Mobilisation générale contre le Covid-19 - Le Moniteur des Pharmacies n° 3314 du 21/03/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3314 du 21/03/2020
 
CORONAVIRUS

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) : François Pouzaud*, Anne-Hélène Collin**

« Nous sommes en guerre, une guerre sanitaire », a répété plusieurs fois Emmanuel Macron lors de son allocution du lundi 16 mars. Pour faire face, la France peut compter sur tous ses professionnels de santé. Les pharmaciens, en première ligne, se sont déjà mobilisés.

Les pharmaciens d’officine et leurs équipes se retrouvent en première ligne dans la guerre déclarée contre l’épidémie de coronavirus. Face à l’évolution de la propagation du Covid-19 en France, la pharmacie va devoir compter sur toutes ses troupes et savoir faire preuve d’une grande résilience. « Les officines sont et resteront ouvertes tout au long de la crise sanitaire », rappelait encore le 10 mars Olivier Véran, ministre de la Santé, sur son compte Twitter. Le mot d’ordre : servir, sauf en cas d’apparition des symptômes de l’infection à coronavirus (fièvre, signes respiratoires, parfois diarrhée, etc.). Les pharmaciens sont armés pour décharger les médecins et éviter l’engorgement des cabinets médicaux. En effet, plusieurs mesures exceptionnelles ont paru au Journal officiel ces derniers jours, autorisant en particulier les pharmaciens d’officine à renouveler une ordonnance expirée dans le cadre d’un traitement chronique (voir encadré p. 22). Le défi sanitaire à relever est de taille, imposant également, dans cette période de crise sanitaire, une nouvelle organisation des pharmacies dans le strict respect des mesures d’hygiène et de distanciation sociale mises en place pour accueillir les patients (voir Repères p. 24).

Se préparer à un marathon

Dans ce combat pour la continuité des soins et contre une extension trop rapide de l’épidémie qui pourrait submerger la capacité du système de santé, les titulaires d’officines doivent penser non seulement à assurer la propre sécurité sanitaire de leurs équipes mais aussi à les préserver au long cours. L’avertissement lancé par Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), est sans ambiguïté : « La profession n’est pas partie pour courir un sprint mais un marathon ! » Et dans cette perspective, il faut s’y préparer de la meilleure des façons. Carine Wolf-Thal suggère plusieurs mesures, à la tête desquelles la réduction des horaires d’ouverture de l’officine. « Le temps où la pharmacie est fermée peut être employé à la préparation des ordonnances et à la livraison à domicile des médicaments », propose-t-elle. Ou encore : « Le titulaire peut instaurer des pauses de dix minutes pour l’équipe toutes les deux heures » et, si le personnel est en nombre suffisant, « faire fonctionner la pharmacie en équipes alternées ». Autres propositions lancées par la présidente du CNOP dans ce cadre exceptionnel : ne pas demander à un salarié normalement en congé d’écourter ses vacances (même passées à domicile) mais plutôt garder cette force vive pour prendre le relais d’un de ses équipiers à son retour, assurer un service à guichets fermés quand l’équipe est réduite à une ou deux personnes, etc. L’association Pharma Système Qualité apporte également son lot de conseils à travers différentes propositions : mettre en place une chaîne d’alerte entre les membres de l’équipe ou un groupe WhatsApp pour faciliter la diffusion des informations urgentes, anticiper un éventuel confinement du titulaire, vérifier l’existence de « doublons » pour toutes les tâches prioritaires, répertorier les ressources complémentaires potentielles, recourir à des salariés en temps partagé, etc. Face au risque d’épuisement ou de contracter le virus, toutes ces mesures destinées à ménager les forces des équipes officinales peuvent d’ores et déjà être mises en place de manière graduelle alors que la ruée dans les pharmacies n’est pas terminée.

Rapportant des informations du Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE) sur l’évolution de la situation des officines en Italie, la présidente de l’Ordre indique « qu’une fois la période de confinement installée en Italie et le pic de fréquentation franchi, l’activité des officines retombe ». Il est donc prévisible qu’en France aussi, le confinement devrait faire revenir l’activité des officines à un niveau normal, voire inférieur.

La permanence des soins sous haute surveillance

Autre risque à craindre et à anticiper, quand les personnels des officines seront touchés à leur tour par le coronavirus : les fermetures de pharmacies, faute de combattants. Il est probable que certaines d’entre elles, décimées par l’épidémie ou pénalisées par l’absence d’un ou de plusieurs salariés parce qu’ils doivent rester à leur domicile pour garder un enfant malgré les mesures prises pour les professionnels de santé, soient contraintes de fermer. Si tel devait être le cas, « les pharmacies qui seront dans l’incapacité de maintenir leur activité devront prévenir leur conseil régional de l’Ordre ainsi que l’agence régionale de santé », signale Pierre Béguerie, président du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens. « Nous sommes vigilants sur ce point, nous regardons déjà comment fonctionnent à ce jour les pharmacies de garde et il n’y a pas eu jusqu’ici d’alertes particulières remontées à l’Ordre », indique Carine Wolf-Thal.

Afin de parer à une éventuelle pénurie de diplômes compromettant la permanence des soins, la profession réfléchit à la possibilité de mutualiser les effectifs et d’échanger les collaborateurs entre officines, en fonction des besoins et avec l’accord du salarié, les pharmaciens pouvant difficilement recourir à l’intérim dans un marché de l’emploi sous tension.

Etudiants et retraités bientôt sur le pied de guerre

Les renforts peuvent déjà venir des étudiants en pharmacie qui ont mis au point, en collaboration avec l’Ordre, Pharm’Help. Le principe de ce site internet ? Mettre en relation titulaires en manque de personnel pour cause de Covid-19 et étudiants volontaires pour établir un contrat de travail. « Le dispositif concerne les étudiants de la troisième à la sixième année, capables d’être au comptoir, en dehors des heures de cours », précise l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Car, si les facultés sont désormais fermées, les cours continuent, à distance. Les étudiants de cinquième année, en stage hospitalo-universitaire, pourraient cependant renforcer les services hospitaliers. Quant aux étudiants de deuxième année, ils ne sont pas exclus et pourraient se voir attribuer des tâches du back-office.

La profession ne s’interdit pas non plus de lancer un appel aux pharmaciens retraités pour venir prêter main-forte en officine si le besoin sanitaire s’en fait sentir. A l’instar d’autres professions médicales qui mobilisent l’ensemble de leur communauté. A la demande de la Direction de la Sécurité sociale (DSS), le Syndicat national des médecins concernés par la retraite (SN-MCR) incite ses adhérents retraités depuis moins de cinq ans et surtout ceux âgés de moins de 70 ans qui en ont la capacité, à rejoindre la réserve sanitaire ou à assister un médecin libéral.

Au moment où nous écrivons ces lignes, Monique Durand, présidente de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), indique ne pas avoir été contactée par la DSS, alors que celle-ci a déjà interrogé les caisses de retraite des médecins, des auxiliaires médicaux et des dentistes. « J’ai appelé Pierre Béguerie pour voir ce qu’il suggérait, il doit m’adresser un div, en attente de validation, que nous pourrons mettre en ligne sur notre site », indique-t-elle. Pour pouvoir reprendre du service, les pharmaciens retraités devront d’abord prendre contact avec leur conseil régional de l’Ordre, mais cela suppose aussi, du côté des titulaires qui les accueillent dans leur pharmacie, d’effectuer des démarches auprès de leur assurance multirisque pour qu’ils soient couverts pas leur assurance responsabilité civile professionnelle.

A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. « L’Ordre n’est pas exempt de mesures de confinement et de télétravail, les conseils régionaux fonctionnent mais n’accueillent plus de public, nous travaillons à la mise en place d’un outil qui permettra de prendre les inscriptions au tableau de manière accélérée dans le condiv actuel », annonce Pierre Béguerie. Dans cette période inédite de crise sanitaire, Pierre Béguerie appelle à l’union sacrée de la profession et exhorte ses troupes au civisme et au respect de la déontologie face à certaines dérives constatées. Cet appel vaut également pour les autres professionnels de santé, certains d’entre eux profitant de l’impossibilité pour les pharmaciens de savoir au sein du réseau des officines « qui donne quoi », pour faire du nomadisme pharmaceutique afin de récupérer un maximum de masques de protection pour leur usage professionnel.

Les règles du renouvellement exceptionnel

Libérer du temps médical en temps d’épidémie de coronavirus et « éviter toute interruption de traitement préjudiciable à la santé du patient ». Tel est l’objectif de la mesure exceptionnelle qui accorde aux pharmaciens, jusqu’au 31 mai, la possibilité de délivrer des médicaments pour des patients bénéficiant d’un traitement chronique lorsque la durée de validité d’une ordonnance renouvelable est arrivée à expiration.

Qui est concerné ? Les patients présentant une ordonnance renouvelable quel que soit le nombre de renouvellements. Un arrêté rectificatif (en attente de publication à l’heure où nous écrivons) doit ajouter une précision : le renouvellement concerne les patients dont le traitement est stable depuis trois mois. Ainsi, un patient présentant une ordonnance sans mention de renouvellement peut aussi voir son traitement renouvelé, à condition pour le pharmacien de pouvoir vérifier que le traitement n’a pas été modifié depuis trois mois consécutifs.

Quels médicaments renouveler ? Tous les médicaments, y compris les anxiolytiques de prescription limitée à trois mois et à l’exception des stupéfiants et assimilés. La publication de l’arrêté rectificatif introduit la possibilité de renouveler les hypnotiques de prescriptions limitées à quatre semaines si le patient peut justifier d’un traitement stable dans les trois derniers mois.

Quelle durée de traitement délivrer ? Le renouvellement s’effectue mois par mois, dans le cadre de la posologie initialement prévue, jusqu’au 31 mai. Il n’est pas question de délivrer la totalité du traitement jusqu’au 31 mai en une fois. Les conditionnements de trois mois ne sont ainsi pas délivrés.

Comment facturer ? Les médicaments dispensés en application de ces dispositions sont pris en charge par les organismes d’assurance maladie dans les conditions du droit commun. Au moment de la facturation, le pharmacien indique « renouvellement exceptionnel ». Il appose sur l’ordonnance le timbre de l’officine et la date de délivrance ainsi que le nombre de boîtes dispensées.

En contrepartie, le pharmacien doit « faire au mieux pendant cette crise », explique l’Ordre des pharmaciens, pour en informer le médecin.

À RETENIR

- Déjà très sollicités, les pharmaciens et leurs équipes mobilisent l’ensemble de leurs ressources pour lutter contre le Covid-19.

- Pour libérer du temps médical, les pharmaciens voient leurs missions s’élargir. Ils peuvent, jusqu’au 31 mai, renouveler les médicaments de patients chroniques dont l’ordonnance est périmée (sous conditions).

- Le mot d’ordre est de ménager les équipes, cette « guerre sanitaire » pouvant s’étendre sur plusieurs semaines.

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