Les immunosuppresseurs - Le Moniteur des Pharmacies n° 3357 du 20/02/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3357 du 20/02/2021
 

Cahier Formation

IATROGÉNIE

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EFFETS INDÉSIRABLES

Thrombo… quoi ?

François, 65 ans, suit un traitement postinfarctus : aspirine, acébutolol, ramipril et atorvastatine. Il est aussi traité depuis 2 ans par du tofacitinib (Xeljanz) 5 mg 2 fois par jour en association au méthotrexate (Imeth) 10 mg par semaine pour un rhumatisme psoriasique. Lors d’un bilan partagé de médication, le pharmacien s’aperçoit que François ne se rappelle pas les signes d’une maladie thromboembolique veineuse et alerte le patient.

Analyse du cas

• Le rhumatisme psoriasique actif modéré à sévère de l’adulte est une affection inflammatoire chronique favorisant les processus d’athérosclérose et qui s’accompagne d’un risque cardiovasculaire accru. Dans le cadre d’une réévaluation menée par l’Agence européenne des médicaments (EMA), l’étude clinique évaluant la sécurité cardiovasculaire du tofacitinib, un inhibiteur de la famille des Janus kinases (JAK), versus anti-TNF montre une augmentation dose-dépendante du risque de maladie thromboembolique veineuse grave sous tofacitinib, dont des cas d’embolie pulmonaire fatals et de thrombose veineuse profonde.

• De nouvelles recommandations d’utilisation relayées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2020 préconisent notamment la prudence lors de l’utilisation de tofacitinib chez les patients présentant des facteurs de risque avérés de maladie thromboembolique veineuse et une dose quotidienne maximale de 2 fois 5 mg à ne pas dépasser.

Attitude à adopter

• Le pharmacien rappelle à François les signes évocateurs d’une thrombose veineuse profonde (symptômes unilatéraux avec douleur sourde, sensation de pression et rougeur, douleur, œdème des membres inférieurs) et d’une embolie pulmonaire (difficulté à respirer, essoufflements, oppression thoracique, peau bleuâtre, etc.). Il lui rappelle qu’au moindre doute, il doit consulter immédiatement son médecin ou les urgences.

Un ganglion enflé

Adeline, 44 ans, est traitée depuis plus de 1 an pour une rectocolite hémorragique par adalimumab (Humira) à raison de 40 mg toutes les 2 semaines. Elle passe ce matin à la pharmacie : « Je me demande si je ne suis pas en train de tomber malade, j’ai un ganglion dans le cou et avec tous ces virus qui traînent… Vous n’auriez pas quelque chose de naturel pour me protéger ? »

Analyse du cas

• Dans certaines maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici) comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, un traitement immunomodulateur par anti-TNF-α tel l’adalimumab peut-être prescrit en 2e intention.

• D’après une étude réalisée en 2017 par l’ANSM et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sur une cohorte de patients atteints de Mici, le risque de survenue de lymphome lors d’un traitement par les anti-TNF-α est multiplié par un facteur 2 à 3 par rapport à la population générale. Cette même étude met en avant une augmentation similaire de ce risque en cas de traitement par thiopurine (azathioprine) en monothérapie et un risque multiplié par six en cas d’association d’un anti-TNF-α avec une thiopurine.

• Le mécanisme à l’origine de la survenue d’un lymphome reste inconnu. Une inflammation indolore des ganglions lymphatiques dans la partie supérieure du cou peut en être l’un des premiers signes.

Attitude à adopter

• La pharmacienne informe Adeline que l’apparition de ganglions peut être liée à son traitement et qu’elle doit consulter son médecin qui pourra décider d’examens complémentaires.

• Il insiste sur le fait d’attendre l’avis du médecin avant de lui conseiller si besoin de prendre tout traitement d’automédication.

Un peu de jardinage

A l’arrivée des beaux jours, Jean, 62 ans, annonce sa nouvelle résolution à Marc, son pharmacien : « Je vais m’occuper de mon jardin et il y a du boulot… Tu me mettras des pansements, je ne suis pas toujours habile avec mes outils ! » Marc connaît bien Jean. Il l’accompagne pour le traitement de son psoriasis en plaques depuis 20 ans. Il sait qu’après un traitement par corticoïdes locaux, il est passé aux séances de puvathérapie puis, depuis 2 ans, à un traitement par ciclosporine (Néoral, 300 mg par jour) qui a enfin permis une diminution significative de ses lésions. La nouvelle activité de Jean impose quelques précautions que lui rappelle son pharmacien.

Analyse du cas

• Le psoriasis en plaques est une dermatose inflammatoire chronique dont la prise en charge s’appuie sur des traitements locaux ou systémiques selon la sévérité de l’atteinte et son retentissement sur la qualité de vie.

• Parmi les options thérapeutiques, la puvathérapie consiste à irradier le corps par des UVA après la prise orale d’un médicament photosensibilisant de la famille des psoralènes. Comme les expositions solaires, elle provoque des mutations potentiellement cancérigènes de l’ADN et expose à long terme à un risque de cancers cutanés, notamment des carcinomes mais aussi des mélanomes. Ce risque est cumulatif et dépend du nombre total de séances. La puvathérapie est contre-indiquée en cas d’antécédents personnels de cancer cutané, d’expositions antérieures aux rayons X et de présence de lésions précancéreuses cutanées.

• La ciclosporine est un inhibiteur de la calcineurine, indiqué entre autres dans le traitement des formes sévères de psoriasis chez les patients pour lesquels le traitement conventionnel est inapproprié ou inefficace. Son action immunosuppressive non sélective touche le système immunitaire antitumoral, favorisant le développement de cellules malignes. Elle expose ainsi à un risque accru de cancers cutanés, leur fréquence d’apparition étant liée à l’intensité et à la durée du traitement.

• Les antécédents de cures de puvathérapie suivies d’un traitement de fond par ciclosporine exposent Jean à un surrisque cumulé de développement d’un cancer de la peau. Il justifie d’une attention redoublée face aux autres facteurs de risque comme l’exposition au soleil.

Attitude à adopter

• Le pharmacien recommande à Jean de porter des gants pour le jardinage ou le bricolage afin d’éviter une blessure avec risque de surinfection.

• En constituant une trousse de premiers secours, le pharmacien ajoute une crème solaire SPF 50+. Il conseille de l’étaler toutes les 2 heures sur les parties du corps exposées même si le soleil est voilé.

• Il rappelle à Jean que ses traitements le sensibilisent davantage que la population générale à l’apparition de cancers cutanés et qu’il doit redoubler de vigilance.

