Une messagerie sécurisée, c’est plus sage - Le Moniteur des Pharmacies n° 3362 du 27/03/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3362 du 27/03/2021
 
DONNÉES DE SANTÉ

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) : Yves Rivoal

La crise sanitaire a accéléré le déploiement des messageries sécurisées de santé (MSS) à l’officine. Rendues obligatoires par le réglement général sur la protection des données (RGPD), les MSS ont vocation à protéger la confidentialité des données patients dans les échanges entre professionnels de santé. Comment fonctionnent-elles ? Quid des enjeux en matière de conformité ? Messages à retenir.

Fin 2020, 83 % des officines en France possédaient au moins une boîte aux lettres (BAL) MSSanté. Un an plus tôt, elles n’étaient que 53 %. « L’année dernière, nous avons enregistré une augmentation de 11 % du nombre d’ouvertures de BAL chez les pharmaciens libéraux », confie Mathieu Slosar, chargé de mission à l’Agence du numérique en santé (ANS). Même constat du côté d’Apicem, l’éditeur de la messagerie Apicrypt. « Ces deux dernières années, les flux en pharmacie ont bondi de 106 % en émission et de 78 % en réception. Il s’agit même de la deuxième plus forte croissance derrière les sages-femmes », note Isabelle Vandaele, directrice communication et marketing d’Apicem qui, avec ses 91 000 utilisateurs actifs et ses 110 millions de messages échangés sur Apicrypt en 2020, fait figure de leader sur ce marché.

Pour Guillaume Laguette, directeur marketing de Lifen, un opérateur qui équipe plus de 110 000 médecins en France, c’est la crise sanitaire qui a favorisé ce boom. « La pandémie et les confinements ont mis en lumière la nécessité d’intensifier les collaborations entre l’hôpital, la médecine de ville, les pharmaciens, les centres de vaccination anti-Covid-19… Par conséquent, les professionnels de santé se sont équipés en masse. » Cette effervescence autour des messageries sécurisées est aussi le fruit du travail important réalisé ces dernières années en matière d’interopérabilité. « Auparavant, les médecins qui disposaient d’une adresse e-mail Apycript ne pouvaient envoyer et recevoir des e-mails qu’à des professionnels de santé possédant une adresse avec la même nomenclature, ce qui limitait considérablement les usages, rappelle Mathieu Slosar. Aujourd’hui, la plupart des fournisseurs de messagerie ont rejoint MSSanté, y compris Apicrypt avec sa version 2. »

L’embarras du choix

Dans cet espace de confiance, l’ensemble des opérateurs s’engagent à respecter de manière contractuelle un certain nombre de règles de sécurité et d’interopérabilité. « La première étant que les échanges doivent impérativement avoir lieu entre professionnels de santé, ou du médicosocial et social disposant d’une adresse e-mail agréée MSSanté, toutes les adresses étant compilées sur le site annuaire.sante.fr », rappelle Anne Lorin. Pour envoyer ou recevoir un message, il faut utiliser un logiciel de messagerie à télécharger ou un webmail, et se connecter via sa carte de professionnel de santé (CPS), ou avec un identifiant ou un mot de passe et un code one-time password (OTP) reçu par SMS. « C’est cette double authentification en entrée et en sortie, associée au protocole de sécurisation des échanges sur Internet SSL/TLS qui permet de créer un canal sécurisé entre l’émetteur et le récepteur », explique Anne Lorin.

Trois grandes catégories d’acteurs se positionnent sur ce marché. Des éditeurs privés comme Apicrypt, Lifen, Inovelan, Enovacom ou Mipih commercialisent des MSS payantes et interopérables avec l’espace de confiance MSSanté. Les agences régionales de santé (ARS) et les groupements régionaux d’appui au développement de la eSanté (Grades), que sont les groupements de coopération sanitaire (GCS) et d’intérêt public (GIP), peuvent également mettre à votre disposition des messageries MSSanté gratuites, tout comme l’Agence du numérique en santé (ANS) qui opère pour le compte de l’Ordre des pharmaciens le service de messagerie gratuite Mailiz. Certains logiciels de gestion d’officine (LGO) intègrent eux aussi une MSS. C’est le cas de Smart RX qui propose en standard Mailiz à ses 5 500 pharmacies clientes. « En ouvrant son LGO, et sur autorisation du pharmacien titulaire, l’équipe officinale dispose sur tous ses écrans d’un bouton pour accéder à la messagerie sécurisée, note Stéphane Roux, directeur recherche et développement chez Smart RX. Elle peut donc en un clic consulter les e-mails reçus ou envoyer un nouveau message comme sur Gmail ou Outlook. Et lorsqu’une ordonnance est transmise par un médecin, celle-ci peut être intégrée en un clic dans le dossier pharmaceutique du patient sur le LGO. »

