Plateforme Vaccin Covid : ça crépite sur le réseau officinal - Le Moniteur des Pharmacies n° 3364 du 10/04/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3364 du 10/04/2021
 
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TEMPS FORTS

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : Yves Rivoal

L’autorisation probable d’administrer les vaccins de Moderna, de Janssen et de Pfizer/BioNTech devrait apporter un bon coup d’accélérateur à la campagne vaccinale en officine. Un détail pourrait toutefois ralentir la cadence : l’impossibilité d’automatiser la transmission des données sur la plateforme Vaccin Covid.

La campagne vaccinale anti-Covid-19 leur a déjà permis d’assurer, au 1er avril, plus de 300 000 injections. En même temps qu’ils la démarraient, les pharmaciens d’officine effectuaient leurs premières connexions sur la plateforme de téléservices Vaccin Covid. « A chaque injection, le pharmacien doit se connecter avec sa carte de professionnel de santé et remplir une dizaine de champs pour indiquer le numéro de Sécurité sociale du patient, confirmer son éligibilité à la vaccination, préciser le nom du vaccin, le numéro de lot, le bras dans lequel a été administrée l’injection…, égrène Alain Vanzella, président de Pharmasoft. Et comme, lors de la seconde injection, il faut refaire le même travail qui prend deux à trois minutes, les pharmaciens perdent finalement un temps précieux avec des tâches qui pourraient être automatisées via des API1, comme pour les tests antigéniques sur SI-DEP, certains opérateurs étant agréés pour le faire. » Le souci, c’est que la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), qui pilote Vaccin Covid, a retenu une autre stratégie. « L’Assurance maladie a opté pour une plateforme qui ne permet pas à ce jour d’interopérabilité via des API avec l’extérieur, regrette Guillaume Gobert, le cofondateur d’Ordoclic. Résultat : de plus en plus de pharmaciens nous demandent tous les jours de mettre en place des connexions automatisées à Vaccin Covid, et nous sommes obligés de leur répondre que cela n’est malheureusement pas possible. »

Pour soulager les équipes officinales, certains éditeurs ont imaginé des solutions alternatives. C’est le cas de Mesoigner.fr qui a conçu un petit assistant virtuel installé dans le back-office du module de prise de rendez-vous du pharmacien. « Cet outil récupère les données liées à la réalisation du vaccin et celles fournies par le patient dans le questionnaire de santé lors de la prise de rendez-vous en ligne pour les saisir automatiquement dans les champs requis sur Vaccin Covid. Le pharmacien n’a plus qu’à cliquer sur “Valider”. L’opération dure trois secondes et on évite les éventuelles erreurs de saisie manuelle. Tout cela sans qu’il y ait le moindre échange d’informations via des API entre la plateforme de téléservices et notre module de prise de rendez-vous », assure Amaury de Chalain, cofondateur de Mesoigner.fr.

Sollicitée, l’Assurance maladie n’a pas souhaité répondre à nos questions. Mais au ministère des Solidarités et de la Santé, on indique que ce choix est motivé par les évolutions de la stratégie vaccinale au regard de l’avancée des connaissances scientifiques et de l’actualisation des avis d’experts. « Les règles métiers implémentées dans Vaccin Covid évoluent très vite. Une interopérabilité présenterait le risque pour les logiciels métiers de voir leurs intégrations ne plus fonctionner le temps que soit développée une nouvelle version », souligne la Direction générale de la santé, en précisant également que « le récapitulatif de vaccination a été développé spécifiquement pour pouvoir être réimporté facilement par les logiciels métiers, afin d’automatiser la saisie dans les logiciels de gestion officinale (LGO), et un tableau de bord permet au professionnel de santé de retrouver et d’exporter l’ensemble des vaccinations qu’il a effectuées. »

Des syndicats partagés

Les syndicats de pharmaciens ont des avis divergents. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), se prononce pour l’automatisation. « Cela fera gagner du temps et apportera de la simplicité aux pharmaciens, tout en évitant d’éventuelles erreurs de saisie, souligne-t-il. Mais cette automatisation devra être sécurisée, respecter les préconisations de la Cnil2, et rien ne devra pouvoir se faire sans un agrément avec le logiciel de l’Assurance maladie. » L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) défend le parti pris de la Cnam. « Le processus mis en place pour la vaccination n’a rien à voir avec celui des tests antigéniques, rappelle Gilles Bonnefond, le président du syndicat. Le pharmacien doit en effet transmettre au fil de l’eau les données de vaccination d’un patient dès la fin de l’injection. Il n’y a donc aucun intérêt à automatiser cette tâche qui est en plus rémunérée pour le pharmacien à hdiv de 5,40 €. Il s’agit donc, selon moi, typiquement d’une fausse bonne idée. D’autant que la perspective de voir des éditeurs d’applications payantes récupérer les données de santé de nos patients ne me paraît pas appropriée et pourrait mettre en péril la stabilité de la plateforme comme nous l’a fait savoir la Cnam. Si cette automatisation était mise en place par les LGO, je tiendrais un discours probablement différent. »

Le coût du risque

« Le problème, c’est qu’aucun LGO n’a souhaité engager des développements pour faire remonter les données, que ce soit sur SI-DEP ou Vaccin Covid, considérant peut-être que l’investissement était trop important, fait remarquer Alain Vanzella. Ce sont donc les applications agréées qui ont pris le relais pour soulager les équipes officinales face à l’augmentation des tests antigéniques à l’officine. Les pharmaciens qui vont devoir absorber des flux de plus en plus importants de patients en vaccination, en plus des tests, se retrouvent donc aujourd’hui dans une impasse. » Guillaume Gobert balaie, lui, l’argument du coût pour le pharmacien. « Nos applications sont effectivement payantes, mais elles offrent un gain considérable pour les praticiens qui peuvent ainsi consacrer plus de temps au geste médical et moins à l’administratif. L’investissement est donc très vite rentabilisé », assure-t-il.

Quant à l’argument de la sécurité, il ne tient pas non plus pour Amaury de Chalain. « Pour le dossier médical partagé, nous avons été agréés par le Centre national de dépôt et d’agrément, et toutes les données des patients sont chiffrées et hébergées sur des serveurs sécurisés de santé comme l’impose la réglementation. Ce qui nous permet de garantir un niveau de sécurité bien plus élevé que celui que l’on peut trouver dans les officines. » Guillaume Gobert est d’ailleurs persuadé que la situation pourrait évoluer. « J’ai l’impression de me retrouver trois mois en arrière lors du lancement de la plateforme SI-DEP. Au départ, elle n’était pas interopérable. Quelques semaines plus tard, l’Assistance publique-Hôpitauxde Paris mettait à la disposition des éditeurs une API car, dans certaines pharmacies, les titulaires avaient dû recruter une personne supplémentaire uniquement pour réaliser ce travail de saisie administrative. Si on observe la même montée en puissance pour la vaccination, il y a fort à parier que le scénario se reproduira. Nous voulons rester confiants. » Gilles Bonnefond, lui, ne croit pas du tout à cette hypothèse. « Encore une fois, la vaccination ne fonctionne pas comme les tests antigéniques. Au maximum, une pharmacie effectuera entre 10 et 20 vaccinations par jour. Pour de tels volumes, l’automatisation n’a aucun intérêt. » Le consensus, c’est pas automatique.

1 Interface de programmation applicative.

2 Commission nationale de l’informatique et des libertés.

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