Les huiles essentielles - Le Moniteur des Pharmacies n° 3276 du 01/06/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3276 du 01/06/2019
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

Auteur(s) :

ACTUALISÉ PAR ANNE-HÉLÈNE COLLIN, PHARMACIENNE. CAHIER COORDONNÉ PAR ALEXANDRA BLANC, PHARMACIENNE. NOUS REMERCIONS POUR LEUR PARTICIPATION LE DrPATRICIA BOLTZ, MÉDECIN, ET ELISABETE GOMES, PHARMACIENNE, DU CENTRE ANTIPOISON ET DE TOXICOVIGILANCE DE NANCY, AINSI QUE DANIELLE ROUX, PHARMACIENNE, RÉDACTRICE EN CHEF DE LA PHYTOTHÉRAPIE EUROPÉENNE, POUR SON AIMABLE RELECTURE.

CAS  1 CONFUSION 

SOYONS PRÉCIS !

Pour soulager les toux légères, Séraphine a l’habitude de donner à ses deux enfants de 7 et 9 ans, 1 goutte d’HE de thym à linalol dans une cuillère de miel. Stock épuisé, elle a acheté dans une autre officine un nouveau flacon d’huile essentielle. Mais l’odeur est si forte et le goût si puissant qu’elle n’ose l’administrer à ses enfants. Elle vient s’informer auprès de son pharmacien habituel. En vérifiant sur le flacon, celui-ci s’aperçoit que Séraphine a acheté une HE de thym à thymol, et non à linalol. Etonnée de l’existence de plusieurs HE de thym, elle demande si elle peut malgré tout donner le thym à thymol à ses enfants.

ANALYSE DU CAS

Une huile essentielle est définie par le nom commun, la dénomination botanique latine (genre, espèce et, s’ils existent, sous-espèce, variété, hybride) et l’organe producteur de la plante dont elle est issue, ainsi que sa composition chimique (chémotype).
Si les HE de thym à thymol ou à linalol sont issues de la même espèce de thym, le thym vulgaire (Thymus vulgaris), elles n’ont pas les mêmes propriétés, indications et précautions d’emploi. La confusion entre ces HE peut être dangereuse, surtout chez l’enfant.
Le linalol est un monoterpénol (alcool). Il possède des propriétés anti-infectieuses et est dépourvu de toxicité à doses thérapeutiques. L’HE de thym à linalol est particulièrement indiquée en massage dans la toux et les affections bronchiques des enfants, ou par voie orale pour les plus grands (à partir de 6 ans).
Le thymol appartient à la famille chimique des phénols, anti-infectieux puissants mais irritants pour la peau et les muqueuses, et hépatotoxiques à fortes doses et sur une durée prolongée (> 3 semaines) : des propriétés justifiant certaines précautions d’emploi et leur interdiction chez l’enfant.
Il existe également d’autres espèces de thym, dont les huiles essentielles sont plus rarement utilisées en aromathérapie : le thym à feuilles de sarriette (Thymus satureioides, à bornéol et carvacrol), ou encore le thym serpolet (Thymus serpyllum, à carvacrol et thymol).


CONDUITE À TENIR

Le pharmacien explique à Séraphine que l’HE de thym à thymol est à éviter chez l’enfant. Il l’incite à être très vigilante au genre, à l’espèce et à la composition chimique des HE qu’elle utilise.
Il lui délivre donc l’HE de thym à linalol, autrement nommée HE de thym CT linalol ou Thymus vulgaris linaloliferum.
L’HE de thym à thymol achetée par erreur peut trouver par la suite une autre utilité (comme anti-infectieux, stimulant général, ou pour lutter contre les désordres digestifs), mais uniquement chez l’adulte.
En attendant, Séraphine peut conserver l’HE dans un endroit frais et sec, à l’abri de l’air et de la lumière.
à retenir
Il est primordial de connaître avec précision la dénomination complète des HE (genre, espèce et chémotype) afin d’éviter les confusions, à l’origine d’échecs thérapeutiques ou d’effets indésirables.

L’IMPORTANCE DU CHÉMOTYPE : EXEMPLE DU THYM

L’importance du chémotype : exemple du thym
-Une même espèce botanique produit des essences de composition chimique différente selon les conditions de culture ou la période de récolte auxquelles elle est soumise, définissant ainsi des chémotypes ou chimiotypes.
-Chaque chémotype conditionne l’activité/toxicité des huiles essentielles.

CAS  2  MÉSUSAGES 

CHUTE DE TENSION

Arlette, 72 ans, pose sur le comptoir un flacon d’HE d’ylang-ylang et sa nouvelle ordonnance : « Mon médecin s’inquiète : il trouve ma tension trop basse et mon cœur trop lent. Il veut que j’aille chez le cardiologue. »« Vous prenez cette HE depuis longtemps ? », demande la pharmacienne. « Depuis plusieurs semaines, 2 gouttes 3 fois par jour dans ma tisane, répond Arlette. C’est ma petite-fille qui me l’a conseillée pour me détendre. » La pharmacienne s’interroge.


ANALYSE DU CAS

L’HE d’ylang-ylang (Cananga odorata) est composée d’esters qui lui confèrent des propriétés sédatives, antidépressives et relaxantes. Elle est conseillée dans les troubles du sommeil ou de l’humeur pour calmer les angoisses et lutter contre le stress principalement.
Dotée de propriétés hypotensives et antiarythmiques, l’HE d’ylang-ylang est aussi utilisée, par voie orale et sous contrôle médical, dans la prise en charge des hypertensions ou des tachycardies légères (hors recommandations).
L’HE d’ylang-ylang peut être à l’origine d’hypotension.


CONDUITE À TENIR

Avec l’accord de la patiente, la pharmacienne signale au médecin la prise d’HE d’ylang-ylang et ses propriétés hypotensives. Le médecin préconise l’arrêt de l’HE et demande à Arlette de faire mesurer sa tension artérielle quotidiennement à la pharmacie en attendant le rendez-vous médical prévu dans 5 jours.
L’HE d’ylang-ylang pourra être réintroduite une fois la tension stabilisée, mais par voie cutanée qui présente un effet hypotensif moindre. Cette voie est d’ailleurs à privilégier pour un effet sédatif et relaxant : en massage sur les plexus nerveux (poignets, plexus solaire, voûte plantaire...), à diluer dans une huile végétale.
Attention !
L’administration orale d’HE d’ylang-ylang nécessite un avis médical, les propriétés hypotensives de l’HE étant plus marquées per os que par voie locale.

CAS  3  MÉSUSAGES 

MAUVAIS CHOIX

Pénélope, jeune trentenaire, voudrait s’offrir un diffuseur et quelques huiles essentielles pour assainir son appartement et éliminer les odeurs de tabac qui y règnent. Pénélope choisit ses HE parmi les fragrances qu’elle aime : orange douce (zeste), pin sylvestre (aiguilles) et cannelle de Ceylan (écorce). La préparatrice qui l’assiste reste sceptique.