Il précise que la crème n’autorise pas à s’exposer davantage et reprend avec lui les conseils de protection supplémentaires (voir encadré).

• Il lui demande d’être vigilant à l’apparition de toute tache suspecte et de consulter un dermatologue rapidement le cas échéant.

EFFETS INDÉSIRABLES

Anodine, cette toux ?

• Nicole, 55 ans, atteinte de polyarthrite rhumatoïde, répondait mal à son traitement de fond par méthotrexate. L’année dernière, son médecin l’a donc remplacé par de l’étanercept (Benepali), à raison de 25 mg 2 fois par semaine. Depuis quelques jours, elle tousse et présente de la fièvre. Elle ne s’inquiète pas mais vient demander conseil à sa pharmacienne : « Il me faudrait un médicament pour me soulager. Mais qui agisse rapidement ! Je continue ma mission de bénévolat au foyer de migrants, il faut que je sois en forme. »

Analyse du cas

• L’étanercept, immunosuppresseur inhibiteur du facteur nécrosant des tumeurs alpha (TNF-α), est un médicament inscrit sur la liste des biosimilaires (voir encadré) soumis à prescription initiale hospitalière. Comme d’autres immunosuppresseurs, l’un de ces principaux effets indésirables est le risque d’infections : infections des voies aériennes supérieures, bronchite ou encore cystite sont très fréquemment rapportées mais aussi, plus rarement, des infections graves comme une tuberculose. Une carte de surveillance reprenant notamment ces risques est remise par le médecin au patient avec son traitement.

• En cas de tuberculose, l’inhibition du TNF-α associé au déficit de l’immunité à médiation cellulaire rencontré lors d’une maladie inflammatoire chronique favorise la propagation du bacille de Koch.

• Avant d’instaurer un traitement par anti-TNF-α, la détection d’une tuberculose latente ou active est systématique. Ce dépistage s’effectue par un examen clinique, un interrogatoire détaillé des antécédents personnels et familiaux, un test intradermique à la tuberculine et une radiographie pulmonaire. Si une tuberculose active est diagnostiquée, Benepali ne doit pas être initié. En cas de tuberculose inactive, un traitement antituberculeux est d’abord mis en place.

• Les principaux symptômes d’une tuberculose pulmonaire sont une toux chronique, une fièvre prédominant le soir, des sueurs nocturnes, une altération de l’état général et un amaigrissement progressif.

• La patiente, bénévole dans un foyer de migrants, est en contact avec des personnes à risque de souffrir de pathologies infectieuses mal soignées ou non détectées comme la tuberculose.

Attitude à adopter

• Devant les symptômes et le profil de la patiente, la pharmacienne s’abstient de délivrer des produits conseil et recommande à Nicole de consulter rapidement son médecin.

• Elle lui rappelle que son traitement l’expose à un risque accru d’infections et lui conseille de relire la carte de surveillance fournie avec Benepali.

• Nicole est avertie que tout signe d’infection comme une fièvre, un amaigrissement ou une toux persistante nécessitent une exploration médicale.

Week-end au vert

• Mathéo, après avoir demandé un produit antimoustique, confie que sa femme et très irritable depuis 3 mois et ne sort plus guère de la maison. « Déjà qu’avec les rechutes récurrentes de son lupus ce n’était pas joyeux… Je l’emmène en week-end à la campagne pour lui changer les idées. » La pharmacienne consulte l’historique de la patiente : Hélène, 32 ans, est traitée depuis 3 mois par bélimumab (Benlysta) en plus de son traitement habituel par hydroxychloroquine (Plaquenil) et prednisolone (Solupred).

Analyse du cas

• Le lupus est une maladie auto-immune systémique aux manifestations multiples (cutanées, articulaires, hématologiques, etc.) qui alterne phases de poussées et de rémissions.

• Indiqué en 2e intention, le bélimumab est un anticorps monoclonal qui réduit les épisodes de poussées par action sur les lymphocytes B.

• Sous surveillance renforcée, Benlysta a fait l’objet d’une étude clinique récente. Celle-ci a confirmé une augmentation de troubles psychiatriques graves (dépression, idées ou comportement suicidaire, y compris suicide ou automutilation) sous bélimumab.

• En conséquence, les agences européennes et françaises du médicament ont émis, en 2019, une mise en garde rappelant aux prescripteurs et dispensateurs d’évaluer et de surveiller étroitement ces risques chez leurs patients.

Attitude à adopter

• La pharmacienne informe Mathéo que le nouveau traitement d’Hélène peut être lié à l’apparition de troubles de l’humeur.

• Ces troubles pouvant parfois être sévères, elle recommande qu’Hélène consulte sans tarder son médecin pour évaluer la situation et, si nécessaire, adapter son traitement.

Et ça continue !

• Après plusieurs échecs thérapeutiques et un mal-être important, Léo, 15 ans, est traité pour son psoriasis par ustékinumab (Stelara) depuis quelques mois. Sa mère se présente à l’officine : « Léo, ça ne s’améliore pas, au contraire ! Son corps se couvre de plaques rouges épaisses avec des pellicules blanches… »

Analyse du cas

• L’ustékinumab, anticorps monoclonal inhibiteur des interleukines 12 et 23, est indiqué à partir de 6 ans dans le traitement du psoriasis en plaques n’ayant pas répondu aux autres traitements systémiques.

• Le prurit est l’effet indésirable cutané le plus fréquent sous ustékinumab. En 2014, suite à des signalements, la desquamation cutanée a été ajoutée à la liste des effets indésirables peu fréquents de Stelara et l’érythrodermie avec une fréquence rare. L’ANSM a demandé aux professionnels de santé une vigilance accrue sur ces risques cutanés.

• L’érythrodermie est un syndrome cutané caractérisé par une éruption érythémateuse et squameuse étendue à la majorité de la surface corporelle. Elle peut évoluer sur plusieurs semaines voire davantage. Elle exige une prise en charge immédiate, parfois hospitalière, car elle expose à un risque de troubles hydroélectrolytiques et à des complications cardiaques et infectieuses qui peuvent menacer le pronostic vital. Généralement, le traitement consiste en l’application de dermocorticoïdes associé à une surveillance clinique.

Attitude à adopter

• Le pharmacien informe la mère de Léo de la survenue possible d’effets indésirables cutanés avec Stelara. Certains sont sévères et nécessitent une prise en charge très rapide.

• Il lui recommande d’emmener immédiatement Léo en consultation chez son médecin ou directement aux urgences pour écarter ce risque.

INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Un nouvel anticoagulant

Christian, 76 ans, atteint de fibrillation atriale non valvulaire, était jusqu’ici sous antivitamine K. Face aux fluctuations persistantes de son INR, le médecin remplace la coumadine par du dabigatran, 110 mg 2 fois par jour. Transplanté rénal, Christian suit par ailleurs un traitement immunosuppresseur d’entretien qui associe tacrolimus (6 mg par jour) et mycophénolate mofétil (2 g par jour). Son pharmacien s’alerte.

Analyse du cas

• Le dabigatran, anticoagulant oral direct (AOD), est un substrat du transporteur membranaire P-gp (glycoprotéine P). Le tacrolimus est un inhibiteur de la P-gp et, bien qu’aucune étude clinique n’existe, son association au dabigatran est susceptible d’induire une augmentation de la concentration plasmatique de ce dernier avec un risque hémorragique accru.

• L’association du dabigatran est ainsi contre-indiquée avec les inhibiteurs puissants de la P-gp tels le kétoconazole ou l’itraconazole et déconseillée avec le tacrolimus. Néanmoins, la dose réduite de dabigatran prescrite (300 mg sont habituellement recommandés) laisse penser que cette interaction a été prise en compte.

Attitude à adopter

• Le pharmacien appelle le prescripteur pour s’assurer qu’il a connaissance de l’association et que la dose réduite de dabigatran la prend en compte. Il suggère un changement d’AOD, ne présentant pas cette interaction.

• Dans tous les cas, il recommande à Christian une surveillance accrue du risque hémorragique : garder sur soi et présenter à tout prescripteur la carte de surveillance fournie avec le dabigatran, surveiller tout signe de saignement ou d’anémie (sang dans les selles ou les urines, pâleur, dyspnée, etc.) et consulter immédiatement, rester prudent durant les activités à risque de blessures (par exemple porter des gants pour bricoler).

Après l’abcès, des aphtes !

Stéphane, 58 ans, est traité depuis plus de 5 ans par méthotrexate (20 mg par semaine) pour un psoriasis. A la suite d’un abcès dentaire, le dentiste de garde lui a prescrit de l’amoxicilline 2 g par jour en 2 prises pendant 7 jours. Il se présente à la pharmacie quelques jours après la fin de ce traitement. Il se dit fatigué, souffre de maux de gorge et présente quelques aphtes dans la bouche.

Analyse du cas

• Le méthotrexate peut induire une toxicité dose-dépendante. Une atteinte gastro-intestinale en est le signe principal avec, très fréquemment, des stomatites et ulcères buccaux. Une toxicité hématologique est également retrouvée fréquemment (anémie, neutropénie, thrombopénie), voire une pancytopénie. Une surveillance hématologique est mise en place à l’initiation du traitement et tous les 15 jours pendant les 3 premiers mois puis 1 fois par mois.

• Les pénicillines, par leur effet compétitif au niveau de l’élimination rénale par sécrétion tubulaire, peuvent diminuer la clairance rénale et ainsi augmenter les concentrations sériques de méthotrexate, avec un risque accru de toxicité.

• Les ulcérations de la muqueuse buccale peuvent être un signe précoce d’un surdosage et d’une toxicité gastro-intestinale mais aussi hématologique.

Attitude à adopter

• La pharmacienne conseille au patient de consulter immédiatement son médecin.

• En cas de toxicité avérée, le méthotrexate sera arrêté. Une surveillance clinique du patient sera effectuée en raison du risque d’infection et d’hémorragie.

• La pharmacienne rappelle au patient de toujours faire part de son traitement lorsqu’il consulte un professionnel de santé et d’éviter toute automédication.

PHARMACOLOGIE

Stratégie thérapeutique

OBJECTIFS

→ Les traitements immunosuppresseurs visent à diminuer, à divers degrés, la réponse immunitaire du patient.

→ Ils sont utilisés dans le cadre des transplantations d’organes et de cellules souches hématopoïétiques. L’immunodépression induite permet l’acceptation du greffon par le receveur (phase d’induction à fortes doses) puis de prévenir le rejet aigu du greffon, le rejet chronique au long terme et de traiter un éventuel rejet.

→ Leurs indications ont été étendues aux maladies auto-immunes (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, lupus, uvéite, pupura thrombopénique, artérite à cellules géantes, etc.). Ils sont alors utilisés en traitement de fond, le plus souvent en 2e intention après échec d’autres traitements, afin de contrôler les phases de poussées inflammatoires.

TRAITEMENTS

→ Hormis les corticoïdes, différentes classes d’immunosuppresseurs sont disponibles en officine. Ils sont utilisés seuls ou en polythérapie et à posologie variable selon l’indication, la phase de traitement (induction ou entretien en post-greffe) et la tolérance du patient.

→ Beaucoup de ces molécules sont à marge thérapeutique étroite avec un risque d’interactions médicamenteuses majeur.

→ Elles exposent à des effets indésirables portentiellement graves, liés à leur effet immunosuppresseur ou à leur toxicité propre qui justifient une surveillance régulière.

Les immunosuppresseurs

CARACTERISTIQUES COMMUNES

Malgré leur hétérogénéité pharmacologique, les immunosuppresseurs partagent pour la plupart des caractéristiques liées à leur action immunosuppressive.

Effets indésirables

• Les immunosuppresseurs augmentent la sensibilité globale aux infections virales, bactériennes, fongiques et parasitaires. La survenue ou la réactivation d’infections, y compris sévères (tuberculose, cytomégalovirus, etc.), est un effet indésirable fréquent à très fréquent

• Ils peuvent, moins fréquemment, également exposer à un risque accru de cancer, notamment des syndromes lymphoprolifératifs et des cancers cutanés.

Contre-indications

• Globalement, les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués sous traitement immunosuppresseur en raison du risque d’infection généralisée.

• De même, les immunosuppresseurs sont généralement contre-indiqués en cas d’infection sévère évolutive.

INHIBITEURS DU TNF-α

Principales molécules

Adalimumab (Amgevita, Hulio, Humira, Hyrimoz, Idacio, Imraldi) ; certolizumab (Cimzia) étanercept (Benepali, Enbrel, Erelzi) ; golimumab (Simponi).

Effets indésirables

Outre les infections, on note, parmi les effets indésirables plus fréquents, des céphalées, des troubles de l’humeur, des troubles gastro-intestinaux, un rash cutané, une hypertension et des réactions au point d’injection. Moins fréquents mais potentiellement graves, des troubles hématologiques (thrombocytopénie, neutropénie, leucopénie, etc.). Rarement, des épisodes de démyélinisation centrale ou périphérique.

