L’insomnie - Le Moniteur des Pharmacies n° 3274 du 18/05/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3274 du 18/05/2019
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  ALEXANDRA BLANC  ET  ANNE-HÉLÈNE COLLIN , PHARMACIENNES 

ANALYSE D’ORDONNANCE 

MME V., 46 ANS, SOUFFRE D’INSOMNIE

Le cas : Mme V., 46 ans, souffre depuis quelques semaines de difficultés d’endormissement liées à des soucis professionnels et au décès accidentel d’un ami proche. Mme V. a consulté son médecin généraliste ce matin car la prescription d’alimémazine datant de quelques jours est sans effet.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Mme V., 46 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Son médecin généraliste.


L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

Oui, mais elle ne pourra pas couvrir la durée de prescription indiquée. La délivrance des benzodiazépines hypnotiques comme la zopiclone est en effet limitée à une durée de 4 semaines, non renouvelable, en raison d’un risque de tolérance et de dépendance pouvant s’installer après quelques semaines de prise.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Mme V. est divorcée et mère de deux jeunes adolescents. Patiente occasionnelle sans antécédents médicaux particuliers, elle est très affectée par le décès récent d’un ami proche dans un accident de la route, drame qui s’ajoute à un stress professionnel.
Il y a une dizaine de jours, fatiguée par plusieurs nuits d’insomnie, elle a consulté son médecin généraliste qui lui a prescrit un antihistaminique hypnotique le soir, l’alimémazine (Théralène), pour l’aider à se détendre. Le médecin avait alors expliqué que ce médicament serait facile à arrêter car il provoque peu de risque d’accoutumance. Mme V. s’était sentie rassurée car elle s’inquiétait de tomber sous l’emprise d’un somnifère.


QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?

Malgré un léger effet apaisant le soir, l’antihistaminique prescrit ne suffit pas : Mme V. ne parvient pas à s’endormir avant 1 h ou 2 h du matin et les grasses matinées et les siestes qu’elle parvient parfois à faire le week-end lorsqu’elle ne s’occupe pas de ses enfants ne suffisent pas à récupérer. Epuisée, elle a à nouveau consulté son médecin généraliste car elle a peur de ne plus être capable de gérer sa vie familiale et professionnelle si elle ne parvient pas à mieux dormir.


QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?

Le médecin a proposé la prescription d’un somnifère plus efficace pour induire le sommeil. Il a indiqué à Mme V. qu’elle pouvait le prendre quelques jours d’affilée, sur deux semaines environ, pour « récupérer » puis lui a conseillé d’espacer les prises progressivement, en fonction de l’amélioration de son sommeil, jusqu’à arrêter la prise de l’hypnotique. Il a demandé à la patiente de le tenir informé dans les jours qui viennent de l’effet du traitement.

VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE PATIENT

Le dossier pharmaceutique (DP) indique la délivrance d’alimémazine il y a 7 jours et il y a 2 mois d’amoxicilline, d’hydrocortisone, d’un vasoconstricteur nasal (Deturgylone) et de magnésium. Il est également mentionné ces dernières semaines la délivrance de médicaments homéopathiques et de phytothérapie à visée sédative.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

La zopiclone est une molécule apparentée aux benzodiazépines et indiquée comme hypnotique, de demi-vie d’élimination courte (environ 5 heures). Elle a aussi des propriétés communes à toutes les benzodiazépines : myorelaxante, anxiolytique, anticonvulsivante et amnésiante.


EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ?

Oui. Une benzodiazépine ou une molécule apparentée peut être indiquée si nécessaire en cas d’insomnie aiguë sur une courte période. Une molécule à demi-vie courte est généralement privilégiée pour limiter les effets résiduels diurnes. L’objectif est d’aider le patient, en souffrance psychique par rapport à un manque de sommeil, à passer un cap.
Il est nécessaire, dès la première prescription et quelle qu’en soit la durée, d’expliquer que le médicament ne résout pas les causes de l’insomnie et d’insister sur le caractère transitoire de cette prescription.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR CETTE PATIENTE ?

Non. La patiente ne souffre pas d’insuffisance respiratoire sévère ni d’apnée du sommeil contre-indiquant la prise d’une benzodiazépine.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui, la posologie recommandée de la zopiclone est de 7,5 mg par jour chez l’adulte.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Il est nécessaire, au moins à l’issue de la durée de prescription de l’hypnotique, de s’assurer de l’évolution des troubles. Si les troubles du sommeil perdurent, il faudra reconsidérer la souffrance psychique de la patiente et envisager par exemple une prise en charge psychologique.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Mme V. ayant recours pour la première fois à un hypnotique, apparenté aux benzodiazépines, des recommandations doivent être faites.


UTILISATION

Il faut expliquer qu’une prise sur quelques jours ne pose pas de problème de dépendance et, en améliorant le sommeil, va aider la patiente à se sentir mieux. Après 10 à 15 jours, Mme V. peut envisager d’arrêter progressivement le traitement, sous contrôle médical, si tout est rentré dans l’ordre.


LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Oui, la molécule a une action rapide avec généralement une induction du sommeil dans les 30 minutes suivant la prise.
Globalement, la durée du sommeil est augmentée de l’ordre d’une heure par nuit, en sachant que cet effet porte sur le sommeil lent léger essentiellement, et non sur le sommeil lent profond, le plus réparateur.


QUELS SONT LES EFFETS INDÉSIRABLES ?

La zopiclone est responsable d’une amertume buccale avec l’impression d’un goût métallique en bouche pouvant être très désagréable. Une sensation ébrieuse est possible, surtout en cas de lever dans les heures suivant la prise, ainsi qu’une baisse de vigilance, une somnolence et une amnésie antérograde (pour les faits récents). Plus rarement, des réactions paradoxales avec désinhibition, excitation, risque d’agressivité, parasomnies (somnambulisme) sont décrites.
Lorsque le traitement se prolonge plusieurs semaines, les risques de dépendance et de tolérance sont à considérer. La dépendance physique et psychique expose à un rebond d’insomnie et à un syndrome de sevrage à l’arrêt brutal du traitement dont les symptômes les plus fréquents sont des céphalées, une anxiété, des myalgies, une irritabilité, parfois une photophobie et/ou une hyperacousie. La tolérance se traduit par une diminution de l’action sédative et hypnotique pouvant conduire à augmenter les doses pour obtenir le même effet.


QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

Proposer de boire un peu d’eau si l’amertume buccale est gênante et/ou de se brosser les dents.
Des sensations ébrieuses en journée nécessitent de réduire la posologie.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

Des troubles du comportement (irritabilité, agressivité, agitation, etc.) nécessitent un avis médical.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Rappeler à Mme V. que la prise de l’alimémazine doit être arrêtée : l’association de 2 médicaments à effet sédatif n’apporte pas d’effet bénéfique supplémentaire mais risque de potentialiser les effets indésirables. Lui proposer de rapporter les comprimés restants d’alimémazine à la pharmacie.
Déconseiller la prise d’alcool pour ne pas majorer la sédation.
Rappeler à la patiente que l’hypnotique aura peu d’effet s’il n’est pas associé à des mesures comportementales propices au sommeil : proscrire l’utilisation des écrans dans la chambre et proposer de les éteindre (télévision, ordinateur, tablette, mobile) au moins 1 heure avant le coucher et même dès 20 h. Privilégier durant ce laps de temps des activités de détente (musique, lecture, etc.). Recommander de se lever à heure régulière, même le week-end et d’éviter les siestes pour ne pas compromettre l’endormissement à une heure raisonnable le soir. En cas de difficulté à s’endormir ou d’éveils nocturnes, conseiller de quitter la chambre après 20 minutes et de lire par exemple, plutôt que d’essayer de « forcer » le sommeil. 

qu’en pensez-vous ?

Mme V. ne veut surtout pas se réveiller somnolente le matin. Elle prenait 1 à 2 cp d’alimémazine 5 mg 3 minutes avant de se coucher. Vers quelle heure doit-elle prendre l’hypnotique ?

1) A la même heure que l’antihistaminique pour éviter tout effet résiduel le matin.

2) Juste au moment de se coucher, lorsque l’envie de dormir se fait ressentir.

Réponse : Le délai d’action des benzodiazépines hypnotiques est rapide (environ 30 minutes). La prise doit donc s’effectuer au moment du coucher, au lit, afin d’éviter tout accident lié à une altération des fonctions psychomotrices du patient. Inutile de vouloir se coucher avant son « heure habituelle » pour rattraper un manque de sommeil : l’hypnotique serait inefficace. Mme V. doit le prendre au moment où elle avait l’habitude de s’endormir avant la survenue de l’insomnie ou lorsque l’envie de dormir apparaît. La deuxième réponse est donc correcte. Il est recommandé classiquement de prévoir un délai d’au moins 8 heures entre la prise de l’hypnotique et une activité qui requiert de la vigilance, surtout les premiers jours afin d’évaluer sa sensibilité à la molécule.

qu’en pensez-vous ?

Mme V. revient à la pharmacie un mois plus tard. Elle ne prend plus qu’un demi-comprimé de zopiclone lorsqu’elle a besoin d’une bonne nuit de sommeil mais il ne lui en reste bientôt plus. Elle voudrait essayer la mélatonine, une solution naturelle pour se passer définitivement de l’hypnotique. Qu’en pensez-vous ?

1) C’est une bonne idée car il n’y a pas d’accoutumance ni d’effets indésirables.

2) Ce n’est pas une solution sur le long cours.

Réponse : La mélatonine n’a un effet inducteur du sommeil qu’à des doses élevées, employées dans des préparations magistrales. Aux doses autorisées dans les compléments alimentaires (< 2 mg), elle a un effet chronobiotique, c'est-à-dire qu’elle « rythme » les phases veille-sommeil. En conséquence, la prendre au mauvais moment peut déréguler l’horloge biologique interne. Par ailleurs, recourir à un complément alimentaire pour vouloir dormir risque d’aggraver le « cercle vicieux » de l’insomnie en entraînant une dépendance psychique avec l’« impression de devoir prendre absolument quelque chose pour dormir ». Il est préférable de refaire un point avec la patiente sur son hygiène du sommeil et, le cas échéant, de lui proposer de revoir son médecin ou l’orienter vers une prise en charge psychologique. La deuxième réponse est correcte.

Des approches alternatives, utiles lorsqu’il existe un stress et une tension nerveuse qui perpétuent les troubles du sommeil, s’avèrent bénéfiques chez certains patients et peuvent être proposées (acupuncture, yoga, tai-chi, méditation, etc.). Attention, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a mis en garde contre la forte médiatisation de certaines de ces techniques (hypnose, méditation pleine conscience notamment) qui peuvent conduire parfois à des dérives sectaires.

PATHOLOGIE 

L’INSOMNIE EN 5 QUESTIONS

Très fréquente en population générale, l’insomnie est définie par une plainte de mauvais sommeil associé à des répercussions diurnes. Si elle se chronicise, elle peut avoir des conséquences sévères sur la qualité de vie et la santé physique et psychique.

1 COMMENT DÉFINIR L’INSOMNIE ?

L’insomnie se caractérise par une plainte subjective de mauvais sommeil associé à des répercussions diurnes. On peut notamment classer l’insomnie :
- Selon sa durée : on parle d’insomnie d’ajustement (ou occasionnelle ou transitoire) si les troubles durent moins de 3 mois et d’insomnie chronique s’ils évoluent depuis plus de 3 mois.
- Selon la présence ou non de comorbidités :
- Insomnies non comorbides : sans causes évidentes retrouvées. Le plus souvent, un facteur initial stressant amène le patient à avoir un comportement inadapté (lever tard pour récupérer, siestes, etc.) et une angoisse liée au sommeil perpétue les troubles.
– Avec comorbidités : insomnie liée à une pathologie ou à la prise de médicaments ou de toxiques.
Le diagnostic suppose d’avoir éliminé certaines situations comme des troubles du rythme veille-sommeil ou un environnement impropre au sommeil.


