L’endométriose - Le Moniteur des Pharmacies n° 3308 du 15/02/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3308 du 15/02/2020
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE 

JULIETTE SOUFFRE D’ENDOMÉTRIOSE

Le cas : Juliette, 19 ans, a toujours souffert de douleurs au moment de ses règles. Celles-ci allant en s’aggravant et n’étant plus soulagées par les antalgiques classiques, elle a consulté le gynécologue qui a proposé la prescription d’une contraception estroprogestative.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Melle S., 19 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Un gynécologue.


L’ORDONNANCE EST-ELLE CONFORME À LA RÉGLEMENTATION ?

Oui.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Juliette a eu des premières règles précoces qui ont toujours été douloureuses. Régulièrement, elle passe à la pharmacie renouveler des prescriptions de son médecin traitant mentionnant du paracétamol, du phloroglucinol et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Ces derniers mois, les douleurs pelviennes se sont accrues lors de ses menstruations et tendent à devenir chroniques, jusqu’à l’empêcher de plus en plus souvent de se rendre à ses cours de droit.
Devant l’aggravation des symptômes, le médecin traitant a proposé la prise d’une contraception hormonale en expliquant que celle-ci pouvait aider à soulager les dysménorrhées, et a recommandé à sa patiente de consulter un gynécologue.


QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?

N’ayant pas de partenaires réguliers, Melle S. n’a pas débuté la contraception prescrite mais a pris rendez-vous avec un gynécologue pour avoir un avis spécialisé.


QUE LUI A DIT LE SPÉCIALISTE ?

Des douleurs pelviennes sévères mal soulagées par les anti-inflammatoires font suspecter une endométriose. Le gynécologue a prescrit à la jeune femme une échographie pelvienne. En attendant les résultats, il a confirmé qu’une contraception hormonale serait sans doute bénéfique pour soulager les douleurs.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE PATIENT

Il indique la délivrance régulière de paracétamol, de phloroglucinol et de flurbiprofène.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

Le contraceptif estroprogestatif de 2e génération (Minidril) exerce une action antigonadotrope entraînant un blocage de l’axe hypothalamo-hypophysaire et une atrophie du tissu endométrial.
Le flurbiprofène, un AINS, est notamment indiqué dans les dysménorrhées.

EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE DE RÉFÉRENCE ?

Une contraception estroprogestative fait partie des traitements hormonaux de première intention pour soulager les dysménorrhées dont celles liées à une endométriose, maladie caractérisée par la présence de tissu endométrial à l’extérieur de la cavité utérine. Ces lésions étant estrogénodépendantes, les traitements hormonaux visent à modifier le climat hormonal afin d’induire leur atrophie.
Parallèlement, les AINS peuvent aider à soulager la douleur si besoin mais leur utilisation ne peut être que ponctuelle en raison de leurs effets indésirables.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS ?

Non, Melle S. ne présente pas de risque thromboembolique veineux ou artériel particulier, personnel ou familial, qui pourrait notamment contre-indiquer cette contraception.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui. La contraception estroprogestative se prend 21 jours sur 28. Une hémorragie de privation survient habituellement les 2 à 3 jours suivant la prise du dernier comprimé de la plaquette. La posologie de l’AINS ne pose pas de problème.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Une contraception estroprogestative nécessite un suivi régulier du poids et de la tension artérielle. Un bilan biologique (cholestérol total, triglycérides et glycémie à jeun) est à réaliser dans les 6 mois suivant sa mise en route (pour une femme qui ne fume pas et sans antécédent personnel ou familial de maladie métabolique ou thromboembolique) et à renouveler tous les 5 ans s’ils sont normaux.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?


CONCERNANT LA CONTRACEPTION

S’agissant d’une première délivrance de pilule, des explications sur les modalités de prise sont nécessaires :
- prendre les comprimés toujours à peu près à la même heure en débutant le 1er jour des règles pour un effet contraceptif immédiat, ou n’importe quel jour, en sachant qu’alors il faut 7 jours d’imprégnation hormonale pour assurer l’efficacité contraceptive ;
- la plaquette suivante doit être commencée toujours le même jour de la semaine (après 7 jours d’interruption), même si l’hémorragie de privation n’est pas terminée ;
- une prise le matin peut permettre de pallier plus rapidement un oubli lorsqu’on s’en rend compte en cours de journée.


QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

Prendre le comprimé oublié dès que possible. Un oubli de plus de 12 heures a des conséquences sur l’effet contraceptif (si nécessaire, une contraception mécanique devra être utilisée durant 7 jours) mais aussi sur le soulagement des douleurs.


LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Le soulagement est progressif : Melle S. doit se donner au moins 2 mois voire davantage pour ressentir une diminution des douleurs. Le médecin évaluera l’efficacité dans 3 à 6 mois.


QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Des nausées, des douleurs abdominales, une modification des règles, des tensions mammaires ou encore de l’acné sont possibles.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

En cas de gonflement, de rougeur ou de sensation douloureuse de la jambe notamment, ou en cas d’essoufflement inexpliqué, un avis médical s’impose en urgence (suspicion de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire).


CONCERNANT L’AINS

Melle S. connaît ce médicament. Le pharmacien vérifie que la tolérance digestive est satisfaisante (pas de douleurs gastriques particulières) et rappelle de prendre les comprimés au repas, ou avec une collation, à intervalles réguliers pour éviter la réapparition des douleurs pelviennes. La prise de l’AINS doit être limitée à quelques jours en raison de ses effets gastro-intestinaux, mais aussi rénaux et cardiovasculaires au long cours.
Si le traitement hormonal s’avère efficace, le recours à l’AINS sera moins fréquent.

