La tuberculose - Le Moniteur des Pharmacies n° 3305 du 25/01/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3305 du 25/01/2020
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  MAÏTENA TEKNETZIAN  ET  ALEXANDRA BLANC,  PHARMACIENNES  

MADAME F. SORT DE L’HÔPITAL

Le cas : Il y a 15 jours, une tuberculose a été diagnostiquée chez Mme F. Après une hospitalisation de 2 semaines, elle se présente à la pharmacie avec une ordonnance bizone pour la suite de son traitement.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Madame F., âgée de 38 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Un pneumologue hospitalier.


L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

Oui. Mme F. indique qu’elle a reçu un accord de prise en charge pour affection de longue durée (ALD). Elle demande au pharmacien de vérifier que sa carte Vitale a bien été mise à jour.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Mme F. est mariée et a 3 enfants.
Après des vacances dans sa famille en Afrique du Sud il y a 1 an, elle s’était sentie anormalement fatiguée.
Depuis quelque temps, elle venait régulièrement à la pharmacie pour demander des sirops antitussifs. Elle paraissait très amaigrie et toujours fatiguée.


COMMENT A ÉTÉ POSÉ LE DIAGNOSTIC ?

Après plusieurs consultations médicales, du fait de la persistance de la toux et de l’amaigrissement (près de 6 kg), son médecin traitant a suspecté une tuberculose et a fait une intradermoréaction (IDR) qui s’est révélée positive. Après un examen radiologique des poumons, il a adressé Mme F. à un centre de lutte antituberculeuse (Clat) où le diagnostic a été confirmé par la mise en évidence de bacilles tuberculeux dans ses crachats. Mme F. a été hospitalisée pendant 15 jours et, à sa sortie, le pneumologue lui a remis une ordonnance pour 1 mois.


QUE LUI A DIT LE PNEUMOLOGUE ?

Le pneumologue a expliqué à Mme F. qu’elle avait sans doute contracté la tuberculose l’an dernier lors de son voyage. L’infection est restée à l’état latent pendant un moment et la maladie s’est réactivée. Le pneumologue a initialement traité Mme F. avec 4 médicaments (isoniazide + rifampicine + éthambutol + pyrazinamide).
Il a indiqué qu’après avoir eu les résultats de l’antibiogramme phénotypique (après 15 jours de traitement), il arrêtait l’éthambutol mais que Mme F. devait poursuivre le traitement par les 3 autres antituberculeux pendant 1 mois et demi encore. Ensuite, elle ne prendra plus que la rifampicine et l’isoniazide pendant 4 mois.
Il a insisté sur l’observance : le traitement est long et doit être bien respecté pour éviter l’apparition de souches de bacilles résistants. Des consultations mensuelles sont programmées pour vérifier l’efficacité et la tolérance du traitement.
Le pneumologue a précisé à Mme F. qu’elle n’est plus contagieuse. Les enquêtes réalisées par le Clat auprès de ses enfants et de son mari sont par ailleurs négatives.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

Trois antibiotiques antituberculeux bactéricides :
la rifampicine, l’isoniazide et le pyrazinamide.
De la pyridoxine (vitamine B6), qui vise à limiter la toxicité neurologique de l’isoniazide chez la femme enceinte, le patient dénutri ou avec d’autres facteurs de risque de neuropathie périphérique. Mme F. a perdu presque 10 % de son poids corporel avant le diagnostic de sa maladie ce qui favorise le risque de neuropathie périphérique.


EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE DE RÉFÉRENCE ?

Oui, les recommandations européennes et celles de la Haute Autorité de santé (HAS) préconisent, pour traiter une tuberculose pulmonaire, une quadrithérapie (rifampicine + isoniazide + pyrazinamide + éthambutol) pendant 2 mois. Une hospitalisation est nécessaire avec la mise en place de mesures d’isolement (porte fermée, déplacements limités, port de masque) pour réduire le risque de transmission et la réalisation d’un antibiogramme phénotypique pour évaluer le risque de résistance. Lorsque la sensibilité à l’isoniazide est confirmée, l’arrêt de l’éthambutol peut être envisagé. Le traitement est ensuite poursuivi sur 4 mois avec une bithérapie associant la rifampicine à l’isoniazide.


Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?

Non.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS ?

Non. Mme F. ne souffre pas d’insuffisances hépatique ou rénale, ni d’hyperuricémie.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui. La posologie de Rifater est adaptée au poids de la patiente (5 comprimés par jour entre 50 et 65 kg).


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

La rifampicine est un puissant inducteur de cytochromes. Or les métabolites de l’isoniazide et ceux du pyrazinamide sont hépatotoxiques. La rifampicine potentialise le métabolisme de l’isoniazide et du pyrazinamide, ce qui majore leur hépatotoxicité. Un contrôle régulier des transaminases est nécessaire.


INTERVENTION PHARMACEUTIQUE

En consultant le dossier pharmaceutique de la patiente, le pharmacien s’aperçoit qu’une boîte de 3 plaquettes de lévonorgestrel/éthinylestradiol (Ludéal Gé) a été délivrée il y a 1 mois. L’association des contraceptifs hormonaux avec la rifampicine est déconseillée car cette dernière diminue l’efficacité contraceptive par son effet inducteur enzymatique.
Le pharmacien prévient donc Mme F. des risques d’inactivation de sa pilule contraceptive par la rifampicine contenue dans Rifater et de grossesse non prévue. Il lui recommande l’usage d’une protection mécanique (préservatifs) pendant les 6 mois de traitement et 1 cycle après (soit 7 mois). Et il lui enjoint de consulter son gynécologue pour le tenir informé du traitement antituberculeux, en vue d’une réévaluation de sa méthode de contraception.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Oui. Des consultations régulières sont nécessaires pour évaluer la tolérance, l’efficacité et l’observance du traitement. Numération formule sanguine (NFS) et dosage des plaquettes et des transaminases sont réalisés aux 7e, 14e et 30e jours, puis tous les 2 mois si une anomalie a été constatée précédemment. Un contrôle de l’uricémie est nécessaire avec le pyrazinamide. La surveillance du poids du patient et de ses transaminases sera régulièrement poursuivie pendant 1 an et une radiographie de contrôle du thorax sera effectuée à la fin du traitement et à 18 mois.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Le traitement ayant été instauré à l’hôpital, le pharmacien s’assure que Mme F. a bien compris les modalités d’administration.


