Adapter ses conseils au contexte épidémique Covid-19 - Le Moniteur des Pharmacies n° 3319 du 25/04/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3319 du 25/04/2020
 
CAS DE COMPTOIR

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) : Nathalie Belin*, Marianne Maugez**

Avec l’épidémie du nouveau coronavirus et le confinement instauré depuis le 17 mars, les demandes des patients évoluent. Pas facile de composer avec les quelques données validées et l’apparition de symptômes pouvant être liés au Covid-19. Voici cinq cas de comptoir pour vous aider.

VITAMINES, MINERAUX ET PLANTES POUR MIEUX RESISTER

Les compléments alimentaires et autres « boosters » de l’immunité ont le vent en poupe (voir page Repères) depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Face à cet engouement, un peu de bon sens s’impose. Autant être clair, aucune plante ni huile essentielle (HE) ni vitamine n’a prouvé une quelconque efficacité contre le SARS-CoV-2.

Des précautions à rappeler

Certaines huiles essentielles (HE de ravintsara, de niaouli, de laurier noble, de tea tree, etc.) ont cependant des propriétés antivirales démontrées in vitro ou reconnues de par leur composant (1,8 cinéole, limonène, terpinéol, etc.). Les essayer au début de symptômes « pseudo-grippaux » peut donc avoir un sens, à condition d’en rappeler le bon usage en automédication, en complément des mesures « barrière » : jamais chez la femme enceinte ou allaitante, le nourrisson ou, par voie orale, chez l’enfant avant 7 ans. Beaucoup d’huiles essentielles sont par ailleurs déconseillées en cas d’antécédents de convulsion (ravintsara, niaouli, etc.) et par prudence chez des patients asthmatiques ou ayant un terrain allergique, du fait de leur propre potentiel allergisant (laurier noble, notamment). Pas question non plus de multiplier les prises : choisir une HE et s’en tenir à une goutte trois fois par jour durant sept jours, de préférence par voie cutanée voire par voie orale, est raisonnable. Même chose pour les sprays assainissants, qui renferment souvent un grand nombre d’huiles essentielles. S’ils peuvent être utiles en complément de mesures « barrière » (y compris pour certains en tant que désinfectants de surface), les pulvériser à tout va n’est pas recommandé. Conseiller de les utiliser, a minima, dans une pièce ventilée, hors de la présence d’enfants de moins de 7 ans, de patients asthmatiques et de femmes enceintes.

Côté plantes, si les échinacées (et l’échinacée pourpre en particulier) ont des propriétés immunostimulantes démontrées in vitro, les études cliniques divergent sur leur capacité à réduire les symptômes d’un rhume, de la grippe ou d’autres infections respiratoires aiguës. Leur utilisation préventive dans ces indications, même si elle est un peu mieux documentée, relève elle aussi avant tout d’un usage traditionnel. L’échinacée pourpre n’est pas recommandée avant 12 ans ni chez la femme enceinte ou allaitante et elle est contre-indiquée en cas de pathologies auto-immunes, d’immunodéficiences ou d’immunosuppression. Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a récemment relevé que les échinacées pourraient, comme d’autres plantes ayant des propriétés anti-inflammatoires (saule et reine des prés qui renferment des dérivés salicylés mais aussi harpagophytum ou curcuma, entre autres), altérer la réponse immunitaire et inflammatoire de l’organisme. Une réponse pourtant utile pour lutter contre les infections, notamment celle liée au nouveau coronavirus. A ceux qui utilisent ces plantes en préventif, l’Anses recommande de suspendre immédiatement leur consommation en cas d’apparition de symptômes évoquant l’infection à SARS-CoV-2.

La propolis et la gelée royale ne sont pas concernées par ces recommandations mais font l’objet d’un autre type de précautions d’emploi : elles peuvent déclencher ou aggraver des réactions allergiques chez des patients prédisposés aux allergies en général, notamment aux pollens. Et la vitamine C ? Présentée comme « indispensable au bon fonctionnement du système immunitaire », elle est contre-indiquée en cas d’antécédents de calculs des voies urinaires aux doses médicamenteuses (500 à 1 000 mg par jour chez l’adulte).