SIX MOIS PLUS TARD

Melle S. revient avec une nouvelle ordonnance. Elle souffre toujours de douleurs pelviennes chroniques invalidantes et le gynécologue lui a proposé la mise en route d’un autre traitement.


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

La leuproréline est un analogue de la GnRH. Une administration prolongée entraîne une chute des taux de LH et FSH, une suppression de la sécrétion d’estradiol, équivalent à une castration estrogénique réversible, et, par conséquent, une mise au repos du tissu endométriosique.


EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE ?

Oui. Les analogues de la GnRH constituent une option possible après échec d’un traitement hormonal de première intention. Il est recommandé de les associer à une « add-back thérapie ». Celle-ci consiste en un apport d’estradiol, le plus souvent associé à la progestérone, afin de compenser les effets indésirables de la castration estrogénique.
Le RCP d’Enantone recommande le recours d’une « add-back thérapie » associant le valérate d’estradiol micronisé (Provames) et la promégestone (Surgestone). En pratique, il est parfois proposé aux patientes sous estroprogestatifs de poursuivre la prise de la contraception, qui fait alors office de traitement de substitution.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui, cette forme à libération prolongée est destinée à être administrée tous les 3 mois. L’efficacité sur les douleurs endométriosiques peut même aller au-delà. La nécessité de refaire une deuxième injection et le moment de celle-ci seront donc évalués par le médecin dans 3 mois. L’AMM limite la durée du traitement à 1 an.

LE TRAITEMENT NÉCESSITE-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Non, dès lors qu’une « add-back thérapie » est prescrite. Dans le cas contraire, une surveillance de la masse osseuse serait nécessaire.


UTILISATION

L’infirmière réalise l’injection intramusculaire. La présentation en seringue préremplie permet aussi une utilisation par voie sous-cutanée pouvant être pratiquée par la patiente ou son entourage après apprentissage.


QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?

Sous estroprogestatifs en prise continue, le traitement peut être commencé dès que possible. Sinon, selon les RCP, le traitement doit être débuté les 5 premiers jours du cycle.


QUELS SONT LES EFFETS INDÉSIRABLES ?

L’« add-back thérapie » permet de pallier les effets indésirables liés à la castration estrogénique : bouffées de chaleur, sueurs, céphalées, sécheresse vaginale et déminéralisation osseuse.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’ALERTER LE MÉDECIN ?

Des saignements utérins peuvent survenir le 1er mois de traitement. Au-delà, leur apparition nécessite une consultation médicale : une aménorrhée, gage d’efficacité du traitement, est en effet attendue. 
  Par Delphine Guilloux , pharmacienne, avec la collaboration du D r Thibault Thubert , gynécologue obstétricien au centre hospitalier universitaire de Nantes (Loire-Atlantique)
Art1_46-Encadre-SousEncadreA-Image_E1.jpg

qu’en pensez-vous ?

Trois mois plus tard, Melle S. vient renouveler la contraception prescrite. L’échographie a bien révélé la présence de lésions endométriales. Concernant les douleurs, « il y a du mieux mais elles sont encore fortes au moment des règles ». Melle S. a lu sur internet que prendre la pilule sans interruption, pour supprimer les règles, était plus efficace.

Est-ce une bonne idée ?

1) Non, cela n’a aucun intérêt.

2) Oui, Melle S. peut en parler à son gynécologue.

Réponse : Lorsque les douleurs sont exacerbées pendant la période d’interruption de l’estroprogestatif, il est proposé de prendre ce dernier en continu de manière à induire une aménorrhée. La deuxième proposition est donc la bonne.

PATHOLOGIE 

L’ENDOMÉTRIOSE EN 5 QUESTIONS

L’endométriose, définie par la présence de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine, peut être à l’origine de douleurs pelviennes invalidantes et parfois d’une infertilité.

1 QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES LOCALISATIONS ?

Les lésions endométriosiques prédominent dans la cavité pelvienne mais peuvent être retrouvées au niveau de la cavité abdominale ou du diaphragme, voire exceptionnellement dans le poumon, le foie ou le cerveau. L’endométriose est classiquement divisée en 3 formes, selon la localisation des lésions, souvent associées à des degrés variables.
- L’endométriose péritonéale superficielle (dite aussi endométriose superficielle) désigne la présence de lésions à la surface du péritoine (cul-de-sac de Douglas et ligaments larges notamment).
- L’endométriose ovarienne (ou endométriome) se présente sous la forme d’un kyste de l’ovaire.
- L’endométriose profonde (ou sous-péritonéale) correspond aux lésions qui s’infiltrent en profondeur sous la surface du péritoine : ligaments utérosacrés (50 % des cas), vagin, intestin, vessie, uretères ou encore côlon ou rectum.
L’adénomyose, définie par la présence de fragments d’endomètre dans le muscle utérin, peut être associée à l’endométriose.


2 COMMENT SE MANIFESTE LA MALADIE ?

L’endométriose peut entraîner des douleurs et parfois une infertilité. Il n’y a pas de lien entre l’importance des douleurs et l’étendue des lésions : des formes asymptomatiques peuvent exister alors que des atteintes parfois sévères sont découvertes.


DOULEURS

Les douleurs pelviennes, principales manifestations cliniques de l’endométriose, ne sont pas spécifiques. Elles peuvent toutefois être corrélées à la localisation des lésions et à leur infiltration en profondeur. Les plus évocatrices sont :
– les dysménorrhées parfois intenses, débutant souvent le premier jour des règles ou les jours précédents ;
– les dyspareuniesprofondes évoquant une endométriose profonde avec atteinte, par exemple, des ligaments utéro-sacrés ;
–les douleurs pelviennes chroniques.
D’autres symptômes comme des douleurs à la défécation ou des troubles urinaires survenant ou s’accentuant au moment des règles sont évocateurs de lésions profondes, rectales ou vésicales, ou d’une atteinte des nerfs de ces organes.
D’une manière générale, toute douleur cyclique doit attirer l’attention : une douleur de l’épaule droite au moment des règles peut ainsi témoigner d’une atteinte diaphragmatique droite relativement fréquente.