UTILISATION DU MÉDICAMENT

Les comprimés de rifampicine/ isoniazide/pyrazinamide sont pris en une prise quotidienne à jeun.
La pyridoxine est administrée indépendamment des repas avec un verre d’eau.


QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?

Le pharmacien demande à Mme F. si les médicaments lui ont été donnés ce matin à l’hôpital. Ce qu’elle confirme. La prochaine prise se fera donc le lendemain matin.


QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

Prendre le traitement dès l’oubli constaté et le continuer normalement le lendemain.


LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Mme F. pourra juger d’une amélioration des signes cliniques, respiratoires en particulier.
Une radiographie des poumons au 30e jour et au cours des 2e et 6e mois permet de s’assurer de la progression de la cicatrisation. La recherche des bacilles tuberculeux dans les crachats sera réalisée à 2 mois pour confirmer le succès thérapeutique.


QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Une augmentation des transaminases et de la bilirubine est possible avec la rifampicine, l’isoniazide et le pyrazinamide. Des nausées et des vomissements sont aussi possibles avec ces traitements.
Une thrombocytopénie, des maux de tête et des vertiges sont possibles avec la rifampicine et réversibles à l’arrêt du traitement.
L’isoniazide favorise la survenue d’une neuropathie périphérique (caractérisée par des paresthésies distales) et d’une névrite optique.
Sous pyrazinamide, une hyperuricémie est très fréquente et des douleurs de l’appareil locomoteur sont possibles.
Les 3 molécules peuvent entraîner des réactions d’hypersensibilité.

QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

Rassurer sur la coloration en jaune orangé de l’urine, des larmes et de la sueur par la rifampicine : c’est un phénomène sans conséquence qui ne nécessite pas de prise en charge et qui est un signe de bonne observance.
Les nausées peuvent être améliorées par des antiémétiques et les douleurs abdominales par des antispasmodiques.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

Des réactions bulleuses graves (syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell) parfois fatales sont possibles sous rifampicine. L’apparition progressive de bulles cutanées et de lésions des muqueuses impose une consultation en urgence. Fièvre et adénopathie peuvent signifier une hypersensibilité à la rifampicine.
Démangeaisons, nausées et vomissements, douleurs abdominales, anorexie, ictère, urines foncées et décoloration des selles sont des signes d’hépatotoxicité qui doivent impérativement être signalés au médecin.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Rappeler qu’une mauvaise observance favorise l’émergence de résistance et limite le succès du traitement. Conseiller un pilulier hebdomadaire ou une sonnerie de rappel sur un téléphone mobile. Inciter la patiente à adhérer au programme d’éducation thérapeutique proposé par l’hôpital.
La tuberculose provoque un hypercatabolisme protéino-énergétique, facteur de dénutrition. Il est donc important d’augmenter les apports en protéines (1,2 à 1,5 mg/kg par jour) : consommer plus de portions de viandes, de poissons ou d’œufs, conseiller d’autres sources de protéines comme le quinoa, le riz sauvage, les lentilles ou les pois chiches. Des compléments nutritionnels oraux peuvent être nécessaires.
Centre de lutte anti-tuberculeuse (CLAT)
Centre ayant pour mission de lutter contre la propagation de la tuberculose pour une zone donnée en réalisant dépistage, diagnostic, enquête autour d’un cas, actions de prévention et formation des professionnels.
Antibio-gramme phénotypique
Test de la sensibilité de la bactérie aux principaux antibiotiques dans les conditions de culture en laboratoire.


  Par Stéphanie Satger , pharmacienne, avec la collaboration du P r Pierre Taintevin , président de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française, infectiologue au CHU de Rennes.

qu’en pensez-vous ?

Des effets indésirables digestifs importants sont possibles avec les antituberculeux. Afin de les limiter, est-il possible de les prendre pendant les repas ?

1) Oui, c’est un bon conseil pour prévenir les troubles digestifs.

2) Non, car cela modifie la biodisponibilité.

Réponse : Il est impératif de prendre les antituberculeux à jeun, c’est-à-dire 30 minutes à 1 heure avant un repas ou 2 heures après, afin d’optimiser leur absorption. Dans le cas contraire, il y a une modification de leur concentration plasmatique ce qui diminue l’efficacité du traitement et favorise aussi la sélection de bacilles résistants. Il fallait donc choisir la deuxième réponse.

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qu’en pensez-vous ?

Le port de lentilles oculaires de contact est-il possible pendant un traitement par rifampicine ?

1) Oui, mais cela dépend du type de lentilles.

2) Non, le port de toutes lentilles est proscrit.

Réponse : Le port de lentilles de contact avec la rifampicine n’est pas une contre-indication formelle, cependant il existe un risque de coloration permanente des lentilles par la rifampicine qui colore les larmes en rouge orangé. Ceci est valable pour les lentilles souples, dont le port pendant un traitement par rifampicine est déconseillé, car elles sont en hydrogel ou silicone hydrogel avec des trames perméables et donc très hydrophiles. Pour les lentilles rigides perméables aux gaz, le problème ne se présente pas. Il fallait donc choisir la première réponse.

PATHOLOGIE 

LA TUBERCULOSE EN 4 QUESTIONS

La tuberculose est une maladie infectieuse due à une mycobactérie touchant le plus souvent les poumons et se transmettant par voie aérienne. Non traitée, elle peut évoluer vers le décès. C’est la première cause mondiale infectieuse de mortalité.