2 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

Les causes de l’insomnie sont multifactorielles, en particulier dans l’insomnie chronique, faisant intervenir des facteurs prédisposants (personnalité, hérédité, etc.), des facteurs déclenchants (événements stressants, problèmes de santé) et des facteurs de maintien de l’insomnie comportementaux (mauvaise habitude de sommeil, etc.) ou cognitifs (ruminations).
Outre un âge avancé, le fait d’être une femme est un facteur de risque. L’hérédité joue également un rôle.
L’anxiété, le stress et la dépression seraient à l’origine de plus de la moitié des insomnies.
L’insomnie est plus fréquente chez les patients présentant des maladies chroniques : respiratoires, cardiovasculaires, neurologiques, rhumatologiques, etc. Elle peut être liée à des pathologies du sommeil (voir question 3, diagnostic).
Des médicaments (corticoïdes, bêtabloquants, antiparkinsoniens, hormones thyroïdiennes, etc.), la prise de psychostimulants (caféine, nicotine, cannabis, cocaïne, etc.), le sevrage d’un psychotrope ou d’un antalgique opioïde ou la prise d’alcool peuvent être en cause.
Enfin, certains événements peuvent désynchroniser l’horloge interne : décalage horaire, travail posté, travail de nuit.


3 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

La plainte doit porter sur le sommeil (difficultés d’endormissement et/ou de maintien du sommeil et/ou de réveil précoce) et le retentissement dans la journée (fatigue, somnolence, troubles de la concentration, irritabilité, etc.). L’insomnie chronique est définie par des troubles apparaissant au moins 3 nuits par semaine pendant plus de 3 mois.
L’interrogatoire explore les habitudes de vie, l’environnement de la chambre, les maladies associées ou les antécédents familiaux. Concernant les plaintes nocturnes, un délai d’endormissement supérieur à 30 minutes est généralement considéré comme long.
Des comorbidités sont recherchées comme la dépression et l’anxiété (le plus souvent en cause), les pathologies à l’origine de douleurs (rhumatismales, neurologiques, etc.) ou d’une gêne physique (reflux gastro-œsophagien, etc.) ou encore les pathologies du sommeil (syndrome des jambes sans repos, syndrome d’apnées du sommeil, etc.).
Les questionnaires du sommeil reprennent les différents éléments de l’interrogatoire afin d’être le plus exhaustif possible. Peuvent s’y ajouter des questionnaires d’évaluation de l’intensité de l’insomnie ou de la somnolence. La tenue d’un agenda du sommeil reflète la perception que le patient a de son sommeil et permet de suivre son évolution. L’actimétrie est un examen du rythme repos-activité qui permet d’objectiver la plainte et/ou de pallier des difficultés à « tenir » l’agenda du sommeil (adolescents, personnes âgées, etc.). Il est réalisé grâce à un actimètre porté au poignet jour et nuit durant une semaine et qui détecte l’accélération des mouvements. La polysomnographie n’est recommandée que dans des indications précises.


4 QU ELLES SONT LES CONSÉQUENCES ?

Le degré d’altération de la qualité de vie serait directement proportionnel à la sévérité de l’insomnie avec parfois des conséquences importantes à titre individuel ou collectif (accident de la route, etc.). L’insomnie est un facteur de risque de survenue d’une dépression et elle augmente le risque de consommation abusive d’alcool et de drogues.
Plusieurs études rapportent que la diminution du temps de sommeil augmente les risques métaboliques (prise de poids, diabète) et semble favoriser le risque d’hypertension artérielle chronique, d’AVC, d’insuffisance cardiaque et d’infarctus du myocarde.
Des études épidémiologiques ont montré qu’il existe une augmentation du risque de cancer du sein chez des femmes ayant un travail posté ou de nuit et que de courtes nuits de sommeil chez l’homme sont associées à un risque de développer un cancer de la prostate. Il est également établi qu’une durée de sommeil insuffisante rend l’organisme plus vulnérable aux infections.


5 QUELLES PARTICULARITÉS LIÉES À L’ÂGE ?

Chez l’enfant, l’insomnie est souvent en relation avec des « associations au coucher » inappropriées (bercement, contact physique prolongé, alimentation, biberon, etc.), une hygiène de sommeil inadaptée (siestes tardives, horaires irréguliers, environnement inadapté) ou à l’absence de limites adéquates générant un refus à se coucher.
Chez l’adolescent, un retard physiologique de l’horloge biologique interne qui survient à la puberté provoque un endormissement retardé par rapport à l’enfance. Peut s’y ajouter une exposition aux écrans tard le soir induisant une dette de sommeil que le jeune s’efforce de compenser par un lever tardif le week-end. Ce qui repousse l’heure du coucher et entretient le décalage : c’est le syndrome du retard de phase.
Chez les personnes âgées, la durée du sommeil nocturne diminue globalement et est souvent compensée par une sieste en journée. La sécrétion de la mélatonine tend également à diminuer. Les éveils physiologiques entre chaque cycle sont souvent perçus, pouvant donner une impression de mauvais sommeil. L’endormissement survient généralement plus tôt et le réveil également : c’est le syndrome d’avance de phase.
Retard de phase et avance de phase sont à distinguer de véritables insomnies : si le sujet a la possibilité de dormir selon son rythme endogène propre, le sommeil est satisfaisant. 
Syndrome des jambes sans repos
Trouble sensori-moteur caractérisé par une envie irrésistible de bouger les jambes, et, dans certains cas, d’autres parties du corps, pendant les périodes de repos ou d’inactivité. Elle s’accompagne habituellement de troubles sensoriels variant de l’inconfort à la douleur au niveau des régions touchées.
Polysomno-graphie
Enregistrant différents paramètres simultanément (activité électrique cardiaque, cérébrale, musculaire, paramètres respiratoires), cet examen est notamment indiqué en cas de suspicion de syndrome d’apnée du sommeil ou de syndrome des jambes sans repos ou en cas d’insomnie chronique sévère (retentissement diurne important) ou lorsque le traitement a échoué.
Nycthémère
Période de 24 heures, comportant une nuit et un jour.
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en chiffres

L’insomnie est le plus fréquent des troubles du sommeil.

