L’hypertension artérielle - Le Moniteur des Pharmacies n° 3296 du 23/11/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3296 du 23/11/2019
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  MAÏTENA TEKNETZIAN  ET  ALEXANDRA BLANC , PHARMACIENNES NOUS REMERCIONS LE D r SYLVAIN LE JEUNE POUR SON AIMABLE COLLABORATION 

INITIATION D’UNE TRITHÉRAPIE POUR MME J.

Le cas : Il y a 6 mois, une hypertension artérielle (HTA) a été diagnostiquée chez Mme J., patiente diabétique. Depuis, elle prend 2 médicaments, l’un contenant de l’irbésartan et l’autre de l’hydrochlorothiazide. Son HTA étant insuffisamment contrôlée, le médecin a décidé d’ajouter de l’amlodipine à son traitement. Mme J. présente l’ordonnance ci-jointe.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

Oui.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Mme J. est en surpoids et se plaint régulièrement de ne pas arriver à maigrir malgré ses restrictions alimentaires. Elle fume environ 10 cigarettes par jour. Elle a consulté, il y a 6 mois, car elle avait des céphalées. L’examen clinique avait mis en évidence une hypertension artérielle (HTA) de 175 mmHg/105 mmHg et l’examen biologique, la présence d’une microalbuminurie. Le médecin a alors prescrit de l’irbésartan et de l’hydrochlorothiazide (HCT). Mme J. avait alors acheté un autotensiomètre.


QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?

Mme J. a consulté pour le renouvellement de ses médicaments et le suivi de son diabète et de son HTA.


QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?

En dépit de son traitement, la tension de Mme J. n’a pas baissé suffisamment. Le diabète aggravant le risque cardiovasculaire, il est nécessaire d’ajouter un troisième antihypertenseur : l’amlodipine. Pour faciliter l’observance et simplifier le plan de prise, le médecin décide de remplacer les spécialités à base d’irbésartan et d’hydrochlorothiazide par une association fixe.
Il a rappelé à Mme J. qu’il était important d’arrêter de fumer, mais Mme J. ne semble pas décidée.
Il lui réexplique l’intérêt de l’automesure, car elle n’a pas apporté de relevé tensionnel.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?


TROIS ANTIHYPERTENSEURS :

- l’irbésartan, antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II), qui bloque les effets vasoconstricteurs de l’angiotensine II et diminue la sécrétion d’aldostérone ;
- l’hydrochlorothiazide, diurétique thiazidique, qui diminue la natrémie, la kaliémie, la volémie et la pression artérielle ;
- l’amlodipine, inhibiteur calcique à effet vasodilatateur.

DEUX ANTIDIABÉTIQUES :

- la metformine, qui augmente la sensibilité des tissus à l’insuline et diminue l’absorption du glucose et sa production hépatique ;
- le dulaglutide, agoniste des récepteurs du GLP-1 à action prolongée, qui augmente la sécrétion d’insuline de façon glucose-dépendante.

EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE DE RÉFÉRENCE ?

Lorsque l’objectif tensionnel n’est pas atteint par la bithérapie dans les 6 mois (voire sous 3 mois selon les dernières recommandations européennes de 2018), une trithérapie est justifiée. Les recommandations européennes préconisent une association ARA II (ou IEC), diurétique thiazidique et antagoniste calcique en première intention lorsqu’il n’y a pas de cardiopathie.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS ?

Non. Mme J. ne souffre pas d’insuffisance rénale sévère ou terminale qui contre-indiquerait l’HCT, la metformine et le dulaglutide, ni d’infarctus du myocarde récent qui contre-indiquerait l’amlodipine.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui. Concernant le nouveau médicament, la posologie initiale habituelle d’amlodipine est de 5 mg par jour à prendre 1 fois par jour au cours ou en dehors d’un repas. Elle pourra, si besoin est, être portée à 10 mg par jour.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Il n’y a pas d’interaction contre-indiquée ou déconseillée. Cependant, l’association de 3 antihypertenseurs peut majorer le risque d’hypotension, notamment en début de traitement.
En retardant la vidange gastrique, le dulaglutide interagit avec les antihypertenseurs coadministrés et en majore l’effet, ce qui potentialise le risque d’hypotension.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Oui. La pression artérielle est surveillée lors des consultations médicales mensuelles pendant 6 mois (et idéalement en automesure) jusqu’à l’obtention de l’objectif.
La prise d’hydrochlorothiazide nécessite l’évaluation régulière (tous les 3 mois) de la natrémie, de la kaliémie, de l’uricémie et de la calcémie. De même, l’ionogramme doit être surveillé sous irbésartan (risque d’hyperkaliémie).
D’autre part, la glycémie à jeun et l’hémoglobine glyquée sont contrôlées tous les 3 mois.


INTERVENTION PHARMACEUTIQUE

En discutant avec Mme J., le pharmacien s’aperçoit qu’elle n’a pas compris comment réaliser l’automesure tensionnelle. Il lui rappelle qu’il est inutile de contrôler sa tension tous les jours et lui réexplique « la règle des trois » : 3 mesures le matin avant le petit-déjeuner et la prise de médicaments et 3 mesures le soir avant le coucher pendant 3 jours de suite.
Les mesures se font à la hdiv du cœur en position assise, après un repos de 5 minutes. Il ne faut ni parler ni bouger pendant la mesure. C’est la moyenne de ces 18 valeurs qui sera considérée par le médecin (des fiches de suivi de l’automesure tensionnelle sont téléchargeables sur le site internet cespharm.fr).
Le pharmacien lui propose de revenir avec son autotensiomètre pour revoir ensemble la mise en place du brassard et le fonctionnement.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?


CONCERNANT IRBÉSARTAN, HYDROCHLOROTHIAZIDE, METFORMINE ET DULAGLUTIDE

S’agissant d’un renouvellement, c’est l’occasion de vérifier l’observance et la tolérance.

OBSERVANCE

L’HTA étant silencieuse, il est parfois difficile de faire adhérer le patient au traitement. La consultation du dossier pharmaceutique permet de vérifier la régularité des délivrances. Interrogée, Mme J. indique qu’elle garde ses médicaments dans sa cuisine pour y penser lors des repas. Elle réalise les injections de dulaglutide tous les dimanches matin, elle a mis un rappel sur son smartphone pour y penser.
Le pharmacien réexplique à Mme J. que, dorénavant, l’irbésartan et l’HCT sont associés dans un même comprimé à prendre 1 fois par jour, de préférence le matin, pendant ou en dehors d’un repas.