1 QU’EST-CE QUE C’EST ?


La tuberculose est une maladie infectieuse le plus souvent respiratoire, due à une bactérie. Chez l’homme, le principal agent responsable est Mycobacterium tuberculosis, appelé également bacille de Koch.
La transmission est strictement interhumaine par inhalation de bacilles tuberculeux projetés dans l’air par un sujet atteint lorsqu’il tousse, éternue ou parle. Dans la majorité des cas, les personnes contaminées ont eu des contacts répétés et prolongés avec un sujet malade. Plusieurs heures de contact sont habituellement nécessaires à la transmission.
Après exposition au bacille de Koch, la primo-infection est le plus souvent silencieuse. Dans 90 % des cas, elle est contrôlée par le système immunitaire et devient latente (on parle d’infection tuberculeuse latente ou ITL). Dans 10 % des cas, elle n’est pas suffisamment contrôlée par le système immunitaire, devient active et s’exprime cliniquement. On parle alors de tuberculose maladie. Les formes actives peuvent également se déclarer après plusieurs années de forme latente, qui se réactive du fait notamment d’une immunodépression.
Dans les trois quarts des cas, les formes actives sont pulmonaires. Elles s’expriment par des signes respiratoires et généraux perdurant depuis plus de 3 semaines : fièvre, sueurs nocturnes, douleurs articulaires, fatigue, anorexie, amaigrissement, toux, dyspnée et éventuellement hémoptysie.
Les localisations extrapulmonaires, qui représentent un quart des tuberculoses maladies peuvent être ganglionnaires, osseuses (Mal de Pott), méningées, séreuses, urogénitales, digestives ou ORL. On parle de tuberculose miliaire lorsqu’elle est largement diffusée dans l’organisme.
Seules les formes respiratoires (pulmonaires, bronchiques, laryngées) actives sont contagieuses. Un malade reste contaminant pendant les 2 à 3 premières semaines de son traitement. Les formes latentes ne sont pas contaminantes.
En France, les formes actives ainsi que l’infection tuberculeuse latente de l’enfant de moins de 15 ans sont des maladies à déclaration obligatoire.


2 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE DE TUBERCULOSE ACTIVE ?

Certains facteurs majorent le risque de développer une forme active après une récente contamination ou de réactiver une tuberculose latente. Il s’agit principalement de :
- l’immunodépression (VIH ou traitement immunosuppresseur) ;
- l’insuffisance rénale ;
- le diabète ;
- un indice de masse corporelle inférieur à 18,5 ;
- le tabagisme, l’alcoolisme chronique ou la toxicomanie ;
- les mauvaises conditions d’hygiène de vie (logements vétustes et exigus, emprisonnement, migrants, sans domicile fixe, etc.).


3 COMMENT EST POSÉ LE DIAGNOSTIC ?


DE LA TUBERCULOSE MALADIE

La tuberculose est suspectée devant le tableau clinique.
L’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine ou un test interféron gamma peuvent être pratiqués mais ils sont peu contributifs car un test négatif n’élimine pas le diagnostic.
Le diagnostic est surtout étayé par l’imagerie (radiographie ou scanner thoracique) qui met en évidence des infiltrats, des nodules et des cavernes siégeant le plus souvent dans les lobes pulmonaires supérieurs ou en haut du lobe inférieur. Pour les localisations extrapulmonaires, en plus des examens d’imagerie, des biopsies soulignent la présence de granulomes (voir encadré ci-dessus) sur les différents tissus atteints.
Le diagnostic de certitude est bactériologique : l’examen microscopique des prélèvements bronchiques (obtenus par expectoration ou tubage gastrique pour récupérer les crachats déglutis) et les tests d’amplification génique permettent de mettre en évidence Mycobacterium tuberculosis. Un antibiogramme teste ensuite sa sensibilité aux différents antituberculeux.


DE L’INFECTION TUBERCULEUSE LATENTE (ITL)

Le dépistage doit se faire au moyen d’un test interféron gamma, qui présente l’intérêt de ne pas être influencé par une vaccination antérieure par BCG, ou d’une IDR.
D’après les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2015, dans les pays à revenu élevé, il convient de dépister systématiquement l’ITL chez les patients porteurs du VIH, les sujets en contact de cas de tuberculoses pulmonaires, les patients dialysés, ceux débutant un traitement anti-TNF, les futurs greffés et les patients souffrant de silicose.
En revanche, il n’est pas recommandé de dépister systématiquement les diabétiques, les alcooliques ou les patients présentant une insuffisance pondérale.
En France, le Haut conseil de la santé publique (HCSP), dans son avis de mai 2019, recommande de maintenir ces recommandations de dépistage et, par ailleurs, de concentrer les efforts de surveillance sur les enfants et les adolescents (population pédiatrique élargie jusqu’à 18 ans), y compris les migrants jusqu’à 18 ans.
Le dépistage chez les détenus, les usagers de drogue et les sans-abri ne doit pas être systématique, mais s’envisage au cas par cas.


4 COMMENT LA TUBERCULOSE MALADIE ÉVOLUE-T-ELLE ?

Sans traitement, les formes actives évoluent différemment selon l’immunité du patient. Elles sont létales (par défaillance des organes atteints) après des mois d’évolution dans 50 % des cas ; dans un quart des cas, elles guérissent spontanément ; dans l’autre quart, elles deviennent chroniques (et la personne reste contaminante plusieurs années).
Sous traitement bien conduit et en l’absence de multirésistance, la tuberculose guérit dans 90 % des cas. 
Hémoptysie
Emission par la bouche, au cours d’un effort de toux, de sang provenant des voies aériennes.
Intradermo-réaction (IDR)
L’IDR vise à tester la réponse de l’immunité cellulaire à un mélange standardisé de fragments de mycobactéries (tuberculine), injecté dans la couche superficielle du derme du patient au niveau de la face antérieure de l’avant-bras. Ce test est utilisé pour provoquer une réaction d’hypersensibilité cutanée, lue après 72 heures : si le patient a été en contact avec Mycobacterium tuberculosis, une induration rouge apparaît. Le test devient positif dans les 6 à 12 semaines suivant le contact.
Test interféron gamma
Test consistant à mettre en contact un prélèvement sanguin du patient avec des antigènes spécifiques de Mycobacterium tuberculosis et à évaluer la réponse sous forme de libération d’interféron gamma.
Cavernes
Cavités de taille variable et aux parois irrégulières, révélatrices d’une destruction du parenchyme pulmonaire.
Silicose
Fibrose pulmonaire provoquée par l’inhalation d’origine professionnelle de poussière de silice cristalline.
  Par Maïtena Teknetzian , pharmacienne enseignante en IFSI, avec la collaboration du D r Gaxuxa Berlemont , médecin de PMI à Versailles.
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THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER LA TUBERCULOSE ?