AVEC LES ANTIINFLAMMATOIRES, DEMELER LE VRAI DU FAUX

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et l’aspirine utilisés à doses anti-inflammatoires (1 g ou plus par prise ou 3 g ou plus par jour) peuvent favoriser ou aggraver certaines infections, rappellent les autorités sanitaires. Elles déconseillent fortement leur utilisation dans le condiv épidémique actuel. Information largement relayée auprès du grand public à tel point que nombre de patients atteints de pathologies chroniques (rhumatisme inflammatoire chronique, asthme, etc.) ont arrêté ou envisagé l’arrêt de leur traitement.

Ne pas arrêter de son propre chef

Dans une situation où l’accès aux soins peut être plus difficile, l’aggravation de la pathologie chronique est tout sauf souhaitable. Dans l’asthme par exemple, c’est au contraire le bon contrôle de la maladie (donc, souvent, la prise du corticoïde inhalé) qui limite le risque de développer des complications respiratoires graves en cas de Covid-19. Un seul mot d’ordre : n’arrêter son traitement que sur recommandation médicale.

Vigilance aussi face aux patients sous aspirine en raison d’une pathologie cardiovasculaire. Aux doses anti-agrégantes plaquettaires, la molécule n’a pas d’action anti-inflammatoire et ne peut aggraver une potentielle infection, alors que son arrêt expose à des complications cardiovasculaires graves, notamment à une récidive d’infarctus du myocarde ou d’infarctus cérébral.

Autre mission du pharmacien, lever les inquiétudes quant au recours aux topiques AINS. Ils n’exposent pas aux mêmes complications infectieuses que ceux pris par voie orale. Ils sont même à privilégier, dans la mesure où ils apportent un soulagement dans des rhumatismes inflammatoires chroniques comme l’arthrose des mains, des doigts ou du genou.

Le paracétamol reste bien entendu privilégié pour soulager douleur et fièvre.

DES GESTES « BARRIERE » QUI ABÎMENT LES MAINS

Le lavage fréquent des mains à l’eau et au savon -nbsp;à défaut, l’utilisation d’une solution hydroalcoolique (SHA) -nbsp;est incontournable pour limiter la transmission du nouveau coronavirus. Pour être efficace, le lavage doit durer 30 secondes et être complet : paume et extérieur des mains, bout des doigts et ongles, jointures et poignets. Cette routine peut à la longue entraîner sécheresse de la peau et dermite d’irritation (sensations de brûlure, démangeaisons et rougeurs). Contrairement à une idée reçue, les SHA n’aggravent pas la sécheresse cutanée et ne provoquent pas de dermite d’irritation ; elles sont mal tolérées lorsque les mains sont abîmées.

Ainsi, il convient déjà de conseiller le bon savon. Pour les lavages répétés, les savons contenant des tensioactifs ioniques (sodium lauryl sulfate, sodium laureth sulfate, etc.) ou des parfums potentiellement irritants sont à éviter au profit des syndets (savons « sans savon ») qui respectent le film hydrolipidique de la peau ou des huiles lavantes. Le séchage, tout aussi important, doit se faire par « tamponnage doux » avec un linge absorbant propre (pas de frottements) après un rinçage abondant à l’eau tiède.

Engelures à surveiller

La Société française de dermatologie (SFD) recommande également d’appliquer une crème émolliente plusieurs fois par jour et de porter des gants en cas de manipulation de détergents (pas plus de 30 minutes car ils favorisent la transpiration et risquent d’aggraver les symptômes). Une vigilance s’impose toutefois : l’apparition d’acrosyndromes (pseudo-engelures des extrémités) n’est peut-être pas due à un lavage répété des mains. Selon la SFD, il n’y a à ce jour « pas encore de preuve pour affirmer qu’il s’agit d’un signe précoce du Covid-19 » mais le nombre de cas important et la survenue inhabituelle de ces lésions en cette saison incite à faire preuve de prudence. Et à orienter le patient vers un dermatologue.

Exit les solutions antiseptiques

En cas de ruptures de stocks sur les solutions hydroalcooliques ou de tensions d’approvisionnement en matières premières, fréquentes depuis le début de l’épidémie, pas question de remplacer une SHA par une solution antiseptique déjà présente sur le marché. Pour plusieurs raisons. L’utilisation prolongée de solutions et savons antiseptiques dessèche la peau et peut entraîner la formation de crevasses qui rendent le lavage des mains douloureux. A l’extrême, ils peuvent aussi être à l’origine de brûlures chimiques (eau de Javel). De plus, les solutions antiseptiques sont nécessaires pour les soins des plaies et doivent être réservées à cet usage pour ne pas engendrer de ruptures de stocks.

