit revoir ses prétentions à la baisse. « Ce message est en effet difficile à faire passer aux vendeurs », souffle-t-elle.

Une fracture des prix accrue

La crise a été révélatrice de nouveaux comportements pendant les confinements, privilégiant la proximité, créant ainsi des opportunités commerciales et médicales (soins, services au patient), à l’origine d’une redistribution des flux de clientèle entre pharmacies de passage et de proximité. « Pendant la crise, des officines ont également capté la clientèle d’autres circuits (parapharmacies, parfumeries, etc.), ont saisi cette opportunité pour conquérir de nouveaux marchés et proposer des compléments d’offres, constate Mathéa Quercy. Ces officines représentent un terreau fertile pour des acquéreurs qui les rachètent sur une bonne dynamique. Si elles ont la taille critique (plus de 2 M€ de CA), les survalorisations peuvent aller jusqu’à 100 % du CA HT pour des pharmacies de 2,5 M€ à 3 M€. »

En revanche, si la pharmacie fait moins de 1,5 M€, n’a pas le personnel suffisant pour développer des services, n’a rien mis en œuvre pour conserver cette nouvelle clientèle et le CA acquis pendant la crise, elle se retrouvera dans la même situation qu’avant, tant en matière de valorisation que d’attrait pour les acquéreurs. Moralité : « Le Covid-9 renforce les écarts de prix entre les pharmacies sans perspectives de développement et celles axées sur les services. »