Le traitement de la tuberculose consiste en une multithérapie antibiotique qui doit être adaptée à la forme (active ou latente) de l’infection, à sa localisation et à la pharmacorésistance du bacille.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE


OBJECTIFS DU TRAITEMENT

Le traitement antituberculeux est établi sur une polychimiothérapie visant à guérir la maladie en stoppant la propagation des bacilles grâce à l’action synergique d’antituberculeux bactéricides et bactériostatiques (agissant aux niveaux intra- et extramacrophagien), à éviter les rechutes et la sélection de mutants résistants ainsi qu’à limiter la transmission de la maladie.
Le traitement antituberculeux est utilisé :
- en prophylaxie, pour prévenir la tuberculose maladie chez les sujets ayant une infection tuberculeuse latente ;
- en curatif, pour traiter l’infection de tuberculose maladie.


CHOIX DU TRAITEMENT

La croissance très lente des bactéries responsables de la tuberculose impose la prise quotidienne d’antibiotiques sur une longue période.
Actuellement, le traitement standard est constitué de 4 molécules : l’isoniazide, la rifampicine, le pyrazinamide et l’éthambutol. Elles peuvent guérir la tuberculose lorsque la souche ne présente pas de résistance aux traitements et que le traitement est bien suivi.

TRAITEMENT DE L’INFECTION TUBERCULEUSE LATENTE (ITL)

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a édité des nouvelles recommandations en mai 2019 pour la prise en charge de l’infection tuberculeuse latente.
En France, en cas de diagnostic d’ITL, sur la base d’un dépistage dans les groupes de populations à haut risque (migrants, adultes et enfants en contact étroit avec un cas de tuberculose maladie, patients infectés par le VIH, initiation d’un traitement anti-TNF), le choix du traitement est discuté au cas par cas et dépend de la sensibilité de la souche chez le cas index, des antécédents du patient (immunodépression, maladie hépatique), du risque d’interactions médicamenteuses et de l’adhésion prévisible au traitement.
Chez l’adulte et chez l’enfant, les recommandations françaises proposent depuis 2004, en première intention, l’association isoniazide + rifampicine pendant 3 mois. Selon le HCSP, les alternatives possibles sont une monothérapie par isoniazide pendant 6 mois ou par rifampicine pendant 4 mois (ce dernier schéma étant proposé en première intention en cas de contact avec une tuberculose à bacille résistant à l’isoniazide).
Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2018 préconisent une monothérapie par isoniazide pendant 6 à 9 mois ou rifampicine pendant 3 à 4 mois ou une bithérapie isoniazide + rifampicine pendant 3 à 4 mois.

TRAITEMENT STANDARD DE LA TUBERCULOSE MALADIE

Localisations pulmonaires
Les schémas thérapeutiques standards de première ligne sont utilisés chez les patients atteints de tuberculose dont la sensibilité aux médicaments est présumée ou établie, ou en attendant les résultats de l’antibiogramme lorsqu’une résistance aux médicaments est considérée comme peu probable.
L’efficacité du traitement (négativation des prélèvements au bout de 15 jours et radiographie pulmonaire à la fin des 1er, 2e et 6e mois de traitement) et la tolérance au traitement (contrôles des transaminases, de la numération formule sanguine et de l’uricémie et suivi ophtalmique) sont régulièrement évaluées au cours du traitement.
En France, le traitement standard recommandé par le HCSP pour les nouveaux cas de tuberculose pulmonaire dure 6 mois et s’articule en 2 phases :
- une phase initiale (ou intensive) de 2 mois avec une quadrithérapie, isoniazide + rifampicine + pyrazinamide + éthambutol, qui permet de réduire rapidement les charges bacillaires (l’arrêt de l’éthambutol est envisageable dès que la sensibilité à la rifampicine et à l’isoniazide est bien documentée) ;
- une seconde phase (dite d’entretien ou de continuation) de 4 mois avec une bithérapie, isoniazide + rifampicine, qui sert à stériliser les lésions et à prévenir les rechutes.
En cas de contre-indication au pyrazinamide (voir p. 10), une trithérapie par isoniazide + rifampicine + éthambutol sera lancée lors de la phase initiale de 2 mois, puis relayée par une bithérapie isoniazide + rifampicine pendant 7 mois (soit une durée totale de 9 mois).
La rifabutine (Ansatipine) est indiquée, selon le RCP, dans le traitement curatif de la tuberculose multirésistante. Néanmoins, en pratique, la résistance croisée avec la rifampicine est fréquente. L’utilisation de la rifabutine s’envisage sur avis spécialisé, surtout dans un condiv de VIH pour éviter les interactions dues à la rifampicine avec les antirétroviraux.
Localisations extrapulmonaires
Un traitement standard de 6 mois est recommandé pour la plupart des sites sauf pour les méninges — pour lesquelles un traitement plus long de 9 voire 12 mois est nécessaire — et éventuellement les atteintes ostéoarticulaires.


TRAITEMENT DE SECONDE LIGNE DE LA TUBERCULOSE MALADIE

Le traitement de la tuberculose multirésistante impose un traitement long (jusqu’à 2 ans) et complexe, faisant appel à des antituberculeux de deuxième ligne, dont un bon nombre font l’objet d’une ATU et sont disponibles uniquement à l’hôpital.
Il s’agit notamment d’aminosides (ou analogues) injectables, de certaines fluoroquinolones actives sur la tuberculose comme la lévofloxacine et la moxifloxacine, de la cyclosérine, du linézolide, de l’éthionamide, de la bédaquiline ou du délamanide.
Selon les recommandations françaises (rapport HCSP de 2014), les classes à privilégier sont les fluoroquinolones et les aminosides.
Cependant, l’OMS a élaboré en mars 2019 de nouvelles stratégies thérapeutiques qui favorisent un traitement par voie orale plutôt que parentérale et qui priorisent lesfluoroquinolones, la bédaquiline et le linézolide. Par ailleurs, un récent essai clinique, financé par l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, démontre qu’il serait possible de réduire la durée du traitement et conforte la recommandation de l’OMS de 2016 de réduire le traitement entre 9 et 12 mois.