INFERTILITÉ

Si une infertilité est présente, ses causes peuvent être multiples.
L’inflammation chroniquealtère les interactions entre le sperme et l’ovocyte.
Il peut exister une altération de la fonction ovarienne qui induit notamment une difficulté de réponse aux stimulations ovariennes réalisées lors des fécondations in vitro. Il est également établi que la prise en charge chirurgicale d’un endométriome peut permettre de diminuer les douleurs mais est associée à une diminution de la réserve ovarienne.
Une atteinte utérine peut également être en cause : l’endomètre présente des anomalies perturbant les capacités de nidation de l’œuf. L’adénomyose, parfois associée à l’endométriose, semble également jouer un rôle dans l’infertilité.


3 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?


L’origine multifactorielle de la maladie combine des facteurs génétiques, environnementaux et liés aux menstruations.
Le risque de développer une endométriose pour les apparentéesau 1er degré est 5 fois plus élevé que dans la population générale.
L’impact des perturbateurs endocriniens (dioxine, phtalates, etc.) est montré sur des modèles animaux mais pas chez l’homme à l’heure actuelle.
Tous les facteurs augmentant le flux menstruel favorisent l'endométriose : premières règles précoces, cycles menstruels courts, règles abondantes et prolongées.


4 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

Le diagnostic est souvent porté avec retard, les symptômes étant souvent banalisés par les patientes elles-mêmes, leur entourage ou par le corps médical. Trois situations cliniques amènent le plus souvent à l’évoquer : les douleurs pelviennes chroniques, l’infertilité ou la découverte d’un kyste ovarien.
L’endométriose doit être suspectée devant des douleurs évocatrices (voir question 2), souvent intenses et aggravées par les règles ou les rapports sexuels. Chez l’adolescente, une dysménorrhée sévère peut être annonciatrice d’une endométriose profonde mais les lésions ne sont généralement pas visibles à l’imagerie.
En l’absence de projet de grossesse, des dysménorrhées isolées soulagées par les antalgiques habituels ou une contraception hormonale ne nécessitent pas un diagnostic de certitude. En revanche, des signes évoquant une endométriose profonde (dysurie notamment) ou une infertilité amènent à réaliser des examens complémentaires.


EXAMENS DE PREMIÈRE INTENTION

L’examen gynécologique peut montrer des lésions vaginales bleutées, une douleur à la mobilisation de l’utérus et des nodules douloureux au niveau du cul-de-sac de Douglas ou des ligaments utérosacrés. Il est complété par un toucher rectal en cas de suspicion de localisation colorectale.
L’échographie pelvienne peut notamment identifier une atteinte ovarienne (endométriome). Dans ce cas, la recherche de lésions profondes est recommandée.


EXPLORATIONS COMPLÉMENTAIRES

Elles sont menées par des praticiens référents.
L’échographie endovaginale et l’IRM pelvienne peuvent confirmer un endométriome et visualiser des lésions profondes. La normalité de ces examens n’écartant pas le diagnostic, une échoendoscopie rectale ou un coloscanner peuvent être nécessaires pour préciser des atteintes digestives.
La cœlioscopie peut visualiser des lésions non visibles à l’imagerie. Elle n’est cependant pas recommandée à titre diagnostique mais doit s’insérer dans une stratégie de prise en charge des douleurs ou de l’infertilité avec exérèse des lésions endométriales. Des classifications existent pour distinguer des stades de sévérité de la maladie mais elles sont souvent imparfaites.


5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

L’évolution naturelle de la maladie est mal connue en raison de multiples facteurs qui peuvent la modifier (chirurgie, traitement hormonal, grossesse, etc.). Les récidives sont fréquentes après arrêt des traitements médicamenteux ou après la chirurgie. La surveillance systématique par imagerie des patientes traitées et asymptomatiques n’est pas recommandée car les complications sont rares. Exceptionnellement, les lésions profondes peuvent se compliquer d’occlusion digestive ou d’obstruction d’un uretère avec risque de perte du rein.
Les douleurs ont des répercussions importantes sur la qualité de vie sur les plans physique, psychique et social. Elles diminuent généralement ou disparaissent pendant la grossesse, du fait d’un climat progestatif dominant, et cessent généralement à la ménopause à la suite de la chute des concentrations en estrogènes.
Il existe une association épidémiologique entre l’endométriose et certains sous-types rares de cancer de l’ovaire (risque relatif très modéré, autour de 1,3) mais sans lien de causalité démontré. 
Cul-de-sac de Douglas
Repli du péritoine entre le rectum et l’utérus.
Dys-ménorrhées
Règles douloureuses.
Dys-pareunies
Douleurs lors des rapports.
Ligaments larges
Ils forment une large cloison transversale reliant l’utérus et les trompes aux parois latérales du pelvis.
écho-endoscopie
Examen réalisé à l’aide d’une sonde échographique amenée grâce à l’endoscope (tube optique) au niveau de l’organe à étudier.
Classi-fications
La classification ASRM (American Society for Reproductive Medicine), l’une des plus utilisées, prend surtout en compte la notion d’infertilité.
  Par Nathalie Belin , pharmacienne, avec la collaboration du D r Pierre Panel , chef de service gynécologie obstétrique au centre hospitalier de Versailles (Yvelines), membre du comité scientifique d’EndoFrance

en chiffres

Toucherait environ 10 % des femmes en âge de procréer (Inserm). Prévalence chez les femmes ayant des algies pelviennes aiguës : > 33 % (HAS, 2017)

Incidence annuelle : environ 0,1 % chez les femmes entre 15 et 49 ans (HAS, 2017)

Endométriose profonde : concernerait 20 à 35 % des patientes ayant une endométriose

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER L’ENDOMÉTRIOSE ?

