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Enjeu
Auteur(s) : PAR FRANÇOIS POUZAUD
Le rapport Delevoye sur le système universel de retraite, rendu public en juillet, commence à prendre forme. Il annonce pour les pharmaciens libéraux la disparition programmée d’ici 2025 de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) dont ils dépendent et de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) à l’horizon 2030. Le haut-commissaire aux retraites pilote donc un dossier aussi sensible qu’inquiétant. A tel point que le ton est monté d’un cran la semaine dernière au sein du conseil national de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). Dans une motion adoptée le 4 septembre, il rejette le projet de réforme et demande au haut-commissaire de jouer cartes sur table avec les libéraux. Il menace aussi d’organiser une mobilisation nationale réunissant toutes les professions libérales, avec fermeture des cabinets et des officines, si au terme de la nouvelle phase de négociation qui s’engage les exigences des professions libérales ne trouvent pas de traduction concrète dans les propositions du gouvernement.
Michel Picon, président de l’UNAPL, met en garde l’Etat : « Porter atteinte à l’équilibre de nos professions, c’est porter atteinte aux Français ! » Avec un taux de cotisation retraite fixé à 28,12 % jusqu’à 1 plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit environ 40 000 € dans le futur régime universel (RU), puis de 12,94 % au-dessus, l’UNAPL identifie un risque de « déséquilibre majeur ». Selon les calculs de cette organisation patronale, les pharmaciens verront une réduction de leur pension en contrepartie d’une légère baisse de leurs cotisations (leur cotisation actuelle se situant à 30,11 % sous 1 PASS).
Monique Durand, présidente de la CAVP, confirme : « Le rendement du futur régime universel ne sera pas le même pour tous les Français. Il aura un effet dégressif en fonction du revenu. Au-delà de 1 PASS, le rendement découlant du barème de cotisations adapté, proposé par Jean-Paul Delevoye, sera inférieur à celui des salariés et des fonctionnaires. Autrement dit, les libéraux achèteront leurs points plus cher que les autres catégories d’assurés sociaux. »
Concernant la préparation du projet de loi qui sera examiné, débattu et voté par le Parlement en 2020, juste avant les élections municipales, la CAVP n’est pas associée aux négociations mais « je compte bien faire en sorte qu’elle prenne toute sa place dans les discussions à venir », assure sa présidente. En effet, les interlocuteurs du haut-commissaire ne sont pas les caisses de retraite mais les syndicats et les organisations interprofessionnels, dont l’Union des entreprises de proximité (U2P) qui rassemble au niveau patronal artisans, commerçants et professionnels libéraux (l’UNAPL occupe le quart des sièges au conseil national de l’U2P).
Outre le maintien dans le RU des spécificités de la retraite des professions libérales, l’UNAPL demande que le plafond de cotisation soit limité au maximum à 1,5 PASS et que le montant de la cotisation soit adapté à la cotisation actuelle des libéraux. « La mise en place d’un système universel de retraite qui couvrirait les assurés dans la limite de 3 PASS reviendrait à condamner les régimes complémentaires par capitalisation aux quels nombre de professionnels n’auraient alors plus les moyens financiers d’adhérer », alerte Michel Picon.
L’autre épineuse question est celle des réserves constituées par certains régimes de retraite chez les libéraux. Les 27 Md€ économisés au prix d’une bonne gestion des caisses et des efforts consentis par leurs assurés seraient mis dans un pot commun afin de compenser les dettes de régimes moins vertueux. « Ces réserves doivent rester la propriété des professions qui les ont constituées », avertit Michel Picon. Un avis partagé également par Monique Durand : « Il n’est pas acceptable que l’Etat se les approprie pour financer des régimes cigales. » Au diapason avec l’UNAPL, elle demande que les libéraux soient associés à la gouvernance dans la future structure chargée d’assurer le pilotage du RU. « Nous attendons du futur système de retraite qu’il comporte un étage socle universel par répartition incluant un régime spécifique pour les non-salariés et un étage additionnel à gouvernance professionnelle par capitalisation pour les pharmaciens libéraux. Nous souhaitons un système similaire à celui de tous les partenaires européens de la France, respectueux des spécificités professionnelles et reposant sur une architecture à 3 étages conciliant solidarité nationale, solidarité professionnelle et responsabilité individuelle, mais aussi répartition et capitalisation. »
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui n’est pas membre de l’UNAPL, ne fait pas confiance à l’U2P pour défendre le régime de retraite complémentaire. « Notre régime est en danger car l’évolution de la démographie pharmaceutique n’est pas bonne , alerte Gilles Bonnefond, son président. Dans quelques années, le rapport sera de 1 actif pour 1 retraité, or notre système de retraite obligatoire ne permet de garantir les droits de ses affiliés que jusqu’en 2040, en dépit de la bonne gestion de la CAVP », expose-t-il.
Concernant l’assiette et le taux de cotisation du RU, ils pourraient, selon lui, mettre en difficulté les pharmaciens ayant un revenu intermédiaire entre 1 PASS et 3 PASS. « Pour environ 45 % des pharmaciens, la réforme pourrait se traduire par un taux d’effort plus important et un supplément de cotisations au maximum de 3 000 à 4 000 € par an », prévoit-il, contrairement aux simulations de l’UNAPL. Plutôt que de faire supporter à la profession des mesures confiscatoires, « il faut arrêter avec les schémas d’optimisation fiscale en officine qui consistent à trouver une échappatoire en réduisant les rémunérations des gérants afin de faire baisser leurs niveaux de cotisations obligatoires à la CAVP », propose Gilles Bonnefond.
LES SYNDICATS RÉCLAMENT L’ALLOCATION SUPPLÉMENTAIRE DE VIEILLESSE
À RETENIR
LES 7 POINTS CLÉS DU RÉGIME UNIVERSEL (RU) PAR RÉPARTITION
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