PROFILS PARTICULIERS


ENFANTS

Le principe du traitement est le même que chez l’adulte (6 mois) mais l’éthambutol est à éviter chez le petit enfant en raison de la difficulté diagnostique des troubles de la vision des couleurs qui peuvent survenir. Une supplémentation en pyridoxine (vitamine B6) en prévention des neuropathies induites par l’isoniazide est recommandée.


FEMMES ENCEINTES

Selon le RCP, le pyrazinamide est contre-indiqué pendant la grossesse. Cependant, le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) stipule que l’ensemble des antituberculeux de première ligne peuvent être utilisés chez la femme enceinte et, dans les schémas de l’OMS, la quadrithérapie incluant le pyrazinamide est proposée pendant la grossesse. L’administration de rifampicine au cours des dernières semaines de grossesse peut provoquer d’éventuelles hémorragies maternelles et néonatales : l’administration de vitamine K1 à la mère et au nouveau-né permet de les prévenir. L'administration de vitamine B6 permet en outre de prévenir les éventuels effets neurotoxiques de l’isoniazide.


PERSONNES INFECTÉES PAR LE VIH

Même si le protocole thérapeutique standard reste recommandé, la prise en charge des patients infectés par le VIH reste très complexe, du fait des nombreuses interactions avec les antirétroviraux, et nécessite un avis spécialisé. Par ailleurs, des réactions inflammatoires paradoxales peuvent survenir à la phase initiale du traitement antirétroviral (reprise inattendue des symptômes de la tuberculose).


PATIENTS AVEC ATTEINTE HÉPATIQUE OU RÉNALE

Un suivi étroit des fonctions hépatique et rénale doit être mis en place dès l’instauration du traitement antituberculeux.


PRÉVENTION PRIMAIRE

La vaccination contre la tuberculose (appelée BCG) concerne essentiellement les nourrissons particulièrement exposés au bacille. Elle a pour but principal de protéger les jeunes enfants des formes graves de tuberculose (en particulier méningées).
Elle est recommandée à partir de 1 mois, idéalement au cours du 2e mois, et jusqu’à l’âge de 15 ans chez tout enfant présentant un risque élevé de tuberculose. L’efficacité est très controversée chez l’adulte.
L’intradermoréaction (IDR) de contrôle après vaccination est inutile (pas d’indication de revaccination en cas d’IDR négative).



TRAITEMENTS


ANTITUBERCULEUX DE PREMIÈRE LIGNE

Les antituberculeux doivent être administrés en une seule prise quotidienne, à jeun ou à distance d’au moins 2 heures des repas. Il existe des associations fixes qui permettent d’améliorer l’observance.
Des manifestations d’hypersensibilité (fièvre, lymphadénopathie, éventuellement éruption) peuvent survenir et nécessitent une consultation immédiate.
Par ailleurs, les antituberculeux (ou leurs métabolites) sont hépatotoxiques et additionnent leurs effets indésirables (justifiant une surveillance des transaminases). La rifampicine est en outre un inducteur enzymatique qui augmente la production des métabolites hépatotoxiques de l’isoniazide et du pyrazinamide. La survenue de signes d’atteintes hépatiques (ictère, fatigue, faiblesse, malaise, anorexie, nausées ou vomissements) nécessite l’arrêt du traitement. Dans le cadre du traitement de la tuberculose maladie, un avis spécialisé est indispensable pour évaluer la conduite à tenir (adaptation posologique, instauration d’un traitement de seconde ligne, etc.).


LA RIFAMPICINE

La rifampicine a une activité bactéricide surtout sur les bacilles à multiplication active (bacilles des cavernes), mais aussi sur les bacilles à multiplication lente (bacilles intramacrophagiques et intracaséeux).
Effets indésirables : coloration rouge des sécrétions (comme l’urine, les crachats, le liquide lacrymal, le sperme), troubles respiratoires asthmatiformes, possibles troubles digestifs et hépatiques et possibles atteintes hématologiques (justifiant un contrôle de l’hémogramme).
Interactions : la rifampicine, puissant inducteur enzymatique, est impliquée dans de très nombreuses interactions. En particulier, son association à certains antirétroviraux (notamment ceux boostés au ritonavir ou au cobicistat) et antifongiques azolés ou au délamanide est contre-indiquée. L’association aux contraceptifs œstroprogestatifs ou progestatifs (nécessitant la mise en place d’une méthode contraceptive mécanique jusqu’à 1 cycle après l’arrêt de la rifampicine), à certains anticancéreux (taxanes, vinca-alcaloïdes, cyclophosphamide, irinotécan), aux anticoagulants oraux directs, à certaines statines ou à la bédaquiline est déconseillée. L’association aux antivitamines K (AVK) nécessite un contrôle plus fréquent de l’INR et une éventuelle adaptation posologique anticoagulante.


L’ISONIAZIDE

L’isoniazide, agissant sur les bacilles des cavernes et intramacrophagiques, est puissamment et rapidement bactéricide.
Effets indésirables : nausées, vomissements, douleurs épigastriques, pyrexie, myalgies, arthralgies, anorexie, neurotoxicité (troubles psychiques, convulsions, neuropathies périphériques) majorée chez les sujets alcooliques ou dénutris et pouvant être prévenue par l’administration quotidienne de pyridoxine et risque de réactions cutanées graves parfois fatales (nécrolyse épidermique toxique).
Interactions : l’association à la carbamazépine (dont le métabolisme est inhibé par l’isoniazide) ou au disulfirame (risque de troubles du comportement et de la coordination) est déconseillée.


