Le bio fait toujours recette - Le Moniteur des Pharmacies n° 3298 du 10/12/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3298 du 10/12/2019
 
PARAPHARMACIE

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR FABIENNE COLIN 

En forte croissance, l’offre en cosmétiques bio se densifie en même temps qu’elle se démocratise. Avec sa caution scientifique, la pharmacie a une belle carte à jouer ! D’autant que son image prix est bonne.

Pour la première fois en 2018, la grande distribution est devenue le deuxième circuit de distribution des cosmétiques bio et naturels en France. Et devance désormais la pharmacie et la parapharmacie. Ce dynamisme est-il de bon augure pour l’officine ? « Ce n’est pas un danger. C’est le chemin normal. Il est logique que la GMS [grandes et moyennes surfaces] , circuit de distribution privilégié des Français, se positionne sur le bio et devienne le premier circuit », estime Audrey Imbert-Legrain, directrice générale de Sanoflore International et ex-directrice marketing de La Roche-Posay. Dans le même temps, le chiffre d’affaires (CA) de ces produits a crû de 8,4 % en 2018 (source : IMS/Iqvia) en pharmacie et parapharmacie. « Il est intéressant de voir que tous les circuits progressent. De janvier à fin septembre   2019, la cosmétique bio et naturelle en circuit pharmaceutique affichait + 8 %, quand la parapharmacie, dont une grosse partie est située en centre commercial en concurrence directe avec la GMS, est à + 2,2 %. La démocratisation profite donc plutôt au pharmacien », poursuit Audrey Imbert-Legrain. Néanmoins, la croissance du marché des cosmétiques bio et naturels a, aussi, tendance à se tasser dans le circuit pharmaceutique ces derniers temps : + 8,4 % en 2018, + 12 % en 2017, + 10,4 % en 2016, + 11 % en 2015 (source : Iqvia/Les Echos Etudes).

Tous les indicateurs sont au vert

En France, le chiffre d’affaires du marché de la cosmétique bio et naturelle est actuellement estimé entre 500 et 700  millions d’euros. En 2018, la progression du chiffre d’affaires des produits cosmétiques labellisés est évaluée à + 17 % et caracole à + 42 % en GMS, selon Les Echos Etudes. « Nous sommes dans une deuxième vague verte. La première a débuté en 2009, après les premiers scandales sur les parabènes qui ont donné beaucoup d’oxygène au marché de la cosmétique bio. Cette vague a ensuite un peu décru, car certains acteurs issus du conventionnel ont désinvesti ce marché. Sont restés les historiques du bio, dont certaines marques françaises et allemandes occupent actuellement le top 10 de la pharmacie. Nous sommes actuellement dans une deuxième vague, plus importante et de fond, qui voit tous les grands groupes, y compris L’Oréal, réinvestir le bio », explique Romain Ruth, directeur général de Florame (cosmétiques et huiles essentielles bio) et président de l’association Cosmébio. « Les ventes devraient bondir de 10 % par an à l’horizon 2022, pour atteindre 760   millions d’euros et, ainsi, représenter 7,5 % du CA de l’hygiène-beauté », selon le cabinet d’étude Xerfi, à l’origine de l’étude « Les cosmétiques bio et naturels à l’horizon 2022 », présentée en avril.

Les marques poussent comme des champignons

L’offre grandit déjà à vue d’œil. Désormais, les marques historiques, telles que Weleda, Sanoflore ou Melvita, côtoient de nouvelles venues issues de groupes implantés en mass market, comme La Provençale bio chez L’Oréal, N.A.E. chez Henkel, ou des marques propres lancées par les groupements de pharmacies, comme Lafayette et sa ligne Dermorens, Pharmactiv Bio chez Pharmactiv, etc. D’autres spécialistes de la grande distribution multiplient les lancements (Monsavon, Corine de Farme, etc.),voire rachètent des marques à l’instar de L’Oréal, repreneur de Sanoflore en 2006, de Logona en 2018,etc. ou de Léa Nature, nouveau propriétaire de Bo.ho Green Make-up.

Les petites marques aussi en profitent. Ainsi, RoyeR Cosmétique, aux formules à base de bave d’escargot fraîche certifiées par Ecocert, salive. Sa gamme de quatorze produits a tutoyé le million d’euros de chiffre d’affaires hors taxes en 2018 et les ventes devraient doubler en 2019. Dans la foulée de cette phase bouillonnante, une rationalisation du marché des cosmétiques bio est à prévoir. « Cette course aux parts de marché n’est pas sans risque pour nombre d’ outsiders, financièrement contraints. Un écrémage semble dès lors inéluctable », estime l’étude « Le marché et la distribution des cosmétiques bio et naturels », parue dans Les Echos Etudes en mai.

D’ailleurs, en dermocosmétique, cette croissance du bio ne se fait pas aux dépens des marques plus conventionnelles. « La Roche-Posay est en hausse de 2,1   % en valeur sur un marché à + 1,6 % à fin septembre   2019. Avène, Uriage, etc., ces marques d’eau thermale ont une image assez naturelle, à la croisée des chemins entre l’efficacité de la dermocosmétique et l’image de sécurité du naturel » , constate Audrey Imbert-Legrain. Au même titre que le conventionnel, « le bio devra travailler sur les dimensions de l’efficacité et du plaisir pour fidéliser les acheteurs, accroître la fréquence d’achats et le panier moyen, et aussi pour recruter de nouveaux consommateurs », ajoute Cécile Desclos, directrice du pôle agroalimentaire-distribution-luxe des Echos Etudes.