Contre-indications

Insuffisance cardiaque modérée à sévère

Interactions médicamenteuses notables

Association avec abatacept, anakinra et canakinumab déconseillée en raison d’un risque accru d’infections graves ou de neutropénies.

→ La majorité des immunosuppresseurs ont pour cible les lymphocytes T (LT), acteurs majeurs de la réponse immunitaire dont l’interaction avec une cellule présentatrice de l’antigène déclenche une cascade de signalisations intracellulaires. Ces médicaments, en agissant sur différents médiateurs de cette cascade, inhibent l’activation et la prolifération des LT ou la production de cytokines pro-inflammatoires.

Blocage des voies de signalisation

Les inhibiteurs de la calcineurine bloquent l’activité phosphatasique de la calcineurine qui intervient dans l’activation du facteur de transcription NFAT, lui-même impliqué dans la synthèse des interleukines 2.

Les inhibiteurs d’interleukines (IL) bloquent l’action de ces facteurs solubles aux propriétés synergiques de croissance et d’activation cellulaire. Parmi eux, l’ustékinumab inhibe l’activité des IL-12 et IL-23, le tocilizumab celle de l’IL-6.

Des immunosuppresseurs dits sélectifs ont des actions ciblées. Par exemple, le tofacitinib inhibe des Janus kinases, enzymes intracellulaires qui jouent un rôle dans la signalisation de cytokines pro-inflammatoires. L’abatacept, en bloquant la liaison à la protéine CD28 exprimée par les LT, inhibe un signal de costimulation nécessaire à leur activation.

Les inhibiteurs du TNF-α sont des anticorps monoclonaux ou protéines recombinantes qui neutralisent les récepteurs du TNF-α, cytokine aux propriétés pro-inflammatoires et aux fonctions d’immunorégulation.

Blocage du cycle cellulaire

Les inhibiteurs de mTOR, en se liant à la protéine cytosolique mechanistic target of rapamycin (m-TOR), inhibent la voie de signalisation déclenchée par l’IL-2 et bloquent ainsi les cellules au stade G1 du cycle cellulaire.

Les antimétabolites inhibent la synthèse des métabolites nécessaires à la formation des acides nucléiques.

→ Certains immunosuppresseurs spécifiques agissent sur les lymphocytes B. C’est le cas du bélimumab, anticorps monoclonal humain qui bloque la liaison de la protéine soluble BLyS aux récepteurs des lymphocytes B, inhibant ainsi leur différenciation en plasmocytes producteurs d’immunoglobulines.

INHIBITEURS DE LA CALCINEURINE

Principales molécules

Ciclosporine (Neoral) ; tacrolimus (Adoport, Advagraf, Envarsus, Modigraf, Prograf, etc.).

Effets indésirables

• Parmi les plus fréquemment observés : infections, tremblements, céphalées, diarrhées, nausées, hirsutisme, hypertension artérielle, hyperglycémie et hyperlipidémie.

• Une néphrotoxicité (hypercréatinémie, hyperuricémie, dysfonctionnement rénal) est rapportée.

Interactions médicamenteuses notables

• L’association avec le millepertuis est contre-indiquée.

• Prudence en cas d’association aux autres inducteurs ou inhibiteurs puissants du cytochrome P 3A4/5 et avec les substrats de la glycoprotéine P comme le bosentan et le dabigatran étexilate dont l’augmentation des concentrations plasmatiques est associée à des événements graves (association contre-indiquée avec la ciclosporine et déconseillée avec le tacrolimus).

ANTIMÉTABOLITES

Principales molécules

Azathioprine (Imurel) ; mycophénolate (CellCept, Myfortic), méthotrexate (Imeth, Metoject, Nordimet, Novatrex, Prexate).

Effets indésirables

Outre les infections, les troubles hématologique (leucopénie, thrombopénie, etc.) et gastro-intestinaux (diarrhée, vomissements, douleurs abdominales) sont les plus fréquents.

Contre-indications

Insuffisance rénale, hépatique ou affection de la moelle osseuse, infection sévère, maladie ulcéreuse gastro-intestinale évolutive (méthotrexate).

Interactions médicamenteuses

• L’azathioprine est contre-indiquée avec les inhibiteurs de xanthine oxydase (allopurinol, fébuxostat) en raison du risque d’insuffisance médullaire.

• L’association du méthotrexate avec le probénicide, le triméthoprime et l’acitrétine est contre-indiquée car elle est à l’origine d’une majoration de la toxicité du méthotrexate.

• Le niveau d’interaction du méthotrexate avec l’aspirine est dose-dépendant (contre-indiqué pour une dose de méthotrexate supérieure à 20 mg par semaine).

• L’association du méthotrexate aux pénicillines est déconseillée.

INHIBITEURS D’INTERLEUKINES

Principales molécules

Anakinra (Kineret), sarilumab (Kevzara), brodalumab (Kyntheum), canakinumab (Ilaris), guselkumab (Tremfya), ixékizumab (Taltz), risankizumab (Skyrizi), sécukinumab (Cosentyx), tildrakizumab (Ilumetri), tocilizumab (Roactemra), ustékinumab (Stelara).

Effets indésirables

Outre les infections, les plus fréquents sont des réactions au site d’injection, des céphalées, une neutropénie, une thrombopénie. Peu fréquentes et potentiellement graves, des réactions d’hypersensibilité (anaphylactiques, angioœdème, urticaire, etc.) ont été recensées.

Interaction médicamenteuse notable

L’association de l’anakinra avec un anti-TNF-α est déconseillée en raison d’un risque accru d’infections graves et de neutropénies.

INHIBITEURS DE mTOR

Principaux produits

Evérolimus (Certican), sirolimus (Rapamune).

Effets indésirables

Outre les infections, des troubles hématologiques (anémie, leucopénie, thrombocytopénie), gastro-intestinaux (constipation, diarrhée, nausées) et métaboliques (diabète, hyperlipidémie, hypokaliémie) sont fréquemment rapportés.

Interactions médicamenteuses notables

• L’association avec le millepertuis est contre-indiquée.

• Prudence en cas d’association avec d’autres inducteurs ou inhibiteurs puissants du CYP3A4/5 qui peuvent interférer de façon importante sur les concentrations plasmatiques des inhibiteurs mTOR.

