Une approche transverse indispensable - Le Moniteur des Pharmacies n° 3353 du 23/01/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3353 du 23/01/2021
 
UNE SEULE SANTÉ

TEMPS FORTS

ANALYSE

Auteur(s) : Magali Clausener

Thérapie, recherche… La pandémie aura au moins permis de démontrer le caractère essentiel du concept One Health, « une seule santé ». En décembre, un colloque a mis en lumière les liens ténus entre santé humaine et animale. Des liens où il est également question d’environnement.

Les 17 et 18 décembre 2020 s’est déroulé, dans les locaux de TF1 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), le colloque « One Health Joint Action », organisé par le groupe média omnicanal 1Healthmedia*. One Health, c’est un concept décloisonné et transdisciplinaire d’une seule santé, porté par des organisations internationales de santé publique comme l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un an après le début de la pandémie de Covid-19, le sujet n’a jamais été autant d’actualité. Le prince Albert II de Monaco, qui a introduit le colloque, n’a pas manqué de le rappeler : « Les épidémies à répétition qui s’abattent sur nos sociétés sont issues du monde animal pour plus de 60 % d’entre elles. La santé de notre planète, la santé animale, ainsi que la santé humaine sont des notions étroitement liées, voire indissociables. Les acteurs qui sont impliqués dans ces domaines d’activité doivent dorénavant dialoguer, travailler ensemble, s’unir afin d’apporter ensemble une réponse globale à ces maladies si complexes à soigner. »

Faire tomber les murs

« Il est nécessaire d’avoir une approche transverse, interdisciplinaire, mais aussi intersectorielle », insiste d’ailleurs Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire et président de l’Académie vétérinaire de France. Faut-il encore pouvoir mettre en œuvre cette approche. Or, « tous ces murs qui existent, ce cloisonnement, sont relativement récents », relève-t-il. En rappelant que de l’Antiquité au xixe siècle, il n’y avait pas de distinction entre médecine animale et humaine. Claude Bourgelat (1712-1779), qui a fondé la première école vétérinaire au monde en 1761, faisait de l’anatomie comparée. Louis Pasteur, qui n’était ni médecin ni vétérinaire, disait qu’il était important de ne pas avoir de catégories. Au xixe siècle, dans ses écrits, l’Académie de médecine parlait d’une seule médecine. Encore un exemple ? Le vaccin BCG a été créé par Albert Calmette, un médecin, et Camille Guérin, un vétérinaire. « Ce serait bien que l’on revienne à cette époque et que l’on développe la recherche sur le passage de la barrière d’espèces, car c’est cela le sujet, de voir comment le pathogène passe de l’animal à l’homme », souligne Jean-Luc Angot.

Un concept liant

Ce qui n’est pas le cas. Pascal Boireau, directeur du laboratoire de santé animale à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), explique ainsi que « nous avons des colonnes en matière de recherche et développement qui sont liées à des motsclés » comme « médicale », « agronomique », « environnementale »… « A chaque fois, nous avons pu créer des organismes associés à cette recherche et, en supranational, nous avons la même construction. Le concept One Health vient pour mettre du liant à toutes ces colonnes, qui ont statufié la recherche mais également les positions institutionnelles, et ouvrir de façon beaucoup plus large la vision. » C’est aussi pour cette raison que Pascal Boireau a accepté d’animer en Ile-de-France le domaine d’intérêt majeur d’infectiologie sur le concept One Health. « Ce qui nous a permis de financer de la recherche sur des molécules contre les coronavirus dès 2017 », souligne-t-il. De fait, pour l’intervenant, le concept One Health est « inhérent à l’infectiologie ».

Jean-Luc Angot regrette toujours que le gouvernement français n’ait pas fait appel aux vétérinaires, notamment pour les tests dès le début de l’épidémie : « Il y a plus d’épidémies animales que de pandémies humaines, nous avons donc un peu plus d’expérience de gestion de crise et cela aurait été intéressant aussi que des vétérinaires rejoignent le Conseil scientifique ». Rien n’est perdu cependant. Des vétérinaires devraient intégrer le Conseil scientifique.

Animaux sentinelles

« Une seule santé, c’est bien d’en parler, mais c’est mieux de la mettre en œuvre », fait remarquer Jean-Philippe Dop, directeur général adjoint de l’OIE. Dans le cadre de la collaboration tripartite (OIE, FAO et OMS), trois priorités ont été définies en matière de One Health : la lutte contre l’antibiorésistance, contre l’infuenza aviaire hautement pathogène susceptible d’être transmissible à l’homme et contre la rage. Par exemple, chaque année, le vaccin contre la grippe est élaboré grâce aux observations de ce qui se passe dans le monde animal et en répertoriant les souches. Ce travail est possible grâce à la collaboration entre l’OMS et l’OIE.

Autre aspect « visible » des liens entre santé humaine et santé animale : les modèles animaux. « Dans le développement des médicaments, on utilise forcément des modèles animaux - chiens, chats, souris, etc. - pour faire de la pharmacocinétique et de la toxicité et il est en effet dommage de ne pas utiliser des modèles naturels de maladies qui existent chez ces animaux pour tester les médicaments d’abord chez les animaux en phase II, en phase III, et si ça marche, la prédictivité peut être plus importante ensuite chez l’homme. Les exemples sont nombreux : greffes de moelle, de cœur… », détaille Olivier Hermine, chef du service hématologie à l’hôpital Necker (Paris), membre de l’Académie nationale de médecine et cofondateur du laboratoire AB Science.

Valérie Freiche, vétérinaire, spécialiste en médecine interne à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA, Val-de-Marne) et à l’Institut Imagine, met quant à elle l’accent sur les animaux qui accompagnent la vie des humains : « On perd de vue que l’animal, en ce qui concerne la santé humaine dans le concept One Health, et notamment l’animal de compagnie, est une sentinelle fondamentale de nombreuses maladies. Quand on trouve un mésothéliome chez un chien, qui est une maladie rare, on va chercher de l’amiante dans l’environnement des propriétaires. Ces animaux peuvent révéler pour nous un certain nombre de maladies qu’il est nécessaire d’étudier de concert ». Outre cet aspect, le dépistage par le chien de certaines maladies fait l’objet de nombreuses études, dont le projet d’Isabelle Fromantin, infirmière, sur le dépistage du cancer du sein. Valérie Freiche et Jean-Luc Angot ont également cité le dépistage du Covid-19 par des chiens, un travail réalisé par l’équipe du Pr Dominique Grandjean à l’ENVA, reconnu par l’OMS et mis en œuvre dans les aéroports en Arabie saoudite et en Finlande. L’animal est aussi un médiateur. Ainsi, un étalon et son cavalier participent à des actions dans les unités de soins palliatives pour aider les personnes en fin de vie, car le cheval a la capacité de détecter des personnes affaiblies moralement ou physiquement. Autant d’exemples qui montrent le lien indissociable entre les hommes et les animaux.

Selon Loïc Dombreval, député des Alpes-Maritimes (La République en marche), l’idée du One Health « fait clairement son chemin et à une vitesse qui me semble au bon tempo ». A l’initiative d’un colloque sur ce thème le 1er octobre dernier, il a également rédigé avec d’autres députés une proposition de résolution incitant le gouvernement à travailler sur ce concept. Pour Julien Kouchner, président du groupe 1Healthmedia, « ce sujet est une chance pour le monde, pour la France et pour nous tous ».

* En partenariat avec l’ENVA, l’Institut Imagine, Okivet, Boehringer Ingelheim, MSD Santé animale et Oncovet Clinical Research (OCR).

Et l’écologie ?

L’environnement fait bien sûr partie du concept One Health puisque l’état écologique global joue un rôle crucial dans la santé animale et dans la santé humaine. Au début du colloque, Luc Ferry, essayiste et div de plusieurs ouvrages sur l’écologie, a présenté quatre grands courants écologiques : les « effondristes » ou « collapsologues » ; les « décroissants », qui prônent la réduction de la production des biens et services afin de préserver l’environnement ; les partisans de la croissance verte et du développement durable et les « écomodernistes », qui pensent que les humains doivent utiliser leurs capacités techniques, économiques et sociales pour améliorer la condition humaine, stabiliser le climat, et protéger la nature. Ce dernier mouvement a d’ailleurs la préférence de l’essayiste. Mais la nature peut sembler lointaine à de nombreux citoyens. Cécile Cabanis, directrice générale chez Danone, a ainsi expliqué qu’une étude réalisée il y a quelques années avait révélé que 30 % des Anglais ne faisaient plus le lien entre le bacon et le cochon, et que d’autre part aujourd’hui 90 % des élèves ne savent pas que la banane pousse sur un arbre. Et de commenter : « On a complètement déconnecté les gens de l’alimentation, la nourriture est devenue un bien matériel ».

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