La prise en charge de l’endométriose est médicale, chirurgicale, ou les deux. Les traitements hormonaux représentent les piliers du traitement médical. L’endométriose étant une maladie estrogénodépendante, ces traitements visent à mettre au repos la fonction ovarienne.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE


PRISE EN CHARGE DES DOULEURS HORS PROJET DE GROSSESSE

Le paracétamol est l’antalgique de premier choix utilisable au long cours, mais il a en pratique peu d’efficacité sur les douleurs de l’endométriose et n’a pas été évalué dans ce cadre, tout comme les antalgiques de palier 2 ou 3. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont une efficacité prouvée dans l’endométriose mais, du fait de leurs effets indésirables, ne sont pas recommandés au long cours. Ils peuvent néanmoins être utilisés ponctuellement, associés si besoin au traitement hormonal.
Les traitements hormonaux visent à réduire l’action des estrogènes, donc à mettre au repos la fonction ovarienne, et à induire le plus souvent une aménorrhée pour faire régresser ou stabiliser les lésions et réduire ainsi les manifestations douloureuses. Tous ont une action contraceptive et sont donc utilisables en l’absence de projet de grossesse.


CHOIX DU TRAITEMENT HORMONAL

Il est notamment guidé par les contre-indications, les effets indésirables potentiels et les préférences de la patiente.
En première intention. Les dernières recommandations (« Prise en charge de l’endométriose », Haute Autorité de santé et Collège national des gynécologues et obstétriciens français, décembre 2017) préconisent une contraception estroprogestative ou un dispositif intra-utérin (DIU) au lévonorgestrel à 52 mg (Mirena), qui a montré une bonne efficacité sur la réduction des douleurs. La contraception estroprogestative doit être choisie en tenant compte du risque thromboembolique. Le dosage d’éthinylestradiol (20 µg versus 35 µg) n’influence pas l’efficacité sur la douleur. En pratique, un schéma d’administration continue est proposé si les douleurs persistent pendant la période d’interruption du contraceptif.
En deuxième intention. Si ces traitements sont contre-indiqués ou inadaptés, les options à envisager sont la contraception microprogestative orale au désogestrel ou l’implant à l’étonogestrel (dont les données concernant leur efficacité sont moins nombreuses que les traitements de première intention). Le diénogest (Visanne), un macroprogestatif, est également efficace mais est en pratique peu prescrit car non remboursé et n’ayant pas d’AMM en tant que contraceptif. D’autres macroprogestatifs non cités dans les recommandations sont également utilisés, le plus souvent en prise continue pour induire une aménorrhée.
En cas d’échec de ces traitements, les analogues de la GnRH peuvent être envisagés. Leur utilisation est cependant limitée selon les AMM à 6 mois ou, pour la leuproréline, à 12 mois en raison de leurs effets indésirables liés à la castration estrogénique qu’ils induisent (baisse de densité minérale osseuse notamment, mais aussi bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, etc.). Pour prévenir ces effets indésirables, il est recommandé de les associer à une « add-back thérapie », c’est-à-dire un traitement compensateur par estrogène instauré avant le 3e mois de traitement. Au terme du traitement par analogue de la GnRH, un relais par un autre traitement antigonadotrope est recommandé (estroprogestatif ou progestatif).
Chez l’adolescente, une contraception estroprogestative ou microprogestative est recommandée en première intention. En cas d’échec, un avis spécialisé est requis.


TRAITEMENT CHIRURGICAL

Réalisé par cœlioscopie le plus souvent, il est discuté au cas par cas, en association au traitement médical pour agir sur les douleurs et l’infertilité. En cas d’endométriome, il est dans tous les cas nécessaire de tenir compte de l’impact possible de la chirurgie sur la fertilité : celle-ci pouvant dans ce cas réduire la réserve ovarienne, une congélation des ovocytes devrait être proposée.


PRISE EN CHARGE DE L’INFERTILITÉ

Dans un condiv d’endométriose, la prise en charge de l’infertilité est pluridisciplinaire et s’appuie sur la chirurgie et les techniques d’AMP. Une fécondation in vitro (FIV) peut être proposée d’emblée en cas d’endométriose profonde ou ovarienne. Un pré-traitement par contraception estroprogestative ou analogue de la GnRH (généralement de 3 à 6 mois) est dans ce cas recommandé, car il améliore significativement les résultats.



TRAITEMENTS

Hormis les analogues de la GnRH et le diénogest, les traitements hormonaux préconisés n’ont pas d’AMM spécifique dans l’endométriose.


