Bilan partagé   de médication La BOÎTE à OUTILS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3280 du 29/06/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3280 du 29/06/2019
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

GOÛTER D’ANNIVERSAIRE

En 2019, le bilan partagé de médication a fêté son premier anniversaire. Nous aurions aimé célébrer la réussite de ce nouveau service rémunéré proposé par les pharmaciens et nous enthousiasmer sur la mise en place d’un accompagnement personnalisé des 3,9 millions de patients âgés polymédiqués… Mais, nous ne le ferons pas. Pas cette année en tout cas. Malgré l’insistance des représentants de la profession, malgré les simplifications apportées au site de l’Assurance maladie, malgré les nombreux cahiers de cas pratiques sur ces bilans élaborés par Le Moniteur des pharmacies, le niveau d’implication des confrères reste encore trop discret.
Ne dit-on pas qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire ? S’il vous reste quelques freins à lever sur l’organisation de ce service, s’il vous manque les outils pour vous lancer sereinement dans ces entretiens et l’analyse des traitements, vous tenez entre les mains de quoi répondre à toutes vos questions. Et mesurer à quel point ce dispositif est une magnifique opportunité de développer vos compétences. Il est temps d’y goûter !

Par Alexandra Blanc , chef de rubrique Formation

LE DISPOSITIF EN PRATIQUE


CONdiv

Au moins 1 personne sur 5 à partir de 65 ans et au moins 1 personne sur 3 à partir de 85 ans présente au minimum deux pathologies. Parmi les sujets âgés polypathologiques, 3,9 millions de personnes sont considérées comme particulièrement exposées aux risques liés à la polymédication (au moins 5 médicaments chroniques différents prescrits). Ce risque augmente en cas de multiplicité de prescripteurs.
La survenue d’effets indésirables médicamenteux est en moyenne deux fois plus fréquente après 65 ans. De 30 à 60 % de ces effets seraient évitables. L’Assurance maladie estime qu’ils occasionnent 130 000 hospitalisations et 10 000 décès par an chez des personnes de plus de 65 ans.
Dans ce condiv, le bilan partagé de médication a été pensé comme un outil de lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse et les difficultés d’adhésion thérapeutique. Il s’agit d’un processus continu d’information, de dialogue, d’évaluation et de suivi des traitements, en coordination avec le médecin traitant.


IDENTIFIER LES PATIENTS ÉLIGIBLES

Le bilan partagé de médication est ouvert aux patients cumulant trois conditions :
- être âgé d’au moins 75 ans ou être âgé de 65 ans ou plus avec au moins une affection de longue durée (ALD),
- avoir au moins 5 principes actifs prescrits au moment de l’inclusion,
- être sous traitement chronique. La chronicité est appréciée par la durée du traitement qui doit être d’au moins 6 mois consécutifs : il peut s’agir d’un traitement déjà en cours, prescrit depuis au moins 6 mois, ou prescrit pour une durée estimée d’au moins 6 mois.

LE RECRUTEMENT

➜ La sélection des patients peut s’effectuer au fur et à mesure des renouvellements d’ordonnance, notamment au moment du double contrôle des ordonnances, en particulier les patients qui se présentent :
- au décours d’une hospitalisation,
- au moment de la découverte d’une nouvelle pathologie,
- en cas de survenue d’un effet indésirable,
- en cas de prescription de médicaments jugés à risque (anticoagulants oraux, hypnotiques, antidiabétiques, etc.),
- en cas de venue irrégulière à la pharmacie ou de retours de boîtes de médicaments non utilisés, laissant penser que l’adhésion thérapeutique n’est pas optimale.
➜ Une brochure d’information sur le dispositif à remettre au patient est téléchargeable sur l’espace « Pharmacien » du site de l’Assurance maladie.


L’ADHÉSION

L’adhésion peut intervenir à l’issue du recrutement ou lors d’une entrevue ultérieure. Elle est réalisée sur le portail Amelipro (ameli.fr, espace « Pharmacien ») dans l’onglet « Convention pharmaciens ».
La page « Patients adhérant au bilan partagé de médication » fournit la liste des patients déjà inclus dans le dispositif au sein de l’officine et donne la possibilité de créer une nouvelle adhésion. Le formulaire d’adhésion permet de recueillir des informations sur le pharmacien désigné pour réaliser le bilan et sur le patient.
La rubrique « Accord de l’adhérent » permet au patient de donner son consentement pour intégrer le dispositif, impliquant dans le même temps un accord « pour que le pharmacien porte à la connaissance du médecin traitant l’adhésion du patient au dispositif d’accompagnement et prenne contact autant que de besoin avec lui ».
Le formulaire électronique peut ensuite être imprimé. Un exemplaire est ainsi remis au patient. Le pharmacien doit conserver un exemplaire électronique ou papier et doit pouvoir le mettre à disposition de l’Assurance maladie si celle-ci en fait la demande.
A noter : L’adhérent peut décider à tout moment de sortir du dispositif d'accompagnement. L’adhérent ne peut pas solliciter son adhésion au dispositif d’accompagnement auprès de plusieurs pharmacies de façon concomitante.

LES ÉTAPES DU BILAN

La première année de suivi, 4 étapes sont prévues :
1. un entretien de recueil d’information,
2. l’analyse des traitements du patient avec transmission de la conclusion au médecin traitant,
3. un entretien conseil,
4. un entretien de suivi de l’observance.
Les années suivantes, 2 entretiens de suivi d’observance au moins par an sont à programmer. Si des dysfonctionnements sont mis en évidence (prise non régulière, nouveaux effets indésirables…), les mesures correctrices doivent être mises en place en lien avec le médecin. En cas de nouveaux traitements, l’analyse initiale sera actualisée au travers d’un nouveau bilan de médication.


LES FORMULAIRES DE L’ASSURANCE MALADIE

Une trame est prévue pour réaliser les bilans partagés de médication sous forme de formulaires, accompagnée d’un guide destiné aux pharmaciens. Ainsi, à chaque étape du bilan, des fiches d’information peuvent être complétées. Elles constituent un support d’échanges avec le patient et le médecin traitant.
1- La première étape de recueil d’information s’appuie sur 4 parties :
– la première concerne le patient. En 8 questions, elle cerne les habitudes de vie et l’état physiologique du patient (antécédents médicaux, fonctions rénale et hépatique, troubles fonctionnels) ;
– la deuxième s’intéresse aux traitements en cours. Elle permet de colliger l’ensemble des médicaments, prescrits ou non, de noter d’éventuelles difficultés d’adhésion thérapeutique et de détecter la survenue d’effets indésirables ;
– la troisième évalue, en 16 questions, la connaissance du patient vis-à-vis de ses médicaments ;
– le questionnaire d’évaluation de l’observance de Girerd constitue la dernière fiche. L’adhésion médicamenteuse est appréciée à l’aide de 6 questions simples.
2- Deuxième étape du bilan, l’analyse pharmaceutique s’effectue en l’absence du patient. Le pharmacien compile les conclusions de son analyse (validation de la posologie, détection d’interactions, problèmes liés à la forme galénique, adhésion thérapeutique…) et éventuellement, les points discutés avec le médecin traitant. Une fiche est prévue pour établir une synthèse des actions à mener concernant l’adhésion thérapeutique, l’état du patient et les ruptures de soins, ainsi que les propositions à soumettre à l’entourage. Elle peut servir de fiche de transmission à adresser au médecin traitant, idéalement par messagerie sécurisée ou, à défaut, par courrier.
3- Au cours de la troisième étape du bilan, le pharmacien mène un entretien conseil avec le patient. Il lui explique les points d’amélioration et les actions à mettre en place.
4- La dernière étape de suivi d’observance est proposée quelques mois après l’entretien conseil. Elle s’appuie essentiellement sur le questionnaire de Girerd déjà proposé lors de l’entretien de recueil d’information.