En France, plus de 1 personne sur 3 déclare souffrir de troubles du sommeil mais seuls 10 à 20 % seraient de vraies insomnies.

La prévalence de l’insomnie augmente avec l’âge mais quel que soit l’âge, les femmes sont plus souvent concernées que les hommes.

La France se situe au 2e rang de la consommation des benzodiazépines en Europe et au 3e rang pour la consommation d’hypnotique.

Quel que soit l’âge, les femmes consomment plus de benzodiazépines que les hommes.

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT PRENDRE EN CHARGE L’INSOMNIE ?

Les mesures d’hygiène du sommeil sont un prérequis au traitement médicamenteux, qui est réservé aux insomnies aiguës. L’approche cognitive et comportementale est la seule adaptée en cas de troubles chroniques.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La mise en place de mesures contribuant à un bon sommeil et la correction des mauvaises habitudes constituent un préalable à tout traitement et, en cas d’insomnie aiguë, est indispensable pour prévenir une chronicisation des troubles.
Lorsque l’insomnie est secondaire à une pathologie, la prise en charge de cette dernière s’impose.


INDICATIONS D’UN HYPNOTIQUE

En cas d’insomnie récente, la prescription d’un hypnotique peut se justifier en planifiant l’arrêt du traitement dès le début de la prescription de manière à en limiter la durée. Pour les benzodiazépines, celle-ci ne doit pas dépasser 4 semaines, période de sevrage avec réduction de posologie incluse, en raison d’un risque de tolérance (nécessité d’augmenter les doses pour obtenir le même effet) et de dépendance, à considérer après quelques semaines de prise. Cette dépendance peut être un facteur d’entretien de l’insomnie avec un risque d’effet rebond à l’arrêt brutal de la molécule et de syndrome de sevrage (surtout en cas d’antécédents d’addiction : alcool, opioïdes, etc.). Un suivi, au moins par téléphone, est donc recommandé à l’arrêt du traitement pour s’informer de l’évolution du trouble et de l’absence de chronicisation. Si l’insomnie persiste, une thérapie cognitive et comportementale (TCC) peut se justifier.
En cas d’insomnie chronique, la TCC est reconnue selon les dernières recommandations européennes comme étant l’approche à privilégier. Un hypnotique n’est pas recommandé.


CHOIX DE L’HYPNOTIQUE

Il s’effectue généralement parmi les benzodiazépines ou les molécules apparentées aux benzodiazépines (zolpidem et zopiclone). Certains antihistaminiques ont une AMM dans l’insomnie mais une efficacité hypnotique faible. Leurs effets indésirables anticholinergiques limitent également leur emploi.
Le choix de la benzodiazépine tient compte notamment du profil d’insomnie. Une molécule à demi-vie courte (zolpidem, zopiclone) est privilégiée en cas d’insomnie d’endormissement. Une molécule à demi-vie intermédiaire (loprazolam, lormétazépam) voire longue (estazolam, nitrazépam) peut être indiquée en cas de réveils nocturnes ou de réveil matinal précoce. Toutefois, du fait du risque d’accumulation dans l’organisme et d’effets résiduels diurnes à type de somnolence, ces molécules, notamment à demi-vie longue, sont peu employées.
La dose minimale est recherchée et le cumul de plusieurs médicaments à effet sédatif est à proscrire.


SEVRAGE D’UNE BENZODIAZÉPINE

Il doit être proposé lors de toute demande de renouvellement de prescription puis être planifié chez un patient motivé. Les spécialistes recommandent de l’associer au minimum à une thérapie comportementale issue des TCC (restriction du temps passé au lit notamment), voire à une TCC complète. A défaut d’obtenir l’arrêt total de l’hypnotique, une réduction de la dose est déjà bénéfique.


PRINCIPE

En fonction de la sévérité de l’insomnie, du degré d’addiction à l’hypnotique, de la présence d’un trouble psychiatrique (dépression, psychose, etc.), la décroissance de posologie pourra durer de quelques semaines à plusieurs mois voire années. Le rythme de décroissance des doses est choisi avec le patient qui devient ainsi « acteur » de son sevrage. La « descente » au palier inférieur ne se fait que si le sommeil est stable. En pratique, si une insomnie de rebond ou des signes de sevrage sans gravité surviennent, il est recommandé de revenir quelques jours au palier précédent. Si le patient a des signes graves de sevrage (hallucinations, confusion, troubles de la vigilance, convulsions, etc.), il doit être hospitalisé.


PARTICULARITÉS

La substitution de l’hypnotique par une benzodiazépine de demi-vie longue est parfois proposée (type diazépam, ce dernier induisant des taux plasmatiques plus stables dans le temps limitant le risque de dépendance à l’arrêt), mais le plus souvent un sevrage « simple » est possible.
Une prise en charge d’emblée dans un centre du sommeil est préférable chez les patients ayant une insomnie chronique sévère. De même, une prise en charge spécialisée (psychiatre, addictologue, etc.) est nécessaire en cas d’addiction à l’alcool ou à d’autres toxiques, d’antécédents d’échec du sevrage ou encore de troubles psychiatriques sévères.