LE PYRAZINAMIDE

Le pyrazinamide est un antituberculeux bactéricide. Pour être actif, il doit être transformé à pH acide en acide pyrazinoïque. Il agit de ce fait exclusivement sur les bacilles intramacrophagiques (milieu acide).
Effets indésirables : hépatotoxicité imposant une surveillance stricte des transaminases ; très fréquente élévation de l’uricémie (par effet inhibiteur du pyrazinamide sur l’excrétion de l’acide urique), qui peut être considérée comme un marqueur d’observance et qui doit être corrigée, lorsque c’est nécessaire, par uricosuriques et non inhibiteurs de xanthine-oxydase (risque de goutte) ; arthralgies ; rash cutané, érythème ; génotoxicité (contraception recommandée pendant le traitement et les 6 mois suivants chez les femmes, 3 mois suivants pour les hommes).
Interactions : l’association à l’isoniazide majore les risques d’hépatotoxicité.


L’ÉTHAMBUTOL

L’éthambutol est bactériostatique sur les bacilles des cavernes et les bacilles intramacrophagiques.
Effets indésirables : possibles troubles digestifs et troubles oculaires (baisse de l’acuité visuelle, dyschromatopsie, névrite optique) habituellement réversibles à l’arrêt du traitement et auxquels sont davantage exposés les patients présentant déjà des anomalies de vision, les diabétiques et les alcoolo-tabagiques. Ils justifient un bilan ophtalmique avant l’initiation et mensuel pendant le traitement.
Interactions : la prise de sels d’aluminium doit être espacée d’au moins 2 heures.


LA RIFABUTINE

La rifabutine est une rifamycine bactériostatique.
Effets indésirables : coloration des sécrétions en rouge orangé, troubles digestifs, hépatiques et hématologiques, modification du goût, rash, myalgies, arthralgies, fièvre et uvéite.
Interactions : inductrice enzymatique, elle diminue l’efficacité d’un certain nombre de médicaments (son association au saquinavir et aux contraceptifs hormonaux est, entre autres, déconseillée), mais elle est globalement impliquée dans moins d’interactions que la rifampicine.


ANTITUBERCULEUX DE DEUXIÈME LIGNE

Deux nouveaux antituberculeux ont été développés ces dernières années et sont de plus en plus utilisés dans les formes résistantes : la bédaquiline (Sirturo) et le délamanide (Deltyba).
Les dernières recommandations de l’OMS placent désormais la bédaquiline comme traitement de première ligne de la tuberculose multirésistante. C’est un médicament orphelin soumis à prescription hospitalière et inscrit sur la liste de rétrocession avec une AMM conditionnelle depuis 2014 (approuvée par l’Agence européenne du médicament). La bédaquiline agit en bloquant l’ATP synthase, enzyme essentielle à la production d’énergie de M. tuberculosis, ce qui entraîne la mort des bacilles. Ce médicament fait l’objet d’une surveillance renforcée. Ses principaux effets indésirables sont des céphalées, des arthralgies, des vertiges, des nausées, des diarrhées, une cytolyse hépatique, des douleurs musculaires et un possible allongement de l’intervalle QT à l’ECG. Sa demi-vie est très longue (5 mois environ).
Le délamanide est un médicament orphelin soumis à prescription hospitalière, indiqué dans le cadre d’une pluri-antibiothérapie dans le traitement de la tuberculose pulmonaire multirésistante chez les adultes. Il inhibe la synthèse des acides mycoliques, composants de la paroi des mycobactéries. Le principal effet indésirable est le risque important d’allongement de l’intervalle QT. 

   Par Agathe Legrand et Maïtena Teknetzian , pharmaciennes, avec la collaboration du D r Nicolas Véziris, pneumologue, CNR des mycobacréries, hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

CE QUI A CHANGÉ

DISPARU

La vaccination par le BCG n’est plus exigée chez les professionnels du secteur sanitaire et social depuis le 1er avril 2019 (décret n° 2019-149 du 27 février 2019).

APPARU

Modification du RCP de Rifater (commission de transparence, novembre 2018) à la suite d’un signalement de l’Agence européenne des médicaments (EMA) sur le risque de survenue de syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse avec éosinophiles et manifestations systémiques (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques).

Vigilance !

Les contre-indications suivantes doivent être connues par le pharmacien :

Rifampicine : porphyries, insuffisance hépatique majeure

Rifabutine : insuffisance rénale sévère

Isoniazide : insuffisance hépatique sévère

Pyrazinamide : hyperuricémie, insuffisance rénale, insuffisance hépatocellulaire, allaitement et grossesse

Ethambutol : névrite optique, insuffisance rénale sévère

Pointdevue

Benoît Coudert, médecin responsable du département santé publique du CH Meulan - Les Mureaux, centre de lutte antituberculeuse (Clat) des Yvelines

« Le malade ne dit pas tout à son médecin, le dialogue avec le pharmacien permet de déceler les failles dans l’adhésion au traitement »

Quel est le rôle des centres de lutte antituberculeuse (Clat) ?

Il existe un Clat par département. Leur rôle premier est de trouver autour des cas index (c’est-à-dire de patients atteints de tuberculose maladie) de potentiels contaminés et contaminateurs. C’est pourquoi il faut, par un entretien infirmier avec le malade, parvenir à identifier les sujets « contact » (famille, sujets côtoyés par le biais des activités professionnelles et sociales, et ce, dans les 3 mois avant le diagnostic du cas index). Les sujets « contact » reçoivent alors un courrier en vue de réaliser un dépistage, mais l’anonymat du cas index est préservé.

Les principaux autres rôles d’un Clat sont d’assurer la vaccination BCG en collaboration avec les centres de protection maternelle infantile et d’assurer le suivi épidémiologique des cas et la coordination de la prise en charge. A la sortie de l’hôpital, au bout de 15 jours en moyenne, il convient de distinguer en effet le cas du patient vivant à son domicile, de celui vivant en foyer et susceptible d’en changer : il faut s’assurer qu’il n’y ait pas de rupture dans son traitement. La difficulté d’accès aux soins est une des causes d’émergence de formes résistantes. Le Clat est ainsi amené à dispenser les médicaments dans certaines situations sociales particulières.