SÉLECTIFS ET AUTRES

Principaux produits

• Abatacept (Orencia), apremilast (Otezla), baricitinib (Olumiant), bélimumab (Benlysta), fingolimod (Gilenya), léflunomide (Arava), tériflunomide (Aubagio), tofacitinib (Xeljanz), upadacitinib (Rinvoq), fumarate de diméthyle (Tecfidera), pirfénidone (Esbriet).

• Ils associent les caractéristiques principales des immunosuppresseurs à des mises en garde et effets indésirables spécifiques de chaque molécule. Pour exemple, des troubles psychiatriques, y compris une dépression sévère, sont fréquemment rapportés sous bélimumab.

INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Message d’alerte

Maître de stage, Cyrille souhaite montrer à son étudiant en 4e année de pharmacie la détection d’interaction par le logiciel de dispensation. Il prend pour exemple M. Durant, traité par azathioprine (Imurel) à raison de 125 mg par jour pour une maladie de Crohn. Il imagine que ce patient débute un traitement de fond pour des crises de goutte récidivantes et ajoute dans le logiciel une prescription d’allopurinol à 100 mg par jour. Un message d’alerte apparaît immédiatement.

Analyse du cas

• La goutte est une arthropathie inflammatoire chronique liée à une accumulation de cristaux d’urates de sodium dans les articulations. Après résolution de la crise douloureuse et en cas de récidives, l’allopurinol est le traitement de fond de 1re intention. C’est un hypo-uricémiant inhibiteur de la xanthine oxydase qui catalyse la synthèse de l’acide urique.

• L’azathioprine, immunosuppresseur indiqué dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin modérées à sévères, est une prodrogue transformée en 6-mercaptopurine (6-MP) qui agit comme un antimétabolite des purines. Une des voies de métabolisation de la 6-MP est l’hydroxylation par la xanthine oxydase en acide 6-thiourique, métabolite inactif excrété dans les urines.

• L’inhibition de la xanthine oxydase par l’allopurinol oriente le métabolisme de la 6-MP vers la synthèse de 6-thioguanine nucléotide (voir encadré), un métabolite actif impliqué dans la toxicité hématologique de l’azathioprine. Cette toxicité, réversible à son arrêt mais potentiellement grave, peut être à l’origine d’une insuffisance médullaire fatale.

• De fait, l’association de l’azathioprine et de l’allopurinol ou d’un autre hypo-uricémiant inhibiteur de la xanthine oxydase tel le febuxostat est contre-indiquée, sauf en cas de nécessité absolue, en milieu spécialisé uniquement, avec une diminution de la posologie de l’azathioprine et une surveillance quotidienne.

Attitude à adopter

• Cyrille explique à son étudiant qu’en cas de détection d’une telle interaction, il ne doit pas délivrer l’allopurinol mais appeler le médecin pour discuter de la prescription.

• Il en profite pour lui enseigner la démarche qualité de l’intervention pharmaceutique en cas de refus de délivrance et à renseigner la fiche d’opinion pharmaceutique. Ils cherchent ensemble une alternative thérapeutique à suggérer au prescripteur comme un uricosurique (probénécide), indiqué en 2e intention dans le traitement de l’hyperuricémie symptomatique, en cas d’échec ou d’intolérance aux inhibiteurs de la xanthine oxydase.

INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Une destination à revoir

Julie, 38 ans, est traitée par golimumab (Simponi), 50 mg par mois dans le cadre d’une rectocolite hémorragique. Elle prépare un départ en Guyane cet été. « J’ai lu sur Internet que la vaccination contre la fièvre jaune était obligatoire pour cette destination mais je n’ai jamais fait ce vaccin. Vous croyez que mon médecin peut me le prescrire ? » Elle en profite pour montrer son carnet vaccinal. « Et puis, je me demande si je suis à jour des autres vaccinations. Vous pourriez m’aider ? »

Analyse du cas

• La fièvre jaune est une maladie virale transmise par piqûre de moustiques, responsable d’hépatonéphrites graves chez l’homme.

• Le vaccin contre la fièvre jaune est a minima recommandé pour tout voyage en zone endémique et peut-être exigé par certains pays comme la Guyane. C’est un vaccin à virus vivant atténué. Une dose unique est injectée au moins 10 jours avant l’arrivée en zone endémique et administrée exclusivement dans un centre de vaccination antiamarile agréé.

• Le golimumab est un anticorps monoclonal humain dirigé contre le TNF-α à action immunosuppressive. Il ne contre-indique pas les vaccinations concomitantes, sauf en cas de vaccins vivants : même s’il est peu évalué, il existe un risque de transmission secondaire de l’infection par des vaccins vivants sur un terrain immunodéprimé. Actuellement, le thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM contre-indique la vaccination avec les vaccins vivants atténués sous anti-TNF-α ainsi que dans les 3 mois au moins suivant l’arrêt.

• Certains patients peuvent néanmoins bénéficier, sur avis médical et au cas par cas, de vaccinations avec des vaccins vivants en prenant en compte le bénéfice/risque et lors d’intervalles de temps où l’immunodépression est moindre.

• Du fait du risque infectieux majoré sous immunosuppresseur, les vaccins inactivés et subunitaires doivent au contraire être recommandés, en particulier contre la grippe saisonnière et les pneumocoques. Le seul risque identifié est celui d’une moindre efficacité en raison d’une réponse immunitaire diminuée, le risque potentiel de poussée de la maladie auto-immune ou inflammatoire après vaccination n’a jamais été confirmé.

Attitude à adopter

• Le pharmacien explique la contre-indication entre le traitement anti-TNF-α et le vaccin vivant de la fièvre jaune. Il conseille à Julie d’opter pour une destination où cette maladie n’est pas endémique. Si elle persiste dans son choix, il lui recommande de se rendre en centre de vaccination antiamarile agréé pour un conseil personnalisé et de prendre rendez-vous avec son gastroentérologue.

• Il lui rappelle que la majorité des autres vaccins ne sont pas des vaccins vivants et qu’être à jour de ses vaccinations est particulièrement recommandé dans son cas, son traitement immunosuppresseur l’exposant davantage à un risque d’infections. Il propose de regarder ensemble les recommandations en vigueur et de faire le point avant de consulter son médecin pour se mettre à jour rapidement.

Evitons les pépins

Yves, 52 ans, transplanté cardiaque bien connu de l’officine, est traité depuis 4 ans par ciclosporine (Neoral) et mycophénolate mofétil (CellCept) en prévention d’un rejet. Fatigué après un hiver difficile, il cherche à retrouver son énergie. « Ma sœur me conseille de faire une cure de compléments alimentaires à base de pépins de pamplemousse, vous auriez ça ? »

Analyse du cas

• Le protocole immunosuppresseur mis en place associe un antimétabolite (mycophénolate mofétil) et un inhibiteur de la calcineurine (ciclosporine). Médicament à marge thérapeutique étroite, la cicloporine est métabolisée par le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) au niveau de l’intestin et du foie.