ANALYSE DU CAS

Si l’orange douce et le pin sont effectivement des HE à diffuser, ce n’est pas le cas pour la cannelle de Ceylan.
L’écorce de cannelle de Ceylan (Cinnamomum zeylanicum ou C. verum) produit une HE riche en cinnamaldéhyde (ou aldéhyde cinnamique), un aldéhyde aromatique anti-infectieux, puissant mais caustique pour la peau et les muqueuses, dont la muqueuse respiratoire. C’est pourquoi la diffusion atmosphérique est déconseillée. Le cinnamaldéhyde est aussi l’une des molécules les plus sensibilisantes.
De la même façon, les HE à phénols, autres composés chimiques irritants et présents dans les HE de sarriette des montagnes, d’origan compact, de girofle, certaines HE de thym ou l’HE de feuille de cannelier ne sont pas à utiliser en diffusion.
En cas d’inhalation d’une HE irritante, sortir le patient de la pièce afin de lui faire respirer de l’air frais. Si des symptômes sévères se déclarent (difficultés respiratoires, crise d’asthme), appeler le 15 (SAMU). Rincer les autres zones exposées (yeux, peau) pour limiter le phénomène d’irritation.


ATTITUDE À ADOPTER

La préparatrice explique à Pénélope que la diffusion d’HE d’écorce de cannelle peut provoquer une légère irritation des voies respiratoires. Mieux vaut utiliser d’autres HE compatibles avec ce mode d’utilisation : l’eucalyptus radié, par exemple, pour assainir l’atmosphère, la lavande vraie, ou encore l’ylang-ylang, pour apaiser.
à retenir
Les HE irritantes pour les muqueuses (HE à aldéhydes comme l’écorce de cannelle, ou les HE à phénols) ne doivent pas être utilisées en diffusion atmosphérique.

CAS  4 MÉSUSAGES 

AU COMPTE-GOUTTES

Eudes, 37 ans, ne tient pas à laisser s’installer les premiers signes d’une affection bronchique. Le pharmacien lui propose de l’HE d’eucalyptus globuleux : « 2 gouttes 3 fois par jour dans du miel. » Quelques heures après, Eudes revient : « Ça ne fonctionne pas vos huiles. Et pourtant j’ai mis la dose ! J’ai des nausées, des crampes d’estomac et des frissons. J’ai dû attraper la grippe ! » Le pharmacien s’étonne.

ANALYSE DU CAS

L’HE d’eucalyptus globuleux (Eucalyptus globulus) est expectorante, mucolytique et antiseptique. Elle contient plus de 70 % de 1,8-cinéole ou eucalyptol (oxyde terpénique), et des carvones (cétones), responsables d’effets indésirables lorsqu’elle est mal employée. A fortes doses, elle est épileptogène.
Les signes présentés par Eudes sont ceux d’une intoxication à l’HE d’eucalyptus globuleux.
Pour un adulte, la dose maximale quotidienne d’HE à conseiller per os est de 300 mg (HE seule ou en mélange). Le nombre de gouttes correspondant dépend du système de délivrance inhérent au flacon et varie selon les fabricants. Classiquement, la posologie journalière moyenne conseillée est de 6 gouttes.
En cas d’ingestion accidentelle d’HE ou surdosage, contacter le SAMU si des troubles sévères respiratoires, digestifs ou nerveux apparaissent. Dans les autres cas, se rincer plusieurs fois la bouche avec de l’eau pour limiter le contact avec les muqueuses, prendre une collation (compote, pain) et appeler le centre antipoison.
Ne pas faire vomir pour éviter une fausse route à l’origine de troubles respiratoires. Boire de l’eau ou du lait est inutile. Boire des huiles végétales pourrait favoriser l’absorption de certaines HE.


CONDUITE À TENIR

Questionné sur la dose d’HE utilisée, Eudes avoue avoir pris 10 gouttes en une fois pour être sûr que le traitement soit efficace.
Devant les symptômes, le pharmacien fait asseoir Eudes et appelle le centre antipoison.
à retenir
De façon générale, la dose quotidienne d’HE à ne pas dépasser per os chez l’adulte est de 300 mg, à répartir en 3 prises. Le poids ou le volume d’une goutte dépend de chaque fabricant.

CAS  5 MÉSUSAGES 

PAS DANS LES YEUX !

La sonnerie du téléphone retentit à l’officine. La pharmacienne décroche. A l’autre bout du fil, Bianca, fidèle patiente, s’affole : « Je voulais soulager mes yeux irrités. Je pensais que la camomille romaine était une plante apaisante et j’ai mis une goutte d’huile essentielle dans mon œil. Mais qu’est-ce que ça brûle ! Que dois-je faire ? »

ANALYSE DU CAS

L’administration par voie oculaire d’une HE pure ou diluée est strictement interdite. Un contact avec l’œil peut engendrer une irritation locale pouvant atteindre la cornée et altérer la vision.
D’autre part, Bianca semble avoir confondu les propriétés de la camomille romaine ou noble (Chamaemelum nobile), plante traditionnellement utilisée après infusion par voie locale en cas de gêne ou d’irritation oculaire, avec celles de son HE. Les propriétés des HE sont souvent différentes des plantes médicinales dont elles sont issues. Et comme toutes les huiles essentielles, l’HE de camomille noble est irritante pour les yeux.


CONDUITE À TENIR

La pharmacienne calme Bianca et lui recommande de rincer immédiatement son œil avec de l’eau pendant un quart d’heure. En pratique, Bianca doit faire couler sur son œil un mince filet d’eau tiède en écartant bien les paupières et en insistant dans les culs-de-sac lacrymaux (en évitant de faire couler l’eau dans l’autre œil).
Il est souvent mentionné dans la littérature de rincer l’œil avec une huile végétale : ce geste peut être, en réalité, plus néfaste que bénéfique.
Si des symptômes d’irritation persistent 2 heures après le rinçage, un avis ophtalmologique est nécessaire.
Par prudence, la pharmacienne conseille également à Bianca d’appeler un centre antipoison.
À retenir
Certaines voies d’administration sont formellement contre-indiquées en aromathérapie : il s’agit des voies oculaire, intraveineuse et intramusculaire.

CAS  6  EFFETS INDÉSIRABLES 

BAIN EXPRESS

Soizic, élève préparatrice, raconte sa mésaventure à sa collègue pharmacienne : « Pour soulager mon rhume et être en forme aujourd’hui, j’ai ajouté 20 gouttes d’HE de pin sylvestre directement dans mon bain. Je peux t’assurer que je ne suis pas restée longtemps dans l’eau tellement c’était désagréable ! Picotements, sensation de brûlure... Résultat, j’ai la peau irritée, avec des rougeurs au niveau de la taille, comme une ceinture, qui correspond au niveau de l’eau ! » Sa collègue propose une solution...