CONTRACEPTION ESTROPROGESTATIVE

L’efficacité de la contraception estroprogestative a été démontrée en prise cyclique sur les dysménorrhées, les dyspareunies et les douleurs pelviennes chroniques. Un schéma d’administration en continu est proposé si les dysménorrhées persistent en prise cyclique. La voie vaginale (anneau contraceptif) peut aussi être envisagée : elle s’est avérée efficace pour réduire les dysménorrhées, les douleurs non cycliques et les dyspareunies avec nodules rectovaginaux. La voie transdermique est une possibilité mais avec une efficacité qui semble moindre que la voie vaginale et un taux d’abandon plus important.
Critère de choix. Les « pilules » de 2e génération contenant du lévonorgestrel sont privilégiées en raison du surcroît de risque thromboembolique veineux (multiplié par 2) avec les pilules de 3e et 4e générations (gestodène, désogestrel, drospirénone notamment). Un faible dosage en éthinylestradiol (20 µg) semble associé à un moindre risque d’embolie pulmonaire, d’infarctus du myocarde et d’AVC (versus 30 ou 40 µg). Patchs et anneaux sont également des choix de deuxième intention par rapport à une pilule de 2e génération.
Principaux effets indésirables : nausées, tension mammaire, céphalées, notamment pour les estroprogestatifs les plus fortement dosés en estrogène, spotting ou aménorrhée pour les estroprogestatifs plus faiblement dosés (inférieurs ou égaux à 20 µg d’éthinylestradiol) ou lors d’une prise continue. Les risques thromboemboliques veineux (thrombose veineuse, embolie pulmonaire) et artériels (AVC, infarctus du myocarde) sont rares mais justifient de tenir compte de la présence d’autres facteurs de risque de thrombose : tabagisme, obésité, hypertension artérielle (HTA), diabète, etc.
Principales interactions : l’association aux inducteurs enzymatiques (antiprotéases boostés par le ritonavir, carbamazépine, rifampicine, éfavirenz, topiramate, etc.) est déconseillée ou contre-indiquée pour le millepertuis. Il est déconseillé de mettre en route une contraception estroprogestative orale durant la période d’ajustement posologique de la lamotrigine (risque de diminution de ses concentrations plasmatiques). Dans tous les cas, une surveillance clinique avec, si besoin, adaptation des doses de lamotrigine est recommandée.


DIU AU LÉVONORGESTREL

Du fait de son efficacité sur la réduction des scores de douleurs (diminution de l’EVA d’environ 6 points sur 10) et de sa bonne tolérance, le DIU au lévonorgestrel à 52 mg représente une alternative intéressante à la contraception estroprogestative (hors AMM). Le DIU au lévonorgestrel à 19,5 mg n’a pas d’efficacité démontrée dans cette indication.
Principaux effets indésirables : saignements irréguliers ou spotting les 3 premiers mois de traitement, généralement suivis d’une aménorrhée ou d’une oligoménorrhée, douleurs abdominales ou pelviennes (au moment de la pose et les jours suivants) ; des céphalées, de l’acné, des troubles de l’humeur, des douleurs mammaires, une prise de poids sont possibles (fréquents ou très fréquents).
Interactions médicamenteuses : pas d’interactions majeures du fait du mécanisme d’action locale du DIU.


CONTRACEPTION MICROPROGESTATIVE

La contraception orale au désogestrel a une efficacité démontrée sur les douleurs d’endométriose (diminution de l’EVA d’au moins 2 points sur 10). Elle peut notamment être utilisée en cas de contre-indication aux estroprogestatifs, sauf en cas d’accident thromboembolique veineux évolutif.
Principaux effets indésirables : troubles menstruels (métrorragie, spotting ou aménorrhée), parfois acné, céphalées, modification de l’humeur et mastodynie.
Interactions médicamenteuses : avec les inducteurs enzymatiques, comme la contraception estroprogestative.


PROGESTATIFS

L’implant à l’étonorgestrel a montré une efficacité sur le contrôle des douleurs.
Le diénogest, dérivé de la nortestostérone dépourvu d’activité androgénique, est également bien évalué et dispose d’une AMM dans l’endométriose mais n’est pas remboursé. Il inhibe l’ovulation chez la majorité des patientes mais n’a pas d’indication comme contraceptif et ne peut pas être associé à une contraception hormonale. Si une contraception est nécessaire, une méthode non hormonale doit être utilisée. A noter que des contraceptions orales associant estradiol (dosé à 2 mg) et diénogest sont disponibles (Misolfa, Oedien, etc.).
Certains macroprogestatifs ont une AMM dans l’endométriose (chlormadinone, médrogestone, médroxyprogestérone), d’autres sont couramment prescrits hors AMM (nomégestrol, promégestone, etc.). Ils ne sont cependant pas mentionnés dans les recommandations de la HAS faute d’évaluation suffisante de leur efficacité dans l’endométriose ou, pour la médroxyprogestérone, du fait de ses effets androgéniques marqués.
Principaux effets indésirables : céphalées, acné, tension mammaire et prise de poids sont rapportés très fréquemment avec l’implant. Ce dernier peut aussi migrer dans les vaisseaux du bras ou de la cage thoracique (rarement toutefois). Par ailleurs, outre des douleurs au site d’insertion, des lésions neurovasculaires se manifestant par des fourmillements ou des troubles de la sensibilité de la main sont possibles et doivent inciter à consulter. Les effets indésirables les plus fréquents sous diénogest sont les céphalées, les gênes mammaires, les troubles de l’humeur, l’acné, des perturbations du cycle menstruel et une prise de poids. Ils diminuent avec la poursuite du traitement.
Interactions médicamenteuses : identiques à la contraception microprogestative.


