Vaccins et variants, la course contre la montre - Le Moniteur des Pharmacies n° 3356 du 13/02/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3356 du 13/02/2021
 
COVID-19

EXPERTISE

AUTOUR DU MÉDICAMENT

Auteur(s) : Yves Rivoal

Après avoir mis au point en neuf mois un vaccin contre le Sars-CoV-2, la communauté scientifique et les laboratoires pharmaceutiques vont devoir relever un nouveau défi : stopper la prolifération des variants.

L’analogie est un peu spectaculaire, mais elle n’est pas complètement fausse. » Lorsqu’on lui demande si c’est une nouvelle course contre la montre qui s’engage entre les vaccins et les variants, le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, acquiesce. L’apparition de variants est pourtant tout sauf une surprise pour les virologues. « Vous avez deux types de variants, rappelle Brigitte Autran, professeure émérite d’immunologie à Sorbonne université (Paris) et membre du comité scientifique sur les vaccins anti-Covid-19. Il y en a des milliers avec des mutations synonymes qui ne modifient pas la protéine, et qui sont donc éliminés par nos anticorps. Les mutations non synonymes sont, elles, plus embêtantes, car elles se traduisent par la production d’un acide aminé modifiant la protéine et pouvant entraîner un échappement à nos réponses immunitaires. » C’est ce scénario qui s’est produit avec les variants britannique (B.1.1.7), sud-africain (B.1.351) et brésilien (B.1.1.248). «  Via des mutations sur des positions clés, la 501, la 484 et la 417, ces derniers peuvent se répliquer plus facilement, et être potentiellement moins sensibles à nos anticorps. Ce qui leur confère un avantage sélectif pour devenir prédominants », explique le Pr Yves Buisson, président du groupe Covid-19 de l’Académie nationale de médecine. Les premières données communiquées par Moderna et Pfizer/ BioNTech sur l’efficacité des vaccins après des tests in vitro sont plutôt rassurantes. « L’activité neutralisante des anticorps induits par notre vaccin était totalement préservée sur le pseudovirus de type “anglais” et légèrement diminuée contre le pseudovirus de type “sud-africain” », assure Emmanuelle Blanc, directrice médicale de l’activité vaccins de Pfizer. Pour le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne), ces premiers éléments sont intéressants, mais insuffisants. « Ces tests reposent sur l’hypothèse que seuls les anticorps neutralisants sont associés à la protection vaccinale. Or, d’autres intermédiaires de la réponse immunitaire, comme les lymphocytes T CD4 et T CD8, pourraient eux aussi avoir une activité qui n’a pas été testée. Pour s’assurer qu’un vaccin est véritablement efficace, il faut regarder ce qui se passe quand la population est vaccinée. » Sur ce point, les premiers résultats des essais de phase III communiqués par Johnson & Johnson, Novavax et AstraZeneca semblent étayer cette capacité d’échappement du variant sud-africain. Un porte-parole d’AstraZeneca a d’ailleurs annoncé sur la BBC le 7 février qu’une version du vaccin avec cette séquence était en préparation. Le laboratoire Moderna a, de son côté, indiqué qu’il allait mettre à l’essai un candidat pour un rappel contre la souche sud-africaine. Ce travail d’adaptation s’annonce d’autant plus nécessaire que la situation est susceptible d’évoluer, comme le rappelle Yves Buisson. « On vient de s’apercevoir que le variant britannique a lui aussi acquis cette mutation E484K, qui n’était jusqu’ici présente que chez le sud-africain et le brésilien, et qui pourrait être à l’origine d’une moindre efficacité de la vaccination. »

Les raisons d’espérer

Les laboratoires se montrent toutefois confiants. « La flexibilité de la plateforme technologique de vaccin fondée sur l’ARN messager de BioNTech est adaptée au développement de nouvelles versions du vaccin, assure Emmanuelle Blanc. Connaissant la séquence de la protéine Spike, il serait relativement simple et rapide de modifier la matrice ADN permettant de produire le vaccin. » L’adaptation devrait aussi être relativement aisée pour les vaccins à vecteurs adénoviraux d’AstraZeneca et Johnson & Johnson, comme l’explique Alain Fischer. « Il suffit là aussi de modifier un petit fragment d’acide nucléique et de l’insérer dans le vecteur adénoviral. La tâche s’annonce un peu plus longue pour les vaccins à base de protéines, car il faut produire des cultures cellulaires. » Une fois les essais en laboratoire achevés se posera alors la question des investigations à mener sur des modèles animaux ou cliniques. Ce point est en cours de discussion avec les autorités réglementaires, qui n’ont pas encore statué. Pour Alain Fischer, ces procédures devront être accélérées. « Il faut espérer que nous n’aurons pas besoin de repasser par les trois phases d’essais cliniques, et que l’on se contentera d’évaluer l’immunogénicité sur un nombre limité de patients vaccinés afin de s’assurer que la production d’anticorps et l’immunité des lymphocytes T sont satisfaisantes. » Pour Yves Buisson, les procédures de qualification pourraient s’inspirer de celles du vaccin grippal. « Chaque année, les laboratoires l’adaptent en changeant uniquement les souches virales ayant subi une dérive antigénique significative dans la composition du vaccin. Et comme les procédés de fabrication et d’inactivation sont connus, une simple adaptation de l’autorisation de mise sur le marché suffit, les essais cliniques se limitant aux phases I et II. » Les experts interrogés se montrent tous plutôt confiants pour la suite. Yves Buisson fonde même beaucoup d’espoirs sur l’émergence de vaccins de seconde génération. « Les premiers candidats vaccins ciblent tous le RBD* de la protéine Spike. Pour obtenir une meilleure réponse immunitaire, certains laboratoires orientent leurs recherches sur des vaccins portant sur des zones du virus plus conservées, comme les protéines d’enveloppe et la nucléoprotéine. Et si l’on parvenait à trouver des réponses favorisant une immunité mixte, dirigée à la fois contre les spicules et contre les zones plus conservées, nous disposerions de vaccins actifs contre les différents variants. »

Dernier motif d’optimisme : le Sars-CoV-2 ne semble pas bénéficier d’un répertoire de mutations infini. « Contrairement au virus de la grippe, il n’a pas la capacité de recombiner des fractions de son code génétique avec d’autres virus affectant les oiseaux ou les cochons pour produire un nouveau virus échappant à l’immunité vaccinale, souligne Brigitte Autran. Une fois qu’il aura testé toutes les mutations, nous arriverons peut-être à le pousser dans ses retranchements et à en venir à bout » Jusqu’à l’éradiquer complètement ? « A ce stade, rien ne dit que nous parviendrons à nous débarrasser complètement de cette maladie, juge Jean-Daniel Lelièvre. En revanche, je suis persuadé que nous arriverons à la contrôler en trouvant un équilibre qui passera par la vaccination afin de limiter les formes graves de la maladie et l’engorgement des hôpitaux », conclut le professeur.

* Receptor binding domain.

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