PROFILS PARTICULIERS

Chez le sujet âgé, une prise en charge non médicamenteuse est privilégiée. Si un médicament est nécessaire, de nombreux experts recommandent la mélatonine en première intention, à partir de 55 ans. Le traitement est limité à 13 semaines. Les benzodiazépines et antihistaminiques, qui exposent à des chutes et à une confusion mentale, doivent être évités ; en cas de prescription, leur posologie doit être réduite de moitié.
Chez l’enfant, les mesures d’hygiène du sommeil sont la première démarche à mettre en place. Lorsqu’il est indiqué, le traitement pharmacologique repose sur les antihistaminiques prescrits sur la période la plus brève possible.
Chez l’adolescent ayant tendance à se coucher tard et à se lever tard, une restructuration du comportement et des rythmes de sommeil associée à la prise de mélatonine en préparation magistrale et parfois à la luminothérapie peut donner de bons résultats chez un jeune motivé, sans troubles psychopathologiques, bénéficiant du soutien de son entourage.
Au cours de la grossesse, si un hypnotique est vraiment nécessaire, la doxylamine ou une molécule apparentée aux benzodiazépines doit être privilégiée selon le Crat.


TRAITEMENTS


BENZODIAZÉPINES ET APPARENTÉS

Ils sont à l’origine d’une action inductrice du sommeil, sédative, plus ou moins anxiolytique et myorelaxante. Ils ont une indication dans l’insomnie occasionnelle (2 à 5 jours) et transitoire (2 à 3 semaines). Le zolpidem a une AMM « à la demande », en prise discontinue, pour répondre à un événement ponctuel identifié. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), le « gain » de sommeil est d’environ 1 heure par nuit, sans différence d’efficacité entre les molécules. Cet effet s’exerce essentiellement sur la durée du sommeil lent léger alors que celle du sommeil lent profond, le plus réparateur, est diminuée. Les benzodiazépines peuvent être classées selon leur durée d’action. Celles d’action longue en particulier exposent à un risque de sédation diurne et d’accumulation notamment chez le sujet âgé.
Principaux effets indésirables : somnolence, sédation (s’atténuant avec l’accoutumance), vertiges, céphalées, amnésie des faits récents, troubles du comportement (irritabilité, confusions, etc.) voire effet désinhibiteur (risque de comportement agressif incluant un risque suicidaire), hypotonie musculaire exposant à un risque de chute, risque de tolérance (nécessitant d’augmenter les doses pour obtenir le même effet) et de dépendance exposant à un syndrome de sevrage. Ce dernier est d’autant plus sévère si le traitement a été pris à forte dose, sur une longue durée et arrêté brutalement. Au long cours, des données épidémiologiques montrent une association entre la prise de benzodiazépines et le risque de développement d’altérations cognitives type démence. La zopiclone induit une amertume buccale.
Principales interactions : la prise d’alcool qui majore l’effet sédatif est déconseillée et l’association à d’autres dépresseurs du système nerveux central (morphiniques, anxiolytiques, anticholinergiques, antidépresseurs sédatifs, etc.) doit tenir compte du risque de majoration de la sédation et de dépression respiratoire. Les inducteurs du cytochrome P3A4 (rifampicine, carbamazépine, etc.) peuvent diminuer l’effet du zolpidem et de la zopiclone. Inversement, les inhibiteurs puissants du cytochrome P3A4 (azolés, clarithromycine, etc.) peuvent légèrement augmenter leur action.
Législation : la durée de prescription est limitée à 4 semaines, non renouvelable. Le zolpidem a un statut « assimilé stupéfiant » (voir « Ce qui a changé » p. 9) en raison d’un risque d’abus (usage récréatif, utilisation détournée en injection chez les usagers de drogues, soumission chimique) et de pharmacodépendance.


MÉLATONINE


FORME À LIBÉRATION PROLONGÉE

La mélatonine à libération prolongée dosée à 2 mg dispose d’une AMM chez le patient de 55 ans et plus en monothérapie (Circadin). Le médicament réduit la latence d’endormissement et améliore la qualité subjective du sommeil. Circadin possède également une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour les troubles du rythme veille-sommeil associés à des troubles développementaux et des maladies neurogénétiques chez les enfants de 6 à 18 ans.
Principaux effets indésirables : céphalées, rhinopharyngite, arthralgies. Peu fréquents : irritabilité, nervosité, céphalées, cauchemars, baisse de vigilance, douleurs abdominales, nausées, rash et prurit cutané.
Principales interactions : la mélatonine peut accroître l’effet des médicaments sédatifs et la consommation d’alcool est proscrite durant le traitement. Elle peut interférer avec la fluvoxamine, la cimétidine, les fluoroquinolones et les œstroprogestatifs, qui peuvent augmenter ses concentrations plasmatiques, alors que les inducteurs enzymatiques peuvent les réduire. D’autres interactions sont possibles (voir « Mélatonine et automédication » p. 10).


PRÉPARATIONS MAGISTRALES

Non remboursées par l’Assurance maladie, elles sont proposées en particulier en cas de syndrome de retard de phase, affectant souvent les adolescents et adultes jeunes. Prise à faible dose (entre 0,5 et 2 mg) plusieurs heures avant le coucher, la mélatonine permet d’avancer l’heure de sommeil. A dose plus élevée (jusqu’à 5 mg) 15 à 30 minutes avant le coucher, elle facilite l’endormissement (action soporifique).
Les préparations magistrales de mélatonine sont également proposées dans les troubles liés au décalage horaire, notamment en cas de voyage vers l’est.


ANTIHISTAMINIQUES H1

La doxylamine et les dérivés phénothiaziniques (alimémazine, prométhazine) sont des hypnotiques faibles. L’hydroxyzine (Atarax) n’a une AMM que dans l’insomnie de l’enfant.
Principaux effets indésirables : sédation, effets anticholinergiques périphériques (sécheresse des muqueuses, constipation, troubles de l’accommodation, palpitations cardiaques, risque de rétention urinaire) et centraux (confusion, désorientation, etc.), tremblements et hypotension orthostatique. Pour les phénothiazines (alimémazine, prométhazine) : risque de photosensibilisation, abaissement du seuil épileptogène, agranulocytose (rare). Pour l’alimémazine : allongement de l’intervalle QT.
Principales interactions : l’association à l’alcool et à d’autres médicaments sédatifs est déconseillée. Prudence avec d’autres médicaments anticholinergiques (majoration des effets atropiniques) ou sous antihypertenseurs (majoration de l’hypotension orthostatique) et avec des substances abaissant le seuil épileptogène (tramadol, fluoroquinolone, citalopram, etc.).