ANALOGUES DE LA GNRH

Trois analogues de la GnRH ont l’AMM dans le traitement de l’endométriose : la leuproréline et la triptoréline administrées par voie parentérale, ainsi que la nafaréline, en solution endonasale. Leur efficacité a été démontrée sur les dysménorrhées et la douleur (réduction de l’EVA globale de 3 à 6 points à 10 mois).
Les analogues de la GnRH agissent en 2 temps. Après une élévation des taux de LH et FSH, à l’origine d’une augmentation initiale du taux d’estradiol (effet « flare-up » les 1 à 2 premières semaines de traitement), la poursuite de l’administration entraîne une chute des gonadotrophines hypophysaires. Le blocage de l’axe hypophyso-gonadique est réversible à l’arrêt du traitement. Du fait de l’action retard des analogues de la GnRH, une contraception est nécessaire le premier mois de traitement.
Effets indésirables : ils sont essentiellement liés à la castration estrogénique : bouffées de chaleur, céphalées, sécheresse vaginale, baisse de la libido, troubles de l’humeur et, au long cours, perte osseuse (facteur de risque d’ostéoporose) et risque d’allongement de l’intervalle QT. Pour corriger les effets indésirables liés à l’hypo-estrogénie, une hormonothérapie de substitution appelée « add-back thérapie » est recommandée en association à l’analogue. Celle-ci consiste à administrer une dose d’estrogène (éventuellement associée à un progestatif) pour prévenir la baisse de densité minérale osseuse et améliorer la qualité de vie des patientes, sans diminuer l’effet thérapeutique du traitement ; elle peut être prescrite avant le 3e mois de traitement pour en limiter les effets indésirables. L’AMM de la leuproréline précise les modalités de cette « add-back thérapie » (voir tableau ci-contre).
Le risque de déminéralisation osseuse limite la durée du traitement à 6 mois ou 12 mois pour la leuproréline, y compris sous « add-back thérapie ».
Interactions médicamenteuses :prudence avec les médicaments connus pour allonger l’intervalle QT ou induisant des torsades de pointes (antiarythmiques, dompéridone, hydroxyzine, escitalopram, etc.). L’utilisation d’un décongestionnant nasal réduit l’efficacité de la nafaréline administrée par voie nasale : si besoin, il doit être administré au moins 30 minutes après celle-ci. 
GNRH
(GONADOTROPIN RELEASING HORMONE) Hormone hypothalamique (appelée aussi LHRH, Luteinizing Hormone Releasing Hormone) qui stimule la synthèse et la libération de LH et FSH par l’hypophyse qui, à leur tour, agissent sur les sécrétions ovariennes.
AMP
Assistance médicale à la procréation.
Spotting
Saignements vaginaux survenant en dehors de la période des règles.
EVA
L’échelle visuelle analogique (EVA) est une échelle d’auto-évaluation de la douleur.
Spécialistes de l’endométriose
Des centres référents regroupant des praticiens spécialisés dans la prise en charge de l’endométriose se développent (gynécologues, radiologues et médecins de la reproduction aidés en équipe pluridisciplinaire par des chirurgiens urologues et digestifs). Les associations de patients peuvent aussi être une aide pour orienter les patientes vers des médecins spécialisés.
  Par Christèle Closse , pharmacienne, avec la collaboration du D r François Dubecq-Princeteau , service de chirurgie gynécologique et gynécologie obstétrique, service de chirurgie et médecine de la fertilité, polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine (Gironde)
Art1_46-Encadre-SousEncadreA-Image_E3.jpg

CE QUI A CHANGÉ

- Le diénogest est le seul macroprogestatif proposé dans les recommandations de prise en charge de l’endométriose (HAS, décembre 2017). Les autres macroprogestatifs ne sont pas recommandés en raison d’un manque de données sur leur efficacité ou à cause de leurs effets indésirables (pour l’acétate de médroxyprogestérone).

- Le danazol (Danatrol), antigonadotrope hypophysaire, a une AMM dans l’endométriose mais n’est pas recommandé du fait de ses effets indésirables (hirsutisme, acné, prise de poids, modifications du timbre de la voix, troubles de l’humeur, augmentation de la résistance à l’insuline et intolérance au glucose).

Vigilance !

Les principales contre-indications à connaître sont les suivantes :

Communes à tous les traitements hormonaux : hémorragies génitales inexpliquées, accident thromboembolique veineux évolutif, infection hépatique sévère.

Contraception estroprogestative : antécédent thromboembolique artériel ou veineux ou prédisposition connue ou risque élevé du fait du cumul de plusieurs facteurs de risque (plus de 35 ans, tabagisme, obésité, etc.) ; accident vasculaire cérébral (AVC), angor, hypertension artérielle (HTA) sévère, diabète avec complications, dyslipoprotéinémie sévère, migraine avec aura ; affection hépatique sévère ; cancer hormonodépendant.

DIU au lévonorgestrel : grossesse, infection génitale, avortement septique, anomalies congénitales ou acquises de l’utérus ; tumeurs sensibles aux progestatifs (cancer du sein notamment) ; affection maligne du col ou du corps utérin.

Microprogestatifs : tumeurs malignes sensibles aux stéroïdes sexuels.

Diénogest : affection cardiovasculaire actuelle ou antérieure (AVC, angor, infarctus du myocarde), diabète avec atteinte vasculaire, présence ou antécédents de tumeurs hépatiques (bénignes ou malignes) ; cancer hormonodépendant.

Analogues de la GnRH : grossesse et allaitement.

Pointdevue

Dr François Dubecq-Princeteau, gynécologue obstétricien à la polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine

« Une symptomatologie très douloureuse chez l’adolescente peut annoncer une évolution vers une forme compliquée »

L’endométriose est-elle désormais mieux diagnostiquée ?

« Oui, mais il est vrai qu’il faut encore expliquer aux parents qu’il n’est pas normal que leur adolescente ait mal durant les règles au point systématiquement de devoir rester couchée ou de ne pas pouvoir aller en classe. En général, à ce stade, les AINS sont efficaces, puis, lorsqu’ils deviennent insuffisants, une contraception hormonale atténue généralement les douleurs chez la plupart des patientes. Chez celles qui ont une symptomatologie d’emblée très douloureuse ou mal soulagée par les contraceptifs, le risque d’évoluer vers une forme handicapante est important. Dans cette situation, une prise en charge par des spécialistes de la maladie est nécessaire avec recours à une imagerie et réflexion à la fois sur la prise en charge de la douleur et sur la préservation de la fertilité. Il convient de rapidement sensibiliser ces jeunes femmes au fait que, si elles veulent des enfants, il faudra idéalement les avoir tôt. Ceci peut nécessiter d’avoir recours plus vite que d’autres femmes à des techniques d’AMP lorsqu’un projet de grossesse est souhaité. Si le projet d’enfant n’est pas d’actualité, on doit proposer de recourir à une congélation des ovocytes. »

Quelle place pour la chirurgie ?