LA RÉMUNÉRATION

La pharmacie est rémunérée 60 € par patient et par an la première année, pour effectuer les 4 étapes du bilan. Les années suivantes, la réalisation d’au moins deux entretiens de suivi d’observance est rémunérée 20 € par patient et par an. Si une modification des traitements impose une nouvelle analyse des traitements, le montant sera alors de 30 €.
En cours de discussion :A l’issue de la commission paritaire nationale qui s’est tenue le 13 juin 2019, les syndicats et l’Assurance maladie se sont accordés sur la sortie des bilans partagés de médication des rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP) et sur l’arrêt de la saisie des données sur AmeliPro. En remplacement, un code acte est envisagé pour chaque étape du bilan qui sera adressé dans les flux de feuilles de soins électroniques (FSE). Ainsi, la pharmacie sera payée pour chaque patient après avoir finalisé les différentes étapes prévues (et non plus en une fois, au mois de mars de l’année suivant la réalisation des bilans). Ces modifications pourraient être effectives début 2020 au plus tôt.

QUE FAUT-IL TRANSMETTRE À L’ASSURANCE MALADIE ?

Que faut-il transmettre à l’Assurance maladie ?
La transmission des données se fait via l’interface Amelipro, qui a été entièrement remaniée pour être plus ergonomique. Le formulaire d’adhésion en ligne sur le site ameli.fr doit être renseigné complètement et transmis avant le 31 décembre de l’année en cours pour obtenir la rémunération prévue au plus tard en mars de l’année suivante.
Les fiches remplies au cours du bilan et l’ensemble des documents du dossier doivent être conservés durant 10 ans, en version électronique ou papier. Ils doivent pouvoir être mis à disposition de l’Assurance maladie si celle-ci en fait la demande.

LE GUIDE INTERACTIF DE L’ASSURANCE MALADIE

Le guide interactif de l’Assurance maladie
L’Assurance maladie met à disposition des pharmaciens un guide interactif consacré à l’accompagnement pharmaceutique des patients chroniques : asthmatiques sous anticoagulants (AOD, AVK) et personnes âgées polymédiquées. Le document intègre les formulaires à compléter au cours des entretiens dans des versions qui leur permettent de les télécharger, de les renseigner de façon électronique et de les imprimer. Le guide est disponible sur le site de l’Assurance maladie, ameli.fr, dans l’espace « Pharmacien », onglet « Votre exercice professionnel » > « Services aux patients » > « Accompagnements des patients chroniques ».

DÉCRYPTAGE

Décryptage
Pour définir l'éligibilité du patient, il faut comptabiliser tous les médicaments prescrits. Le patient doit recevoir au moins 5 principes actifs. Si des spécialités comportent plusieurs principes actifs, chacun d’entre eux est comptabilisé. Sont inclus dans le décompte, les médicaments :
-  à prescription médicale obligatoire, remboursés ou non remboursés,
- à prescription médicale facultative et remboursés,
-  sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) ou dispensés dans le cadre de la rétrocession hospitalière.
Les compléments alimentaires ne sont pas concernés.
-  Les médicaments doivent être prescrits pour au moins 6 mois, mais si, dans l’intervalle des 6 mois, un médicament est changé pour un autre dans la même indication (par exemple, un sartan remplaçant un inhibiteur calcique dans l’hypertension artérielle), la notion de chronicité reste valable.

LES BILANS, OUI MAIS…

Si la mise en œuvre des bilans partagés de médication peut parfois paraître difficile, il y a en réalité souvent des solutions. Voici des éléments de réponses aux éventuels freins.


QUI PEUT MENER LES ENTRETIENS ?

Seuls les pharmaciens inscrits à l’Ordre, titulaires ou adjoints, peuvent effectuer un bilan partagé de médication. Il est préférable qu’un même pharmacien réalise tous les entretiens pour un même patient.
Les préparateurs peuvent informer sur le dispositif, participer au recrutement des patients et aider au recueil des données, mais ils ne peuvent pas réaliser les bilans.
Les étudiants de 6e année peuvent participer aux bilans partagés de médication, mais pas les réaliser seuls.


COMMENT S’ORGANISER AVEC UNE PETITE ÉQUIPE ?

Petite ou grande équipe, la problématique est, en réalité, assez semblable : celle du temps libérable pour cette nouvelle mission. Pour dégager ce temps, il faut réfléchir à l’organisation des tâches : prioriser les activités quotidiennes et rationaliser le temps passé pour chacune (mettre en place des procédures, notamment). Les horaires consacrés aux entretiens doivent tenir compte des contraintes de la pharmacie (période de fréquentation moins importante, présence d’un effectif suffisant). Par ailleurs, il est important de mener ces entretiens uniquement sur rendez-vous en rappelant le patient la veille de l’entretien (SMS, appel téléphonique, e-mail).


COMBIEN DE TEMPS Y CONSACRER ?

Pour être « rentable », un bilan devrait durer 1 heure pour les 4 étapes, ce qui est en pratique souvent difficilement réalisable. L’étape d’analyse et de rédaction du compte rendu demande du temps. Les premiers bilans sont souvent plus longs, puis des habitudes se prennent, qui permettent de gagner en efficacité. Pour canaliser la discussion avec le patient, il peut être utile de poser une montre sur la table et de bien définir au démarrage le temps imparti. La préparation en amont du premier entretien est essentielle : sortir les ordonnances en cours, consulter le dossier pharmaceutique et les informations du logiciel de l’officine, préremplir les formulaires… Cette tâche peut être déléguée aux préparateurs. Il faut ensuite prioriser les informations recueillies pour axer l’analyse et les conseils sur les points essentiels.


COMBIEN DE BILANS MENER PAR AN ?

La population ciblée par le bilan de médication représente environ 3,9 millions de patients, soit en moyenne 180 patients par pharmacie. Les objectifs fixés au lancement du dispositif par les signataires de la convention étaient de 20 bilans par an et par officine (soit 1 à 2 par mois).


COMMENT GÉRER LA RELATION AVEC LES MÉDECINS ?

L’Assurance maladie n’a pas prévu au niveau national d’informer les médecins de la réalisation des bilans par les pharmaciens. C’est donc au pharmacien de faire un effort de pédagogie pour expliquer l’intérêt de ce service. En fonction de la relation existante avec les praticiens du secteur, l’information se fera à l’occasion d’une réunion interprofessionnelle, au cours d’un rendez-vous téléphonique ou en face-à-face, ou encore par courrier. Pour commencer, il est préférable de se rapprocher de médecins connus de la pharmacie et avec lesquels les contacts sont fluides. La communication s’effectuera ensuite en ménageant le plus possible le temps de chacun, idéalement par messagerie sécurisée ou échange de courrier, en sélectionnant les éléments clés détectés au cours du bilan. La coordination avec le médecin n’est pas une condition rédhibitoire et l’absence d’échanges avec le prescripteur ne doit pas être un frein à la réalisation de bilans.

COMMENT RECUEILLIR LES INFORMATIONS MÉDICALES INDISPENSABLES À L’ANALYSE ?

La pertinence du bilan dépend de la qualité des informations recueillies. Lors de la prise de rendez-vous, il est judicieux de remettre au patient une check-list des pièces à apporter : ordonnances de moins de 1 an (généraliste et spécialistes), boîtes des médicaments pris, piluliers préparés, produits de santé achetés ou utilisés occasionnellement, analyses biologiques récentes, comptes rendus d’hospitalisation, carnet de vaccination et carte Vitale.
Le dossier patient sur le logiciel de l’officine, le dossier pharmaceutique et le dossier médical partagé permettent de compléter les informations.
Enfin, une prise de contact avec le médecin traitant peut, dans certains cas, s’avérer nécessaire lorsque les informations recueillies auprès du patient sont insuffisantes pour l’analyse.