De son côté, Pharmagest a fait un choix différent en devenant il y a trois ans opérateur MSSanté. « La messagerie gratuite Mailiz permet d’ouvrir des BAL nominatives prenom.nom@mailiz.mssante.fr reposant sur le numéro du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) et ne pouvant être consultées que par leur titulaire sur un seul poste, rappelle Denis Supplisson, directeur général délégué du groupe. Afin d’offrir plus de souplesse, nous avons développé notre propre solution, OFFIMSS, qui permet de créer des BAL organisationnelles consultables par différentes personnes sur plusieurs postes. Les officines peuvent ainsi ouvrir des adresses liées à leur nom, telles que pharmacie-dupont-paris@lgpi.mssante.fr. » Certains éditeurs de LGO ont pris le parti d’intégrer des opérateurs de messagerie privés. « Des logiciels métiers sont compatibles avec Apicrypt via notre messagerie APImail, plusieurs d’entre eux, comme PharmaVitale, étant d’ailleurs en train d’intégrer la version 2 d’Apicrypt qui est interopérable avec MSSanté », confirme Isabelle Vandaele.

Vers la messagerie instantanée de santé

Pour Mathieu Slosar, la piste à privilégier dans le choix du prestataire est clairement celle du LGO. « L’intégration de la messagerie au logiciel métier est le modèle le plus simple et le plus pratique. Cela étant dit, il faut s’assurer que la messagerie proposée est compatible avec MSSanté afin d’éviter d’éventuels soucis d’interopérabilité, et qu’elle offre la possibilité de créer des adresses organisationnelles. » La question de l’accessibilité aux annuaires doit aussi être posée pour Guillaume Laguette. « Chez Lifen, nos clients ont accès à ceux d’Apicrypt, de MSSanté, du RPPS et d’Adeli, qui recense les personnels soignants et paramédicaux. Notre solution simplifie également la vie des utilisateurs en identifiant automatiquement la bonne adresse lorsque la pharmacie en possède plusieurs. »

Lifen a aussi choisi d’inclure dans la boucle les patients qui n’ont pour l’heure pas accès à la MSS. « Pour combler ce manque, nous avons développé une fonctionnalité d’envoi qui permet à un pharmacien d’adresser une notification par e-mail à un patient pour lui signifier qu’il a un document médical à consulter dans son espace personnel sécurisé accessible au moyen d’un login et d’un mot de passe », souligne Guillaume Laguette. Pharmagest permet, lui aussi, d’échanger avec les patients dans un environnement sécurisé avec les applications Ma Pharmacie mobile et PandaLab Pro. « Pour éviter que les pharmaciens n’envoient aux médecins généralistes la photographie d’une plaie avec le nom d’un patient via des applications comme WhatsApp, nous avons aussi intégré à PandaLab Pro une messagerie instantanée pouvant être utilisée pour les échanges entre professionnels de santé nécessitant une réponse immédiate. » Denis Supplisson est d’ailleurs persuadé que l’avenir de la messagerie sécurisée est à la convergence. « Si l’on veut développer encore plus rapidement l’adhésion et les usages, il faudra être en mesure de proposer un outil incluant professionnels de santé et patients, messagerie sécurisée et messagerie instantanée, et qui simplifiera la vie des pharmaciens et des médecins grâce à des algorithmes nourris à l’intelligence artificielle qui dirigeront automatiquement les messages vers une adresse MSS s’ils contiennent des données de santé, ou vers une adresse classique si le destinataire est le commercial d’un laboratoire pharmaceutique. »

Cette convergence figure au cœur des priorités de l’espace numérique de santé (ENS) en cours de développement dans le cadre du programme « Ma santé 2022 ». « Dans cet espace, le patient pourra accéder à son dossier médical partagé (DMP), à ses ordonnances dématérialisées, à son agenda médical et à sa messagerie personnelle MSSanté, confirme Anne Lorin. Les premières expérimentations réalisées par l’Assurance maladie ont montré que le système était viable. Il devrait être opérationnel à partir de juillet 2022… »

Que dit la réglementation ?

Depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD) le 25 mai 2018, l’utilisation d’une messagerie sécurisée de santé est une obligation légale. « Le pharmacien est responsable de la sécurité et de la conformité des traitements et doit mettre en œuvre les dispositifs pour privilégier la confidentialité des données de santé de ses patients, rappelle Isabelle Vandaele, directrice communication et marketing d’Apicem, l’éditeur de la messagerie Apicrypt. Un pharmacien qui reçoit ou transmet une ordonnance à un médecin généraliste en passant par sa boîte Gmail ou Wanadoo s’expose à des sanctions lourdes en cas de perte ou de divulgation des données de santé d’un patient. » Le RGPD introduit effectivement des amendes pouvant aller jusqu’à 20 M€ en cas de manquement aux obligations de protection des données.

À RETENIR

– Les messageries sécurisées de santé (MSS) sont obligatoires pour les échanges numériques de données de patients entre professionnels de santé.

– Des éditeurs privés, les autorités ou encore les logiciels de gestion d’officine (LGO) proposent des MSS, avec plus ou moins de fonctionnalités additionnelles. Critère de choix important : leur compatibilité.

– Et le patient ? Si les MSS se structurent pour l’instant entre professionnels de santé, avec messageries sécurisées et messageries instantanées, l’arrivée du patient dans le dispositif n’est prévue que pour l’année prochaine.

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