En matière d’éducation thérapeutique, quels sont les messages importants à diffuser par le biais des pharmaciens d’officine ?

L’adhésion thérapeutique est fondamentale. L’amélioration de l’observance est d’ailleurs un des objectifs visés pour 2019-2023 par « La feuille de route tuberculose » émise par le ministère de la Santé. Six mois au minimum, c’est long ! Et le patient peut relâcher son observance au fil du temps. Il faut régulièrement la réencourager et faire preuve d’empathie. Le pharmacien peut profiter du dialogue avec le patient pour poser quelques questions : « Avez-vous compris ce qu’a dit le médecin ? », « Prenez-vous le traitement toujours à la même heure ? », « Est-ce facile de le prendre à jeun ? » La prise à jeun peut en effet s’avérer parfois complexe à inscrire dans la vie quotidienne et le malade ne dit pas toujours tout au médecin !

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ACCOMPAGNER LE PATIENT 

ALAIN, 45 ANS, COMMERCIAL

« Il y a 2 ans, je me suis mis à tousser. Je croyais que j’avais pris froid, d’autant plus que j’étais un peu fiévreux. Comme les symptômes empiraient, j’ai consulté mon médecin. Il a diagnostiqué une pneumopathie. Malgré le traitement antibiotique, les symptômes ont persisté. Je me sentais de plus en plus affaibli. Il a modifié mon traitement, sans succès. Je toussais toujours et, parfois, je crachais un peu de sang ! Comme je suis un gros fumeur, j’ai pensé au cancer du poumon… J’ai fini à l’hôpital au service des maladies respiratoires pour faire des analyses plus approfondies. Après une série d’examens, le diagnostic est tombé : j’avais une tuberculose pulmonaire et j’étais contagieux ! On ne m’a pas laissé ressortir de l’hôpital : j’ai été isolé en chambre individuelle et mis sous traitement antituberculeux sans attendre. Puis j’ai dû continuer le traitement à la maison pendant plusieurs mois. »

LA TUBERCULOSE VUE PAR LES PATIENTS


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

La toux persistante, les expectorations, les douleurs thoraciques et la dyspnée, retrouvées dans les formes pulmonaires, limitent les patients dans leurs activités quotidiennes. A cela s’ajoutent des sueurs nocturnes qui impactent leur sommeil. Amaigris, fatigués, les patients deviennent moins actifs et s’isolent. Leur qualité de vie se dégrade.
Une fois la maladie diagnostiquée, le traitement vient à bout des symptômes respiratoires en 1 à 2 semaines, mais la lourdeur de la prise en charge médicamenteuse est souvent mal vécue.


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

La tuberculose est souvent une maladie stigmatisante qui peut mener le patient à se sentir rejeté. A l’annonce du diagnostic, les patients peuvent être inquiets : peur de contaminer les autres, de ne pas guérir, d’avoir des séquelles, d’être victimes de discrimination, de perdre leur emploi, etc.
L’isolement physique des patients contagieux le temps de la contagiosité (jusqu’à 2 à 3 semaines après le début du traitement) est souvent mal vécu par les patients et anxiogène.


IMPACT SUR LE PLAN PROFESSIONNEL

Le retour au travail (ou à l’école) peut être difficile, du fait de la stigmatisation sociale liée à la tuberculose.


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DE LA PATHOLOGIE

Seule la tuberculose pulmonaire est contagieuse : elle se transmet par le bacille de Koch qui se trouve dans les expectorations des malades. Une personne contagieuse non traitée peut ainsi contaminer 10 à 15 personnes par an.
En cas de suspicion diagnostique de tuberculose pulmonaire contagieuse ou de cas confirmé (examen des crachats positif à l’examen microscopique), il est nécessaire de procéder à l’isolement respiratoire du patient en milieu hospitalier. Il dure en moyenne 10 à 20 jours, le temps nécessaire à ce que le traitement fasse son effet, que la fièvre disparaisse et que l’examen microscopique des crachats ne révèle plus la présence du bacille de Koch. La contamination par voie aérienne explique la nécessité de porter un masque de protection respiratoire jetable de type FFP2 le temps de la contagiosité, tant pour le patient que pour son entourage, lorsqu’ils sont en contact.
La tuberculose est une maladie à déclaration obligatoire. Cette démarche réalisée par le médecin permet de prendre les mesures nécessaires pour limiter le risque de contamination dans l’entourage du patient. Cette maladie est prise en charge au titre d’affection de longue durée (ALD).
Sous traitement bien conduit, la tuberculose est une maladie dont on peut guérir.
Si les symptômes respiratoires de la tuberculose disparaissent après quelques semaines d’antibiothérapie, la fatigue peut persister. Conseiller au patient de s’octroyer des temps de repos suffisants et insister sur le fait que la reprise de l’activité physique ou professionnelle devra être adaptée à son état.
Conseiller un régime alimentaire hypercalorique et hyperprotéiné pour reprendre le poids perdu, si besoin avec l’aide d’un diététicien.
S’il y a lieu, conseiller aux patients d’arrêter le tabac.


A PROPOS DU TRAITEMENT


ADHÉSION THÉRAPEUTIQUE

Le traitement comporte plusieurs antibiotiques à prendre en même temps, par voie orale, tous les jours, sur une période minimale de 6 mois : pour garantir une efficacité optimale, le traitement doit être pris à jeun, de préférence au réveil, au minimum 30 minutes avant le petit-déjeuner.
Insister sur la nécessaire bonne observance du traitement en expliquant au patient qu’il est certes très long, mais efficace à condition de prendre tous les médicaments exactement tel qu’indiqué et aussi longtemps que prescrit par le médecin, même si on ne se sent plus malade. Si le traitement est arrêté trop tôt ou s’il n’est pas pris correctement, la tuberculose peut ne pas guérir et le bacille risque de devenir résistant aux médicaments habituels. Le traitement des formes résistantes est beaucoup plus long (2 ans au minimum).
Réencourager régulièrement l’observance lors des renouvellements.