FAUT-IL COMPLÉTER TOUS LES FORMULAIRES FOURNIS PAR L’ASSURANCE MALADIE ?

Rien n’impose de remplir de façon exhaustive les formulaires de l’Assurance maladie. Ils constituent une trame pour mener les entretiens. Il faut cependant pouvoir démontrer à l’Assurance maladie que le travail de recueil de données, d’analyse et de conseils a été réalisé.


FAUT-IL ABSOLUMENT TROUVER UN «   PROBLÈME   » ?

Le bilan partagé de médication n’a pas pour but de détecter des problèmes majeurs qui ont dû être réglés au cours de la dispensation des traitements, ni de critiquer les prescriptions médicales. Il s’agit d’améliorer le confort des patients, ainsi que de limiter la survenue d’erreurs potentiellement sources d’iatrogénie. Il est envisageable de ne rien trouver à l’issue d’un bilan, mais, en réalité, il y a toujours un conseil utile à apporter, comme rappeler l’intérêt d’une vaccination contre la grippe, inciter les insuffisants cardiaques à se peser régulièrement, etc.

DP VERSUS DMP

DP versus DMP
Après 18 mois d’expérimentation, le dossier médical partagé (DMP) est entré le 6 novembre 2018 dans la phase de généralisation. Il contient :
- l’historique des soins des 24 derniers mois alimentés par l’assurance malade (uniquement les soins et médicaments remboursés),
- les résultats d’examens (radio, analyses biologiques…),
- les coordonnées des proches à prévenir en cas d’urgence,
- les antécédents médicaux (pathologie, allergies…),
- les comptes rendus d’hospitalisation,
- les directives anticipées pour la fin de vie.
Le dossier pharmaceutique (DP) contient l’ensemble des produits dispensés à l’officine au cours des quatre derniers mois (21 ans pour les vaccins et 3 ans pour les médicaments biologiques), prescrits ou non, remboursés ou non. Le DP et le DMP coexistent et sont complémentaires. A terme, les données du DP devraient alimenter le DMP.
Sources : Ordre des pharmaciens et dmp.fr

L’ADHÉSION THÉRAPE UTIQUE


DÉFINITION

L’adhésion thérapeutique – vocable moderne de la notion d’observance et terme controversé depuis de nombreuses années, car assimilé à une attitude « d’obéissance » du patient par rapport au soignant qui aurait « autorité » sur lui – peut se définir comme le rapport entre ce que fait le patient et ce que le patient et le médecin ont décidé après négociation sans imposition.
Selon l’OMS, toutes pathologies chroniques confondues, le taux d’adhésion serait de 50 % en moyenne, même lorsqu’il s’agit d’une pathologie lourde. Selon un sondage mené en 2015 à la demande du Leem (Les entreprises du médicament) par l’institut français des seniors, 19 % des seniors reconnaissent oublier de prendre leur médicament, 16 % arrêter un médicament de leur propre initiative et 2 % se tromper dans les doses.


LES OBSTACLES

Une mauvaise adhésion au traitement se traduit par de multiples comportements : ne pas acheter un médicament, ne pas l’administrer, augmenter ou diminuer des doses sans avis médical, sauter une prise, arrêter prématurément le traitement (tout ou partie)… L’enjeu est d’en identifier les causes, intentionnelles ou non (oubli), pour adapter au mieux la prise en charge des patients.


FACTEURS LIÉS AU PATIENT

Refus de la maladie
➥A l’annonce d’une pathologie sévère, certains patients refusent d’entendre le diagnostic, vécu comme un choc brutal qui n’a été ni prévu ni choisi. Il faut faire le deuil de « la vie d’avant », se construire une vie qui intègre la maladie.
A faire.Respecter les différentes phases du « deuil » (sidération, déni, colère, marchandage) pour enfin aboutir à la prise de conscience de l’intérêt de se traiter. Un accompagnement par un psychologue peut être proposé. Penser aussi aux associations de patients et aux groupes de parole.
Perception de la maladie
➥Un malade qui sous-évalue la sévérité de sa maladie voit mal l’intérêt d’une thérapeutique et se sent moins impliqué dans le suivi du traitement.
A faire. Transmettre au patient des informations claires sur sa pathologie et permettre au patient d’appréhender l’intérêt du traitement.
Environnement social et culturel
➥Les patients vivant seuls sont moins adhérents. Le soutien de l’entourage (famille, amis, réseau social) est indispensable pour motiver le patient à suivre son traitement.
A faire.Identifier les tiers aidants du patient et les impliquer. Les associations de patients peuvent aussi intervenir.
➥Les idées reçues ou les croyances sont des obstacles potentiels à l’adhésion : conviction que le traitement n’est pas nécessaire ou qu’il est dangereux ; expérience d’effets indésirables antérieurs ; intégration d’informations négatives véhiculées par les médias…
A faire.Fournir des explications adaptées, claires et s’assurer de la compréhension du patient (faire reformuler les explications données). Des entretiens particuliers peuvent être proposés.
➥Les différences linguistiques et/ou culturelles, éventuellement religieuses, sont des entraves à la bonne adhésion.
A faire.Utiliser des documents traduits : livret de santé bilingue disponible sur le site de l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ; appel à un tiers.
Facteurs psychologiques
➥ Les épisodes dépressifs ou de déception liés à l’évolution de la pathologie entraînent une chute de l’adhésion. Le patient démotivé arrête de se soigner.
A faire.Ecouter, rassurer et encourager. Si nécessaire, une consultation médicale doit être envisagée.
Evénements extérieurs
➥ Certains moments de la vie (déménagement, décès d’un proche…), les événements ponctuels (départ en vacances, week-end…) bouleversent le quotidien et constituent des situations à risque de non-adhésion.
A faire.Etre attentif à toute modification du rythme de vie. Au cours de cette période sensible, répéter les messages essentiels, proposer un soutien, et encourager le patient.


FACTEURS LIÉS À LA PATHOLOGIE

Chronicité
➥Pour être efficace, le traitement d’une pathologie chronique s’inscrit sur le long terme et demande de la persistance. La lassitude serait responsable de 14 % des cas de ruptures de prise de traitement.
A faire.Répéter régulièrement les informations et rappeler les bénéfices du traitement. Ne pas hésiter, au moment de la dispensation, à l’interroger sur son ressenti : « Comment vivez-vous la prise quotidienne des médicaments ? ». Etre attentif aux signes de lassitude : plaintes, retard dans les renouvellements, rendez-vous manqués chez le médecin…
➥Si les malades peuvent accepter certaines contraintes à court terme, les envisager sur le long terme pose plus de difficultés, surtout lorsque les effets positifs du traitement ne se manifestent que tardivement, alors que les contraintes, elles, sont immédiates.
A faire.Associer la contrainte à un moment de plaisir (rendre un régime alimentaire moins difficile en le préparant en famille, en faisant des présentations agréables…).
Symptomatologie
➥L’absence de symptômes gênants ou visibles (notamment la douleur) change la perception de la maladie ou fait oublier son existence.
A faire.Entretenir la motivation. Rappeler que l’absence de symptômes visibles ne signifie pas que la pathologie est bénigne. Un arrêt anticipé du traitement peut entraîner une rechute ou des complications.
Evolution
➥L’arrêt des traitements par le patient lui-même car son état de santé s’améliore est aussi très fréquent (près de 20 %). Une confusion entre la disparition des symptômes et la guérison règne parfois dans son esprit. Inversement, le traitement est réintroduit ou les posologies augmentées sans avis médical dès le retour des symptômes.
A faire.Rappeler que tout arrêt, changement ou reprise de traitement doit se faire sous le contrôle d’un médecin. Faire avancer le patient dans sa compréhension des risques d’un arrêt précoce ou d’une reprise anticipée.
➥Certaines pathologies compliquent l’adhésion, par incapacité physique (mobilité diminuée) ou psychique (démence, troubles psychiatriques…) à suivre la thérapeutique.
A faire.Proposer des aides techniques, repérer les aidants, orienter vers une assistance médicalisée.