• Le jus de pamplemousse, notamment riche en citroflavonoïdes et funarocoumarines, est un inhibiteur du CYP3A4 au niveau intestinal. Son association à la ciclosporine freine le métabolisme de l’immunosuppresseur avec augmentation de sa concentration plasmatique. Il en résulte une majoration du risque d’effets indésirables, en particulier la néphrotoxicité (néphropathie chronique voire insuffisance rénale).

• De nombreux facteurs conditionnent l’interaction (quantité de pamplemousse, susceptibilité individuelle, etc.) mais cette association est dans tous les cas déconseillée.

• Si l’interaction avec les extraits de pépin de pamplemousse est moins documentée, elle ne peut être exclue du fait de leur teneur à divers degrés en bioflavonoïdes.

Attitude à adopter

• Le pharmacien rappelle à Yves que le pamplemousse est son traitement ne font pas bon ménage, qu’il soit consommé sous forme de jus, de fruit entier, confiture ou même, par prudence, en extraits de pépins présentés en compléments alimentaires.

• Il lui recommande du repos, un régime alimentaire équilibré et une activité physique régulière pour retrouver son énergie. Si cela s’avère insuffisant, une consultation médicale s’impose.

• Le pharmacien rappelle à Yves de demander conseil avant toute prise de complément alimentaire.

SURVEILLANCE

Un contrôle manqué

Simone, 74 ans, atteinte d’artérite à cellules géantes, est sous tocilizumab (Roactemra) depuis 1 an : « Je viens vous voir parce que mon petit-fils trouve que j’ai le teint jaune en ce moment. » Le pharmacien l’interroge sur la date de son dernier bilan hépatique. Simone ne s’en souvient pas.

Analyse du cas

• L’artérite à cellules géantes (ou maladie de Horton) est une vascularite des gros vaisseaux affectant principalement l’aorte et ses branches. Elle est généralement contrôlée par corticothérapie à doses régressives. La prescription d’un traitement adjuvant peut néanmoins se justifier dans une stratégie d’épargne cortisonique. Devant le risque élevé de fracture de la patiente, le médecin a prescrit du tocilizumab.

• Le tocilizumab est un inhibiteur d’interleukines, hépatotoxique potentiel. Des cas rares mais graves d’atteintes hépatiques (ictère, hépatite, insuffisance hépatique aiguë) ont été observés avec Roactemra entre 2 semaines a`plus de 5 ans après le début du traitement.

• Au cours du traitement, un contrôle hépatique des transaminases est préconisé toutes les 4 à 8 semaines pendant les 6 premiers mois, puis toutes les 12 semaines.

Attitude à adopter

• La pharmacienne explique à Simone que son traitement peut être toxique pour le foie et que des analyses doivent être réalisées selon le rythme prescrit.

• Elle rappelle les signes d’une toxicité hépatique : urine foncée, jaunissement de la peau et des yeux, asthénie, nausées, vomissements et douleurs abdominales. Elle préconise à Simone de consulter son médecin dans les meilleurs délais qui lui prescrira certainement un bilan hépatique. L’analyse permettra en cas d’anomalies identifiées d’adapter la posologie ou d’arrêter le traitement.

OBSERVANCE

Une fois par semaine

Après 8 ans de corticothérapie, la polyarthrite de Madeleine, 74 ans, s’est aggravée de façon invalidante. Son rhumatologue a instauré un traitement oral hebdomadaire par méthotrexate 10 mg associé à Lederfoline 5 mg. Une semaine après la délivrance, Madeleine vient renouveler son ordonnance : « Lederfoline, c’est bon, c’est seulement le dimanche, mais l’autre vous ne m’en avez pas donné suffisamment ! » Etonné, le pharmacien l’interroge sur la fréquence de prise du méthotrexate. « Eh bien, tous les jours, non ? Je m’y perds un peu… », indique-t-elle.

Analyse du cas

• Le méthotrexate, utilisé dans certaines maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde et le psoriasis, est un antimétabolite qui diminue par antagonisme la transformation de l’acide folique en acide folinique, sa forme active. Or, une carence en acide folique est toxique pour l’organisme. Quelle que soit la dose de méthotrexate, une supplémentation en acide folique ou folinique est recommandée pour prévenir l’apparition d’effets indésirables.

• Dans ces indications, le méthotrexate ne doit être pris qu’1 fois par semaine et à distance de l’acide folinique (Lederfoline), afin d’éviter une diminution de l’efficacité du méthotrexate.

• Après des signalements d’erreurs liées à la prise de méthotrexate dont certaines ont eu des conséquences graves voire fatales, l’ANSM a demandé en 2016 aux professionnels de santé de redoubler de vigilance. La majorité concernait des prises quotidiennes accidentelles de méthotrexate chez des patients avec une prescription hebdomadaire.

• En cas de surdosage, la toxicité du méthotrexate est essentiellement gastro-intestinale (nausées, vomissements, etc.) et hématologique (anémie, leucopénie voire pancytopénie, aplasie médullaire). Des ecchymoses ou saignements inexpliqués, ainsi qu’une fatigue inhabituelle sont également caractéristiques.

Attitude à adopter

• Le pharmacien vérifie que le jour de prise hebdomadaire a bien été inscrit sur l’ordonnance, la boîte et sur le feuillet remis lors de la délivrance de méthotrexate. Il s’assure que ce jour est distant de celui de la prise de Lederfoline et (ré) explique que ces médicaments ne doivent être pris qu’1 fois par semaine.

• Il contacte le médecin et informe Madeleine de la conduite à tenir.

• Il signale l’erreur médicamenteuse sur le site signalement-sante.gouv.fr. Il indique dans la fiche patiente de Madeleine de vérifier lors de la prochaine délivrance la compréhension des modalités de prise du traitement. Si la compréhension s’avère difficile, la substitution par une forme injectable peut être envisagée par le médecin.

PROFILS PARTICULIERS

Pas si vite !