« Elle est vraiment évaluée au cas par cas selon qu’il s’agit de prendre en charge des douleurs, l’infertilité ou les 2 à la fois. La chirurgie de l’endométriome doit être bien réfléchie car elle impacte la réserve ovarienne. Dans le cas d’une endométriose profonde et douloureuse, une exérèse complète de toutes les lésions à la fois est nécessaire, ce qui implique une lourde intervention sur plusieurs organes souvent (digestifs, urinaires, gynécologiques), mais qui est nécessaire pour limiter les récidives, parfois encore plus problématiques. »

Art1_49-Encadre-SousEncadreD-Image_E3.jpg

ACCOMPAGNER LE PATIENT 

GÉRALDINE, COMMERCIALE, 39 ANS

« J’ai eu mes règles vers l’âge de 12 ans. Je les ai toujours associées à des douleurs. Je pensais que c’était normal jusqu’à ce que j’en parle à mon médecin généraliste car j’avais besoin de justifier mes absences à la fac. Il m’a alors orientée vers un gynécologue. Ça a été un choc pour moi quand le médecin m’a parlé d’endométriose et j'ai aussi compris qu’il n’était pas normal que je souffre ainsi. Depuis cinq ans maintenant, je fais régulièrement des piqûres de Décapeptyl qui me soulagent un certain temps. Il y a trois ans, avant de me séparer de mon mari, nous avons essayé d’avoir un enfant… en vain. Le gynécologue m’a alors proposé de congeler mes ovocytes car j’espère avoir un jour des enfants. »

L’ENDOMÉTRIOSE VUE PAR LES PATIENTES


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

Les douleurs sont d’intensité variable mais peuvent être très invalidantes jusqu’à des difficultés à rester assise ou debout, à se concentrer intellectuellement ou à faire un effort physique, parfois durant quelques jours. D’où des absentéismes durant la scolarité et des arrêts de travail durant la vie professionnelle. Les patientes se plaignent parfois aussi de fatigue chronique.


IMPACT SUR LA VIE SEXUELLE

L’endométriose peut entraîner des douleurs lors des rapports sexuels. La libido peut être affectée par la maladie.
La proportion de patientes ayant des problèmes d’infertilité est mal connue. En pratique, l’infertilité ne concerne qu’une minorité de patientes et l’intensité de la symptomatologie douloureuse ne présage pas de ce risque.


À DIRE AUX PATIENTES


A PROPOS DE LA MALADIE

Toute dysménorrhée n’est pas synonyme d’endométriose. En revanche, des douleurs pelviennes invalidantes chaque mois, insuffisamment soulagées par les antalgiques classiques dont les AINS, doivent amener à une consultation gynécologique. De même, des douleurs durant les rapports sexuels ne sont pas « normales ». L’errance diagnostique, en moyenne de 7 ans, retarde d’autant la prise en charge et peut parfois avoir des conséquences sur la fertilité.
L’endométriose, bien que pouvant être très invalidante, reste une maladie le plus souvent bénigne. Son évolution est cependant imprévisible : il peut exister des périodes plus douloureuses alternant avec des périodes moins symptomatiques. Avec le temps, la maladie peut globalement s’aggraver ou s’améliorer. Généralement, la grossesse et la ménopause (non traitée par un traitement hormonal de substitution) sont des périodes d’accalmie.
Des douleurs chroniques peuvent aussi faire partie de la symptomatologie de l’endométriose (douleurs pelviennes, douleurs à la défécation, troubles urinaires), avec souvent une recrudescence durant les règles.
Plus la douleur s’installe, plus il y a un risque d’« hypersensibilisation à la douleur » qui entretient à son tour le phénomène. D’inflammatoire au départ, la douleur prend alors aussi une composante neuropathique, difficile à traiter. Dans cette situation, une prise en charge pluridisciplinaire peut alors devenir nécessaire (gynécologue, algologue, sexologue, psychologue et assistante sociale).
Les traitements ne permettent parfois qu’un soulagement incomplet. Des thérapeutiques non médicamenteuses peuvent être essayées : l’application de chaleur est généralement utilisée par les patientes. Le yoga, l’acupuncture et l’ostéopathie ont fait l’objet d’études (sur un petit nombre de patientes) montrant une amélioration de la qualité de vie. L’hypnose ou la méditation pleine conscience (« mindfulness ») n’ont pas été spécifiquement évaluées dans l’endométriose mais ont montré un bénéfice dans d’autres situations de douleurs chroniques ou de dysménorrhées en général. Des cures thermales à visée antalgique peuvent être prises en charge par la Sécurité sociale sur prescription médicale.