FACTEURS LIÉS AU MÉDICAMENT

Complexité du traitement
➥ Le nombre important de médicaments, le schéma posologique compliqué, les prises multiples ou au contraire espacées (prises hebdomadaires, trimestrielles) ne favorisent pas l’adhésion.
A faire.S’interroger sur l’intérêt de la prescription et en discuter si nécessaire avec le prescripteur. Peut-on réduire le nombre de médicaments (envisager les associations fixes, les formes à libération modifiée) ? Tous les médicaments peuvent-ils être réunis en une seule prise ? Simplifier le schéma posologique et l’adapter aux contraintes du quotidien, en réalisant un plan de prise, en étiquetant le conditionnement, en préparant le traitement (PDA). Le patient lui-même doit être intégré à ces choix.
Galénique
Certaines formes galéniques rendent les prises délicates. (voir le chapitre sur le mésusage page 16)
Délai d’action
➥ L’adhésion est optimisée si les effets bénéfiques du traitement sont perçus immédiatement. Lorsque le délai d’action est long (antidépresseurs notamment), le patient peut faire preuve d’impatience ou douter de l’efficacité du traitement et y renoncer.
A faire.Avertir le patient, insister sur l’efficacité du traitement proposé. S’appuyer sur des éléments objectifs attestant de l’évolution de la pathologie : par exemple, mesure du souffle ou de la pression artérielle au moment du traitement et quelques semaines après.
Effets indésirables
➥ La survenue ou la crainte d’effets indésirables, la peur d’une dépendance, conduisent le patient à interrompre son traitement prématurément.
A faire.Rassurer le patient. Rappeler l’importance des bénéfices sur les risques. Donner les solutions qui préviennent les effets indésirables attendus et la conduite à tenir en cas d’apparition. Si nécessaire, entrer en contact avec le prescripteur.
Substitution
➥Les changements d’apparence des médicaments (forme, couleur…) augmentent le risque d’arrêt du traitement. S’y ajoute la différence entre le nom de la spécialité et son générique, source de confusion.
A faire. Conserver le même médicament générique d’une délivrance sur l’autre, inscrire la correspondance sur le conditionnement et sur l’ordonnance.
Coût et disponibilité
➥ Le coût du médicament et son mode de remboursement limitent l’accès aux soins.
A faire. Contacter le médecin. Si nécessaire, orienter vers les services sociaux adaptés.
➥ Faire revenir le patient parce que son médicament n’est pas en stock ou est en rupture est une contrainte supplémentaire à l’adhésion.
A faire.Veiller à la disponibilité d’un traitement chronique chez un patient régulier. A défaut, proposer une solution de remplacement.


FACTEURS LIÉS AUX SOIGNANTS

Posture et ton
➥Debout derrière le comptoir, le pharmacien peut paraître impressionnant, formel, n’incitant pas au dialogue. Certains patients, intimidés ou ne souhaitant pas décevoir leur médecin et/ou leur pharmacien, mentent sur leur comportement.
A faire.Discuter d’égal à égal. Faire preuve d’empathie, de compréhension. Valoriser le patient.
Temps d’échange
➥Le temps consacré au patient est souvent limité.
A faire.Se montrer disponible : « N’hésitez pas à venir, notre équipe est aussi là pour vous aider. »
Informations fournies
➥Les explications des professionnels de santé sont parfois jugées trop complexes ou inadaptées par rapport aux attentes des patients, qui se tournent alors vers des sources d’information médicale grand public pas toujours fiables, ou se fient à l’expérience de l’entourage.
A faire.Donner les moyens au patient de comprendre sa maladie et son traitement. Tout ce qui arrive « tout fait » et de manière descendante n’aura quasi pas d’impact : être sélectif (insister sur ce qui est important), clair, ne pas donner trop d’informations en une fois, les hiérarchiser (les premières informations données sont celles qui seront les plus retenues), inciter le patient à poser des questions, lui fournir de la documentation et des sites de référence fiables.
Confiance
➥La relation que le patient entretient avec les professionnels de santé est un facteur important : la confiance augmente le taux d’adhésion.
A savoir.La confiance naît lorsque l’accueil (posture et ton), la disponibilité (temps d’échange) et la qualité des informations fournies sont réunies.
Coordination
➥Le manque de coordination entre professionnels de santé est un obstacle majeur à l’adhésion thérapeutique : duplication des traitements, informations contradictoires…
A faire.Communiquer entre professionnels de santé. Améliorer l’adhésion est une démarche collective, centrée sur le patient, qui implique coordination et coopération entre professionnels de santé.


LES CONSÉQUENCES

➥Une adhésion non optimale peut être responsable d’une diminution de l’efficacité de traitement, d’un échec thérapeutique, d’un déséquilibre, d’une aggravation de la pathologie, de complications ou d’effets indésirables. Lorsqu’elle n’est pas identifiée, elle conduit les professionnels de santé à s’orienter vers des alternatives thérapeutiques de seconde intention, souvent plus chères, moins tolérées.
➥Ce phénomène a un coût, évalué à 9 milliards d’euros par an (IMS 2014). Ce coût comprend les dépenses liées aux médicaments délivrés mais non pris (gaspillage), auxquelles s’ajoutent les dépenses liées aux thérapeutiques de remplacement, à la prise en charge des complications, à la prolongation des arrêts maladie, etc.

POINT DE VUE

point de vue

P R BENOÎT


ALLENET,

Responsable de la filière officine à l’UFR de Grenoble (Isère), président du conseil scientifique de la Société française de pharmacie clinique (SFPC).

Oui, 1 patient chronique sur 2 ne prend pas ses traitements « comme il faut ». Oui, c’est dangereux. Oui, cela coûte cher à la société. Mais alors, comment avance-t-on ? Quelle responsabilité le pharmacien est-il prêt à endosser pour accompagner son patient, avec quelle méthode et quels outils ? La littérature nous parle d’un processus « d’adhésion » intégrant 3 étapes :
- l’initiation du traitement : je décide que je commence, ou non ;
- l’implémentation : malgré ma « bonne volonté », je ne parviens pas à suivre le plan de prise prévu ;
- la persistance : je décide que j’arrête prématurément le traitement, ou non.
De fait, parler de « non-adhésion » n’a pas grand sens, dans la mesure où ce comportement n’est ni binaire ni inéluctable. Il est évolutif et fluctuant, y compris au regard de chaque ligne de la prescription. Ainsi, nous proposons de parler de « difficultés d’adhésion » au pluriel, car les causes sont multiples, intentionnelles ou non intentionnelles, potentiellement indépendantes les unes des autres. Ces difficultés sont liées au condiv de la pathologie, des prises en charge (médicamenteuse, diététique, activité physique), des représentations du patient, de sa relation au système de soins, de facteurs psychosociaux, motivationnels. Face à ce constat, le pharmacien dispose de 3 leviers pour la pratique :
- adapter et simplifier le traitement, en développant une analyse de la pharmacothérapie, contextualisée en fonction de la pathologie, des symptômes, des données psychocomportementales et socio-économiques du patient. Le traitement est-il adapté ? Bien toléré ? Efficace au long cours ? Le plan de prise est-il adapté ?
- apprendre à échanger l’information adéquate avec le patient, sans a priori, en partant de ses attentes et de ses besoins, en tenant compte de son niveau de compréhension ;
- acquérir les outils de base de l’accompagnement motivationnel. Sans envie de se traiter, les connaissances et l’organisation de la prise en charge ne servent à rien. Dès le début de la prise en charge et durant tout le processus, le pharmacien doit apprendre à motiver son patient, ce qui constitue le plus important levier de l’accompagnement du changement de comportement.