Nadia, 36 ans, pousse la porte de l’officine en trombe et tend deux ordonnances. « Vous pouvez faire vite ? Je suis garée en double file ! » Noé, jeune préparateur, tique en découvrant la prescription initiale hospitalière et le renouvellement de CellCept (mycophénolate mofétil). Il lui semble que ce médicament à dispensation particulière nécessite des précautions spécifiques. Nadia s’impatiente. « J’espère que vous en avez, il ne m’en reste que pour ce soir ! » Pressé, Noé demande de l’aide à la pharmacienne adjointe.

Analyse du cas

• Associé à un inhibiteur de la calcineurine et aux corticoïdes, le mycophénolate mofétil est indiqué par voie orale dans la prévention des rejets aigus d’une allogreffe rénale, cardiaque ou hépatique.

• Cet immunosuppresseur de la famille des antimétabolites est un tératogène majeur chez l’homme. Des taux de 45 à 49 % d’avortements spontanés et 23 à 27 % de malformations (anomalies de l’oreille, de la face, cardiopathies, spina-bifida, etc.) ont été rapportés lors de grossesses exposées à ce traitement. En conséquence, il est contre-indiqué pendant la grossesse sauf en l’absence d’alternative appropriée et ne doit pas être initié en l’absence de tests de grossesse négatifs.

• En 2018, l’ANSM a renforcé les recommandations en matière de contraception pour les patientes en âge de procréer. L’utilisation de deux méthodes contraceptives efficaces associées est recommandée avant le début, durant et pendant 6 semaines après le traitement. Un accord de soin doit de plus être signé avec le médecin lors de la prescription initiale hospitalière (PIH), les deux étant valables 1 an. Le renouvellement du traitement peut être effectué par tout prescripteur mais, à la délivrance, la PIH doit être présentée et le recueil d’accord de soins vérifié.

• Pour l’homme traité, par précaution, il est recommandé que le patient ou sa partenaire utilise une méthode de contraception efficace pendant le traitement et durant au moins les 90 jours qui suivent la dernière prise.

Attitude à adopter

• La pharmacienne demande à Nadia de fournir l’accord de soins et de contraception pour la délivrance du produit et lui rappelle que cet accord doit obligatoirement être présenté à chaque renouvellement. Elle propose de scanner ce document à la prochaine délivrance pour éviter cette situation.

• Si Nadia ne peut le fournir, la pharmacienne doit peser entre l’obligation réglementaire et le risque de détérioration du greffon lié à un arrêt du traitement. Or, l’ANSM rappelle que ces traitements ne peuvent être interrompus. La pharmacienne contacte le prescripteur pour vérifier la signature de l’accord. S’il est injoignable, elle formalise la délivrance par la rédaction d’une intervention pharmaceutique conservée dans le dossier de la patiente et transmise au prescripteur. Elle remet à Nadia une brochure d’information et lui demande de rapporter au plus vite son accord de soin.

• Elle prend encore une minute pour rappeler les risques du traitement lors d’une grossesse.

PRÉVENIR L’IATROGÉNIE

LES IMMUNOSUPPRESSEURS

LES QUESTIONS À SE POSER LORS DE LA DISPENSATION

LA PATIENTE EST-ELLE EN ÂGE DE PROCRÉER ?

Certains immunosuppresseurs sont contre-indiqués durant la grossesse et imposent donc une contraception efficace pour les femmes en âge de procréer. C’est le cas du mycophénolate, tératogène majeur dont la délivrance est conditionnée à la présentation de l’accord de soins et de contraception valable 1 an.

LE PATIENT CONNAÎT-IL LES MODALITÉS DE PRISE ?

• La prise quotidienne accidentelle de méthotrexate chez des patients dont la prise doit être hebdomadaire est une erreur régulièrement signalée qui expose à un surdosage potentiellement grave. La délivrance doit s’accompagner d’un feuillet avec mention du jour unique de prise.

• La prise de tacrolimus doit se faire en général à jeun, 1 heure avant ou 2 heures après un repas.

PREND-IL D’AUTRES MÉDICAMENTS ?

• La plupart des interactions à risque sont liées aux voies de métabolisation des médicaments à marge thérapeutique étroite.

• Parmi les associations déconseillées :

- tacrolimus/dabigatran : en inhibant la glycoprotéine P, le tacrolimus accroît le risque hémorragique de l’anticoagulant oral ;

- méthotrexate/pénicillines : les pénicillines diminuent l’élimination rénale du méthotraxate et majorent ainsi son risque de toxicité gastro-intestinale et hématologique ;

- ciclosporine/pamplemousse sous toutes ses formes : le pamplemousse, inhibiteur du cytochrome P450 majore les risques de néphrotoxicité de l’immunosuppresseur.

- L’association azathioprine/hypo-uricémiants inhibiteurs de la xanthine oxydase est contre-indiquée en raison d’un risque hématologique potentiellement grave.

• L’effet immunosuppresseur et lui-même source d’interaction : les vaccins vivants atténués sont en général contre-indiqués durant et au moins 3 mois après un traitement immunosuppresseur en raison du risque de réplication et de diffusion de la souche vaccinale.

CONNAÎT-IL LES EFFETS INDÉSIRABLES GRAVES ?

• Les immunosuppresseurs exposent de manière générale à un risque accru d’infections de sévérité variable. Les patients doivent en connaître les signes et consulter au moindre doute. Le risque de tuberculose sous anti-TNF-α impose un dépistage systématique avant son initiation.

• Le risque de développer certains cancers peut également être augmenté. Plus particulièrement :

- un traitement par anti-TNF-α expose à un surrisque d’apparition d’un lymphome ;

- la prise de ciclosporine peut favoriser la survenue de cancers cutanés, notamment de carcinomes pouvant être agressifs. Surveillance cutanée et protection contre les UV, qui constituent un risque supplémentaire, sont indispensables.

• Des effets graves spécifiques sont également rapportés :

- sous tofacitinib, les patients doivent être alertés d’un risque accru d’affections thromboemboliques veineuses et en connaître les signes évocateurs ;

- un traitement par bélimumab peut augmenter le risque de troubles psychiatriques graves qui justifient son arrêt.

Une surveillance de l’état psychique est nécessaire avant et durant tout le traitement ;

- des cas d’érythrodermie ont été rapportés chez des patients atteints de psoriasis sous ustékinumab. Bien que rare, l’affection est potentiellement grave, toute éruption cutanée étendue nécessite un avis médical urgent.

LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE ?

• La toxicité potentielle des immunosuppresseurs peut nécessiter des examens biologiques durant le traitement. C’est le cas du tocilizumab, potentiellement à l’origine d’une hépatoxicité sévère : un contrôle hépatique des transaminases est préconisé toutes les 4 à 8 semaines pendant les 6 premiers mois de traitement, puis toutes les 12 semaines.