TOLÉRANCE

L’irbésartan et l’HCT favorisant la survenue d’hypotension orthostatique, notamment chez le diabétique, le pharmacien demande à Mme J. si elle ne ressent pas des vertiges lors des changements brutaux de position. Celle-ci ne s’en plaint pas.
L’hydrochlorothiazide étant photosensibilisant et augmentant le risque de cancer basocellulaire, le pharmacien s’assure que Mme J. surveille son état cutané.
Mme J. ayant par le passé rapporté des réactions au point d’injection de Trulicity et le pharmacien lui ayant alors conseillé de maintenir le stylo à plat contre la peau, il s’assure de l’amélioration de cet effet indésirable. Il s’enquiert aussi de la bonne tolérance digestive à la metformine et au dulaglutide.


CONCERNANT AMLODIPINE

Il convient d’expliquer à Mme J. les modalités de prise de ce nouveau traitement.

UTILISATION DU MÉDICAMENT

Prendre le comprimé à heure régulière, pendant ou en dehors des repas. L’administration avec du jus de pamplemousse n’est pas recommandée.

QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?

Dès ce soir. En effet, des études sur la chronobiologie démontrent qu’en cas de risque cardiovasculaire important (diabète, insuffisance rénale, apnées du sommeil, plus de 65 ans, etc.), la prise vespérale des inhibiteurs calciques en particulier permet d’abaisser plus efficacement la pression artérielle la nuit, d’améliorer la pression artérielle matinale et de réduire le risque cardiovasculaire.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

Ne pas prendre la dose oubliée et reprendre le rythme normal le lendemain. Ne pas doubler la dose.

LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Oui, par l’atteinte de l’objectif tensionnel au bout de 6 mois.
Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), la PAS doit être comprise entre 130 et 139 mmHg et la PAD doit être inférieure à 90 mmHg au cabinet médical (ou PAS inférieure à 135 mmHg et PAD inférieure à 85 mmHg en automesure).

QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Vertiges, céphalées, bouffées de chaleur, œdème des chevilles, fatigue et somnolence sont fréquents et s’estompent avec le temps. Des douleurs abdominales sont possibles.

QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

Le paracétamol peut calmer les céphalées.
Les douleurs abdominales peuvent être prises en charge par des antispasmodiques.

QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

Une hypotension sévère avec tachycardie nécessite une hospitalisation.
Des plaques rouges disséminées, un prurit, un œdème du visage ou des extrémités sont les signes de manifestations allergiques plus ou moins sévères (très rares) nécessitant une prise en charge médicale éventuellement urgente.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

La perte de poids favorise le contrôle de la tension et de la glycémie. Du fait des difficultés rencontrées par Mme J. pour perdre du poids en dépit de ses efforts, le pharmacien lui propose de se faire aider par un diététicien.
Le pharmacien encourage l’activité physique en suggérant idéalement 30 minutes de marche 5 fois par semaine (d’après le consensus d’experts « HTA, hormones et femmes » de la Société française d’hypertension artérielle, 2018).
Limiter la consommation de sel (à 6 voire 5 g par jour) et celle d’alcool (d’autant que l’alcool augmente le risque d’acidose lactique sous metformine).
Le pharmacien réencourage l’arrêt impératif du tabac : il évalue la dépendance avec le test de Fagerström et présente les différentes aides au sevrage.
Il rappelle à Mme J. que l’exposition au soleil est déconseillée sous HCT.


DIX JOURS PLUS TARD

Mme J. a mal aux dents et aimerait de l’ibuprofène 400 mg. Le pharmacien lui déconseille l’achat d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), qui interagit avec l’ARA II et le diurétique en exposant au risque d’insuffisance rénale aiguë et qui, en outre, peut augmenter la tension artérielle et potentialiser le risque infectieux. En attendant la consultation dentaire, il préconise du paracétamol. 
PAS
Pression artérielle systolique, valeur haute de la pression artérielle mesurée lors de la contraction du cœur.
PAD
Pression artérielle diastolique, valeur basse de la pression artérielle mesurée lors du relâchement du cœur.
  Par Stéphanie Satger , pharmacienne, avec la collaboration du P r Béatrice Duly-Bouhanick , service d’HTA et thérapeutique, hôpital Rangueil, CHU de Toulouse (Haute-Garonne), UMR 1027 université Toulouse 3
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qu’en pensez-vous ?

Le pharmacien peut être amené à surveiller la pression artérielle d’un patient à l’aide d’un tensiomètre au bras. En pratique, il est recommandé de :

1) Prendre systématiquement la mesure sur le bras gauche (celui à côté du cœur).

2) Prendre la mesure en choisissant toujours le même bras.

Réponse : A la première évaluation, la mesure s’effectue aux 2 bras pour dépister une différence de pression trop importante. Ensuite, les mesures seront toujours prises sur le bras dont la pression était la plus haute la première fois. Elles sont réalisées à 2 reprises dans un endroit calme (espace de confidentialité) après un temps de repos de 5 minutes environ. Il faut choisir la réponse 2.

PATHOLOGIE 

L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE EN 5 QUESTIONS

Le plus souvent silencieuse, l’hypertension artérielle (HTA) constitue pourtant la première cause évitable d’accident vasculaire cérébral (AVC). Or seul 1 patient sur 2 est diagnostiqué.


1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

L’hypertension artérielle (HTA) est le plus souvent silencieuse et seuls 50 % des patients sont diagnostiqués, le plus souvent de manière fortuite.
Certains signes cliniques peuvent cependant lui être associés tels que des maux de tête permanents principalement au réveil, des troubles de la vision, des palpitations, des saignements de nez, des bourdonnements d’oreille ou un essoufflement à l’effort.
L’HTA maligne associe une élévation brutale et persistante de la pression artérielle (PA) à des signes de souffrance pluriviscérale. Elle nécessite une prise en charge urgente.


2 COMMENT EST-ELLE DIAGNOSTIQUÉE ?

Les dernières recommandations de 2018 élaborées par la Société européenne d’hypertension artérielle et la Société européenne de cardiologie, acceptées en France par la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA), maintiennent la définition de l’HTA comme une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une pression diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg. Pour poser le diagnostic, ces chiffres doivent être retrouvés en consultation de manière persistante.
La mesure doit être prise aux 2 bras la première fois (en retenant la valeur la plus élevée). Le patient, assis ou allongé, doit être au repos depuis 3 à 5 minutes, dans le calme et sans parler. Une détection de l’hypotension orthostatique doit être associée.
L’HTA étant silencieuse, un dépistage doit être effectué régulièrement par le médecin généraliste pour effectuer un diagnostic précoce.
La confirmation du diagnostic peut se faire soit en répétant les mesures au cabinet médical (2 à 3 mesures) soit en ayant recours à des méthodes de mesure ambulatoires telles que la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), appelée aussi holter tensionnel, ou l’automesure tensionnelle. La MAPA fournit des renseignements complémentaires : variabilité tensionnelle importante, information sur la PA nocturne, etc. L’automesure tensionnelle doit se faire en utilisant un tensiomètre électronique avec un brassard huméral de préférence. Les valeurs cibles retenues sont une PA supérieure ou égale à 135/85 mmHg (voir chapitre Accompagner le patient page 14). Elle permet de détecter un « effet blouse blanche », qui ne requiert généralement pas de traitement mais une surveillance annuelle.
Lors de la découverte d’une HTA, d’autres facteurs de risque cardiovasculaires sont recherchés.
Des examens paracliniques sont également demandés : ECG au repos, glycémie à jeun, bilan lipidique, ionogramme sanguin et clairance de la créatinine.


3 QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES DE L’HTA ?

Dans 90 % des cas, aucune cause n’est retrouvée. Le terme d’HTA primaire ou essentielle est alors utilisé. Elle s’installe progressivement et son incidence augmente avec l’âge, favorisée par certains facteurs de risque (voir question 4). Des anomalies de transport de sodium ont été mises en évidence chez des enfants normotendus ayant des parents hypertendus. Par ailleurs, une dysfonction des cellules endothéliales entraînant une carence en vasodilatateurs (bradykinine, monoxyde d’azote) peut entraîner une HTA.
Dans 10 % des cas, chez l’adulte, l’hypertension est dite secondaire et peut s’installer rapidement. La cause la plus fréquente des HTA secondaires est le syndrome d’apnée du sommeil. Parmi les autres causes, se trouvent des origines surrénaliennes (hyperaldostéronisme primaire, syndrome de Cushing, phéochromocytome), rénales (insuffisance rénale chronique, sténose de l’artère rénale, polykystose rénale), les dysthyroïdies et l’acromégalie.
L’hypertension peut être d’origine iatrogène (contraceptifs œstroprogestatifs, corticoïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS, vasoconstricteurs y compris par voie nasale, ciclosporine, érythropoïétine, anti-angiogéniques, etc.) ou toxique (consommation de cocaïne).
Exceptionnellement, l’HTA peut avoir une origine génétique (cas de l’hypertension hyperkaliémique de Gordon, maladie orpheline).


4 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE DE L’HTA ESSENTIELLE ?

Certains facteurs ne sont pas (ou très peu) modifiables. Le vieillissement des artères et la perte de leur élasticité expliquent l’augmentation de l’incidence avec l’âge. Le sexe masculin, une naissance prématurée, un petit poids de naissance, un milieu social défavorisé sont des facteurs de risque. Avoir des antécédents familiaux d’HTA multiplie par 2 le risque d’être soi-même hypertendu. Certaines ethnies (population africaine, antillaise ou originaire de l’Asie du sud) sont plus à risque d’être hypertendues.
D’autres facteurs de risque sont quant à eux modifiables ou contrôlables tels que : consommation trop importante de sel, de réglisse ou d’alcool, mode de vie trop sédentaire, tabagisme, diabète, obésité ou encore troubles du sommeil.

5 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

Non traitée, l’HTA est un facteur de risque cardiovasculaire majeur en raison de l’épaississement et de la rigidification progressive des artères. L’athérosclérose est favorisée par une HTA, surtout lorsqu’elle est mal contrôlée.
L’HTA est ainsi un facteur de risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, de cardiopathie ischémique (l’infarctus du myocarde est le principal risque de mortalité chez l’hypertendu) et d’insuffisance cardiaque.
Chez les hommes hypertendus, une dysfonction érectile doit être considérée comme augmentant le risque cardiovasculaire, car elle survient généralement quelques années avant les complications.
Une insuffisance rénalechronique peut également survenir ou s’aggraver.
L’HTA peut aussi favoriser la survenue de complications neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer.
L’HTA préexistante à la grossesse ou constatée avant la 20e semaine d’aménorrhée (SA) ou l’HTA gravidique (survenant après la 20e SA) peut se compliquer de prééclampsie voire d’éclampsie, de retard de croissance fœtale ou d’hématome rétroplacentaire. De par ses complications, l’HTA gravidique reste l’une des principales causes de mortalité et de morbidité maternofoetales. 
MAPA
Mesure ambulatoire de la pression artérielle : mesure de la PA sur 24 heures à l’aide d’un brassard relié à un appareil électronique porté à la ceinture.

Automesure tensionnelle
Elle est réalisée par le patient à son domicile à l’aide d’un autotensiomètre.

Effet blouse blanche
Phénomène qui augmente artificiellement les chiffres tensionnels chez un patient du fait de l’environnement médical ou de la présence du médecin.
Bradykinine
Peptide vasodilatateur issu du système kinine-kallicréine (composé de polypeptides jouant un rôle dans la coagulation, l’inflammation et le contrôle de la pression artérielle).
phéochromo-cytome
Tumeur très rare de la glande surrénale.
Acromégalie ou maladie de Pierre Marie
Maladie orpheline liée à une hypersécrétion de l’hormone de croissance et survenant généralement entre 30 et 40 ans et caractérisée par un syndrome dysmorphique.

  Par Florence Piussan , pharmacienne, avec la collaboration du D r Sylvain Le Jeune , service de médecine interne et HTA, hôpital Avicenne AP-HP, à Bobigny (Seine-Saint-Denis)

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE ?