GESTION DES EFFETS INDÉSIRABLES ET DES INTERACTIONS

L’antibiothérapie nécessite une surveillance régulière de la fonction hépatique car l’isoniazide, la rifampicine et le pyrazinamide peuvent la perturber. Déconseiller la consommation d’alcool qui peut majorer l’hépatotoxicité.
Un examen ophtalmique est également nécessaire avant le début du traitement, puis régulièrement pendant, car l’éthambutol peut impacter la vision des couleurs et l’acuité visuelle.
La rifampicine est susceptible de colorer en rouge les sécrétions (urines, crachats, liquide lacrymal). Le port de lentilles souples est déconseillé pendant le traitement.
L’isoniazide et la rifampicine perturbent l’efficacité des antivitamines K (AVK) ; un contrôle plus fréquent du taux de prothrombine et de l’INR est nécessaire pour adapter la posologie des AVK.
La rifampicine diminuant l’efficacité contraceptive des contraceptifs hormonaux, un autre moyen de contraception doit être utilisé.
Avertir les patients qu’ils ne doivent pas prendre d’autres médicaments sans avis médical. 
Masque de protection respiratoire FFP
(FFP : filtering facepiece particles ou pièce faciale filtrante contre les particules)
Il est constitué d’un demi-masque (englobant la bouche et le nez) filtrant, qui assure une bonne étanchéité entre l’intérieur du masque et l’atmosphère extérieure. Il en existe 3 types en fonction de leur efficacité : FFP3 > FFP2 > FFP1
  Par Christèle Closse, pharmacienne, avec la collaboration du D r Alice Picard , pneumologue, Clinique Saint-Augustin à Bordeaux.

EN SAVOIR PLUS

Société de pneumologie de langue française

splf.fr

Le site internet propose la liste par départements et les coordonnées des centres de lutte antituberculeuse (Clat).

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


LE TRAITEMENT EST-IL CONFORME À LA STRATÉGIE RECOMMANDÉE ?

Le traitement de base de la tuberculose maladie repose sur une quadrithérapie initiale : rifampicine + isoniazide + pyrazinamide + éthambutol pendant 2 mois, puis une bithérapie rifampicine + isoniazide pendant 4 mois.
La rifabutine peut être utilisée en remplacement de la rifampicine, notamment pour éviter certaines interactions.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

La rifampicine est un puissant inducteur enzymatique impliqué dans de très nombreuses interactions médicamenteuses : attention en particulier à son association aux contraceptifs hormonaux dont l’efficacité est diminuée (utilisation d’une contraception mécanique pendant toute la durée du traitement et 1 cycle après l’arrêt).
La rifabutine est un inducteur enzymatique moins puissant et qui présente moins d’interactions que la rifampicine mais qui reste déconseillée avec les contraceptifs œstroprogestatifs.


LE PATIENT SAIT-IL QUAND ET COMMENT PRENDRE SON TRAITEMENT ?

Les antituberculeux s’administrent en une prise simultanée à distance des repas. Insister sur la nécessaire bonne observance du traitement et la réencourager régulièrement lors des renouvellements.


QUELS PEUVENT ÊTRE LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES DES ANTITUBERCULEUX ET COMMENT LES GÉRER ?

Le traitement antituberculeux est hépatotoxique : déconseiller la consommation d’alcool pendant le traitement pour ne pas majorer l’hépatotoxicité et orienter vers une consultation immédiate en cas d’apparition de signes cliniques (nausées, vomissements, ictère, prurit, etc.).
L’isoniazide est neurotoxique : s’assurer que les patients les plus à risque de neurotoxicité (femmes enceintes, patients diabétiques, dénutris, alcooliques ou infectés par le VIH) bénéficient d’une supplémentation en vitamine B6.
La rifampicine et la rifabutine colorent les liquides corporels en rouge orangé : en informer les patients (notamment ceux porteurs de lentilles de contact souples) et les rassurer sur cet effet indésirable qui est un marqueur de bonne observance.
Le pyrazinamide peut provoquer des douleurs articulaires et une hyperuricémie, laquelle ne doit pas être traitée par inhibiteur de xanthine-oxydase (risque de crise de goutte). Il est génotoxique (contraception efficace recommandée pendant le traitement et les 6 mois suivants chez les femmes, 3 mois suivants pour les hommes).
L’éthambutol peut provoquer des troubles visuels justifiant une surveillance ophtalmique régulière (champ visuel, vision des couleurs, fond d’œil) pendant le traitement.


LE PATIENT EST-IL CORRECTEMENT SURVEILLÉ ?

Sur le plan biologique : s’assurer que le patient bénéficie d’un suivi biologique régulier (et qu’il en respecte bien le rythme) de la fonction hépatique et de l’uricémie notamment.
Sur le plan clinique : s’assurer de la reprise de poids et vérifier le suivi ophtalmique sous éthambutol et la réalisation des radiographies pulmonaires de contrôle.

oui, mais avec certaines précautions. La rifampicine et l’isoniazide sont hépatotoxiques et la rifampicine, par son effet inducteur enzymatique, accélère le métabolisme du paracétamol et la formation de métabolites hépatotoxiques. Celui-ci reste l’antalgique de premier choix lorsqu’il est utilisé en deçà des doses maximales autorisées sur une période courte. Il convient d’insister auprès du patient sur la nécessité de ne dépasser ni la dose ni la durée de paracétamol prescrite et de lui rappeler de ne pas prendre d’autres médicaments en contenant et que la consommation d’alcool est déconseillée.

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oui, mais avec certaines précautions. En effet, par son caractère inducteur, la rifampicine augmente le métabolisme hépatique des antivitamines K (AVK), dont la warfarine, ce qui en diminue l’effet anticoagulant. Il convient de vérifier que le patient a bien compris que des contrôles plus fréquents de l’INR sont nécessaires et qu’en cas de baisse de l’INR, il devra contacter son médecin pour une éventuelle adaptation posologique de l’AVK.

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