THÉRAPIE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE

Encore peu utilisée en France, la TCC a fait l’objet de nombreuses études dans l’insomnie chronique, avec ou sans comorbidités médicales ou psychiatriques, et a prouvé qu’elle peut être bénéfique dans un condiv de sevrage aux benzodiazépines. Elle comporte plusieurs éléments d’apprentissage associés à une bonne hygiène du sommeil et des techniques de « lâcher-prise » (voir p. 15). Les résultats sont analysés grâce à l’agenda du sommeil.


APPROCHES COMPORTEMENTALES

Restriction du temps passé au lit. Les insomniaques passent du temps au lit sans forcément dormir. Le but est de faire coïncider autant que possible le temps passé au lit avec le temps dormi afin de consolider le sommeil et d’en améliorer la qualité. En pratique, des heures de coucher et de lever fixes sont déterminées avec le médecin. Après une dizaine de jours, cette fenêtre de sommeil est, en cas de succès, augmentée progressivement. Les premières semaines, la durée du sommeil diminue ce qui peut entraîner une somnolence en journée.
Stratégie de « contrôle par le stimulus ». Il s’agit de recréer une association positive entre le lit, la chambre et le sommeil : réserver la chambre uniquement au sommeil et aux activités sexuelles, aller au lit uniquement lorsque le besoin de dormir se fait ressentir, ne pas y rester plus de 20 minutes si le sommeil ne vient pas.


APPROCHE COGNITIVE

Elle vise à identifier et modifier les idées et attitudes qui perpétuent l’insomnie sachant que l’insomniaque accorde beaucoup d’importance au sommeil : tout le monde n’a pas besoin de 8 heures de sommeil par nuit, il est normal de se réveiller la nuit, ne pas dramatiser les difficultés de sommeil en annulant ses activités sous prédiv d’une nuit d’insomnie, etc. 
Degré d’ « addiction » àl’hypnotique
Il est évalué par une échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines (Ecab), disponible sur has-sante.fr, « Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés ».
Crat
Centre de référence sur les agents tératogènes (lecrat.fr).
Syndrome de sevrage
Les signes de sevrage apparaissent dans les heures ou les jours suivant l’arrêt de la molécule (selon la demi-vie) et sont d’intensité modérée (agitation, anxiété, céphalées, hypersudation, irritabilité, photophobie hyperacousie, etc.) à, plus rarement, sévère (cauchemars, confusion, convulsion, nausées, vomissements, tremblements, tachycardie, etc.).

CE QUI A CHANGÉ

Septembre 2018 : à la suite d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque, toutes les formes d’alimémazine (comprimés, gouttes, sirop) passent sur la liste I des substances vénéneuses et l’indication de ces spécialités est restreinte à l’insomnie occasionnelle1.

Juillet 2017 : selon les recommandations européennes2, seules les benzodiazépines et apparentés ainsi que certains antidépresseurs sont efficaces dans le traitement de l’insomnie à court terme ; les antihistaminiques, les antipsychotiques (hors AMM), la mélatonine et les solutions de phytothérapie ne sont pas recommandés.

Avril 2017 : le statut « assimilé stupéfiant » est attribué au zolpidem (Stilnox et génériques) du fait d’abus (doses élevées sur une longue période), de détournement d’usage (effet récréatif, injection chez les usagers de drogues) et de soumission chimique.

DISPARU

2013 : arrêt de commercialisation du témazépam (Normison) et du flunitrazépam (Rohypnol).

1 Auparavant, l’alimémazine était aussi indiquée dans la toux, l’allergie et la prémédication avant une anesthésie générale.

2European guideline for the diagnosis and treatment of insomnia, 2017.

vigilance !

Les hypnotiques présentent des contre-indications à connaître.


• Benzodiazépines : insuffisance respiratoire sévère, syndrome d’apnée du sommeil.


• Antihistaminiques : glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques à risque de rétention urinaire.
• Alimémazine, prométhazine : antécédents d’agranulocytose avec une autre phénothiazine.

Mélatonine et automédication

En France, la mélatonine est autorisée dans les compléments alimentaires à une dose apportant moins de 2 mg par unité de prise. Elle dispose dans ce cadre de deux allégations : limiter les effets du décalage horaire à partir de 0,5 mg par prise et favoriser l’endormissement à une dose d’au moins 1 mg par prise.

De nombreux experts mettent en garde contre la prise de mélatonine en vente libre car son maniement est délicat : elle influence le rythme veille-sommeil (pour de faibles doses) et, prise à un mauvais moment, est susceptible de le perturber. De plus, elle peut avoir des répercussions sur d’autres fonctions de l’organisme puisqu’elle module l’humeur, le comportement sexuel, le système immunitaire ou encore des fonctions métaboliques (régulation de la température corporelle et de la pression artérielle). Elle possède également une action, selon le cas, vasodilatatrice ou vasoconstrictrice, et pro-inflammatoire.

Pour ces raisons, et du fait d’effets indésirables rapportés dans le cadre du dispositif de nutrivigilance (céphalées, cauchemars, tremblements, migraines, nausées, etc.), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) déconseille sa prise, en automédication en cas de maladies inflammatoires ou auto-immunes, chez les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants et les adolescents, en cas de troubles de l’humeur ou du comportement, d’asthme ou d’épilepsie. Elle met en garde contre le risque d’interactions avec les anticoagulants ou les antiagrégants plaquettaires (augmentation du risque hémorragique), les antiépileptiques, les anti-inflammatoires et les substances agissant sur le système nerveux central.

Pointdevue

Dr Marie-Françoise Vecchierini, neuropsychiatre, centre du sommeil et de la vigilance de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, Paris.

« Attention à bien utiliser les lampes de luminothérapie selon les consignes du médecin »

En quoi consiste la luminothérapie et quand est-elle indiquée ?

