La crise, quelle crise ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3354 du 30/01/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3354 du 30/01/2021
 
BILAN ÉCONOMIQUE 2020

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) : François Pouzaud

La profession a tiré son épingle du jeu au cours d’une année 2020 naturellement marquée par la crise sanitaire, mais aussi par la poursuite de la réforme du système de rémunération des médicaments remboursables. Chiffre d’affaires et marge progressent sous l’impulsion des nouvelles missions dérogatoires. Qui ne font pas que des gagnants.

Alors que le monde connaît sa plus vaste crise économique depuis 150 ans, selon la Banque mondiale, les pharmacies seraient-elles les grandes gagnantes de la crise sanitaire ? Les statistiques du cabinet d’experts-comptables AdequA (voir page 17) et les premiers chiffres (encore à affiner) transmis par CGP ne font aucun doute sur la résilience des officines. « L’activité 2020 a plutôt bien résisté à la crise sanitaire, analyse Joël Lecoeur, expert-comptable du cabinet LLA et président du groupement CGP. Avec un mois de décembre 2020 qui a surperformé à + 6 % grâce aux tests antigéniques, l’année 2020 se termine sur une croissance de chiffre d’affaires (CA) de l’ordre de + 3 %. »

Oubliés également les effets du premier confinement bien amortis au départ de la crise par un mois de mars tonitruant. Et au cours du premier semestre, le cabinet Fiducial, qui a réalisé une étude sur 300 pharmacies, montre que le CA moyen s’élève à 1 675 k€ et progresse de 2,40 % par rapport à la même période de l’année précédente. Au-delà de ce constat et en attendant sa consolidation avec les chiffres des officines qui clôturent en fin d’année, « il y a un bon dynamisme de l’activité que l’on ressentait déjà en 2019 », indique Philippe Becker, responsable du département pharmacie de Fiducial. Comme toujours, ces moyennes doivent être analysées avec prudence. « Elles ne reflètent pas la réalité de chacun, les officines parisiennes ne peuvent être comparées aux officines de province. Et que dire en cette période des officines de montagne ! », nuance Joël Lecoeur. Les officines de proximité s’en sortent bien. Sans forcément de lien en rapport avec la crise du Covid-19, il souligne que les plus petites officines de moins de 1 M€ connaissent une nouvelle baisse d’activité de l’ordre de 1 %, tandis qu’un tiers des pharmacies sont à la traîne avec une baisse significative (- 3,48 %), rapporte Philippe Becker, selon son étude préliminaire. « On y trouve, et ce ne sera pas une surprise, les petites pharmacies de centre-ville, les officines de zones touristiques et celles qui tirent leur CA d’un fort passage. » « Une activité aujourd’hui encore partiellement récupérée dans les pharmacies de grands centres commerciaux et de gares », note Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA.

Un CA boosté par le Covid-19

Fait inattendu (ou attendu depuis longtemps !) : la crise sanitaire a révélé le rôle d’acteur majeur de la prévention et du dépistage des pharmaciens. Ils ont embrassé sans hésiter les nouvelles missions dérogatoires que le gouvernement leur a confiées pendant cette « guerre sanitaire ». Et cela a payé. La massification de ces nouvelles missions se révèle beaucoup plus lucrative que les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication. « Les titulaires et leurs équipes se sont impliqués de manière extraordinaire à une évolution constamment changeante des besoins en 2020, observe Olivier Delétoille. Résultats : les CA sont en hausse, tirés aussi par les ventes de masques, de gels, la vaccination antigrippale et, pour finir, les tests antigéniques. »

Et les marges suivent. Selon l’échantillon de Fiducial, « la marge brute en pourcentage du CA HT baisse légèrement de 0,48 %, mais progresse en valeur absolue du fait de la croissance du CA de 4 000 € sur l’année, indique Philippe Becker. Par ailleurs, la rentabilité devrait se maintenir au niveau de 2019, voire augmenter légèrement pour les officines qui ont vu leur activité le plus progresser. »

Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), bien qu’en guerre contre la réforme de la rémunération, en convient : « La crise liée au Covid-19 a été une source d’activité pour l’officine. » Quant à Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), signataire de l’avenant n° 11, il considère que le Covid-19 a été plus un allié qu’un ennemi pour l’économie de l’officine. « Le fait pour les pharmaciens d’avoir élargi leurs compétences dans la prévention et le dépistage leur a permis de compenser les pertes d’activité du premier confinement », observe-t-il.

