La dispensation à l’unité : coming soon ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3278 du 15/06/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3278 du 15/06/2019
 
MAÎTRISE DES DÉPENSES DE SANTÉ

Temps Forts

Enjeu

Auteur(s) : PAR MATTHIEU VANDENDRIESSCHE 

Pour bientôt ? La dispensation de médicaments à l’unité fera l’objet d’une concertation entre parties prenantes au cours de l’année 2019, a indiqué Agnès Buzyn. Poussée dans cette démarche par la Cour des comptes, la ministre de la Santé trouve un écho favorable auprès des syndicats FSPF et UNPF, qui l’envisagent sous certaines conditions. Mais ses détracteurs n’ont pas dit leur dernier mot.

A gnès Buzyn veut-elle vraiment instituer la dispensation de médicaments à l’unité, promesse de campagne présidentielle d’Emmanuel Macron pour lutter contre le gaspillage et faire réaliser des économies à l’Assurance maladie ? En indiquant en octobre à l’Assemblée nationale qu’une concertation allait réunir les acteurs concernés courant 2019, l’actuelle ministre de la Santé montre son volontarisme sur ce dossier laissé en suspens par celle qui l’a précédée. A l’automne 2014, sous la menace d’une ouverture du capital des officines et du monopole pharmaceutique insufflée par Bercy, la profession avait expérimenté cette pratique à la demande de Marisol Touraine. Une expérimentation très contestée qui a livré fin 2017 des résultats incomplets et sans surprise (voir Repères page   17). Ils ont tout de même servi d’appui à Emmanuelle Ménard, députée de l’Hérault (non inscrite), pour déposer un amendement aux projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2018 et 2019 en faveur de la dispensation à l’unité pour des traitements courts. « L’étude montre une bonne acceptation par les patients, une meilleure observance au traitement et une réduction du nombre de comprimés vendus », justifie-t-elle, ajoutant que l’intérêt n’est donc pas seulement d’ordre économique. « En fait, l’intérêt n’est même pas économique du tout », selon l’économiste de la santé Claude Le Pen, qui juge de son côté les conditionnements de médicaments adaptés.

Pas d’unité syndicale sur le dossier

N’en déplaise à cet expert, cette pratique déjà en œuvre dans de nombreux pays, y compris européens, fait son chemin dans la profession. «   Nous sommes prêts à l’étudier, dans le cas de certains médicaments, comme les antibiotiques critiques, et pour certains patients telles que les personnes âgées qui gèrent seules leur traitement au domicile. Cela ne pourrait bien sûr pas se faire sans rémunération   », estime ouvertement Philippe Besset depuis son accession à la tête de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), fin mars. Pour sa part, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), est farouchement opposé à la mesure : « Ce serait une régression pour les pharmaciens, qui n’ont pas à faire du découpage et stocker des bouts de blisters dans les rayons ». La position de l’industrie pharmaceutique est également très hostile. « Les conditionnements de médicaments sont adaptés à la posologie et généralement à la durée de traitement telles qu’elles sont indiquées sur la notice et validées par les autorités de santé française et européenne », rappelle Philippe Lamoureux. Selon le directeur général du LEEM (Les Entreprises du médicament), le gaspillage serait avant tout lié à des prescriptions inappropriées ou mal suivies par les patients. « On ne peut pas demander à l’industrie de sécuriser davantage les conditionnements, en instaurant le système anticontrefaçon de la sérialisation ou encore des pictogrammes d’alerte en cas de grossesse ou de conduite automobile, et prôner d’un autre côté le déconditionnement », argumente-t-il.

Un changement pour les patients

De son côté, le syndicat* Union nationale des pharmacies de France (UNPF) milite pour une dispensation à l’unité de médicaments prescrits « si besoin », tels que des antalgiques, des anxiolytiques ou encore des régulateurs du transit intestinal délivrés au compte-gouttes en fonction de la situation du patient. « Il faudrait donc pouvoir communiquer avec lui plus régulièrement, au comptoir ou par des moyens à distance. Sur la douleur chronique, ce pourrait être toutes les deux semaines », indique Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF. Souvent pointés du doigt, les antibiotiques sont, selon lui, moins concernés car souvent bien prescrits par les médecins. Ce que confirme Luc Duquesnel, président de la branche des médecins généralistes au sein de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) : « Lorsque nous les prescrivons, nos logiciels nous proposent différents conditionnements en fonction du nombre de comprimés. » Il n’est cependant pas opposé à cette mesure qui réduirait l’automédication, au prix d’un « changement pour les patients qui sont habitués à recevoir plus de médicaments que ce qu’ils ont à prendre ».

Des modalités pratiques à considérer

Un changement de mentalités que la ministre de la Santé serait prête à entériner si sécurité et traçabilité étaient assurées dans les officines. D’autant que pour Agnès Buzyn, il n’y a qu’un seul problème, qui est d’ordre technique. Dans le prolongement de la préparation des doses à administrer, « il est aujourd’hui possible de s’équiper de machines à produire des sachets sans engager d’importants investissements », estime Jean-Luc Fournival, au maximum quelques dizaines de milliers d’euros. Les officines pourraient aussi avoir recours à des petits flacons nominatifs, comme c’est le cas au Québec. Reste alors à Agnès Buzyn à trancher : le bénéfice attendu surpasse-t-il les risques potentiellement encourus ? 

*actuellement non représentatif de la profession.

LA DÉLICATE PRATIQUE DU DÉCONDITIONNEMENT

Si la préparation des doses à administrer (PDA) en pharmacie figure dans le Code de la santé publique comme un recours éventuel, le déconditionnement des médicaments n’est ni autorisé ni interdit de manière explicite à ce jour en France. Cependant, cette extraction des médicaments de leur conditionnement primaire est largement pratiquée à l’instar des stupéfiants. Les agences régionales de santé (ARS) ne s’y opposent pas mais émettent certaines conditions. Dans un guide pratique édité en avril 2018, l’ARS Paca demande par exemple qu’une seule spécialité d’un même lot soit déconditionnée à la fois, pour assurer la traçabilité et au moment même de la préparation, pour optimiser la stabilité du principe actif.

À RETENIR


•   Le dossier de la dispensation à l’unité n’est pas enterré. La ministre de la Santé y est « très favorable » mais s’inquiète de la sécurité et de la traçabilité en officine. Une concertation devrait s’ouvrir courant 2019.

•   Les acteurs concernés sont divisés. Les syndicats FSPF et UNPF voudraient la mettre en place sous conditions tandis que l’USPO et le LEEM restent hostiles à cette pratique.

•   Les modalités pratiques de la mise en œuvre nécessiteraient d’entériner le déconditionnement des médicaments.

REPÈRES 

LES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIMENTATION SUR LA DISPENSATION À L’UNITÉ

L’expérimentation sur la dispensation d’antibiotiques à l’unité s’est déroulée de novembre 2014 à novembre 2015 à la demande du ministère de la Santé, sous la conduite de l’Inserm. Publiée en septembre 2017, l’étude a montré des résultats positifs, malgré des biais et des limites.
PAR MATTHIEU VANDENDRIESSCHE - Infographie : Walter Barros

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