À RETENIR

à retenir

-   L’ADHÉSION MÉDICAMENTEUSE DÉPEND DE NOMBREUX FACTEURS. LES DIFFICULTÉS PEUVENT ÊTRE INTENTIONNELLES (REFUS D’AMORCE DU TRAITEMENT, ARRÊT PRÉMATURÉ) OU NON INTENTIONNELLES (DÉFAUTS D’ORGANISATION DES PRISES).


-  DANS TOUS LES CAS, GARDER UNE ATTITUDE POSITIVE ET DE NON-JUGEMENT, PRENDRE LE TEMPS D’ÉCOUTER ET ADAPTER L’INFORMATION AU PATIENT (PAS TROP, PAS TROP COMPLIQUÉ).


-  L’OBJECTIF EST DE CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE D’ACCOMPAGNEMENT MOTIVATIONNEL ADAPTÉE.

Évaluation de l’adhésion
➜ Questionnaire de Girerd
C’est le questionnaire proposé dans le bilan de médication. Elaboré par le cardiologue Xavier Girerd et son équipe de l’unité de prévention des maladies cardiovasculaires dans le pôle cœur et métabolisme du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, à Paris, en 2001, il permet, en 6 questions simples, de repérer les signes d’alerte d’une mauvaise adhésion au traitement. Chaque réponse négative au test vaut 1 point. L’adhésion s’apprécie ainsi :
Bonne observance : score = 6
Faible observance : score = 4 ou 5
Non-observance : score ≤ 3

➜ Contrôle des délivrances
Consultation du dossier pharmaceutique (retard ou avance dans les renouvellements), relevé des médicaments non utilisés rapportés en pharmacie, des promis jamais récupérés.
Certaines phrases doivent alerter : « Il m’en reste plusieurs boîtes », « Je n’ai toujours pas pris rendez-vous chez mon médecin ».

Aides à l’adhésion
➜ Plan de posologie
La réalisation avec le patient (intégrant ses contraintes) d’un tableau synthétique des prises de médicaments au cours de la journée peut être un support utile aux patients polymédiqués. Il recense le nom des produits, leur dosage, la forme galénique, l’heure de prise, la durée du traitement le cas échéant. Il doit s’accompagner d’informations pratiques tels que la prise avec ou sans nourriture, en position assise ou debout, la possibilité d’ouvrir la gélule ou d’écraser le comprimé… Il peut d’accompagner de commentaires supplémentaires par exemple sur la conduite à tenir en cas d’oubli ou de survenue d’effets indésirables.
En cas de difficulté, l’utilisation d’un pilulier journalier ou hebdomadaire peut également simplifier la prise des traitements.

➜ Rappel de prises
Il peut s’agir d’une alarme préréglée aux heures de prise des médicaments ou d’une application mobile pour les patients utilisant facilement leur smartphone. Actuellement, on compte plus de 160 000 applications mobiles de santé et de bien être lancées par divers acteurs : laboratoires pharmaceutiques, établissements de soins, start-up, assureurs… Certaines applis sont plus spécifiques d’une pathologie (diabète, arthrose, cancer, maladie digestive…).
Dans ce foisonnement, il peut être utile d’orienter le patient. Le Moniteur des pharmacies a édité un guide pour aider le pharmacien à répondre au mieux aux besoins de ses patients.

Consultable sur le site lemoniteurdespharmacies.fr
https://bit.ly/2FpsTmk

LE MÉSUSAGE DES TRAITEMENTS


DÉFINITION

Le mésusage est l’utilisation inappropriée d’un médicament ou d’un produit, non conforme à l’autorisation de mise sur le marché ou à l’enregistrement ainsi qu’aux recommandations de bonnes pratiques. Il peut être intentionnel ou non, et lié à différents facteurs tels que des difficultés de compréhension des modalités d’emploi ou une inadéquation avec les capacités du patient.


DIFFICULTÉS DE COMPRÉHENSION

Complexité de préparation
➥ De nombreuses formes pharmaceutiques, certains collyres ou gouttes nasales et auriculaires par exemple, nécessitent une reconstitution avant administration.
Pour les formes injectables, différentes étapes de préparation ou sélection de la dose prescrite peuvent être requises.
A faire. Décrire systématiquement les modalités d’emploi. Avec l’accord du patient, sortir le produit de son emballage et détailler, en relisant la notice, les étapes de préparation. Lorsque c’est possible, effectuer ces étapes à la place du patient pour que le médicament soit prêt à l’emploi.
Conditionnements « à risque »
➥ Certains médicaments renferment dans un même conditionnement deux dosages répondant à un schéma posologique particulier (ex : Xarelto 15 et 20 mg Kit d’initiation de traitement). Certains traitements nécessitent une administration de plusieurs comprimés par prise conduisant à des erreurs fréquentes.
A faire. Expliquer au moment de la dispensation et indiquer clairement sur la boîte le nombre de comprimés à prendre.
Formes et noms ressemblants
➥Un traitement comprenant plusieurs médicaments sous la même forme galénique (collyres, gélules, etc.) ou des formes ressemblantes (Isoptine 40 mg/Spéciafoldine 5 mg : comprimés jaunes ; Amlor 5 mg/Zoloft 50 mg : gélules jaunes et blanches, etc.) ou des médicaments dont le nom prête à confusion (Préviscan/Permixon, Cialis/Céris…) peuvent être source d’erreur.
A faire. En complément du plan de prise, mentionner le schéma de prise de chaque médicament sur leurs boîtes respectives. S’assurer de la compréhension de ces consignes en les faisant répéter.
Conditionnement et couleur
➥Des changements dans le design des conditionnements ou de couleurs de la forme galénique, ou encore le passage d'un générique à un autre ou d'une molécule à une autre (surtout en cas de rupture) peuvent être sources de confusion pour le patient.
A faire.Bien informer le patient des modifications survenues sur ses traitements. Se méfier de la coexistence des nouvelles et anciennes formes dans la pharmacie familiale. Si possible, demander au patient de ramener ses anciennes boîtes.
Administration technique
➥Dispositif d’inhalation nécessitant une synchronisation main-poumon, auto-injections, dispositifs transdermiques… Différentes voies d’administration posent par elles-mêmes des difficultés conduisant à un mésusage. Ce risque est accru encore chez les personnes âgées du fait de troubles cognitifs ou moteurs.
A faire. Pour les dispositifs d’inhalation, demander des dispositifs placebo aux laboratoires afin de faire une démonstration de la technique, puis faire manipuler le patient. Fournir des modes d’emploi illustrés. Si l’appareil semble compliqué à manipuler pour le patient, contacter le médecin pour rechercher une alternative.
Pour les injections, vérifier que la technique a été expliquée, qu’elle est comprise, ou qu’une ordonnance de soins à domicile par une infirmière a été faite.
Pour les dispositifs transdermiques, détailler les sites d’application autorisés, la nécessité de retirer le patch usagé avant d’en appliquer un nouveau et, le cas échéant, de respecter un intervalle libre entre deux patchs (par exemple trinitrine)… Remettre une brochure explicative.