La jungle des labels

Dans ce condiv d’abondance, sélectionner son assortiment sera l’un des enjeux majeurs pour conserver une crédibilité. « Le pharmacien doit être vigilant sur les offres qui se proposent à lui », estime Audrey Imbert-Legrain. Et ce, d’autant qu’on s’y perd facilement entre les différents logos apposés sur les packagings. Pourtant, seuls deux référentiels dominent en France : Cosmos (labels Cosmébio, Ecocert, BDIH, Soil Association et Icea) et Natrue. Chez le premier, le label « Cosmos organic » certifie les produits bio et « Cosmos natural » estampille les produits naturels. Chez Natrue, il existe trois niveaux de certification : naturel, naturel avec une partie des ingrédients bio et bio. Soit, au total, plus d’une dizaine de certifications. Un gage de qualité ? Au contraire, « ce trop-plein de labels alimente les doutes sur la « naturalité réelle » ou sur le caractère « vraiment bio » de tel ou tel produit, et donc peut freiner les conversions », selon le cabinet Xerfi. La lecture est d’autant plus confuse qu’on assiste à une juxtaposition de sigles : commerce équitable, fabrication en France, composition végane, etc.

La transition du « green » vers le « clean »

Au sens large, les consommateurs se montrent de plus en plus favorables aux produits « propres ». Ils réclament davantage de formules véganes, ou exigent le respect de l’environnement à travers des packagings moins polluants ou des produits locaux. Ainsi, Sanoflore vient tout juste de mentionner « vegan » sur ses produits sans ingrédient d’origine animale. Sur ses affiches, Melvita revendique le « made in France », dans un cœur. Les marques, comme leurs revendeurs, valorisent ces atouts. A charge à la distribution de s’adapter à ces nouvelles attentes en formant ses vendeurs-conseillers sur l’origine des ingrédients, leur qualité, etc.

Ce mouvement pour le « clean » est tel que les experts anticipent une évolution plus forte de la naturalité que du bio. « Les industriels s’intéressent plus au marché du naturel qu’à celui du bio. En plus d’une forte demande, les produits sont aussi plus faciles à formuler. Et le développement de la chimie verte permet des progrès en matière de formulation », explique Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires au sein de la Fédération des entreprises de la beauté (Fébea). Des propos que l’institut Xerfi mentionne également dans son étude « Le marché des cosmétiques bio et naturels à l’horizon 2022 » : le bio risque d’être « cannibalisé » par les produits naturels « du fait d’une stratégie délibérée des grandes marques et des moindres contraintes de fabrication ». En attendant, la cible consommateur tend à s’élargir. Plus sensibles aux questions environnementales que leurs aînées, les nouvelles générations seront plus propices à acheter bio ou naturel. Et cela devrait profiter à tous les circuits, pharmacie comprise. « Il y a eu beaucoup de buzz négatif autour des cosmétiques conventionnels. Les consommateurs utilisent de plus en plus d’applications, comme Yuka et Clean Beauty, pour s’informer sur les marques », égrène Cécile Desclos. « Quand une officine sans produit bio m’affirme que le marché de la cosmétique est difficile, je rétorque que c’est faute d’avoir les bons produits. D’ici deux à trois ans, je pense que le bio sera le standard », estime Sébastien Royer, cofondateur en 2013, avec son frère Olivier, de la marque RoyeR Cosmétique au sein de la Maison Royer, spécialiste de l’élevage d’escargots.

La pharmacie a également une carte à jouer en matière de marge. Le taux de marge moyen est de 27,3 %, selon une étude Offisanté, réalisée sur les ventes de onze laboratoires au cumul à fin octobre 2019, dans 5 300 croix vertes. Le leader Weleda se place dans la moyenne avec 25,7 %, devant Sanoflore (23,7 %), mais loin derrière Laverana (gamme Lavera) à 39,2 %. De quoi faire réfléchir… naturellement !

L’HERBE N’EST PAS PLUS VERTE AILLEURS

Face à cette tendance profonde, l’officine se mobilise. « 76 % des pharmaciens veulent développer leur offre bio, selon une étude Iqvia. D’ailleurs, ils n’ont pas vraiment le choix. Se priver de bio, c’est fermer la porte à beaucoup de consommateurs », renchérit Audrey Imbert-Legrain (Sanoflore International). « Ce sont des opportunités de développement », résume, de son côté, Maurice Belais, fondateur d’Offisanté, spécialiste de l’optimisation de la performance officinale. En réalité, les pharmacies ont de nombreux avantages pour vendre du « vert ». Elles ont globalement la confiance des consommateurs. Pour 55 % des Français, le circuit pharmaceutique est leur lieu d’achat préféré pour la cosmétique bio et naturelle, derrière les magasins bio en tête avec 66 %, selon l’étude Xerfi. Outre sa caution scientifique, l’officine bénéficie d’une meilleure image prix que le sélectif.

À RETENIR


• + 8 %, c’est la progression du chiffre d’affaires du marché des cosmétiques bio et naturels en pharmacie sur les neuf premiers mois de l’année 2019.

•  Les ventes en cosmétique bio et naturelle devraient bondir de 10 % par an à l’horizon 2022, selon le cabinet d’études Xerfi.

• Durable, végane, naturelle, bio… la clean beauty a le vent en poupe.

• à la pharmacie, le taux de marge moyen sur un produit naturel est de 27,3 %.


REPÈRES 

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Par fabienne colin

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