Le traitement vise à contrôler la pression artérielle pour prévenir les complications cardiovasculaires sur le long terme. Il associe un traitement médicamenteux à des mesures hygiénodiététiques.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

En 2018, des recommandations européennes ont été publiées par la Société européenne d’hypertension artérielle (ESH) et la Société européenne de cardiologie (ESC). Elles ont été acceptées par la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA).
Les dernières recommandations françaises actuellement en vigueur ont été élaborées conjointement entre la Haute Autorité de santé (HAS) et la SFHTA en 2016. Des discussions entre la SFHTA et la HAS et des travaux concernant leur actualisation sont en cours.
Les recommandations européennes fixent à 140/90 mmHg en mesure clinique le seuil nécessitant de débuter un traitement quelles que soient les comorbidités associées. Il en est de même chez la femme enceinte.
Cependant, pour le sujet âgé de plus de 80 ans, en France, la SFHTA et la HAS recommandent l’instauration d’un traitement seulement si la pression artérielle systolique (PAS) est supérieure à 150 mmHg de manière persistante.


OBJECTIFS TENSIONNELS

Les recommandations européennes visent, chez tous les patients, un premier objectif de PA inférieure à 140/90 mmHg.
Un objectif plus strict sous condition de bonne tolérance du traitement peut être visé chez certains patients :
- entre 18 et 65 ans : PAS entre 120 et 129 mmHg et pression artérielle diastolique (PAD) entre 70 et 79 mmHg. En cas d’insuffisance rénale chronique dans cette tranche d’âge, une PAS comprise entre 130 et 139 mmHg sera tolérée.
- entre 65 et 79 ans : PAS entre 130 et 139 mmHg et PAD entre 70 et 79 mmHg, quelles que soient les comorbidités et sous surveillance de la tolérance avec recherche d’hypotension orthostatique.
- au-delà de 80 ans : PAS entre 130 et 139 mmHg.
Les recommandations françaises fixent un objectif avec une PAS comprise entre 130 et 139 mmHg et une PAD inférieure à 90 mmHg, mesurées au cabinet médical et confirmées par des mesures au domicile (PA inférieure à 135/85 mmHg en automesure tensionnelle ou mesure ambulatoire diurne).
Chez le sujet de plus de 80 ans, elles préconisent l’obtention d’une PAS inférieure à 150 mmHg sans hypotension orthostatique (soit inférieure à 145 mmHg en mesure ambulatoire diurne ou automesure tensionnelle) avec un traitement ne dépassant pas 3 molécules.


CHOIX DU TRAITEMENT

Toutes les recommandations insistent sur la place des mesures hygiénodiététiques. Elles associent une alimentation équilibrée et un régime hyposodé à la pratique d’une activité physique régulière (voir chapitre Accompagner le patient page 4). Une consultation d’annonce est recommandée afin d’expliquer au patient sa maladie et favoriser l’adhésion au traitement. Une éducation thérapeutique du patient est également importante.
Les recommandations européennes préconisent de commencer par une bithérapie d’emblée visant un meilleur contrôle tensionnel, une meilleure observance et un effet plus rapide. Le contrôle tensionnel doit être obtenu sous 3 mois. Chez certains patients plus fragiles (âgés, polymédicamentés, souffrant d’hypotension orthostatique, etc.) ou dont la PA est proche de la valeur seuil, le traitement sera débuté par monothérapie.
Les recommandations françaises préconisent de débuter par une monothérapie réévaluée à 1 mois en cas d’HTA de découverte récente avec des chiffres peu élevés. Si l’objectif n’est pas atteint au bout de 1 mois, une bithérapie sera instaurée. L’objectif tensionnel doit être atteint dans les 6 mois.
La bithérapie doit être prescrite de préférence sous forme d’association fixe pour favoriser l’observance. Elle comprend généralement un inhibiteur du système rénine-angiotensine, c’est-à-dire un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II), associé à un inhibiteur calcique de type dihydropyridine à longue durée d’action ou à un diurétique thiazidique. Les bêtabloquants peuvent également être utilisés mais semblent avoir un effet moins protecteur vis-à-vis du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Ils seront utilisés en particulier en cas d’angor ou de fibrillation auriculaire paroxystique.
Si une trithérapie est nécessaire, l’association diurétique thiazidique, dihydropyridine et inhibiteur du système rénine-angiotensine est recommandée.
En cas d’échec de la trithérapie, il faut rechercher des facteurs de résistance au traitement : apports sodés trop importants, consommation excessive d’alcool, dépression, interactions médicamenteuses, défauts d’observance. En l’absence de facteurs corrigeables, le recours à un avis spécialisé est nécessaire. Une quadrithérapie peut être nécessaire et la spironolactone (12,5 à 50 mg par jour) sera associée, sauf en cas d’insuffisance rénale sévère où sera préférentiellement ajouté un bêtabloquant.


PROFILS PARTICULIERS

Chez la femme enceinte, une baisse trop importante de la PA n’est pas recommandée afin de maintenir une bonne perfusion placentaire. Les molécules recommandées en première intention sont le labétalol, la nifédipine, la nicardipine et la méthyldopa.
Au cours de l’allaitement, le propranolol, le labétalol, la nifédipine, la nicardipine, la méthyldopa ainsi que certains IEC pourront être utilisés.
Chez le patient diabétique, un IEC ou un ARA II sera privilégié (prévention de la néphropathie du diabétique).
Chez l’insuffisant rénal, en cas d’insuffisance rénale sévère, un diurétique de l’anse sera utilisé en remplacement d’un thiazidique.


SUIVI DU PATIENT


SURVEILLANCE CLINIQUE

Un suivi mensuel est recommandé tant que l’objectif tensionnel n’est pas atteint. Une fois l’objectif atteint, un suivi est recommandé tous les 3 à 6 mois (mesure de la PA au cabinet, analyse des automesures tensionnelles, recherche d’une hypotension orthostatique, d’une mauvaise tolérance, etc.).

SURVEILLANCE BIOLOGIQUE

Un ionogramme, une créatininémie et une recherche de protéinurie doivent être réalisés tous les 1 à 2 ans, plus fréquemment chez le patient âgé, ayant des comorbidités associées ou une HTA mal contrôlée. Une surveillance de la NFS et des transaminases peut être nécessaire sous ARA II et éventuellement sous IEC.
Un bilan lipidique et une glycémie à jeun doivent être réalisés tous les 3 ans en l’absence de maladies associées.
Un ECG est recommandé tous les 3 à 5 ans en l’absence de pathologie cardiaque.