LAVAGES DE NEZ A EVITER

La perte partielle ou complète de l’odorat chez des patients ne présentant aucun antécédent ORL de type sinusite chronique ou polypes nasaux doit « être considérée comme un symptôme spécifique de l’infection au nouveau coronavirus », concluent les premiers résultats d’une étude européenne publiée le 1er avril. En conséquence, et compte tenu du condiv actuel d’épidémie de Covid-19, les traitements habituellement prescrits, corticoïdes oraux ou nasaux, sont contre-indiqués pour soigner l’anosmie. Même sort pour les lavages de nez suspectés de favoriser la dissémination virale du nez vers les poumons. « A l’heure actuelle, la Société française d’ORL déconseille leur utilisation », explique Jérôme Lechien, chirurgien ORL à l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine), qui a coordonné l’étude. Le spécialiste admet aussi que ces recommandations ne reposent sur aucune étude. « C’est extrêmement controversé. On a tous une opinion personnelle mais très peu de recul scientifique. » Au comptoir, pas question de conseiller un lavage de nez tant que le diagnostic de Covid-19 n’est pas écarté.

STRESS ET TROUBLES DU SOMMEIL : LE POIDS DU CONFINEMENT

Troubles de l’endormissement, réveils nocturnes… L’étude Coconel menée auprès de 1 005 personnes du 31 mars au 2 avril rapporte que 74 % des interrogés ont eu des problèmes de sommeil durant les huit jours précédant l’étude. Ces troubles seraient apparus avec le confinement dans la moitié des cas. Une relation de cause à effet confirmée par Véronique Suissa, docteur en psychologie à l’université Paris 8. « Le confinement est, pour certains, générateur de stress et de mal de vivre, d’autant qu’il s’est imposé de manière très brutale. »

Si pour une partie des patients l’insomnie n’est qu’occasionnelle car liée à un changement de rythme de vie, elle est pour d’autres le symptôme d’un trouble plus profond. Avant toute proposition de traitement, l’interrogatoire est primordial. Au moindre doute (anxiété généralisée, tristesse qui perdure, manifestations physiques associées telles que mal de dos ou troubles digestifs, sautes d’humeur, etc.), le patient devra être orienté vers une consultation médicale pour ne pas retarder une prise en charge plus adaptée.

Pour les patients présentant des troubles mineurs, le rappel des règles de bonne hygiène du sommeil est essentiel : ne pas décaler les horaires de coucher et de lever, ne pas s’accorder plus de 20 minutes de sieste et modérer sa consommation d’excitants (café, boissons énergisantes).

Quand cela ne suffit pas, le recours à la phytothérapie est possible. Eschscholtzia, passiflore et coquelicot ont fait leurs preuves en cas de troubles du sommeil. Ces plantes sédatives ont la particularité de faciliter l’endormissement et de procurer un sommeil réparateur sans altérer les facultés cognitives ni l’attention : préconiser généralement une première prise après le repas du soir puis une seconde 30 à 60 minutes avant le coucher. L’utilisation est déconseillée chez les femmes enceintes ou qui allaitent et une vigilance particulière est recommandée en cas de conduite de véhicules ou d’utilisation de machines. Les plantes relaxantes (lavande, aubépine et mélisse) peuvent être associées dans la journée pour faire face au stress.

En aromathérapie, les HE de petit grain bigarade, de lavande vraie ou de verveine odorante ont également un intérêt : deux gouttes diluées dans une demi-cuillère à café d’huile végétale fluide pour une application sur la face interne des poignets ou sur le plexus solaire 30 minutes avant le coucher. La diffusion atmosphérique de l’HE de lavande vraie est aussi possible dans la chambre inoccupée 20 minutes avant le coucher.

À RETENIR

- L’échinacée doit, par précaution, être arrêtée dès l’apparition de signes d’infection à SARS-CoV-2.

- L’utilisation de plantes à propriétés anti-inflammatoires (saule, reine des prés, curcuma, harpagophytum, etc.) est déconseillée dès l’apparition de signes d’infection.

- Syndets et crèmes émollientes sont à conseiller pour le lavage répété des mains. L’apparition d’engelures aux extrémités doit amener le patient à consulter un dermatologue.

- Les lavages de nez, suspectés de disséminer le virus des fosses nasales vers les bronches, sont déconseillés lorsque le diagnostic de Covid-19 n’est pas écarté.

- Dans un condiv épidémique auquel s’ajoutent un confinement et des difficultés économiques, troubles du sommeil et anxiété nécessitent une attention particulière.

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