Inquiétants variants du Sars-CoV-2 - Le Moniteur des Pharmacies n° 3354 du 30/01/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3354 du 30/01/2021
 
VIROLOGIE

EXPERTISE

AUTOUR DU MÉDICAMENT

Auteur(s) : Yves Rivoal

Alors que le lancement des campagnes de vaccination laissait entrevoir le bout du tunnel, l’émergence de variants en Angleterre, en Afrique du Sud et au Brésil a considérablement assombri le paysage épidémique. Qu’est-ce qui différencie ces nouvelles lignées virales du Sars-CoV-2 ? Sont-elles plus contagieuses et virulentes ? Résistent-elles aux vaccins ? Epidémiologistes et virologues apportent des éléments de réponse.

Détecté pour la première fois dans le Kent le 20 septembre dernier, le variant britannique VOC 202012/01 n’a eu besoin que de trois mois pour devenir la souche dominante du Sars-CoV-2 à Londres et dans le sud de l’Angleterre. Entraînant dans son sillage une nouvelle flambée de l’épidémie et un reconfinement de la population. Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, deux autres variants, identifiés cette fois en Afrique du Sud et au Brésil, le 501Y.V2 et le P.1, pourraient eux aussi changer la donne. En Afrique du Sud, cette nouvelle souche concentrerait déjà 60 à 75 % des infections. En France, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, estimait dimanche 24 janvier sur BFM TV que le mutant britannique représenterait 7 à 9 % des cas dans certaines régions, le sud-africain autour de 1 %… « L’apparition de variants était attendue, rappelle Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne université et au centre de recherche Saint-Antoine (Paris). Comme tous les virus, le Sars-CoV-2 a donné naissance à des dizaines de milliers de mutants qui, jusqu’à présent, n’ont pas suscité d’inquiétude particulière. La donne semble avoir changé avec ces trois variants qui se distinguent par une vingtaine de mutations et délétions, dont deux sont susceptibles de modifier le comportement de la maladie. »

La première mutation, la N501Y, est partagée par les trois variants. Elle est située dans une région du génome, le receptor binding domain (RBD), qui favorise l’ancrage de la glycoprotéine S au récepteur ACE2. La seconde, la E484K, est elle aussi placée dans le RBD, mais elle a la particularité de ne figurer que sur les variants sud-africain et brésilien. « En favorisant l’attachement à la cellule hôte, ces deux mutations rendraient le virus plus transmissible, explique Yves Buisson, épidémiologiste et président du groupe Covid de l’Académie nationale de médecine. Il semble aussi qu’elles augmenteraient les capacités du virus à se multiplier dans les cellules. On observe chez les patients infectés des charges virales moyennes significativement plus élevées qu’avec le coronavirus classique, qui se traduiraient par une présence plus importante de virus dans la salive. »

Pour Anne Goffard, professeure de virologie à la faculté de pharmacie de Lille (Nord) et chercheuse au Centre d’infection et d’immunité de Lille, la corrélation entre ces deux mutations et la surcontagiosité du variant britannique, évaluée entre 40 et 74 % dans une première étude, est probable mais pas encore validée scientifiquement. « Il faut attendre les résultats des études en cours pour savoir si oui ou non la perte du contrôle de l’épidémie au Royaume-Uni est liée uniquement à la N501Y ou à la conjonction de plusieurs mutations. » L’étude anglaise fait également ressortir une plus forte propagation du virus chez les jeunes. « Jusqu’à présent, l’immaturité chez les enfants du récepteur ACE2 paraissait constituer un frein à l’accrochage de la protéine Spike. La modification de la forme de cette dernière semble avoir changé la donne », constate Martin Blachier, épidémiologiste, spécialiste en santé publique et directeur de Public Health Expertise.

La communauté scientifique s’interroge également sur le degré de virulence de ces variants. En annonçant le week-end dernier que le britannique serait plus mortel, le Premier ministre Boris Johnson a jeté un froid. Mais après avoir évoqué un risque de mortalité de 13 à 14 pour 1 000 pour les hommes âgés d’une soixantaine d’années, contre 10 pour 1 000 avec la forme classique du virus, Patrick Vallance, son conseiller scientifique, a rappelé qu’il restait beaucoup d’incertitudes autour de ces chiffres. Des chiffres qui ont surpris Vincent Maréchal. « Nous considérions jusqu’à récemment que le variant britannique n’entraînait pas de forme plus sévère de la maladie. Comme il est plus contagieux, il y a mathématiquement plus de cas, donc plus de formes graves et de décès. Les chiffres avancés étant très proches, il faut rester prudent sur leur interprétation. »

Une incertitude sur l’immunité

L’immunité conférée par une première infection. « Les personnes infectées naturellement par le Sars-CoV-2 développent des anticorps à la fois contre la glycoprotéine S, mais aussi contre d’autres protéines virales, observe Anne Goffard. Cette immunité croisée semble protéger contre le variant britannique. » S’agissant du variant brésilien, la situation à Manaus interpelle. « Une étude publiée en décembre indiquait que 76 % de ses habitants posséderaient des anticorps contre le Sars-CoV-2. Or, on assiste dans cette ville à une reprise épidémique au sein d’une population censée avoir atteint le seuil d’immunité collective. Mais on ne sait pas encore si cette flambée est liée aux capacités de réinfection du variant ou à une immunité trop courte », souligne Martin Blachier. La question de la résistance de ces variants au vaccin s’annonce cruciale. Sur ce point, les premiers éléments communiqués par Pfizer et BioNTech sont encourageants. Pour déterminer si les sérums des personnes ayant reçu leur vaccin anti-Covid-19 pouvaient neutraliser le Sars-CoV-2 avec la mutation N501Y, un virus avec cette substitution a été généré dans un laboratoire de l’université du Texas. Les sérums de 20 participants de l’essai de phase 3 l’ont neutralisé. Même constat du côté de Moderna qui a publié lundi 25 janvier les résultats d’études in vitro montrant, eux aussi, une neutralisation efficace contre les variants au Royaume-Uni et en Afrique-du-Sud.

Jean-François Delfraissy est venu toutefois tempérer cet optimisme en rapportant sur BFM TV que d’après une étude américaine le variant sud-africain provoquait une diminution de l’efficacité des vaccins d’environ 40 %. Mais du côté de Pfizer et BioNTech, on reste rassurant. Si les mutations du virus nécessitaient une mise à jour de leur vaccin, les deux partenaires estiment que la flexibilité de leur plateforme à base d’ARN messager pourrait permettre de tels ajustements. La société Moderna a, elle, annoncé qu’elle allait tester une dose de rappel supplémentaire de son vaccin pour étudier sa capacité à augmenter la neutralisation des souches émergentes au-delà des deux premières doses.

Face à l’apparition de ces nouveaux variants, les experts interrogés se montrent, eux aussi, rassurants. « Leur émergence ne change rien. C’est le même virus, qui génère la même maladie, et entraîne la même prise en charge à l’hôpital », rappelle Martin Blachier. De son côté, Anne Goffard invite ses étudiants en pharmacie à faire passer un message simple au comptoir : « Puisque ces variants sont probablement plus contagieux, il faut juste inciter les patients à respecter plus strictement les mesures barrières et à aller se faire vacciner dès que possible, car c’est comme cela que l’on arrivera à contrôler la circulation du virus. »

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