TRAITEMENTS


DIURÉTIQUES THIAZIDIQUES ET APPARENTÉS

Les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide, altizide et chlortalidone) et apparentés (indapamide et ciclétanine) sont indiqués dans le traitement de l’HTA chez un patient ayant une fonction rénale normale ou modérément altérée. Ils augmentent la diurèse ainsi que l’excrétion urinaire de sodium et de potassium.
Effets indésirables : hypokaliémie avec risque de torsades de pointes, hyponatrémie avec risque de déshydratation, hypotension orthostatique, hyperuricémie par augmentation de la réabsorption de l’acide urique avec risque de goutte, possible élévation de la glycémie et possible dyslipidémie, photosensibilisation et augmentation du risque de cancer cutané (de type carcinome mais non mélanome) sur les zones exposées au soleil sous hydrochlorothiazide.
Interactions : l’association avec le lithium est déconseillée (risque de surdosage en lithium) et avec les médicaments pouvant induire des torsades de pointes. L’association avec les IEC, les ARA II et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) doit être prudente (risque augmenté d’insuffisance rénale aiguë).


INHIBITEURS DE L’ENZYME DE CONVERSION (IEC)

Les IEC ont une DCI se terminant par –pril. Ce sont des prodrogues à demi-vie longue (sauf le captopril) permettant une prise par jour. Le captopril, le lisinopril et le ramipril ont une AMM spécifique chez le patient hypertendu et diabétique de type 2 ayant une atteinte rénale.
Effets indésirables : hypotension orthostatique, vertiges, céphalées, toux sèche persistante survenant dans 10 à 20 % des cas, due à l’accumulation de bradykinine dans le tractus respiratoire et nécessitant l’arrêt du traitement, hyperkaliémie et, plus rarement, possibles hyponatrémie et hyperuricémie, élévation de la créatininémie et des transaminases, dysgueusies (fréquentes sous captopril, notamment à fortes doses), risque de psoriasis d’évolution généralement favorable à l’arrêt du traitement, anomalies de la formule sanguine et risque rare mais grave d’angio-œdème, lié à l’accumulation de bradykinine. Des cas d’agranulocytose et de neutropénie ont été rapportés, en particulier avec le captopril.
Interactions : l’association avec le lithium est déconseillée (risque de surdosage), ainsi que celle avec les sels de potassium et les diurétiques épargneurs potassiques* (risque d’hyperkaliémie), sauf en cas d’hypokaliémie documentée, et celle avec l’estramustine (majoration d’angio-œdème). L’association aux gliptines majore le risque d’angio-œdème. L’association des IEC aux AINS peut provoquer une insuffisance rénale aiguë, d’où une précaution d’emploi. Le double blocage du système rénine-angiotensine (association IEC-ARA II) n’est pas recommandé en raison du risque d’hypotension, d’hyperkaliémie et d’altération de la fonction rénale.


ANTAGONISTES DES RÉCEPTEURS À L’ANGIOTENSINE II (ARA II)

Également appelés sartans en référence à leur DCI, les ARA II constituent une alternative en cas d’intolérance ou d’allergie aux IEC (sauf antécédent d’angio-œdème). Le losartan et l’irbésartan sont indiqués en cas d’insuffisance rénale chez des patients diabétiques de type 2 avec protéinurie.
Effets indésirables : leur profil est similaire à celui des IEC avec un risque moindre d’angio-œdème et moins de toux iatrogène (3 %). Une élévation des transaminases et de l’uricémie et des altérations de la NFS peuvent également survenir. Un surrisque d’entéropathie très rare mais grave et spécifiquement lié à l’olmésartan a été rapporté et a entraîné son déremboursement en 2017.
Interactions : l’association des ARA II au lithium, aux sels de potassium et aux diurétiques hyperkaliémiants* est déconseillée. L’association aux gliptines majore le risque d’angio-œdème.

INHIBITEURS CALCIQUES

Parmi les inhibiteurs calciques, se trouvent :
- les dihydropyridines (DCI en -dipine) à tropisme vasculaire (effet vasodilatateur), faisant partie des molécules recommandées en première intention ;
- le diltiazem (peu utilisé dans le traitement de l’HTA) et le vérapamil à tropisme vasculaire et cardiaque (effet bradycardisant prédominant).
Effets indésirables : flushs cutanés, céphalées, œdèmes des membres inférieurs et hypotension (avec parfois tachycardie réactionnelle avec les dihydropyridines), dose-dépendants et liés à l’effet vasodilatateur avec les dihydropyridines notamment. Des hyperplasies gingivales peuvent également s’observer sous dihydropyridines. Une bradycardie fréquente, des troubles de la conduction cardiaque et une insuffisance cardiaque, plus rares, peuvent survenir sous vérapamil et diltiazem. Le vérapamil peut être responsable de constipation parfois opiniâtre.
Interactions : les inhibiteurs calciques sont métabolisés par le CYP 3A4 et sont donc sensibles aux inducteurs enzymatiques (rifampicine, anticonvulsivants, etc.) et aux inhibiteurs du CYP 3A4 (antifongiques azolés, jus de pamplemousse, dont la consommation n’est pas recommandée avec les dihydropyridines, en particulier la lercanidipine). Le vérapamil et le diltiazem sont inhibiteurs des CYP 3A4 et 3A5 et sont impliqués dans de nombreuses interactions. Le diltiazem est ainsi contre-indiqué avec les dérivés de l’ergot de seigle (risque d’ergotisme). Le vérapamil est contre-indiqué avec le millepertuis. Du fait de leur effet bradycardisant, diltiazem et vérapamil sont déconseillés avec les bêtabloquants (voire contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque). Leur association aux antiarythmiques torsadogènes est contre-indiquée.