ANALYSE DU CAS

Les HE ne sont pas miscibles à l’eau. Elles forment un surnageant qui, en contact avec la peau, peut provoquer une irritation.
Le risque est identique pour la muqueuse buccale lorsqu’on ajoute quelques gouttes d’HE dans une infusion.
Des HE sont particulièrement agressives pour la peau et les muqueuses lorsqu’elles sont appliquées pures :
– les HE à phénols et aldéhydes aromatiques, dermocaustiques, responsables d’une vive réaction inflammatoire et d’une sensation de brûlure intense ;
– les HE à terpènes, famille à laquelle appartient l’HE de pin sylvestre (Pinus sylvestris). L’irritation cutanée qu’elles provoquent varie selon le type de peau (d’une rougeur légère à une sensation de brûlure ou un prurit). Son intensité est moindre et son délai d’apparition plus long que celle provoquée par les phénols ou les aldéhydes aromatiques.
En cas d’irritation cutanée, se placer sous l’eau pendant 15 minutes sans frotter, puis sécher en tamponnant avec un linge propre. L’application d’une huile végétale ou d’une crème cicatrisante permet ensuite de calmer rapidement l’irritation. En l’absence d’amélioration, une consultation médicale devient indispensable.


CONDUITE À TENIR

La pharmacienne conseille à Soizic d’appliquer de l’huile d’amande douce ou macérat de calendula sur ses rougeurs.
Elle lui rappelle les précautions à prendre lorsque l’on ajoute une HE dans le bain, notamment utiliser un dispersant adapté (voir encadré), et respecter les doses, 10 à 20 gouttes par bain pour un adulte (demi-dose pour les enfants).
Attention !
La majorité des HE ne doivent pas être utilisées pures, que ce soit en application directe sur la peau, dans un bain, ou par voie orale. Une dilution dans une huile végétale ou tout autre véhicule lipophile est indispensable.

LIMITER LES RISQUES D’IRRITATION

Limiter les risques d’irritation

• Les HE peuvent-être irritantes, à différents degrés, pour la peau et les muqueuses.

• Certaines HE sont caustiques :
– les HE à phénols : thym à thymol et à carvacrol, sarriette des montagnes, origan compact, clou de girofle, cannelle (feuille)...
– les HE à aldéhydes aromatiques : cannelle (écorce)...

• D’autres provoquent des irritations :
– les HE à aldéhydes terpéniques : litsée citronnée, lemongrass...
– les HE à terpènes : pins, sapins, zestes d’agrumes...
– dans une moindre mesure, les HE d’ylang-ylang, de marjolaine à coquilles, de gaulthérie couchée, de basilic exotique, d’estragon, de gingembre...

• Pour limiter cette irritation, certaines précautions sont indispensables et seront appliquées à toutes les HE.
1) Utiliser un véhicule lipophile :
Pour la voie locale (préparations extemporanées) :
– huile végétale, crème hydratante, lait corporel pour application cutanée ; – émulsifiant pour le bain : huile de douche, shampooing, savon liquide, verre de lait, base neutre... – dispersants vendus par les fabricants.
Pour la voie orale :
– miel, sirop d’érable, huile végétale, comprimé neutre – dispersants : Disper (contient de l’alcool), Solubol, Labrafil… – préparations médicamenteuses liquides à titre alcoolique : teintures mères, macérats glycérinés (préparation extemporanée)
2) Respecter les dilutions :
– Pour la voie cutanée, la concentration ne doit généralement pas dépasser 10 % pour les personnes sensibles ou lorsque la zone est étendue. Cas particuliers : - phénols : dilution maximale à 20 % - aldéhydes aromatiques : dilution maximale à 10 % - terpènes : dilution maximales à 30 %. Par précaution, diluer à 50 % dans les autres cas. – Pour la voie orale ou sublinguale, 1 à 2 gouttes d’HE sur un comprimé neutre, dans une cuillère à café de miel, d’huile végétale ou dans une tisane préalablement mélangée à du miel. 3) Les HE ne doivent pas être utilisées sur une peau lésée. La voie orale est contre-indiquée en cas d’ulcère digestif ou de lésions de la muqueuse buccale.

CAS  7 EFFETS INDÉSIRABLES 

IL ÉTAIT UN FOIE

Lucien C. vient renouveler son ordonnance. A 63 ans, il souffre d’une hypercholestérolémie stabilisée par pravastatine. C’est Fanny, l’étudiante, qui le sert : « J’ai suivi vos conseils, jeune fille. L’HE d’origan que vous m’aviez proposée a fait disparaître cette fichue toux. Et je me sens beaucoup moins fatigué ! Du coup, je continue de la prendre dans du miel, 3 fois par jour. C’est franchement fort en goût, mais j’en ressens les bienfaits tous les jours depuis 2 mois ! » Cette remarque interpelle le pharmacien qui écoute la conversation.

ANALYSE DU CAS

L’HE d’origan compact ou origan à inflorescences compactes (Origanum compactum) est une HE riche en carvacrol et en thymol, des phénols anti-infectieux et stimulants généraux. Elle est généralement utilisée dans les pathologies infectieuses en traitement ponctuel, à faible dose (1 goutte 3 fois par jour). Il est possible de proposer des doses d’attaque plus fortes : 300 mg/jour (soit environ 6 à 10  gouttes/jour), pouvant aller jusqu’à 600-1 000 mg/jour sur avis médical. Ces doses sont réservées à des traitements de courte durée, de 5-6 jours.
Pour un traitement plus long, l’avis d’un spécialiste en aromathérapie s’impose. Les doses quotidiennes sont alors limitées à 100-150 mg d’HE (environ 3 gouttes/jour), avec des fenêtres thérapeutiques (administration 5 jours sur 7 ou 3 semaines sur 4).
En cas d’administration massive et répétitive d’HE d’origan compact, les phénols peuvent être responsables d’une hépatotoxicité, conséquence d’un foie dépassé dans ses capacités de métabolisation.
Par prudence, une protection hépatique doit être systématiquement associée à la prise d’HE hépatotoxiques.
Dégager des fenêtres thérapeutiques est une règle à respecter en aromathérapie, quelles que soient l’HE et la voie d’administration.

CONDUITE À TENIR

Le pharmacien explique à Lucien C. que la prise d’HE d’origan compact sur une longue période pourrait léser son foie. Il lui recommande d’arrêter les prises. Par précaution, il l’incite à aller consulter son médecin pour un contrôle hépatique.
Il profite de l’occasion pour rappeler à Lucien C. que les HE se prennent en général sur quelques jours uniquement et qu’un traitement long nécessite un avis médical spécialisé.
Après le départ de Lucien C., le pharmacien indique à son étudiante qu’il aurait été préférable de conseiller un hépatoprotecteur avec l’HE d’origan compact (voir encadré).
À RETENIR
Les HE à phénols sont hépatotoxiques. Leur durée d’utilisation doit rester limitée (sauf avis médical) et s’accompagner d’un traitement hépatoprotecteur.