La luminothérapie consiste à s’exposer à une lumière de forte intensité dans le but d’inhiber la sécrétion de mélatonine et ainsi de resynchroniser l’horloge biologique interne. Elle est utilisée lors de retard de phase, notamment chez les adolescents et jeunes adultes se couchant très tard. Une séance de 30 minutes est alors prescrite le matin dans le but de « stimuler » l’organisme. Elle est associée à la prise de mélatonine en préparation magistrale. Plus rarement, la luminothérapie est utilisée chez le patient âgé présentant une avance de phase (endormissement et lever précoces) : dans ce cas, les séances ont lieu le soir pour aider le patient à se maintenir éveillé.

Quelles sont les précautions à prendre ?

Les lampes de luminothérapie s’achètent dans le commerce mais attention à bien recommander leur utilisation selon les consignes du médecin (moment d’utilisation, durée de la séance, etc.). Il convient, entre autres, de vérifier l’absence de contre-indications (pathologies oculaires type DMLA, glaucome) ou de prise de médicaments photosensibilisants.

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ACCOMPAGNER LE PATIENT 

CÉLINE, 36 ANS, INGÉNIEURE

En 2014, j’ai vécu un premier épisode d’insomnie sévère à la suite d’un accouchement difficile après 1 mois sans dormir. J’ai appelé un soir SOS médecins. Le médecin m’a prescrit du zolpidem sur 15 jours qui n’a pas été très efficace. J’ai ensuite été prise en charge par mon médecin traitant avec un antidépresseur et un anxiolytique. En 2016, j’ai à nouveau eu des troubles du sommeil. Je me suis tournée vers l’hypnose, des changements d’hygiène de vie et l’aromathérapie. Après un troisième épisode en 2017, un psychiatre m’a diagnostiqué un trouble anxieux et mis en place un traitement approprié. Désormais, je travaille sur le lâcher-prise et l’acceptation des troubles anxieux ce qui me permet de mieux gérer mes troubles du sommeil.

L’INSOMNIE VUE PAR LE PATIENT


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

Le manque de sommeil peut avoir de fortes répercussions sur la qualité de vie : fatigue, irritabilité, difficulté de concentration, absentéisme professionnel, etc. Les relations avec l’entourage peuvent être altérées.
Le risque d’accidents de la route et d’accidents professionnels est accru. Les hypnotiques augmentent les troubles de la mémoire et de la vigilance et exposent à des chutes chez les personnes âgées.


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

L’insomnie aiguë, parfois en lien avec un événement grave, ajoute une préoccupation psychologique avec l’impression de perdre le contrôle de son sommeil.
L’insomniaque développe un comportement et des pensées qui deviennent sources d’appréhension voire d’anxiété anticipatrice rendant l’endormissement encore plus difficile (peur de passer encore une mauvaise nuit, dramatisation des conséquences, etc.).


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DU TROUBLE

Chez l’adulte, la durée du sommeil, déterminée génétiquement, est en moyenne de 7 à 8 heures avec d’importantes variabilités interindividuelles. Chez la personne âgée, le sommeil se morcelle, les éveils physiologiques entre chaque phase de sommeil sont davantage perçus, d’où une impression possible de mauvais sommeil. Certains insomniaques luttent pour rester éveillé par obligation (s’occuper des enfants, etc.), d’autres parce que l’envie de rester éveillé est trop grande. A force de répéter ces comportements, ils ne ressentent plus les signaux du sommeil (bâillement, nuque lourde, etc.).
Les conseils d’« hygiène du sommeil » aident à palier une insomnie légère et à éviter une chronicisation des troubles mais parfois ils ne suffisent pas seuls. Ils constituent aussi un soutien indispensable dans une démarche de sevrage d’un hypnotique.
- Rythme de vie. Se lever et prendre ses repas à heure régulière : notamment se lever à heure fixe, même le week-end, ne pas rester exagérément au lit et éviter les siestes (ou les limiter à 30 minutes et jamais après 16 h).
- Recréer une association positive entre le lit et le sommeil. Proscrire toute activité en lien avec le travail, le divertissement, la vie sociale dans la chambre. Ne se coucher que lorsque la somnolence se fait sentir et ne pas rester dans la chambre si on met plus de 20 minutes à s’endormir.
- Dédramatiser les éveils nocturnes. Ils sont « normaux » s’ils restent brefs.
- Favoriser l’endormissement. Eteindre les écrans au moins 1 heure avant le coucher. Pas d’excitants après 17 h (café, thé, soda caféiné, etc.), ni d’alcool au repas du soir qui provoque un sommeil plus léger et fragmenté. Pratiquer une activité sportive régulièrement mais pas les 3 à 4 heures précédents le coucher. Peu de temps avant le coucher, mettre en place un rituel (se mettre en pyjama, fermer les volets, se brosser les dents, etc.).
- Autres.Eviter les repas copieux le soir ; pas de douche ou de bain chaud avant le coucher (l’élévation de la température corporelle s’oppose à l’endormissement) ; maintenir dans la chambre une température inférieure ou égale à 18 °C.
Particularités. Personnes âgées avec avance de phase : à l’inverse des consignes habituelles, une activité stimulante le soir peut aider à retarder l’heure du coucher. Adolescents ou jeunes adultes avec retard de phase : l’exposition à la lumière le matin par le biais d’une activité de groupe est bénéfique.
Thérapie cognitive et comportementale (TCC). Elle reprend les conseils d’hygiène du sommeil en association à une restriction du temps passé au lit. Sa réussite implique de la motivation et souvent des efforts, mais ses effets sont durables.
Méthodes de « lâcher-prise ».Méditation pleine conscience, sophrologie, hypnose, biofeedback ciblent le relâchement. D’efficacité variable utilisées seules, elles peuvent être intégrées dans le cadre d’une TCC.