Difficultés liées au patient
Contraintes galéniques
➥Certains troubles (tremblements, déformations digitales, arthrite…) ou tout simplement un manque de dextérité rendent difficile l’ouverture de blisters ou de flacons, la découpe des comprimés ou l’utilisation d’un collyre. Des troubles de la déglutition peuvent gêner l’administration de certaines formes orales.
A faire. Amener le patient à s’exprimer sur les difficultés rencontrées et lorsque c’est nécessaire, rechercher une alternative avec le prescripteur.
➥Ouverture des blisters et flacons : la préparation d’un semainier peut être utile.
➥Découpe et broyage des comprimés : un coupe-comprimés (Brise-pilules 3 en 1 Magnien, coupe-comprimés Pilbox Cutter, etc.) ou un broyeur de comprimés (broyeur Gravis, Pulverizer, etc.) peut être une solution en cas de problème de dextérité ou de difficultés à avaler, en accord avec le médecin, si aucun autre moyen n’est trouvé (forme orodispersible, buvable, rectale…), et à condition que la forme galénique le permette.
➥Utilisation d’un collyre : placer le collyre au réfrigérateur peut aider à mieux sentir la goutte tomber dans l’œil. Sinon, proposer au patient d’installer sur le flacon un applicateur de goutte (type Opticare…), compatible avec la plupart des collyres, qui guide l’application de la goutte (notamment en cas de tremblements) et facilite l’administration en diminuant la pression à appliquer sur le flacon. Des modèles munis de « bras » existent aussi, facilitant l’usage d’un collyre pour les patients présentant des difficultés à soulever la main jusqu’à l’œil (type Opticare Arthro).
Contraintes de prises
➥Des moments d’administration stricts par rapport au repas ou entre médicaments (délai à respecter entre 2 installations de collyre par exemple) peuvent être difficiles à gérer au quotidien. Une prise inadaptée peut entraîner une diminution de l’efficacité du traitement ou augmenter le risque de survenue d’effets indésirables.
A faire. S’assurer que le traitement est compatible avec le mode de vie. Rappeler son enjeu et la nécessité pour qu’il soit efficace de respecter au mieux ces contraintes. Trouver des compromis : au moins 30 minutes avant le repas à défaut d’une heure avant ; au moins 5 minutes entre chaque instillation de collyre, etc.
Appréhension
➥La crainte de s’auto-injecter un médicament ou de réaliser certains soins (peur de la douleur…) peut être à l’origine d’un défaut d’adhésion thérapeutique.
A faire. Proposer au médecin l’intervention d’une infirmière pour montrer les bons gestes. Des techniques de relaxation peuvent aider à surmonter les craintes.
Ecrasement des comprimés
L’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omedit) Haute-Normandie et la Société française de pharmacie clinique (groupe gériatrie) ont élaboré un guide de bonnes pratiques concernant l’écrasement des comprimés et l’ouverture des gélules. La liste est téléchargeable sur le site sfpc.eu dans la rubrique « Publications ».
Bon usage des patchs
L’ANSM a élaboré un dépliant à remettre au patient « Patch : outil d'aide au suivi du traitement » pour faciliter la bonne utilisation de ces médicaments, notamment des patchs indiqués en prévention de la crise d’angor, dans la maladie d’Alzheimer, le sevrage tabagique, la douleur, le traitement substitutif de la ménopause.
Le document est téléchargeable sur le site ansm.sante.fr, rubrique « Déclarer un effet indésirable », « Erreurs médicamenteuses ».

Mode d’emploi des dispositifs d’inhalation
Des vidéos de démonstration de l’utilisation des dispositifs des thérapeutiques inhalées dans l’asthme et la BPCO sont disponibles sur le site internet du Moniteur des pharmacies dans la rubrique « Comptoir » puis « Conseil » ainsi que sur le site de la Société de pneumologie de langue française (splf.fr/videos-zephir/)

À RETENIR

à retenir

-  DANS UNE PRESCRIPTION, SYSTÉMATIQUEMENT REPÉRER LES PRINCIPAUX TRAITEMENTS SOURCES DE MÉSUSAGES EST ESSENTIEL POUR PRÉVENIR LES RISQUES : DISPOSITIFS D’INHALATION, PATCHS, COLLYRES, AUTO-INJECTION, TRAITEMENT À PRISE COMPLEXE…


-   DES OUTILS D’AIDE À L’ADMINISTRATION PEUVENT ÊTRE PROPOSÉS : MODES D’EMPLOI ILLUSTRÉS, BROCHURES EXPLICATIVES, BROYEUR ET COUPE COMPRIMÉS, APPLICATEUR DE COLLYRE…


-  EN CAS D’INCAPACITÉ À UTILISER CORRECTEMENT LE MÉDICAMENT, PROPOSER UNE SOLUTION ALTERNATIVE EN ACCORD AVEC LE MÉDECIN.

LES TRAITEMENTS INADAPTÉS


DÉFINITION

Les prescriptions médicamenteuses inadaptées entraînent un risque élevé d’effets indésirables, notamment pour les personnes âgées. Ces effets indésirables sont évitables. La prescription gériatrique peut être optimisée en repérant trois anomalies de prescription sources d’iatrogénie médicamenteuse. En s’inspirant du modèle anglosaxon, on parle d’« overuse » pour l’excès de traitement, de « misuse » pour une prescription inappropriée, et d’« underuse » pour une insuffisance de traitement.


UN TRAITEMENT EXCESSIF

Il s’agit de l’utilisation de médicaments prescrits en l’absence d’indication (comme une prescription excessive de benzodiazépines sans véritable insomnie, c’est-à-dire sans tenir compte des modifications physiologiques du sommeil avec l’âge), ou n’ayant pas prouvé leur efficacité (comme les vasodilatateurs cérébraux dans le déficit cognitif). Si une réduction à l’aveugle des traitements chez la personne âgée n’est pas souhaitable, il est en revanche nécessaire que les prescripteurs revoient régulièrement la pertinence des traitements, au moins sur une base annuelle. Le pharmacien peut également intervenir dans cette analyse et proposer une rationalisation des prescriptions.


UN TRAITEMENT INAPPROPRIÉ

Certains médicaments présentent des risques chez la personne âgée dépassant les bénéfices attendus. Des divs ont proposé des listes de médicaments à éviter chez le sujet âgé. Le recours à ces médicaments devrait être limité, voire proscrit (même lorsqu’ils ne sont pas à proprement parler contre-indiqués), notamment chez un patient souffrant de pathologies augmentant sa vulnérabilité à l’iatrogénie spécifiquement attachée à ces médicaments. La première liste de médicaments à éviter a été proposée dans les années 1990 par le gériatre américain M.H. Beers.
En France, une liste de médicaments potentiellement inappropriés à partir de 75 ans – dite liste de Laroche – a été établie par le centre régional de pharmacovigilance de Limoges (Haute-Vienne) en 2007. Elle s’applique aux patients d’au moins 75 ans et regroupe une trentaine de médicaments ou classes médicamenteuses (voir tableau pages 18 et 19).
La liste de Laroche répertorie aussi cinq situations cliniques justifiant d’éviter certains médicaments :
- en cas d’hypertrophie de la prostate ou de rétention urinaire chronique, les anticholinergiques sont contre-indiqués car ils augmentent le risque de rétention urinaire aiguë ;
- en cas de risque de glaucome par fermeture de l’angle (patient hypermétrope, prédisposé par un angle irido-cornéen étroit), les anticholinergiques qui exposent au risque de crise aiguë de glaucome par fermeture de l’angle, en raison de leur propriété mydriatique, sont contre-indiqués ;
- en cas d’incontinence urinaire, les antihypertenseurs α-bloquants peuvent majorer l’incontinence ;
- en cas de démence, les anticholinergiques sont à éviter car ils peuvent aggraver les troubles cognitifs ;
- en cas de constipation chronique, les anticholinergiques sont à proscrire car ils exposent au risque d’occlusion intestinale.


UN TRAITEMENT INSUFFISANT

Certaines pathologies, telles que l’hypertension artérielle, la fibrillation auriculaire, la dépression, l’ostéoporose, sont en effet parfois sous-traitées chez le patient âgé. Or, une trop faible attention portée à diverses pathologies associées à l’âge ou à certains signes cliniques (par exemple la douleur, rapidement mise sur le seul compte de la vieillesse) peut priver le patient âgé d’un traitement qui lui est pourtant indispensable et dont l’absence constitue une « perte de chance ».

LES SYMPTÔMES ÉVOCATEURS D’IATROGÉNIE

Les symptômes évocateurs d’iatrogénie
-  Avoir le « réflexe iatrogénique », c’est se poser la question d’une éventuelle cause médicamenteuse devant l’apparition de tout nouveau symptôme survenant chez une personne âgée : la chronologie de survenue est-elle compatible ? Y a-t-il un événement intercurrent favorisant ? Les signes cliniques sont-ils évocateurs d’iatrogénie ?
-  Les symptômes les plus fréquents des accidents iatrogènes sont :

•  des troubles digestifs, une diminution de l’appétit, une perte de poids ;

•une asthénie ou des malaises ;

•des troubles de l’équilibre, des vertiges et des chutes ;

•  des troubles du comportement et de la vigilance, des pertes de mémoire et une confusion.
Guide PAPA : « Prescriptions médicamenteuses adaptées aux personnes âgées »
Conçu par la Société française de gériatrie et gérontologie et le Conseil national professionnel de gériatrie, ce guide regroupe 42 fiches de bonne prescription adaptées aux personnes âgées de 75 ans et plus. Pour chaque situation, le guide rappelle le but du traitement et les moyens thérapeutiques disponibles puis classe les médicaments qui doivent être prescrits et ceux à proscrire.
Critères Stopp/Start
Les critères STOPP/START forment un outil de détection des prescriptions potentiellement inappropriées ou omises chez le sujet âgé. Le site Stoppstart.free.fr a été créé par le Dr Anne Frey-Geoffret dans le cadre d’une thèse en médecine. Le site est simple d’utilisation : il suffit de rentrer la liste des médicaments prescrits et les pathologies du patient pour obtenir une liste de médicaments susceptibles d’être inappropriés en fonction du condiv (« Stopp ») et une liste de médicament qui auraient dû être prescrits en fonction des éléments biologiques et du condiv (« Start »).
Omedit (Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique)
Chargés au niveau régional du suivi et du bon usage des médicaments et des dispositifs médicaux, les Omedit mettent en accès libre sur leurs sites internet des outils et référentiels comme : Guide de bon usage du médicament en gériatrie (Omedit Lorraine), Prescription médicamenteuse chez la personne âgée (Omedit Centre-Val de Loire), Livret Gériamed (Omedit Poitou-Charentes).

À RETENIR

à retenir

-  UN EXCÈS DE TRAITEMENT, UNE PRESCRIPTION INAPPROPRIÉE OU UNE INSUFFISANCE DE TRAITEMENT SONT SOURCES D’EFFETS INDÉSIRABLES OU CONSTITUENT UNE PERTE DE CHANCE.


-  DES divS ONT PROPOSÉ DES LISTES DE MÉDICAMENTS À ÉVITER CHEZ LE SUJET ÂGÉ (PAR EXEMPLE, LA LISTE DE LAROCHE).


-  L’APPARITION DE TOUT NOUVEAU SYMPTÔME CHEZ UNE PERSONNE ÂGÉE DOIT FAIRE SUSPECTER UN EFFET IATROGÈNE.

LA FONCTION RÉNALE


POUR QUELLES RAISONS ÉVALUER LA FONCTION RÉNALE ?


L’INSUFFISANCE RÉNALE EST UNE PATHOLOGIE FRÉQUENTE (ENTRE 8 ET 13   % DES FRANÇAIS SONT CONCERNÉS), QUI A UN IMPACT SUR L’EFFICACITÉ ET LA TOLÉRANCE DES MÉDICAMENTS. IL EST SOUHAITABLE QUE LA FONCTION RÉNALE DE TOUT INDIVIDU SOIT ÉVALUÉE RÉGULIÈREMENT ET NOTAMMENT CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES CAR ELLE S’ALTÈRE AVEC LE VIEILLISSEMENT. ELLE DOIT PLUS PARTICULIÈREMENT ÊTRE ÉVALUÉE EN PRÉSENCE DE DIABÈTE, D’HYPERTENSION ARTÉRIELLE, D’OBÉSITÉ, DE PATHOLOGIES CARDIOVASCULAIRES ATHÉROMATEUSES, APRÈS 60 ANS ET CHEZ TOUS LES PATIENTS SOUFFRANT D’UNE MALADIE RÉNALE.

Une insuffisance rénale peut imposer l’adaptation posologique ou contre-indiquer l’administration de certains médicaments. En effet, elle modifie la pharmacocinétique de nombreuses molécules en interférant avec le volume de distribution, la fixation à l’albumine, le métabolisme et surtout l’élimination. Ces modifications entraînent un risque de surdosage et d’effets indésirables.
D’autre part l’insuffisance rénale est un facteur majeur d’hyperkaliémie qui peut être majorée par certains médicaments avec un risque de survenue de troubles du rythme. Enfin, la fonction rénale doit être surveillée avec les traitements néphrotoxiques qui risquent d’entraîner ou d’aggraver une insuffisance rénale. Il est donc nécessaire de renseigner l’état de la fonction rénale dans le dossier des patients.

COMMENT ÉVALUER LA FONCTION RÉNALE ?

L’évaluation de la fonction rénale repose sur l’estimation du débit de filtration glomérulaire (DFG).
Le DFG est estimé à partir de différentes formules :
La formule de Cockcroft et Gault permet d’estimer la clairance de la créatinine – elle-même permettant d’estimer le DFG ! – exprimée en ml/min à partir de la créatininémie, l’âge, le poids et le sexe. Cette formule donne une estimation peu précise du DFG.
clairance de la créatinine (ml/min) = (140 - âge) x poids (kg) / [0,814 x créatininémie (mmol/l)]
clairance de l’homme x 0,85
La formule MDRD (Modification of Diet in Renal Disease) est plus précise que la formule de Cockcroft. Elle tient compte de la créatininémie, de l’âge, du sexe et de l’origine ethnique des patients.
Aujourd’hui la Haute Autorité de santé (HAS) recommande d’utiliser l’équation CKD-EPI (Chronic Kidney Disease EPIdemiology collaboration) exprimée en ml/min/1,73 m2. Cette formule utilise les mêmes variables que la précédente mais est plus performante pour les maladies rénales débutantes.
Ces deux dernières formules ont été directement établies par comparaison à des mesures de DFG normalisées par la surface corporelle, leur résultat est donc exprimé sans intégrer la taille et le poids dans le calcul. Ceci permet un rendu du résultat automatisé par les laboratoires.
Aucune des trois formules n’est valide chez les patients présentant un IMC inférieur à 18,5.
La formule de Cockcroft et Gault n’est pas valide chez les patients présentant un IMC > 30 et chez les sujets de plus de 65 ans. La formule CKD-EPI en particulier, mais également la formule MDRD ont été testées et validées chez le sujet âgé de plus de 65 ans, y compris chez des sujets très âgés (plus de 85 ans). Elles permettent, y compris chez ces sujets, une estimation fiable du DFG. Chez les sujets dénutris ou dont l’alimentation est pauvre en protéines, aucune des formules ne permet une estimation fiable de la fonction rénale car la créatininémie n’est plus corrélée au DFG.

QUELLES SONT LES SITUATIONS SUSCEPTIBLES D’ALTÉRER LA FONCTION RÉNALE ?

Les patients doivent être sensibilisés aux situations pouvant provoquer ou aggraver une insuffisance rénale : diarrhées, déshydratation, vomissements, fièvre.


QUELS MÉDICAMENTS SONT CONCERNÉS ?

De nombreux médicaments doivent être maniés avec précaution en cas d’insuffisance rénale, en raison :
- de leur élimination prépondérante par voie rénale, avec un risque d’effets indésirables graves : hémorragie avec les anticoagulants oraux directs ou les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), troubles de la conduction avec les antiarythmiques, acidose lactique avec la metformine, hypoglycémie sévère avec certains sulfamides hypoglycémiants…
- d’une marge thérapeutique étroite : antivitamines K, colchicine, digitaliques, lithium, théophylline…
- de leur effet hyperkaliémiant : sels de potassium, diurétiques hyperkaliémiants, anti-inflammatoires (AINS et coxibs), bloqueurs du système rénine angiotensine (IEC + ARA II), héparines, triméthoprime…
- de leur néphrotoxicité : antibiotiques (aminosides, β-lactamines), antiviraux (aciclovir, valaciclovir...), AINS, diurétiques de l’anse et thiazidiques, produits de contraste iodés, dérivés du platine, méthotrexate, ciclosporine, tacrolimus…
A faire. Si nécessaire, alerter le prescripteur pour qu’il effectue une adaptation posologique en modifiant les doses par prise ou le rythme d’administration, et s’assurer de l’absence d’interaction médicamenteuse risquant de majorer des effets indésirables en cas d’insuffisance rénale.
Le site GPR
GPR (Guide de prescription & rein) élabore et met à disposition des professionnels de santé des outils et une information sur les médicaments, fondée sur les résumés des caractéristiques des produits, les référentiels validés, et une analyse médicoscientifique experte des données de la littérature internationale.
Le site (sitegpr.com) propose un ensemble d’outils pratiques pour le bon usage des médicaments. L’onglet « Rein » met à disposition un calculateur du DFG, ainsi que des schémas posologique adaptés à la fonction rénale du patient. Les informations sont validées par des professionnels de santé (docteurs en pharmacie ou en médecine). GPR collabore avec le service Icar (information conseil adaptation rénale), créé en 1999 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

DÉCRYPTAGE

Décryptage
Le débit de filtration glomérulaire
La notion de débit de filtration glomérulaire (DFG) est associée à celle de la clairance. La clairance d’une substance est exprimée en nombre de millilitres de plasma sanguin que le rein peut totalement débarrasser de cette substance en une minute, selon la formule : concentration urinaire x débit urinaire / concentration plasmatique.
Si la substance filtrée par les glomérules n’est ni réabsorbée ni sécrétée par les tubules rénaux, sa clairance rénale est égale au DFG. Pour estimer le DFG, on dose une substance produite au cours de l’activité musculaire, la créatinine. Elle est librement filtrée au niveau glomérulaire mais elle est sécrétée dans le tubule contourné proximal. Le dosage de la créatinine dans le sang (créatininémie) et dans les urines (créatininurie) sur un recueil de 24 heures permet de calculer la clairance rénale de la créatinine. Mais ce recueil des urines de 24 heures en ville est compliqué à réaliser et source d'erreur. La clairance est donc estimée à l’aide de formules mathématiques à partir de la créatinémie.

À RETENIR

à retenir

-  UNE INSUFFISANCE RÉNALE PEUT IMPOSER L’ADAPTATION POSOLOGIQUE OU CONTRE-INDIQUER L’ADMINISTRATION DE CERTAINS MÉDICAMENTS.


-   UN DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE INFÉRIEUR À 60   ML/MIN/ 1,73   M 2 EST LE TÉMOIN D’UNE MALADIE RÉNALE CHRONIQUE DE STADE 3 (INSUFFISANCE RÉNALE MODÉRÉE).


-  EN CAS DE MALADIE RÉNALE, LES MÉDICAMENTS QUI EXPOSENT À UN RISQUE SONT EN PARTICULIER CEUX À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE, À ÉLIMINATION RÉNALE PRÉPONDÉRANTE, À EFFET HYPERKALIÉMIANT ET NÉPHROTOXIQUES.


DÉCRYPTAGE

Décryptage
Le fonctionnement du rein
Le rein filtre environ 1 700 litres de sang par jour. L’urine est produite dans le néphron, l’unité fonctionnelle du rein. La production commence dans le glomérule. Il assure la filtration sanguine, c’est-à-dire l’excrétion d’eau et de substances solubles présentes dans le sang, vers l’urine. L’urine passe ensuite dans la portion tubulaire du néphron où sont réabsorbés les éléments utiles à l’organisme. Le débit de filtration glomérulaire correspond au volume d’urine produite par les glomérules par unité de temps. Il permet d’évaluer la capacité de filtration du rein.

LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Les interactions médicamenteuses sont à l’origine d’environ 20 % de l’iatrogénie médicamenteuse.
Elles peuvent être d’ordre :
– pharmacodynamique. L’action d’un médicament va modifier la réponse à un autre médicament. Les deux molécules agissent au niveau d’un même système ou d’une même cible cellulaire, sur laquelle les deux médicaments peuvent exercer des effets identiques (agonisme) ou opposés (antagonisme), ou bien au niveau de deux systèmes distincts régulant le même effet (synergie).
– pharmacocinétique. Le médicament agit sur le devenir d’un autre médicament dans l’organisme. Il limite l’absorption et diminue la biodisponibilité (chélateurs, modificateurs du pH…), ou augmente la biodisponibilité (inhibiteur de la Pgp), perturbe la distribution (déplacement des liaisons aux protéines plasmatiques), il est inducteur enzymatique (rifampicine, carbamazépine, millepertuis…) ou inhibiteur enzymatique (macrolides, antifongiques azolés…), perturbe l’élimination (médicaments néphrotoxiques…).
A faire. La conduite à tenir dépend du niveau de contrainte de l’interaction (voir ci-dessous). Une surveillance biologique peut être nécessaire.
Des interactions peuvent également survenir lors d’une prise concomitante d’un médicament avec un complément alimentaire, un aliment, l’alcool ou le tabac.
Base de données publique sur les médicaments
Cette base de référence permet au public et aux professionnels de santé d'accéder aux RCP des médicaments commercialisés ou ayant été commercialisés durant les trois dernières années en France. Elle fournit des données officielles et opposables sur les médicaments. Elle est réalisée par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), avec la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam).
Disponible sur base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr.

Dictionnaire Vidal
Le dictionnaire rassemble les résumés des caractéristiques des produits (RCP), des fiches de présentation des dispositifs médicaux, accessoires, produits cosmétiques, etc. Le site internet offre la possibilité de détecter des interactions à partir d’une liste de produits.
Outil payant. Disponible sur vidal.fr et en version papier pour le dictionnaire (édition annuelle)

Thériaque
Cette base de données sur le médicament est conçue par le Centre national hospitalier d’information sur le médicament (CNHIM). Elle permet notamment de détecter des interactions médicamenteuses en fonction du terrain physiopathologique du patient et rappelle les références médicales opposables.
Accès gratuit sur inscription : theriaque.org

Thesaurus des interactions médicamenteuses
Elaboré par l’ANSM, ce document répertorie les interactions médicamenteuses classées par substance. Il n’a pas de valeur opposable, contrairement aux RCP. Le Thesaurus se veut synthétique avec des libellés simples. Seules les interactions cliniquement pertinentes y sont référencées. Certaines discordances peuvent être observées entre Thesaurus et RCP. Dans ce cas, il convient de choisir la position la plus sécuritaire. Entre le Thesaurus et le RCP, les professionnels de santé retiendront donc le niveau d’interaction le plus fort.
Fichier pdf téléchargeable sur ansm.sante.fr, rubrique « Dossiers » / « Interactions médicamenteuses ».

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Décryptage

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