PROTECTION HÉPATIQUE

Protection hépatique
Quand ?

• Une protection hépatique s’avère indispensable lors de l’utilisation par voie orale (ou rectale) d’huiles essentielles hépatotoxiques, même lors d’un traitement de courte durée.

• La protection doit couvrir toute la durée du traitement par aromathérapie.

• Les principales huiles essentielles hépatotoxiques sont les huiles essentielles à phénols : thym à thymol, thym à carvacrol, sarriette des montagnes, origan compact, giroflier, cannelle (feuille)...

• L’administration par voie orale d’huiles essentielles phénolées est à éviter chez les patients souffrant d’une atteinte ou d’une insuffisance hépatique.
Comment ?
En associant les huiles essentielles hépatotoxiques avec :
des plantes hépatoprotectrices (première intention) : – le chardon-Marie (Silybum marianum) dont est extraite la silymarine. Ce composé a fait les preuves de son efficacité. La silymarine se retrouve dans la composition d’un médicament, Légalon, indiqué dans les troubles fonctionnels digestifs observés au cours des hépatopathies, – l’artichaut (Cynara scolymus), – le radis noir (Raphanus sativus), – la fumeterre (Fumaria officinalis),
des huiles essentielles hépatoprotectrices : – citron, carotte, thym vulgaire à thuyanol, – romarin officinal à verbénone (HE à cétones).

CAS  8 EFFETS INDÉSIRABLES 

SOLEIL ENNEMI

C’est l’été. En enfilant son maillot de bain pour aller à la plage, Barbara a remarqué sur ses cuisses une cellulite disgracieuse. Dans le but de faire disparaître cet effet peau d’orange, elle souhaite se préparer une formule lue dans un magazine : « HE de citron + HE de cyprès + huile végétale de noisette, à appliquer matin et soir en massage ». Elle explique son problème à la pharmacienne et lui présente la recette.

ANALYSE DU CAS

Si l’HE de citron est une essence qui favorise la microcirculation et améliore l’effet peau d’orange, elle est cependant phototoxique.
L’essence de citron (Citrus limonum) est, comme toutes les essences de citrus, composée de furocoumarines.
Sous l’action des rayonnements solaires, les furocoumarines risquent de provoquer en quelques heures (réaction possible jusqu’à 24-48 heures après l’application) une réaction cutanée douloureuse, érythémateuse, de type dermite aiguë, et entraîner une hyperpigmentation qui peut persister longtemps.
La réaction soleil-furocoumarines favorise également la carcinogenèse.
Si la phototoxicité de ces essences est avérée en cas d’application cutanée, le risque reste théorique en cas d’administration par voie orale.


CONDUITE À TENIR

La pharmacienne déconseille à Barbara l’application d’HE de citron en période d’exposition solaire en lui expliquant les risques de phototoxicité.
Barbara voulant profiter du soleil, la pharmacienne propose alors des alternatives plus adaptées : HE de lemongrass, de cèdre de l’Atlas et/ou d’eucalyptus citronné, qui ne présentent pas de phototoxicité, à diluer dans une huile végétale ou, pour une synergie d’action, un gel à la caféine (préparation extemporanée).
Attention !
Les essences de zestes d’agrumes sont phototoxiques. Elles ne doivent pas être utilisées en période d’exposition solaire.

CAS  9 EFFETS INDÉSIRABLES 

LE PRIX DE LA RÉUSSITE

Nour doit passer un entretien d’embauche dans 2 jours. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle demande un conseil en aromathérapie pour l’aider à se détendre. Marie-Jo, la préparatrice, lui propose de l’HE de laurier noble, à appliquer juste avant l’entretien sur le plexus solaire. Le lendemain de son entretien, Nour revient à l’officine avec des plaques rouges inflammatoires et prurigineuses sur le torse…

ANALYSE DU CAS

L’HE de laurier noble (Laurus nobilis) contient des lactones sesquiterpéniques, molécules pouvant être responsables d’allergie malgré leur présence en faible quantité.
Après application, une réaction allergique peut apparaître rapidement (démangeaisons, rougeur, inflammation...) et s’étendre au-delà de la zone d’application.
Il est recommandé de faire un test de tolérance cutanée avant d’utiliser une HE, surtout chez les sujets sensibles (terrain atopique, allergies existantes), et notamment avec les HE à risque allergique élevé : HE à lactones sesquiterpéniques ou cinnamaldéhyde.
En pratique, il faut appliquer une goutte d’HE (diluée dans 5 gouttes d’huile végétale) sur le pli du coude ou à l’intérieur du poignet et attendre 24 heures. En cas de réaction cutanée, l’application ultérieure sur la peau est contre-indiquée.


CONDUITE À TENIR

Marie-Jo est désolée de ne pas avoir rappelé la nécessité d’un test de tolérance.
Elle propose à Nour une crème apaisante. En l’absence d’amélioration, une consultation médicale sera nécessaire.
Par ailleurs, l’utilisation d’HE de laurier noble est désormais contre-indiquée pour Nour.
À retenir
Faire un test de tolérance au niveau du pli du coude avant l’administration d’une HE, surtout chez les patients sensibles (terrain atopique ou allergies avérées).

CAS  10 PROFILS PARTICULIERS 

TOUX VA MAL

Le papa de Charlie, 3 ans et demi, se présente à la pharmacie avec une liste de produits à acheter : « Nous partons en Espagne pour les vacances et notre fille commence à tousser. Une toux plutôt grasse. Ma femme m’envoie chercher ces médicaments au cas où... Du sérum physiologique, des suppositoires de Coquelusédal et un flacon de Doliprane si Charlie a de la fièvre. J’espère qu’elle ira mieux rapidement. La dernière fois qu’elle a fait un pic de température, nous avons dû l’amener à l’hôpital car elle a eu des convulsions. » Cette remarque interpelle le pharmacien.

ANALYSE DU CAS

Les suppositoires Coquelusédal Enfant sont composés notamment d’HE de niaouli (Melaleuca quinquenervia), aux propriétés anti-infectieuses, utilisée dans les affections bronchiques.
Selon l’ANSM, le rapport bénéfice/risque de ces suppositoires chez l’enfant et le nourrisson est défavorable. Les dérivés terpéniques peuvent abaisser le seuil épileptogène et plusieurs atteintes neurologiques, essentiellement des convulsions, des somnolences et des agitations, ont été relevées.
Depuis 2011, les suppositoires contenant des dérivés terpéniques sont contre-indiqués chez les enfants de moins de 30 mois et les enfants ayant des antécédents de convulsions fébriles ou d’épilepsie.
Les dérivés terpéniques incriminés par l’ANSM sont le camphre, le cinéole, le niaouli, le thym sauvage, le terpinol, la terpine, le citral, le menthol, les HE d’aiguille de pin, d’eucalyptus et de térébenthine A noter : cette liste associe à la fois des composés chimiques entrant dans la composition de certaines HE et des HE dont les espèces restent imprécises.