La règle des « un tiers »

Plus objectivement, Joël Lecoeur voit trois contributeurs à la croissance de 2020, de même importance : « Un tiers est lié à l’impact du Covid (vente de masques, de gels et tests antigéniques, etc.), un tiers à l’évolution des prescriptions hospitalières (médicaments chers) et un tiers à la réforme de la rémunération (évolution des honoraires à l’ordonnance). »

Maintenant, pour ne pas connaître la crise en 2021, la voie semble toute tracée. « Les officines véritablement orientées vers les services et le soin des patients ont mieux performé », fait remarquer Olivier Delétoille. Il invite donc les pharmaciens à creuser davantage ce sillon pour l’avenir de leur entreprise. « La rentabilité se conforte avec une implication de plus en plus forte des titulaires, un renforcement de leurs compétences entrepreneuriales et la remédicalisation de leur profession », ajoute-t-il. Il y avait jusqu’ici les opportunités commerciales à saisir, il y a maintenant les opportunités médicales qui s’offrent aux officines. Voilà qui devrait encore accélérer la transformation du métier.

Sur le court terme, les officinaux sont vaccinés contre la crise économique et sanitaire. « Ils seront fortement sollicités et ceux qui s’impliqueront dans les tests antigéniques et ensuite dans la vaccination contre le Covid-19 devraient encore tirer leur épingle du jeu », évalue Philippe Becker. Ce sera forcément plus compliqué pour les officines plus sensibles à la baisse du trafic et celles qui travaillent avec le tourisme. « Cela étant, poursuit-il, faire des prévisions sérieuses sur les gagnants et les perdants est complexe, car les mesures prises par le gouvernement sont différentes à chaque confinement. Néanmoins, la résilience des officines et le renforcement de leur structure financière se sont construits pendant la succession d’années difficiles qui ont émaillé la dernière décennie.

Gare à la sortie de crise

Preuve en est : la très grande majorité des officines n’a pas eu besoin des aides de l’Etat, seules celles qui étaient exposées du fait de pertes importantes de clientèle ont sollicité les dispositifs de chômage partiel ou de prêt garanti par l’Etat. » Le risque est paradoxalement lié à la sortie de crise, à l’heure des comptes et de l’arrêt du financement du « quoi qu’ il en coûte » qu’il faudra rembourser un jour ou l’autre. « Nos gouvernants seront obligés de gérer une addition qui se révélera gigantesque. Nous pouvons craindre que les vieilles recettes réapparaissent avec comme conséquence de nouveaux plans de maîtrise des dépenses de santé et à la clé des mesures qui pourraient affecter une nouvelle fois l’économie officinale - le médicament étant devenu la variable d’ajustement pour combler les déficits de l’Assurance maladie », prévient Philippe Becker. Pour Philippe Besset, on est déjà entré dans ce scénario avec le déremboursement de l’homéopathie, les baisses de prix au travers des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) successifs…

Ajoutons à cela l’effondrement du conseil lié à la prévention par le port des masques et du lavage des mains, ainsi que la forte augmentation des défaillances d’entreprises attendue pour 2021 avec l’arrêt des aides de l’Etat. « L’année 2021 reste celle de tous les dangers », redoute Joël Lecoeur. Une crainte partagée par le président de la FSPF, mais pas par son alter ego de l’USPO qui veut amplifier les effets protecteurs de la réforme en négociant de nouvelles missions avec l’Assurance maladie : livraison des médicaments à domicile, préparation des doses à administrer (PDA), accompagnement du sevrage tabagique, etc.

À RETENIR

- 2020 aura été une bonne année pour la pharmacie, tout particulièrement pour les pharmacies de proximité qui voient leur chiffre d’affaires en nette augmentation. A l’inverse, celles de centre commercial ou de centre-ville enregistrent des baisses significatives.

- La croissance économique repose sur les ventes liées au Covid-19 (masques, gels hydroalcooliques, tests antigéniques, etc.), l’évolution des ventes de médicaments chers et la réforme de la rémunération. Les pharmacies qui ont investi dans les services et les soins aux patients ont également tiré leur épingle du jeu.

- Attention à la sortie de crise : entre les économies à prévoir sur le médicament pour compenser les pertes de l’Assurance maladie, l’effondrement du rayon conseil depuis la mise en place des mesures sanitaires et l’augmentation des défaillances d’entreprises attendues, 2021 sera une année délicate.

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