• Informer tout professionnel de santé de la prise de médicaments immunosuppresseurs.

À RETENIR

Les patients sous tofacitinib doivent être alertés d’un risque accru d’affections thromboemboliques veineuses et en connaître les signes évocateurs.

À RETENIR

Un traitement par anti-TNF-α expose à un surrisque d’apparition d’un lymphome. Tout signe évocateur doit être rapidement exploré.

ATTENTION !

La prise de ciclosporine peut favoriser la survenue de cancers cutanés, notamment de carcinomes spinocellulaires pouvant être agressifs. L’exposition aux UV constitue un risque supplémentaire qu’il faut éviter.

PHOTOPROTECTION : INDISPENSABLE SOUS IMMUNO-SUPPRESSEURS

Les traitements immunosuppresseurs diminuent les capacités du système immunitaire à éliminer les cellules anormales et notamment les cellules cancéreuses. Ainsi, chez les patients traités, la fréquence des tumeurs est augmentée, en particulier celles de la peau, les ultraviolets étant à l’origine de mutations dans l’ADN des cellules cutanées.

Eviter le soleil, principalement entre 11 heures et 15 heures.

Porter des habits protecteurs (chapeau, lunettes de soleil, vêtements à manches longues, pantalon).

Utiliser un écran solaire à indice de protection élevée, renouvelé toutes les 2 heures.

Proscrire le bronzage en cabine UV.

S’autoexaminer tous les 4 mois et consulter son dermatologue en cas de lésion douteuse suivant la règle ABCDE :

- asymétrie (ni rond, ni ovale) ;

- bords irréguliers ;

- couleurs hétérogènes ;

- diamètre (supérieur à 5 mm) ;

- évolution : augmentation de la taille ou volume de la lésion.

ATTENTION !

Le traitement par anti-TNF-α expose à un risque accru de tuberculose. Un dépistage est systématique avant son initiation et les patients doivent consulter au moindre signe durant le traitement.

LES BIOSIMILAIRES

→ Un médicament biosimilaire est similaire à un médicament biologique de référence autorisé en Europe.

→ Un médicament biologique est produit à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant ou dérivé de ceux-ci

→ Les procédés de fabrication, les matières premières utilisées, les caractéristiques moléculaires et les modes d’action thérapeutique peuvent différer entre un médicament biologique de référence et un biosimilaire. La comparaison entre le médicament de référence et son biosimilaire supposé porte sur une analyse comparée des propriétés physicochimiques et biologiques (qualité), pharmacodynamiques, toxicologiques (sécurité) mais aussi cliniques (efficacité et tolérance).

→ L’interchangeabilité entre médicaments d’un même groupe est un acte médical qui impose d’obtenir l’accord du patient et de mettre en place une surveillance. Elle consiste, à l’initiative du prescripteur, à remplacer un médicament biologique par un autre similaire. En revanche, le droit de « substitution » à l’officine ne s’applique actuellement pas.

À RETENIR

Le traitement par bélimumab peut augmenter le risque de troubles psychiatriques graves. Une surveillance de l’état psychique du patient est recommandée. Toute modification du comportement doit faire orienter le patient vers une consultation médicale.

ATTENTION !

Dans de rares cas, le traitement par ustékinumab chez des patients atteints de psoriasis peut induire une érythrodermie potentiellement grave. Toute éruption cutanée étendue nécessite un avis médical rapide.

À RETENIR

L’association tacrolimus/dabigatran est déconseillée en raison d’un risque hémorragique accru. En cas de coadministration, une vigilance renforcée des signes de saignement s’impose.

À RETENIR

L’association méthotrexate/pénicillines est déconseillée en raison du risque de majoration de la toxicité gastro-intestinale et hématologique du méthotrexate.

PHARMACOVIGILANCE

Pour toute demande d’information, déclaration d’effets indésirables médicamenteux, d’erreur ou risque d’erreur impliquant un médicament, les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV ; www.rfcrpv.fr) sont à disposition de tous les professionnels de santé.

ATTENTION !

L’association des hypo-uricémiants inhibiteur de la xanthine oxydase avec l’azathioprine expose à un risque hématologique potentiellement grave. Elle est contre-indiquée.

ATTENTION !

La vaccination par les vaccins vivants atténués est contre-indiquée lors d’un traitement par anti-TNF-α et au moins 3 mois après son arrêt.

À RETENIR

L’association de ciclosporine et du pamplemousse, inhibiteur enzymatique, sous toutes ses formes est déconseillée.

À RETENIR

Le traitement par tocilizumab peut-être à l’origine d’une hépatotoxicité sévère. Une surveillance biologique régulière des transaminases est nécessaire.

MÉTHOTREXATE : N’OUBLIEZ PAS DE REMPLIR LE FEUILLET PATIENT

→ Le feuillet patient est mis à disposition des pharmaciens lors de la commande de médicaments et est téléchargeable sur le site ansm-sante.gouv.fr.

→ A chaque nouvelle dispensation, le pharmacien doit indiquer le jour de prise sur le feuillet et sur la boîte.

ATTENTION !

La prise quotidienne accidentelle de méthotrexate à la place d’une prise hebdomadaire est une erreur régulièrement signalée qui expose à des effets indésirables potentiellement graves. La délivrance doit s’accompagner de la remise d’un feuillet patient avec mention du jour unique de prise. Cette information doit aussi être reportée sur la boîte du médicament.

PRISE EN CHARGE D’UN SURDOSAGE EN MÉTHOTREXATE

→ Le dosage sanguin du méthotrexate permet d’évaluer la sévérité de l’intoxication.

→ Le folinate de calcium est l’ « antidote » du méthotrexate : administré par voie parentérale dans un délai rapide, il permet de neutraliser les effets hématopoïétiques immédiats du méthotrexate. La dose et la durée du traitement dépendent de la surveillance des concentrations sériques de méthotrexate.

→ En cas d’intoxication importante, une hydratation et une alcalinisation des urines sont parfois nécessaires pour prévenir la précipitation de la molécule ou de ses métabolites au niveau rénal. Une hémodialyse intermittente à l’aide d’un dialyseur à haut débit peut être tentée pour favoriser la clairance du produit.

ATTENTION !

La délivrance du mycophénolate mofétil chez les femmes en âge de procréer est conditionnée par la présentation d’un formulaire d’accord de soins et de contraception valable 1 an. Cette procédure s’applique également aux autres formes d’acide mycophénolique comme l’acide mycophénolique sodique (Myfortic).

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