CONDUITE À TENIR

Le pharmacien alerte le père de Charlie sur le fait que les suppositoires de Coquelusédal ne doivent pas être utilisés chez sa fille.
Pour soigner Charlie, le pharmacien recommande d’utiliser du sérum physiologique pour laver les fosses nasales et propose d’autres alternatives à Coquelusédal : un fluidifiant et expectorant, voire un médicament de phytothérapie (sirop de lierre grimpant par exemple) qui existent sous forme buvable.
Enfin, le pharmacien rassure le père de Charlie : les convulsions fébriles sont en général uniques : elles ne se reproduisent au cours d’un autre épisode fébrile que dans 30 % des cas.
à retenir
Les suppositoires contenant des dérivés terpéniques sont contre-indiqués chez les nourrissons de moins de 30 mois et les enfants ayant des antécédents d’épilepsie ou de convulsions fébriles.

CAS  11 PROFILS PARTICULIERS 

NAUSÉES DU MATIN, CHAGRIN

Victoire, enceinte de 2 mois et demi, se plaint à la pharmacienne de nausées qui lui rendent son quotidien inconfortable : « Je ne supporte plus les odeurs de cuisine et, dès que je sens l’odeur du café, j’ai des nausées. Le matin surtout. Auriez-vous quelque chose ? Je ne veux surtout pas prendre de médicament, avec tout ce qu’on entend... J’ai lu que l’HE de menthe poivrée soulageait efficacement les nausées. C’est de l’aromathérapie, c’est naturel, ça ne peut pas faire de mal, ni à mon bébé ni à moi. »

ANALYSE DU CAS

De façon générale, les HE doivent être évitées au cours de la grossesse.
L’HE de menthe poivrée (Mentha piperita), proposée en cas de nausées et vomissements, est quant à elle formellement contre-indiquée chez la femme enceinte en raison de la présence de menthone.
La menthone, comme toutes les cétones, présente une double toxicité, neurotoxique et abortive.
Toutefois, si la voie orale reste fortement déconseillée chez la femme enceinte quelle que soit l’HE utilisée, certains divs préconisent la voie cutanée pour les HE les plus douces (lavande, ravintsara, bois de rose, citron…), à condition de diluer l’HE (jusqu’à 10 %) et de se limiter à un traitement localisé, en évitant la ceinture abdominale.
La voie respiratoire peut aussi être proposée lorsque l’HE s’y prête (éviter les HE caustiques).


CONDUITE À TENIR

La pharmacienne explique à Victoire qu’elle ne doit pas utiliser d’HE de menthe poivrée pendant sa grossesse car elle est dangereuse pour son bébé.
Elle propose, comme alternative, de l’HE de citron, à utiliser par voie olfactive, simplement en passant le nez au-dessus du flacon en cas de besoin. Les HE de gingembre voire de camomille romaine, utilisées en olfaction, se montrent aussi efficaces.
Victoire peut également essayer les hydrolats de menthe ou de citron (voir ci-dessous) par voie orale.
À retenir
L’utilisation d’HE par voie orale est déconseillée chez la femme enceinte. Les HE à cétones sont formellement contre-indiquées.
L’hydrolat

• L’hydrolat est obtenu après distillation par entraînement à la vapeur d’eau. Il est constitué par la vapeur recondensée et séparée de l’huile essentielle.

• Sa composition est différente de l’HE de par sa nature hydrophile. On estime qu’il contient entre 0,05 et 0,5 % des composants de l’HE (1 % pour les hydrolats de haute qualité), une dose bien trop faible pour être à l’origine d’une iatrogénie.

• Beaucoup moins concentré et puissant que les HE, l’hydrolat est une bonne alternative pour les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes pour qui les HE sont habituellement déconseillés. Il est adapté à toutes les voies d’administration.

• Moins stable que l’HE, il s’altère rapidement au contact de l’oxygène et se conserve moins longtemps après ouverture (1 an).

CAS  12 PROFILS PARTICULIERS 

A BOUT DE SOUFFLE

Melchior, 27 ans, patient bien connu de la pharmacie : « Mon ordonnance est périmée. Pouvez-vous me dépanner d’un flacon de Ventoline le temps que j’aille chez le médecin ? Je tousse depuis 2 jours. Pour me soulager, ma compagne diffuse le soir une huile essentielle d’eucalyptus globuleux, mais, depuis, j’ai l’impression que c’est pire et je sens que j’ai du mal à respirer ! » Le pharmacien fronce les sourcils...

ANALYSE DU CAS

La diffusion atmosphérique d’une part, l’utilisation de l’HE d’eucalyptus globuleux d’autre part, peuvent provoquer une crise chez le patient asthmatique.
L’HE d’eucalyptus globuleux (Eucalyptus globulus) est naturellement riche en un oxyde terpénique, le 1,8-cinéole ou eucalyptol (plus de 70 %).
Les HE contenant naturellement du 1,8-cinéole doivent être employées avec précaution chez les patients asthmatiques car, asséchantes, elles peuvent irriter les voies aériennes et déclencher une crise d’asthme.
Les HE rectifiées ou contenant du 1,8-cinéole de synthèse, plus irritantes, sont, elles, à éviter strictement.
Par ailleurs, la diffusion atmosphérique est contre-indiquée chez le patient asthmatique.


CONDUITE À TENIR

Le pharmacien dépanne Melchior d’un flacon de Ventoline, mais celui-ci doit rapidement consulter son médecin pour évaluer son état.
Il précise à Melchior de ne plus utiliser d’HE riche en 1,8-cinéole au risque de déclencher une nouvelle crise d’asthme.
Il insiste aussi pour qu’aucune HE ne soit diffusée en sa présence et que la pièce soit aérée avant son entrée. Les inhalations sont également proscrites, sauf avis médical.
Attention !
L’emploi des HE à 1,8-cinéole chez les patients asthmatiques impose une certaine prudence, surtout en présence de cinéole de synthèse ou d’HE rectifiées, plus irritants.

CAS  13 PROFILS PARTICULIERS 

A CAUSE DES HORMONES

Anastasia, 58 ans, a subi une mastectomie après un cancer du sein hormonodépendant, il y a 2 ans. Aujourd’hui, elle confie à la jeune préparatrice : « J’ai les jambes lourdes. Je travaille debout toute la journée et, le soir, mes pieds sont gonflés. » La préparatrice l’oriente vers l’HE de cyprès toujours vert, aux propriétés phlébotoniques, qui pourrait l’aider dans un premier temps. Mais le pharmacien intervient.