A PROPOS DES TRAITEMENTS

Antalgiques. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), plus efficaces que le paracétamol, s’utilisent sur quelques jours lors d’exacerbation des douleurs en respectant bien les posologies mais en privilégiant des prises régulières : 400 mg d’ibuprofène par prise à répéter au bout de 6 heures, au maximum 3 voire 4 fois par jour (AMM pour Brufen, Antarène, etc.).
Traitements hormonaux. Leur effet n’est que suspensif, toutefois, en provoquant une atrophie des lésions endométriosiques, ils freinent l’évolution de la maladie. Le plus souvent, une aménorrhée est recherchée et nécessaire pour une efficacité sur les douleurs. Rassurer quant à la prise des contraceptifs oraux en continu : elle n’augmente pas le risque thromboembolique par rapport à une prise en discontinu. Sous progestatifs notamment, prise de poids, parfois acné et tension mammaire sont possibles. Sous implant, la patiente doit vérifier 1 à 2 fois par mois sa présence par simple palpation. Si elle ne le repère plus, elle doit consulter rapidement le médecin ou la sage-femme qui l’a posé.
Attention au risque d’interactions avec les inducteurs enzymatiques, notamment le millepertuis, qui réduit l’efficacité contraceptive mais aussi l’action sur les douleurs.
Analogues de la GnRH. Une contraception est nécessaire le premier mois car la « castration estrogénique » induite par les analogues n’est pas immédiate. Passé le premier mois, une aménorrhée est attendue.Sous nafaréline (Synarel), une bonne observance est nécessaire, les pulvérisations nasales devant se faire matin et soir. Se moucher auparavant et ne pas interrompre le traitement durant le rhume. En cas de prescription d’un décongestionnant nasal,celui-ci doit être utilisé au moins 30 minutes après la nafaréline. Un éternuement juste après l’administration nécessite de répéter la dose. L’« add-back thérapie », qui consiste en un apport d’estrogène associé à un progestatif, améliore considérablement la qualité de vie sous analogue de la GnRH en supprimant les effets de la castration estrogénique et notamment les bouffées de chaleur. Elle prévient également la baisse de densité minérale osseuse.
En cas d’infertilité, les techniques de stimulation ovarienne, notamment une fécondation in vitro (FIV), peuvent être proposées. 
  Par Delphine Guilloux , pharmacienne, avec la collaboration du D r Thibault Thubert , gynécologue obstétricien au centre hospitalier universitaire de Nantes (Loire-Atlantique)

EN SAVOIR PLUS

EndoFrance

endofrance.org

L’association française de lutte contre l’endométriose offre de nombreuses informations à destination des patientes, utiles également pour les professionnels de santé. L’onglet « contact » recense les antennes régionales qui permettent un soutien de proximité et peuvent aider à orienter vers des spécialistes.

Haute Autorité de santé (HAS)

has-sante.fr

Les recommandations de bonne pratique de « Prise en charge de l’endométriose » (2017) portent sur le diagnostic et le traitement médical mais aussi sur le traitement chirurgical et l’infertilité.

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


UNE CONTRACEPTION HORMONALE EST PRESCRITE

- Elle met au repos la fonction ovarienne et induit une atrophie des lésions endométriales. Sont recommandés par la HAS, estroprogestatifs, DIU au lévonorgestrel à 52 mg (Mirena), contraception microprogestative au désogestrel (Cerazette) et implant à l’étonogestrel et diénogest (Visanne). A l’exception de ce dernier, ces traitements sont utilisés hors AMM. Des macroprogestatifs sont en pratique couramment employés (chlormadinone, médrogestone, etc.) bien que non cités dans les recommandations.
- Une aménorrhée est généralement recherchée pour une action efficace sur les douleurs, ce qui implique par exemple l’utilisation des estroprogestatifs en continu.
- Attention aux inducteurs enzymatiques, dont le millepertuis, qui diminuent l’efficacité contraceptive mais aussi celle sur les douleurs.
La patiente en connaît-elle les principaux effets indésirables ?
Il s’agit principalement de tension mammaire, de céphalées, de spotting, d’acné et de prise de poids pour les progestatifs surtout. La présence de l’implant doit être vérifiée 1 à 2 fois par mois par palpation au niveau du site d’insertion.


UN ANALOGUE DE LA GNRH EST PRESCRIT

- Trois sont indiqués dans l’endométriose : leuproréline (Enantone), triptoréline (Décapeptyl) en administration mensuelle ou trimestrielle et nafaréline (Synarel) en pulvérisation nasale.
- Après une stimulation initiale (1 à 2 semaines) pouvant exacerber les symptômes (douleurs pelviennes, dysménorrhée), la poursuite du traitement induit une castration estrogénique réversible. Du fait de cette action retard, une contraception est nécessaire le 1er mois.
- La voie nasale implique une parfaite observance, y compris en cas de rhume.
Une « add-back thérapie » est-elle associée ?
- Elle consiste en un traitement compensateur par estrogène et progestatif, instauré avant le 3e mois et permettant de limiter les effets indésirables : bouffées de chaleur, céphalées, sécheresse vaginale, baisse de la libido, troubles de l’humeur et perte osseuse.
- Selon les AMM, le traitement est limité à 6 mois ou, pour la leuproréline, 1 an (sous « add-back thérapie »).


CONSEILS

- Les AINS peuvent être utilisés ponctuellement pour soulager les douleurs de même que des thérapeutiques non médicamenteuses : yoga, acupuncture et ostéopathie (qui ont fait l’objet d’études cliniques dans l’endométriose), et également hypnose, méditation pleine conscience et neurostimulation transcutanée.
- L’endométriose n’entraîne pas toujours une infertilité et l’intensité de la symptomatologie douloureuse ne présage pas de ce risque.
- La grossesse et la ménopause sont généralement des périodes d’accalmie.

oui, maisdes recommandations concernant l’administration du vasoconstricteur nasal s’imposent. Celui-ci peut en effet diminuer l’efficacité de l’analogue de la GnRH administré par voie nasale (Synarel). Il est nécessaire d’utiliser le décongestionnant nasal au moins 30 minutes après l’administration de Synarel pour ne pas diminuer son efficacité. L’absorption de la nafaréline n’est en revanche pas modifiée en cas de rhinite.

Art1_46-Encadre-SousEncadreA-Image_E5.jpg

NON. La posologie de la leuproréline (Enantone) n’est pas correcte. A ce dosage, cet analogue de la GnRH s’administre à raison de 1 injection par voie sous-cutanée ou intramusculaire tous les 3 mois et non tous les mois : c’est le dosage à 3,75 mg qui nécessite des injections mensuelles. Le traitement estroprogestatif prescrit ne pose pas de problème. Il joue ici le rôle d’hormonothérapie de substitution (« add-back » thérapie), permettant de pallier les effets de la carence estrogénique induite par la leuproréline.

Source : base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !