Tests antigéniques autorisés, officinaux préparés ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3340 du 24/10/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3340 du 24/10/2020
 
COVID-19

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) : Yves Rivoal*, François Pouzaud**, Anne-Hélène Collin***

Les pharmaciens sont autorisés à pratiquer des tests antigéniques nasopharyngés rapides, mais en pratique, tout n’est pas encore fixé pour pouvoir les réaliser. En attendant, pharmaciens, préparateurs et étudiants peuvent déjà s’y préparer.

C’était attendu, c’est désormais officiel. Les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) antigéniques nasopharyngés pour la détection du Sars-CoV-2 peuvent être pratiqués par les médecins, les pharmaciens ou les infirmiers, « à titre exceptionnel et dans l’intérêt de la protection de la santé ». L’arrêté du 16 octobre 2020 modifiant l’arrêté du 10 juillet 2020 fixe, en partie, les modalités de la réalisation de ces tests rapides, solutions alternatives aux tests virologiques par RT-PCR, tant espérés par la population. Tout le monde ne pourra pourtant pas en bénéficier (voir Repères p.19). Seuls sont éligibles les patients symptomatiques âgés au plus de 65 ans et sans facteur de risque, se présentant dans les quatre premiers jours après le début des symptômes et qui ne peuvent obtenir un résultat de test par RT-PCR dans les 48 heures, ainsi que les patients asymptomatiques hors cas contact et cluster.

Quant aux tests antigéniques, le ministère de la Santé vient de publier une première liste de 14 Trod disponibles et pour lesquels les industriels ont présenté des performances conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Les autotests antigéniques sont, eux, interdits. Mais avant de se lancer dans le dépistage du Sars-CoV-2, plusieurs points sont encore en suspens : les modalités de formation, la procédure d’assurance qualité qui doit guider les pharmaciens, les modalités d’inscription des résultats dans le système d’information de dépistage (Sidep), qui conditionnera le remboursement.

« Ça va aller très vite », prévoyait Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) lors d’une conférence de presse le 20 octobre. Ce que le pharmacien peut faire en attendant ? « Acheter des tests. Se former. Attendre le protocole. Et discuter avec son équipe de l’organisation. »

S’organiser, facile à dire

Pour que ces tests soient gérables au quotidien, les officines devront adopter une organisation spécifique. « A l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), nous recommandons de les effectuer uniquement sur rendez-vous, et sur des plages horaires fixes. En sachant qu’il est préférable de choisir des périodes de faible affluence et de ne pas les réaliser en même temps que la vaccination contre la grippe si le prélèvement se déroule dans la même salle de confidentialité, souligne Laurent Filoche, patron de l’UDGPO, qui attribue deux grandes vertus à ce mode d’organisation. Il évite à la personne en charge des prélèvements d’avoir à s’équiper à chaque fois et il permet d’effectuer des mini-séries de six à dix tests qui sont la condition sine qua non pour que ces derniers soient rentables. » Si l’arrêté indique que le test antigénique doit être réalisé dans l’espace de confidentialité, les syndicats essaient encore d’obtenir des conditions plus souples. « Plusieurs solutions sont à l’étude afin d’éviter les files d’attente et que les patients Covid ne croisent les personnes fragiles ou de plus de 65 ans, confirme Alain Grollaud, président de Federgy. Nous avons demandé la possibilité de pouvoir les réaliser dans une pièce aménagée au sein du back-office, mais aussi en extérieur, sous un barnum installé devant l’officine ou dans une cour intérieure, voire directement dans les voitures lorsqu’elle a la chance de disposer d’un parking. » Pour le prélèvement nasopharyngé, les syndicats recommandent de fonctionner en binôme : le premier, spécialement équipé (masque FFP2, blouses, gants, charlotte, lunettes ou visières) pour le prélèvement, le second pour l’analyse du test. « Idéalement, le prélèvement doit être réalisé par un étudiant en pharmacie ayant validé sa première année d’étude ou un préparateur qui restera équipé pendant toute la plage horaire de dépistage, explique Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). L’enregistrement des données et le rendu du résultat au patient doivent être assurés par un pharmacien qui peut, bien sûr, participer au prélèvement s’il le souhaite. » Pour l’annonce des résultats, deux écoles s’opposent. Gilles Bonnefond recommande d’instaurer des séries de tests pendant deux heures. « Cela permettra d’annoncer au patient s’il est positif ou pas dans le quart d’heure, sans qu’il ait besoin de revenir à la pharmacie, les 15 ou 20 minutes d’attente pouvant être mises à profit pour gérer l’administratif et l’enregistrement sur la base Sidep. » Pour Philippe Besset, si les tests sont pratiqués en série, les patients ne pourront pas rester à l’officine en attendant leurs résultats. « Il sera possible de leur envoyer un SMS lorsqu’ils seront prêts. Et si les tests ont lieu de 14 h à 17 h, vous pourrez les inviter à repasser à partir de 17 h 30. » Gilles Bonnefond insiste enfin sur la nécessité d’orienter efficacement les patients éligibles au téléphone. « Il faudra également bien gérer les plages de prélèvements et les rendez-vous pour ne pas que l’on se retrouve dans la même situation que les laboratoires d’analyses médicales avec des queues devant nos pharmacies… », conclut-il.

Une opportunité à saisir, vraiment ?

Le déploiement des tests antigéniques s’annonce complexe. Mais pour Laurent Filoche, la profession n’a pas de questions à se poser. « C’est la première fois que le pharmacien est habilité à délivrer un diagnostic qui fait force de loi. Il s’agit donc d’une avancée majeure. » Alexis Berreby, cofondateur du groupement Leadersanté, partage le même enthousiasme. « Nous avons là une opportunité historique de replacer la croix verte au centre du village. Si nous parvenons à contribuer à la maîtrise de la pandémie, cela renforcera notre métier de docteur en pharmacie, et cela incitera les autorités de santé à nous confier de nouvelles missions comme le droit de prescription sur le petit risque (infections digestives, cystites, contraceptifs, etc.) ou le renouvellement des traitements chroniques. »

Philippe Besset se montre, lui, plus réservé, et comprend les réticences affichées par certains. « A la Fédération, nous avons toujours dit que la décision de pratiquer ces tests antigéniques devait être prise sur la base du volontariat. Et qu’il ne faudrait pas stigmatiser les confrères qui décideront de ne pas y aller parce que les conditions d’organisation ou d’engagement de leur équipe ne leur permettront pas de le faire dans de bonnes conditions. » Gilles Bonnefond attend, lui, la publication des protocoles, en cours d’élaboration avec l’Assurance maladie et le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP).

Et à quel prix ?

Accueil et prise en charge du patient, interrogatoire, prélèvement nasopharyngé, phase d’analyse du test, rendu du résultat au patient et enregistrement sur la plateforme Sidep… Pour cette séquence de tâches réalisées en binôme à la pharmacie, l’Assurance maladie proposait une rémunération de 30 € par acte. Un montant accepté par la FSPF, fidèle à sa stratégie de ne pas discuter les tarifs des services rendus par les pharmaciens en « temps de guerre ». Mais qui a déclenché la déception et la colère de Gilles Bonnefond. « Il était question au démarrage de la concertation d’un montant de l’acte de 50 € et d’un forfait de 600 €, mais maintenant le gouvernement cherche à rattraper sur notre dos ses erreurs d’appréciation sur le tarif de dépistage des biologistes. » Les pharmaciens devraient finalement être gratifiés par l’Assurance maladie de 34 € par acte, plus la perception d’un forfait d’amorçage de 300 € couvrant notamment la mise à disposition « gracieuse » des tests antigéniques auprès des autres professionnels de santé habilités (médecins, infirmiers). Il est également prévu de facturer 80 € HT à l’Assurance maladie par lot de 10 tests distribués aux professionnels de santé. « Un arrêté sera publié dans les prochains jours afin que leur activité puisse démarrer au mois de novembre », annonçait Olivier Véran, ministre de la Santé, dans le quotidien Les Echos le 20 octobre. « A 34 €, ce sera compliqué de motiver les confrères », prévient déjà le président de l’USPO.

À RETENIR

- Les pharmaciens sont autorisés à réaliser des tests antigéniques rapides. Le prélèvement, nasopharyngé, peut être effectué par les pharmaciens, les préparateurs et les étudiants en pharmacie ayant validé leur première année.

- Il est encore prématuré de se lancer : les modalités de formation, la procédure d’assurance qualité et les modalités d’enregistrement des résultats sur la plateforme Sidep sont en attente.

- Reste aussi à officialiser la rémunération, qui s’élèverait à 34 € par acte avec un montant fixe de 300 € pour la distribution des tests antigéniques aux médecins et aux infirmiers. L’activité pourrait démarrer en novembre.

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