ANALYSE DU CAS

L’HE de cyprès toujours vert (Cupressus sempervirens) est constituée de cédrol, un sesquiterpénol aux propriétés décongestionnantes veineuses et lymphatiques. Cette huile essentielle est surtout conseillée dans les troubles circulatoires (jambes lourdes, varices...). Elle est aussi utilisée dans les affections de l’arbre respiratoire, les congestions prostatiques et pelviennes, ou comme rééquilibrant nerveux.
Le cédrol possède par ailleurs des propriétés œstrogéniques. Son utilisation chez les patients souffrant de mastose (tumeur bénigne du sein susceptible d’évoluer en cancer) ou de cancer et antécédents personnels ou familiaux de cancer hormonodépendant est formellement contre-indiquée.
Cette contre-indication concerne la plupart des HE aux propriétés décongestionnantes veineuses (genévrier de Virginie, sauge sclarée…) contenant des composés œstrogène-like.

CONDUITE À TENIR

Le pharmacien explique à sa patiente que l’HE de cyprès toujours vert lui est contre-indiquée en raison de son antécédent de cancer du sein hormonodépendant.
Il lui propose d’autres HE dépourvues de composés œstrogènes pour soulager ses jambes lourdes : de l’HE de citron, mélangée ou non à quelques gouttes d’hélichryse italienne, plus coûteuse, dans une huile végétale, en massage depuis la cheville vers la cuisse.
À retenir
L’HE de cyprès toujours vert, comme toutes les HE aux propriétés œstrogène-like, est contre-indiquée en cas d’antécédent de cancer hormono-dépendant.

CAS  14 INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

ÇA VA SAIGNER !

Ruth K., 72 ans, souffre d’arthrose. Déposant un gel aux HE sur le comptoir, elle demande : « J’ai mal au genou mais, avec Préviscan, le médecin m’interdit les anti-inflammatoires, même en crème ! Ma sœur achète ce gel qui lui fait beaucoup de bien. Qu’en pensez-vous ? » La préparatrice repère de la gaulthérie dans la composition du gel : « J’ai bien peur que ce produit ne soit pas adapté. »

ANALYSE DU CAS

L’HE de gaulthérie couchée (Gaultheria procumbens) est un puissant anti-inflammatoire et antalgique, et possède une action révulsive (qui provoque un afflux de sang). Elle est un antirhumatismal de référence.
L’HE de gaulthérie couchée possède par ailleurs un effet anticoagulant.
Sa particularité est de contenir plus de 95 % de salicylate de méthyle, un dérivé salicylé qui présente les mêmes propriétés et les mêmes contre-indications que l’aspirine.
L’HE de gaulthérie couchée ne doit donc pas être conseillée chez les patients sous antivitamines K ou anticoagulants oraux directs en raison de l’augmentation du risque hémorragique. Cette contre-indication doit être respectée pour toutes les voies d’administration.
D’autres HE conseillées dans les douleurs articulaires sont légèrement anticoagulantes : lavande vraie et lavandins, eucalyptus citronné notamment.
Les essences de citrus ainsi que l’HE d’hélichryse italienne, proposées dans autres indications sont également fluidifiantes et contre-indiquées avec les anticoagulants.


CONDUITE À TENIR

La préparatrice explique à Mme K. que le produit qu’elle a choisi lui est contre-indiqué.
Elle lui conseille d’autres HE aux propriétés antalgiques (genévrier, géranium rosat, gingembre ou, plus confidentielle, katrafay) qui ne présentent pas ces inconvénients.
à retenir
L’HE de gaulthérie, contenant plus de 95 % de salicylate de méthyle, fluidifie le sang et suit les mêmes contre-indications que l’aspirine.

CAS  15 INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

A DÉCALER

Archibald renouvelle son ordonnance d’homéopathie. Il en profite pour demander à son pharmacien : « J’ai des lourdeurs d’estomac après chaque repas. Je voudrais de l’HE de menthe poivrée. » Le pharmacien met en garde Archibald.

ANALYSE DU CAS

L’HE de menthe poivrée peut gêner l’absorption des médicaments homéopathiques pris par voie orale.
L’HE de menthe poivrée (Mentha piperita) contient du menthol, aux propriétés vasoconstrictrices. Elle est ainsi susceptible de réduire l’absorption à travers la muqueuse buccale des médicaments homéopathiques.
Ces derniers doivent être pris à distance des repas et des produits contenant du menthol : dentifrices mentholés, bonbons... et HE de menthe.


CONDUITE À TENIR

Le pharmacien recommande d’attendre 30 minutes entre l’administration des médicaments homéopathiques et celle de l’HE de menthe poivrée, en commençant par l’homéopathie.
Attention !
L’HE de menthe poivrée per os est à éviter avec les médicaments homéopathiques par voie orale car elle est susceptible de réduire leur absorption à travers la muqueuse buccale.

HE DE MENTHE POIVRÉE ET MÉDICAMENTS

HE de menthe poivrée et médicaments

• Selon plusieurs études cliniques, l’HE de menthe poivrée per os augmente les concentrations plasmatiques de principes actifs métabolisés par le CYP3A4 (félodipine notamment). Mais ces résultats, obtenus sur un petit panel et avec des doses d’HE de menthe poivrée supérieures aux doses recommandées en aromathérapie, méritent d’autres investigations.

• L’application d’HE de menthe poivrée associée à des topiques cutanés (notamment le 5-FU) pourrait augmenter l’absorption de leurs principes actifs.

EN PRATIQUE 

BON USAGE DES HE

La Pharmacopée européenne définit une huile essentielle comme « un produit odorant, généralement de composition complexe, obtenu à partir d’une matière première végétale botaniquement définie [plantes aromatiques], soit par entraînement à la vapeur d’eau, soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique approprié sans chauffage ». Habituellement, les professionnels de l’aromathérapie utilisent des produits issus de la distillation par entraînement à la vapeur d’eau ou de l’expression à froid (appelés aussi « essences »). Véritable concentré de composés chimiques, les HE peuvent être à l’origine de nombreux cas d’iatrogénie. Les huiles essentielles ne peuvent remplacer la médecine conventionnelle.

QUALITÉ DES HE LA MATIÈRE PREMIÈRE

La certification botanique et biochimique de la plante utilisée doit être précisée systématiquement pour éviter les confusions entre espèces proches de composition chimique différente : nom commun de la plante aromatique et dénomination botanique latine (genre et espèce, et, s’ils existent, sous-espèce, variété, hybride), organe producteur, chémotype, origine géographique de la plante.
Les HE issues d’espèces sauvages ou de culture biologique sont à privilégier.


L’HUILE ESSENTIELLE

Pour assurer une bonne qualité, l’HE doit être :
– pure : la distillation doit durer suffisamment longtemps pour inclure la fraction de tête (composés aromatiques les plus volatils) et la fraction de queue (molécules plus lourdes et moins volatiles, pouvant être entraînées après plusieurs heures de distillation) ;
– naturelle : sans ajout de molécules de synthèse et non reconstituée, car elle risque d’être plus agressive qu’une HE naturelle. Par ailleurs, l’HE ne doit pas être déterpénée ou désesquiterpénée (pouvant entraîner un déséquilibre chimique), ni colorée...
– intégrale : exempte d’autres HE aux caractéristiques proches mais à moindre prix.
Il est recommandé de vérifier la qualité de l’HE fournie en s’appuyant sur les monographies de contrôle de la Pharmacopée (européenne ou française) et/ou en demandant au fabriquant le chromatogramme du lot fourni.


TOXICITÉ DES HE R ÉACTIONS ALLERGIQUES

Les lactones sesquiterpéniques (ex. : laurier noble) ou les aldéhydes aromatiques (ex. : cannelle), surtout lorsqu’ils sont utilisés par voie externe, peuvent être responsables de réactions allergiques.
Linalol, géraniol, citronellol, citral, eugénol ou limonène sont également sensibilisants. Sur le long terme, toutes les HE sont susceptibles d’entraîner un phénomène de sensibilisation. Un test cutané sur le pli du coude ou à l’intérieur du poignet est à effectuer avant toute utilisation.


DERMOCAUSTICITÉ ET IRRITATION CUTANÉE

Les HE riches en phénols et en aldéhydes aromatiques, et dans une moindre mesure les aldéhydes terpéniques, sont caustiques pour la peau et les muqueuses, responsables d’une sensation de brûlure intense et immédiate.
Appliquées pures, les HE à terpènes sont susceptibles d’entraîner une irritation cutanée plus modérée qui se manifeste par des rougeurs, une sensation de chaleur, un prurit… Pour limiter ce risque, la dilution de ces HE dans un véhicule lipophile est obligatoire (par prudence, toutes les HE s’utilisent diluées).


PHOTOTOXICITÉ

Les essences d’agrumes et HE d’angélique ou de khella, appliquées par voie cutanée, présentent un risque de phototoxicité. Le risque reste toutefois théorique lors de l’administration par voie orale. Lors de l’utilisation de ces HE, il est recommandé d’éviter toute exposition solaire.


HÉPATOTOXICITÉ

Les HE à phénols peuvent entraîner une toxicité hépatique lorsqu’elles sont utilisées au long cours et à doses élevées. Dans ce cas, il convient d’associer systématiquement un protecteur hépatique (chardon-Marie,…).

LES RÈGLES DE CONSERVATION

Les règles de conservation

• HE et essences sont fragiles et se conservent à l’abri :
– de la lumière, dans un flacon en verre teinté,
– de l’air, dans un flacon fermé hermétiquement pour éviter le phénomène d’oxydation,
– de l’humidité,
– de la chaleur, dans un endroit frais de préférence.

• Dans ces conditions, une HE peut se conserver jusqu’à 5 ans ; les essences de citrus, plus fragiles, se conservent au maximum 1 an.

• Conserver de préférence les HE dans l’armoire à pharmacie, dans leur conditionnement secondaire, et hors de portée des enfants.

NEUROTOXICITÉ

Les HE à cétones (camphre, thuyone, menthone...) sont neurotoxiques. Pour cette raison, certaines d’entre elles sont réservées au monopole pharmaceutique. L’utilisation d’HE à anéthole (fenouil...) est soumise à prescription médicale.
D’autres HE exposent aussi à des troubles neurologiques comme l’HE à 1,8-cinéole ou eucalyptol (Eucalyptus globulus...), épileptogènes à fortes doses, et certaines HE de lavande (stœchade), excitantes à haute dose.
Il faut donc éviter l’utilisation de ces HE chez les enfants et les patients souffrant de troubles neurologiques.


NÉPHROTOXICITÉ

La prise orale sur une longue période d’HE riches en monoterpènes peut avoir des répercussions sur le rein et détériorer les néphrons. Ces HE sont à proscrire chez les insuffisants rénaux et à utiliser avec prudence chez les sujets à risque (personnes âgées…).


ACTIVITÉ HORMONALE

Certaines HE ont une action sur le système endocrinien :
– cortisone-like : HE à monoterpènes, en particulier HE de pins, sapins, épinette...
– œstrogène-like : HE à sesquiterpénols (sauge sclarée, cyprès toujours vert...) ou à anéthole (fenouil...),
– HE hypothyroïdiennes : HE de myrrhe...
– HE hyperthyroïdiennes : HE de myrte, giroflier...
Ces HE sont contre-indiquées en cas de grossesse et de cancers hormonodépendants.

RISQUES CARCINOGÈNES

Certaines HE ont montré un risque réel carcinogène sur des modèles animaux et ne sont pas utilisées en aromathérapie (ex. : sassafras). La cancérogénicité d’autres HE, notamment à méthylchavicol (ex. : basilique exotique), a été évoquée mais non démontrée à ce jour. Leur emploi doit rester ponctuel. Elles doivent être proscrites chez l’enfant et les patients cancéreux ou ayant un antécédent de cancer.


MODALITÉS D’ADMINISTRATION DURÉE DE TRAITEMENT

L’utilisation ponctuelle est à privilégier. Lors de pathologies aiguës, le traitement se limite à 5 jours, parfois 10 jours.
L’utilisation sur le long terme ne se fait que sur avis médical, par cures de 3 semaines à renouveler après un arrêt de 7 à 10 jours, ou 5 jours sur 7.


MODE D’UTILISATION

Les HE doivent être utilisées diluées dans un excipient approprié (voir page 5 ). Lipophiles, les HE sont totalement solubles dans l’alcool à 90° et les huiles végétales, partiellement solubles dans les teintures mères et les macérats glycérinés, insolubles dans l’eau.

LE POIDS DES GOUTTES

Le poids des gouttes
Selon les différents systèmes proposés, le poids des gouttes d’HE peut varier, exposant à un risque de surdosage. Pour la majorité des fabricants, 1 goutte = 40 mg.
A titre indicatif, selon le compte-gouttes capillaire référencé à la Pharmacopée : 1 goutte = 20 mg
Se renseigner auprès du fabricant pour connaître le poids des gouttes.

PRÉVENIR L’IATROGÉNIE

Les questions à se poser lors de la délivrance des HE

QUEL EST LE PROFIL DU PATIENT ?

Quel est le profil du patient ?

FEMME ENCEINTE : PAS D’HE, SAUF AVIS MÉDICAL.

Femme enceinte :pas d’HE, sauf avis médical.

ENFANT : AVANT 6 ANS, SE LIMITER AUX HE LES PLUS DOUCES (LAVANDE VRAIE, RAVINTSARA…) ET À LA VOIE CUTANÉE. UN AVIS MÉDICAL EST RECOMMANDÉ AVANT 3 ANS.

Enfant :avant 6 ans, se limiter aux HE les plus douces (lavande vraie, ravintsara…) et à la voie cutanée. Un avis médical est recommandé avant 3 ans.

PATIENT ASTHMATIQUE : DIFFUSION ATMOSPHÉRIQUE ET INHALATION CONTRE-INDIQUÉES. EVITER L’UTILISATION D’HE RICHES EN 1,8-CINÉOLE (EUCALYPTOL).

Patient asthmatique :diffusion atmosphérique et inhalation contre-indiquées. Eviter l’utilisation d’HE riches en 1,8-cinéole (eucalyptol).

 INSUFFISANT RÉNAL, PERSONNE ÂGÉE   : ÉVITER LES HE DE GENÉVRIER, NÉPHROTOXIQUES.

 Insuffisant rénal, personne âgée :éviter les HE de genévrier, néphrotoxiques.

INSUFFISANTS HÉPATIQUES : ÉVITER LES HE DE THYM À THYMOL, DE SARRIETTE DES MONTAGNES, D’ORIGAN COMPACT, DE GIROFLE… RICHES EN PHÉNOLS.

Insuffisants hépatiques :éviter les HE de thym à thymol, de sarriette des montagnes, d’origan compact, de girofle… riches en phénols.

PATIENTS ATTEINTS D’UN CANCER : – CANCERS HORMONODÉPENDANTS : HE DE SAUGE SCLARÉE OU DE CYPRÈS TOUJOURS VERT CONTRE-INDIQUÉES ; L’UTILISATION DE NIAOULI EST DISCUTÉE ; – TOUS LES CANCERS : ÉVITER L’HE DE BASILIQUE EXOTIQUE OU D’ESTRAGON.

Patients atteints d’un cancer : – cancers hormonodépendants : HE de sauge sclarée ou de cyprès toujours vert contre-indiquées ; l’utilisation de niaouli est discutée ; – tous les cancers : éviter l’HE de basilique exotique ou d’estragon.

PATIENT ÉPILEPTIQUES, ANTÉCÉDENTS DE CONVULSIONS : LES TERPÈNES SONT CONTRE-INDIQUÉS. EVITER LES HE À CÉTONES OU À ANÉTHOLE.

Patient épileptiques, antécédents de convulsions :les terpènes sont contre-indiqués. Eviter les HE à cétones ou à anéthole.

LE PATIENT PREND-IL D’AUTRES MÉDICAMENTS ?

Le patient prend-il d’autres médicaments ?

ANTICOAGULANTS : LES HE DE GAULTHÉRIE COUCHÉE, D’HÉLICHRYSE ITALIENNE AINSI QUE LES ESSENCES DE CITRUS SO NT CONTRE-INDIQUÉES.

Anticoagulants :les HE de gaulthérie couchée, d’hélichryse italienne ainsi que les essences de Citrus sont contre-indiquées.

LE PATIENT CONNAÎT-IL LES MODALITÉS DE PRISE ?

Le patient connaît-il les modalités de prise ?

VOIE CUTANÉE : TOUJOURS DILUER LES HE DANS UN EXCIPIENT LIPOPHILE, DE 1 % À 50 %.

Voie cutanée :toujours diluer les HE dans un excipient lipophile, de 1 % à 50 %.

VOIE ORALE ET SUBLINGUALE : COMPTER 6 GOUTTES PAR JOUR (HE SEULE OU MÉLANGE D’HE) EN FRACTIONNANT LES PRISES, À DILUER DANS UN VÉHICULE APPROPRIÉ.

Voie orale et sublinguale :compter 6 gouttes par jour (HE seule ou mélange d’HE) en fractionnant les prises, à diluer dans un véhicule approprié.

DIFFUSION : QUELQUES GOUTTES D’HE NON IRRITANTES POUR LA MUQUEUSE RESPIRATOIRE, À DIFFUSER PENDANT 10 À 15 MIN.

Diffusion :quelques gouttes d’HE non irritantes pour la muqueuse respiratoire, à diffuser pendant 10 à 15 min.

COMMENT PRÉVENIR LES EFFETS INDÉSIRABLES ?

Comment prévenir les effets indésirables ?

• Sélectionner des HE identifiées chimiquement, définies botaniquement, 100 % pures, naturelles et intégrales.

• Conserver les HE à l’abri de l’air, de la lumière, de l’humidité et de la chaleur.

• Toujours faire un test cutané avant l’utilisation d’une HE.

• Se limiter à un traitement de courte durée (5 à 10 jours).

• Associer une protection hépatique aux HE à phénols.

• Ne pas appliquer d’essence de Citrus avant une exposition solaire.

COMMENT GÉRER LES EFFETS INDÉSIRABLES ?

Comment gérer les effets indésirables ?

INTOXICATION PAR INGESTION ACCIDENTELLE OU SURDOSAGE : SE RINCER PLUSIEURS FOIS LA BOUCHE, PRENDRE UNE COLLATION ET APPELER LE CENTRE ANTIPOISON. CONTACTER LE SAMU EN CAS DE TROUBLES RESPIRATOIRES, DIGESTIFS OU NERVEUX SÉVÈRES.

 Intoxication par ingestion accidentelle ou surdosage :se rincer plusieurs fois la bouche, prendre une collation et appeler le centre antipoison. Contacter le SAMU en cas de troubles respiratoires, digestifs ou nerveux sévères.

IRRITATION CUTANÉE : PASSER LA ZONE IRRITÉE SOUS L’EAU PENDANT 15 MINUTES. APPLIQUER UNE HUILE VÉGÉTALE OU UNE CRÈME APAISANTE.

Irritation cutanée : passer la zone irritée sous l’eau pendant 15 minutes. Appliquer une huile végétale ou une crème apaisante.

INHALATION D’HE IRRITANTE : SORTIR DE LA PIÈCE. EN CAS DE DIFFICULTÉS RESPIRATOIRES, DE CRISE D’ASTHME, COMPOSER LE 15 (SAMU).

Inhalation d’HE irritante :sortir de la pièce. En cas de difficultés respiratoires, de crise d’asthme, composer le 15 (SAMU).

CONTACT OCULAIRE : RINCER IMMÉDIATEMENT L’ŒIL À L’EAU TIÈDE PENDANT UN QUART D’HEURE. SI DES SYMPTÔMES D’IRRITATION PERSISTENT 2 HEURES APRÈS LE RINÇAGE, ORIENTER VERS UN OPHTALMOLOGU E.

Contact oculaire :rincer immédiatement l’œil à l’eau tiède pendant un quart d’heure. Si des symptômes d’irritation persistent 2 heures après le rinçage, orienter vers un ophtalmologue.

LE PATIENT CONNAÎT-IL LES LIMITES DE L’AROMATHÉRAPIE ?

Le patient connaît-il les limites de l’aromathérapie ?

• Naturel ne signifie pas dénué de toxicité.

• L’aromathérapie ne remplace pas le traitement médicamenteux dans les pathologies lourdes.

• Consulter si aucune amélioration n’est observée après quelques jours d’utilisation.

Principales familles chimiques ( suite )

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