BÊTABLOQUANTS

Identifiables par leur DCI en -lol, les bêtabloquants sont des antagonistes compétitifs et spécifiques des récepteurs bêta-adrénergiques. Le choix de la molécule se fera selon son degré de cardiosélectivité, son activité sympathomimétique intrinsèque (ASI), son effet stabilisant de membrane ou encore sa solubilité.
Effets indésirables : hypotension, fatigue et bradycardie (moins marquées avec les molécules avec ASI), vasoconstriction des extrémités, troubles de l’érection chez l’homme, cauchemars et insomnies avec les molécules liposolubles qui passent la barrière hémato-encéphalique, aggravation d’un asthme ou d’une BPCO, en particulier avec les molécules non cardiosélectives, masquage de certains signes d’hypoglycémie, apparition d’éruptions psoriasiformes pouvant justifier le remplacement par un inhibiteur calcique bradycardisant, effet rebond à l’arrêt brutal du traitement.
Interactions : l’association des bêtabloquants aux inhibiteurs calciques bradycardisants est déconseillée. Celle à l’insuline ou aux antidiabétiques oraux insulinosécréteurs (sulfamides, répaglinide) nécessite de renforcer l’autosurveillance glycémique. La fluoxétine et la paroxétine, inhibitrices du CYP 2D6, doivent être utilisées avec prudence avec certains bêtabloquants (métoprolol, névivolol).


AUTRES ANTIHYPERTENSEURS

La spironolactone, diurétique hyperkaliémiant et antagoniste de l’aldostérone, sera généralement ajoutée à faible dose lorsqu’une quadrithérapie est nécessaire. Elle est hyperkaliémiante. Elle peut aussi entraîner des tensions mammaires voire des gynécomasties, des troubles des règles et une impuissance en raison de ses propriétés antiandrogéniques dose-dépendantes. Elle est contre-indiquée avec les sels de potassium et les autres diurétiques hyperkaliémiants (sauf hypokaliémie documentée), déconseillée avec le lithium, le tacrolimus et la ciclosporine, les IEC et les ARA II**.
Les diurétiques de l’anse de Henlé (furosémide, bumétanide, pirétanide), hypokaliémiants, sont indiqués chez l’hypertendu sous forme LP en cas d’insuffisance rénale. Leur action est rapide et intense. Ils peuvent provoquer une déshydratation, une hyponatrémie, une hypokaliémie ainsi qu’une hypotension orthostatique. Leur association au lithium est déconseillée et celle aux AINS doit être prise en compte.
Les alphabloquants (prazosine et urapidil) sont indiqués en complément des médicaments de première intention dans le traitement de l’HTA. Ils sont vasodilatateurs et induisent fréquemment des hypotensions.
Les antihypertenseurs centraux (clonidine, méthyldopa, moxonidine et rilménidine) sont des agonistes de type alpha-2 agissant sur les centres bulbaires cardiomodérateurs. Ils sont utilisés en dernière intention.


PERSPECTIVES

Le firibastat est en cours d’essais cliniques. Il s’agit d’un inhibiteur de l’aminopeptidase qui cible le système rénine-angiotensine cérébral.
Les techniques de dénervation rénale et de stimulation des barorécepteurs carotidiens sont en cours d’évaluation dans des centres spécialisés. 

* Interaction nécessitant des précautions d’emploi avec la spironolactone aux doses comprises entre 12,5 et 50 mg par jour : contrôle de la kaliémie et de la fonction rénale.
** Sauf si la spironolactone est utilisée entre 12,5 et 50 mg par jour dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.
Angio-œdème
Réaction à une substance provoquant un gonflement au niveau du visage, de la gorge, des voies respiratoires ou du tube digestif.
Activité sympatho-mimétique intrinsèque
Certains bêtabloquants (acébutolol, pindolol, etc.) exercent une faible stimulation des récepteurs bêta-1 en même temps qu’ils bloquent son activation par les catécholamines permettant une moindre réduction du rythme cardiaque et une diminution de l’effet bronchodilatateur.

Effet stabilisant de membrane
Propriété qu’ont certains bêtabloquants (propranolol, sotalol) de se fixer sur la membrane cellulaire en bloquant le passage des ions sodium et potassium entraînant une modification de l’ECG.


  Par Florence Piussan , avec la collaboration du D r Sylvain Le Jeune , service de médecine interne et HTA, hôpital Avicenne AP-HP, à Bobigny (Seine-Saint-Denis)

CE QUI A CHANGÉ

nouveautés


• 2018, nouvelles recommandations européennes : PA au seuil 140/90 mmHg quelles que soient les comorbidités associées pour lancer un traitement et bithérapie d’emblée


• 2017, rappel de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur les contre-indications aux IEC et aux ARA II au cours de la grossesse

DISPARUS


• Arrêt de commercialisation de l’aliskiren, (Rasilez et Rasilez HCT) en octobre 2017, seul inhibiteur de la rénine commercialisé en France


• Déremboursement des spécialités contenant de l’olmésartan en janvier 2017


• Arrêt de commercialisation de Fozitec (juillet 2017), de Logroton (décembre 2017) de Lopril 25 mg et 50 mg et de Ténordate 20 mg/50 mg (mars 2018)

Vigilance !

Certaines contre-indications aux antihypertenseurs doivent être connues :

Diurétiques thiazidiques : insuffisance rénale sévère et allergie connue aux sulfamides

IEC et ARA II : sténose bilatérale des artères rénales et antécédent d’angio-œdème iatrogène ou non, grossesse — contre-indication aux 2e et 3e trimestres, utilisation déconseillée au 1er trimestre — (fœtotoxicité rénale et anomalie de la voûte crânienne)

Inhibiteurs calciques : insuffisance cardiaque décompensée et angor instable, choc cardiogénique, infarctus du myocarde récent

Diltiazem et vérapamil : bloc auriculo-ventriculaire du 2e et 3e degrés non appareillés, dysfonction sinusale, bradycardie sévère

Bêtabloquants : insuffisance cardiaque décompensée, bradycardie et hypotensions symptomatiques sévères, bloc auriculo-ventriculaire non appareillé, angor de Prinzmetal, maladie de Raynaud, asthme ou BPCO (uniquement dans leurs formes sévères pour les molécules cardiosélectives)

Pointdevue

Dr Sylvain Le Jeune, président du Club des jeunes hypertensiologues (CJH), service de médecine interne et HTA à l’hôpital Avicenne AP-HP, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis (centre d’excellence ESH en hypertension artérielle).

« L’annonce, le suivi régulier et l’automesure tensionnelle sont fondamentaux »

Comment peut-on améliorer l’adhésion thérapeutique ?

L’HTA est une maladie chronique qui a des complications même si c’est une maladie silencieuse. Un patient qui n’a pas compris les enjeux ne peut être parfaitement adhérent au traitement. C’est pourquoi, la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) insiste sur l’importance de la consultation d’annonce. Ensuite, il est nécessaire de programmer un plan de soins avec des consultations et une surveillance régulières. L’ordonnance peut être simplifiée en utilisant des associations médicamenteuses. Enfin, l’automesure tensionnelle doit être encouragée. Le Club des jeunes hypertensiologues (constitué de divers spécialistes et généralistes et promouvant la recherche clinique et la formation sur l’HTA) a établi à cet égard une grille simple de recueil de données qui rappelle les valeurs normales en automesure tensionnelle. Il met également sur son site internet (cjhta.fr) des outils éducatifs.

A ce jour, les recommandations européennes sont-elles reconnues par la France ?

La Haute Autorité de santé (HAS) n’a pas reconnu ces recommandations. Quant à la SFHTA, elle les a acceptées mais certains points précis restent discutés, ceci sera notamment explicité en décembre lors du prochain congrès de la SFHTA. Certains points sont en effet à discuter, en particulier ceux concernant les objectifs tensionnels, notamment chez le sujet de plus de 80 ans, plus stricts selon les seuils européens, ce qui impose de s’interroger sur le risque iatrogène. Concernant les recommandations en vigueur de la HAS et de la SFHTA de 2016, une réflexion est en cours concernant leur éventuelle actualisation.

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ACCOMPAGNER LE PATIENT 

ALAIN, 47 ANS, INFIRMIER

« J’ai été diagnostiqué hypertendu en 2005 : j’ai commencé à avoir des vertiges, des nausées, de forts maux de tête et des difficultés à dormir. Le cardiologue m’a fait les tests de dépistage d’usage : holter, doppler et test d'effort. A l’époque, il pensait à une origine idiopathique majorée par l’anxiété et m’a prescrit du nébivolol (5 mg le matin). J’ai parfois omis volontairement de le prendre car je me méfie des médicaments. Mais depuis 2 ans, je le prends tous les jours. Je consulte le cardiologue 1 fois par an et tout semble correct pour le moment. Le plus contraignant est l’adaptation de l’alimentation ! J’essaie de me restreindre, j’ai repris le sport et j’envisage de voir une diététicienne. »

L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE VUE PAR LE PATIENT


IMPACT PHYSIQUE

L’hypertension artérielle est souvent silencieuse mais peut se manifester par de la fatigue, un essoufflement, des vertiges, des maux de tête, des phosphènes ou des bourdonnements d’oreille, qui disparaissent avec le traitement.
L’activité physique inhérente à la prise en charge peut être contraignante pour certains patients.


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

En l’absence de symptômes, la maladie peut être banalisée par le patient et son entourage. En revanche, en présence de symptômes ou si un premier événement cardiovasculaire est déjà survenu, certains peuvent appréhender une complication grave ou sa récidive.
Le nombre parfois important de médicaments nécessaires à l’équilibre tensionnel peut inquiéter.
L’anxiété peut aussi se manifester en consultation par l’« effet blouse blanche ».

À DIRE AU PATIENT


A PROPOS DE LA MALADIE


MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

Limiter la consommation d’alcool à 2 verres de vin (ou équivalent) par jour chez l’homme et 1 chez la femme avec, dans la semaine, une journée sans consommation.
Réduire la consommation en sel à 6 g par jour, selon la Haute Autorité de santé (HAS), voire 5 g par jour, selon les recommandations européennes : retirer la salière de la table et assaisonner avec des épices, éviter la consommation de certains aliments (charcuterie, biscottes, biscuits apéritifs, plats industriels, etc.) et d’eaux minérales riches en sel.
Avoir une alimentation équilibrée : consommer 5 fruits et légumes par jour, du poisson 2 ou 3 fois par semaine, éviter les graisses animales. Le régime méditerranéen est conseillé.
La pratique d’une activité physique adaptée et régulière (selon la HAS, 30 minutes par jour au moins 3 fois par semaine) permet de lutter contre un éventuel surpoids et améliore les paramètres cardiovasculaires. Les activités d’endurance (marche, natation, vélo) sont à privilégier.
Encourager impérativement un sevrage tabagique qui réduit les complications cardiovasculaires.

NÉCESSITÉ D’UN SUIVI RÉGULIER

Sensibiliser le patient à l’intérêt d’un suivi régulier et de l’automesure tensionnelle.
Les tensiomètres huméraux sont à privilégier aux radiaux qui exposent à plus d’erreurs d’utilisation.
La règle des trois est recommandée par la Fédération française de cardiologie (FFC). Elle consiste à faire mensuellement une série de mesures en position assise après un repos de 5 minutes :
- 3 mesures le matin avant le petit-déjeuner et la prise de médicaments ;
- 3 mesures le soir après le dîner et avant le coucher ;
- 3 jours de suite.
Une moyenne de la pression artérielle systolique (PAS) et une moyenne diastolique (PAD) de ces mesures sont ensuite effectuées. On parle d’HTA en automesure quand la PAS est supérieure ou égale à 135 mmHg ou PAD supérieure ou égale à 85 mmHg.
Chez la femme, la SFHTA rappelle que la contraception œstroprogestative peut induire une hypertension qui doit être dépistée lors de l’initiation et à chaque renouvellement du contraceptif.


A PROPOS DES TRAITEMENTS


ADHÉSION THÉRAPEUTIQUE

Une bonne adhésion est primordiale, y compris en l’absence de signes cliniques. Expliquer au patient avec des termes simples à quoi servent ses médicaments (action sur le cœur, les vaisseaux ou les reins) lui permet de mieux percevoir leur intérêt.
Respecter les heures de prises : coupler la prise à une habitude de vie (repas ou brossage des dents), utiliser un pilulier, des alarmes électroniques sur le téléphone via des applications mobiles, etc.
L’équipe officinale sera vigilante à la fréquence des renouvellements et aux explications du patient : effets indésirables, isolement social, etc.
Même en cas d’intolérance, le traitement ne doit pas être arrêté brutalement par le patient lui-même : les conséquences peuvent être graves (« effet rebond » à l’arrêt des bêtabloquants). Orienter le patient vers son médecin en vue d’une éventuelle adaptation du traitement et le rassurer : l’arsenal thérapeutique est suffisamment large pour trouver une alternative.
Expliquez au patient qu’une tension artérielle normale est un signe d’efficacité du traitement et non de guérison. Le traitement de l’HTA sera le plus souvent à vie.

GESTION DES EFFETS INDÉSIRABLES

Pour éviter les malaises et chutes par hypotension orthostatique, d’autant plus susceptibles de survenir en cas de polythérapie, rappeler au patient, en particulier âgé, de ne pas se lever brutalement.
Prendre les diurétiques le matin préférentiellement pour éviter les envies nocturnes d’uriner.
Inciter le patient sous diurétiques à consulter en période de fortes chaleurs ou de diarrhées en vue d’une éventuelle adaptation de posologie. De même, fatigue, nausées, pertes de poids, sécheresse cutanée et confusion doivent faire craindre une déshydratation et motiver une consultation rapide.
Déconseiller l’exposition au soleil sous hydrochlorothiazide.

ATTENTION À L’AUTOMÉDICATION

Les vasoconstricteurs, les AINS et certaines plantes (réglisse, ginseng, kola, guarana) augmentent la pression artérielle. A l’inverse, le minoxidil et les antihistaminiques de première génération ont des propriétés hypotensives.
Les laxatifs stimulants sont hypokaliémiants et peuvent additionner leurs effets à ceux des diurétiques hypokaliémiants, déséquilibrer une kaliémie et majorer un risque de troubles du rythme sous bêtabloquants ou inhibiteurs calciques bradycardisants.
Attention également aux formes médicamenteuses effervescentes car elles contiennent du sodium. 
Phosphène
Sensation devant l’œil d’éclairs lumineux, bleutés ou blancs, plus visibles la nuit.
Par Bérangère Balaj , pharmacienne, avec la collaboration du D r Florence Loeb , cardiologue à Versailles (Yvelines)

question de patient « Comment connaître la teneur en sel des aliments industriels ? »

«Le « sel » est du chlorure de sodium. Pour 1 g (soit 1 000 mg) de sel, on a 400 mg de sodium (Na). Pour connaître la teneur en sel des aliments, il faut donc multiplier par 2,5 le taux de sodium indiqué sur l’étiquette. »

EN SAVOIR PLUS

La Société française d’hypertension artérielle (SFHTA), filiale de la Société française de cardiologie (SFC), a notamment pour mission la mise en place de stratégies pour aider au contrôle tensionnel. Sur son site internet se trouvent les recommandations européennes et françaises, ainsi que des coordonnées d’associations de patients.

sfhta.eu

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


QUEL EST LE PROFIL PHYSIOPATHOLOGIQUE DU PATIENT ?

Femmes enceintes : les IEC et les ARA II sont contre-indiqués pendant la grossesse.
Patients diabétiques : les bêtabloquants masquent les signes d’hypoglycémie (renforcer les contrôles glycémiques en cas de traitement par insuline ou insulinosécréteurs).
Patients asthmatiques : les bêtabloquants sont contre-indiqués en cas d’asthme ou de BPCO.
Patients sous lithium : l’association du lithium aux diurétiques thiazidiques, aux IEC ou aux ARA II est déconseillée.


QUELS PEUVENT ÊTRE LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES DES ANTIHYPERTENSEURS ?

Tous les antihypertenseurs sont susceptibles d’induire une hypotension, éventuellement orthostatique (éduquer les patients à se lever en 2 temps pour éviter les chutes).
Sous diurétiques thiazidiques : hypokaliémie (attention aux interactions avec les autres médicaments hypokaliémiants et torsadogènes), hyponatrémie et déshydratation, photosensibilisation sous hydrochlorothiazide (recommander une protection solaire).
Sous IEC et ARA II : hyperkaliémie (attention aux interactions avec les médicaments hyperkaliémiants, le potassium et les sels de régime), toux sèche sous IEC (nécessitant de changer de classe thérapeutique), risque de gonflement de la face, des lèvres ou de la langue nécessitant une consultation en urgence.
Sous dihydropyridines : flushs, céphalées et œdèmes des membres inférieurs (à signaler au prescripteur).
Sous bêtabloquants : fatigue, essoufflement, cauchemars, refroidissement des extrémités, impuissance et éruptions psoriasiformes (qui nécessitent de prendre contact avec le prescripteur).
Sous diltiazem et vérapamil : troubles du rythme (d’où la nécessité d’une kaliémie bien équilibrée pendant le traitement) et constipation avec vérapamil.


QUELS CONSEILS DONNER ?

Hygiénodiététiques : arrêt du tabagisme, régime équilibré riche en fruits et légumes, réduire les apports en sel, limiter la consommation d’alcool, pratiquer une activité physique régulière.
Automédication : attention notamment aux formes effervescentes, aux AINS et aux vasoconstricteurs.


LE PATIENT EST-IL CORRECTEMENT SURVEILLÉ ?

Sur le plan biologique : vérifier que la fonction rénale et l’ionogramme sont régulièrement contrôlés.
Sur le plan clinique : s’assurer que les objectifs tensionnels sont atteints et qu’une éventuelle hypotension orthostatique est dépistée, éduquer le patient à la pratique de l’automesure tensionnelle (intérêt, mise en place du brassard, fréquence des mesures), vérifier la surveillance de l’état cutané des patients sous hydrochlorothiazide.

OUI, l’ordonnance sera délivrée pour que la patiente ne soit pas brutalement « privée » de traitement antihypertenseur. néanmoins, il faut l’informer du risque fœtotoxique des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), ici le périndopril, et lui enjoindre, si le test se révèle positif, d’en tenir informé son médecin rapidement afin de réévaluer impérativement son traitement. En effet, les IEC sont contre-indiqués dès le deuxième trimestre de grossesse et déconseillés au premier trimestre.

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oui, mais pas sans informer le patient sur les risques d’élévation de la tension liés au vasoconstricteur (la naphazoline). Si selon les RCP, les vasoconstricteurs, y compris par voie nasale, sont contre-indiqués seulement en cas d’HTA non contrôlée, ils peuvent néanmoins déséquilibrer la tension. Il convient de rappeler au patient qu’il n’est pas possible d’associer 2 vasoconstricteurs (oral et nasal, par exemple) et qu’il est nécessaire de bien respecter la posologie et la durée de traitement (au maximum 5 jours). L’apparition de signes d’hypertension (céphalées, épistaxis, acouphènes) doit conduire à l’interruption de Derinox.

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