En avril, ne te découvre pas (ni après) - Le Moniteur des Pharmacies n° 3366 du 24/04/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3366 du 24/04/2021
 
MESURES BARRIÈRES

EXPERTISE

AUTOUR DU MÉDICAMENT

Auteur(s) : Yves Rivoal

Même vacciné, il faudra continuer de porter le masque et de respecter les gestes barrières tant que la circulation du virus ne sera pas sous contrôle. Pour se protéger soi et pour protéger les autres. Voici pourquoi.

Maintenant que je suis vacciné, est-ce que je peux enlever le masque ? » Cette question, les patients vous la posent probablement au comptoir. Et le message à faire passer en guise de réponse en décevra plus d’un. Les personnes vaccinées doivent en effet toujours respecter les gestes barrières, comme l’explique Jean-Claude Manuguerra, virologue et responsable de l’unité environnement et risques infectieux à l’Institut Pasteur (Paris). « D’abord, parce qu’elles font partie d’une heureuse minorité, le taux de couverture vaccinale en France avoisinant 20 %. Ensuite, parce que la plupart n’ont reçu qu’une seule dose. Or, pour bénéficier d’une protection maximale, il en faut deux. Avant la seconde injection, on peut donc être contaminé. » Le Pr Yves Buisson, épidémiologiste et président du groupe Covid-19 de l’Académie nationale de médecine, pointe, lui, un autre risque. « Si les vaccins actuellement disponibles affichent une efficacité élevée contre la maladie, entre 70 et 90 %, les premières estimations concernant le taux de protection contre l’infection laissent à penser qu’il serait de moins de 50 %. Autrement dit, même si cela n’a pas encore été démontré scientifiquement, lorsque l’on est vacciné, on peut être contaminé de manière asymptomatique et être contaminant. »

Retrouver un R sain

Pour délaisser le masque et reprendre une vie normale, un certain de nombre d’indicateurs devront être réunis. « Il faudra d’abord que le fameux R tombe en dessous de 1 de façon stable et partout en France, estime le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. Mais pour arriver à cette fameuse immunité de groupe, il sera nécessaire de vacciner une fraction très importante de la population. » Dans ses modélisations, l’Institut Pasteur indique qu’il faudrait que plus de 90 % des adultes le soient avant d’envisager un relâchement complet des mesures de contrôle. Ce niveau élevé, qui sera très difficile à atteindre, amène l’institut à poser la question de la vaccination des plus jeunes. « S’il est démontré que les vaccins sont sûrs chez les enfants et qu’ils réduisent efficacement la susceptibilité à l’infection dans cette population, la vaccination de 60 à 69 % des 0-64 ans et de 90 % des plus de 65 ans pourrait permettre le relâchement complet des mesures de contrôle. »

D’autres grains de sable pourraient venir gripper la machine. A commencer par les variants. « On a vu ce qui s’est passé au Brésil et en Afrique du Sud où une grande partie de la population avait déjà contracté l’infection de manière naturelle et était donc immunisée, rappelle la virologue Mylène Ogliastro, vice-présidente de la Société française de virologie. La circulation importante de virus portant de nombreuses mutations a entraîné la sélection de variants plus transmissibles, capables de contourner la réponse immunitaire induite par l’infection naturelle, et d’opposer potentiellement davantage de résistance aux vaccins. Une campagne de vaccination trop lente pourrait nous exposer à ce genre de scénario. » Pour Yves Buisson, il faudra peut-être même réactiver l’immunité postvaccinale pour la réorienter vers la spécificité antigénique des variants. « L’annonce faite par le président de Pfizer quant à l’hypothèse d’une troisième injection de rappel, pour assurer une meilleure protection contre les souches sud-africaines et brésiliennes, va d’ailleurs dans ce sens », assure-t-il.

La seconde incertitude concerne la durée de protection des vaccins. « Sur ce point, nous manquons de recul, rappelle Alain Fischer. Les premières informations communiquées par Pfizer semblent indiquer que la protection persiste six mois après la vaccination, ce qui constitue une très bonne nouvelle. » La perméabilité des frontières constitue un autre risque, qui semble d’ailleurs enfin avoir été pris en compte, le gouvernement ayant décidé d’instaurer une quarantaine de 10 jours pour les voyageurs en provenance du Brésil, d’Argentine, du Chili, d’Afrique du Sud et de Guyane. Pour Mylène Ogliastro, c’est une bonne chose. « Les contrôles aux entrées par des tests ou des mesures de quarantaine pour les voyageurs venant de pays à risque sont les seuls moyens que nous ayons pour limiter l’entrée des variants, rappelle-t-elle. La plupart des pays asiatiques ont adopté cette stratégie, les Israéliens, les Norvégiens et les Anglais aussi. Et cela fonctionne lorsque l’on fait porter le coût des tests et de l’isolement aux voyageurs. »

L’été en ligne de mire

Lorsqu’on leur demande quand sera atteinte cette fameuse immunité collective qui permettra de reprendre une vie normale, l’horizon des scientifiques diverge. « Au rythme où va la campagne de vaccination, si nous n’avons pas de problèmes d’approvisionnement en vaccins, nous devrions l’atteindre vers la fin de l’été », pronostique Alain Fischer. « Mais pour y parvenir, il faudra vacciner 500 000 personnes par jour, y compris le samedi et le dimanche, ajoute Yves Buisson. Or, jusqu’à présent, nous n’avons été capables de tenir ce rythme qu’un seul jour. » Le virologue Jean-Claude Manuguerra se veut, lui, un peu plus optimiste. « Sauf mauvaises surprises, j’espère que nous pourrons commencer à enlever les masques et revenir à une vie presque normale cet été. La campagne de vaccination commencera à porter ses fruits, et comme cette saison est moins propice aux infections respiratoires, la circulation virale ralentira probablement de manière significative. Cela étant dit, il faudra continuer de vacciner et ne pas abandonner complètement les gestes barrières. » Le relâchement très progressif des mesures de contrôle en quatre étapes envisagé par le gouvernement, avec une réouverture des terrasses des bars et restaurants et de certains lieux culturels le 15 mai, est plutôt bien accueilli. Le retour des élèves dans les écoles le 26 avril, dans les collèges et les lycées le 3 mai, ne fait, elle, pas l’unanimité. Alors qu’Yves Buisson soutient totalement le choix du gouvernement, la virologue Mylène Ogliastro se montre plus réservée : « Il me semblerait opportun de pratiquer des tests “flashs” à la rentrée, en particulier dans les régions à forte incidence, pour avoir une idée du niveau de circulation du virus. La vaccination des enseignants et la mise en place de mesures “hybrides” ou d’aménagements des classes devraient également être activées. Si ce n’est pas le cas, cela pourrait relancer les chaînes de transmission école-famille. En Angleterre, le nombre d’infections décroît dans tous les groupes d’âge, sauf celui des 12-16 ans et des 50-69 ans. »

Quel que soit le calendrier adopté, il ne faudra surtout pas relâcher la garde trop tôt, pour Yves Buisson. « Une surveillance active devra être mise en place afin de mesurer les effets de toutes ces mesures si l’on ne veut pas revivre le scénario de mai dernier. Il faudra donc non seulement continuer de respecter les gestes barrières, mais aussi maintenir les dispositifs de traçage et d’isolement, de contrôles et de quarantaine aux frontières, et poursuivre la vaccination à grande échelle pour venir enfin à bout de cette pandémie. Est-ce que le gouvernement se donnera les moyens de cette ambition ? Jusqu’à présent, cela n’a jamais été vraiment le cas », conclut le professeur.

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