A PROPOS DU TRAITEMENT

L’agenda du sommeil aide le patient à s’impliquer dans la prise en charge.
Primoprescription d’une benzodiazépine. Alerter sur le caractère bref de la prescription pour éviter une dépendance, le risque de somnolence diurne et la nécessité de prendre l’hypnotique juste avant le coucher. Un délai d’au moins 8 heures doit être prévu entre la prise d’une benzodiazépine à demi-vie courte et la conduite d’un véhicule. Déconseiller la prise d’alcool.
Utilisation chronique. Il est possible d’apprendre à se passer d’un hypnotique grâce à une diminution très progressive des doses et à un accompagnement psychologique dans le cadre d’une TCC. Le suivi doit être fréquent et régulier, surtout les 6 premiers mois suivant l’arrêt.
Produits conseils. Ils peuvent aider à passer un cap mais ne doivent pas devenir un recours systématique sans résoudre la cause de l’insomnie. Anti-H1 : pas plus de 5 jours et à éviter chez les personnes âgées. Mélatonine : prise au mauvais moment, elle peut être plus néfaste que bénéfique. Recommander de ne pas dépasser 2 mg par jour en automédication, d’arrêter les prises en l’absence d’efficacité après 1 semaine et, dans tous les cas, de ne pas dépasser 4 à 6 semaines de cure car ses effets au long cours ne sont pas connus. Plantes (valériane, la plus étudiée,mais aussi houblon, eschscholtzia,passiflore et mélisse notamment) : elles peuvent être utiles en cas de stress ou d’anxiété. Un délai de 2 semaines peut être nécessaire pour ressentir leur efficacité. 
Méditation pleine conscience
Basée sur l’auto-contrôle, elle vise à ramener son attention sur l’instant présent et à ne pas accorder trop d’importance aux pensées et aux ruminations, à ne pas s’y « accrocher ». Des programmes adaptés à l’insomnie existent (Mindfulness-Based Therapy for Insomnia, ou MBTI). Des études ont montré l’efficacité de ces techniques pour améliorer le sommeil, avec néanmoins des résultats modestes.
Biofeedback
Plusieurs études ont montré son efficacité dans le traitement de l’insomnie. Grâce à un capteur de pouls relié à l’ordinateur, le patient évalue sa cohérence cardiaque. La variabilité de la fréquence cardiaque, si elle est ample et régulière, ce qui est le cas lors d’émotions positives, participe à la détente et à la maîtrise des émotions. Le patient apprend à la contrôler par sa respiration.

question de patient « Un filtre ou des lunettes anti-lumière bleue peuvent-ils être utiles ? »

«L’exposition à la lumière bleue des écrans retarde la sécrétion de la mélatonine et perturbe l’horloge biologique interne. Pour autant, filtrer ces longueurs d’onde ou baisser la luminosité des appareils pour aider à mieux dormir ne suffit pas car la stimulation cognitive ou émotionnelle liée à l’utilisation des écrans persiste. Et elle va à l’encontre du processus d’endormissement. »

question de patient « Que valent les applications connectées sur le sommeil ? »

« Elles apportent des indications sur le sommeil (horaire d’endormissement, intensité du ronflement, etc.) grâce aux capteurs intégrés dans le smartphone, dans la mesure où le téléphone est à proximité de la personne. Celles revendiquant détecter le sommeil profond, léger, voire paradoxal, ne sont pas fiables. A l’heure actuelle, aucune n’a fait l’objet de validation scientifique. Idem pour les objets connectés à intégrer dans la literie ou à disposer dans la chambre : certains, en voulant créer des atmosphères propices au sommeil (son, luminosité), sont plus à risque de le perturber que de le faciliter. »

EN SAVOIR PLUS

Institut national du sommeil et de la vigilance

institut-sommeil-vigilance.org

Haute Autorité de santé

has-sante.fr

Les recommandations pour les professionnels de santé dont les fiches de bon usage : « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’insomnie ? » (2017), « Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés » (2015).

Réseau Morphée

reseau-morphee.fr

Un réseau consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil.

Centre du sommeil et de la vigilance de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, Paris.

sommeil-vigilance.fr

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

– La durée de prescription des benzodiazépines hypnotiques est limitée à 4 semaines, non renouvelable.
– Le zolpidem a un statut « assimilé stupéfiant » et doit être prescrit en toutes lettres sur une ordonnance sécurisée. Le chevauchement est interdit sauf mention expresse du prescripteur.


LE PATIENT A-T-IL ÉTÉ INFORMÉ DU CARACTÈRE TRANSITOIRE DE LA PRESCRIPTION ?

– La prise d’hypnotiques doit rester la plus brève possible et l’arrêt doit être planifié dès le début de la prescription.
- Pour les benzodiazépines, la prise ne doit idéalement pas dépasser 4 semaines, période de sevrage avec réduction de posologie incluse, en raison d’un risque de tolérance et de dépendance.
– En cas de traitement chronique par des benzodiazépines, un sevrage très progressif doit être proposé sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, accompagné si besoin d’une thérapie cognitive et comportementale. A défaut d’obtenir l’arrêt, une réduction de la dose est déjà bénéfique.


LE PATIENT SAIT-IL QUAND PRENDRE SON TRAITEMENT ?

– Les benzodiazépines hypnotiques doivent être prises juste avant le coucher (une fois couché pour zopiclone).
– La mélatonine à libération prolongée à 2 mg (Circadin) est à prendre 1 à 2 heures avant le coucher et après le repas.
- Les antihistaminiques sont administrés 15 à 30 minutes avant le coucher.


CONNAÎT-IL LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

– Les benzodiazépines exposent à un risque de somnolence, de vertiges, d’amnésie des faits récents, de troubles du comportement, d’hypotonie musculaire, de chute et de dépendance. Le patient doit prévoir un délai d’au moins 8 heures entre la prise d’une benzodiazépine à demi-vie courte et toute activité requérant une vigilance.
– Les antihistaminiques peuvent induire une sédation, des effets anticholinergiques et une hypotension orthostatique. Alimémazine et prométhazine sont photosensibilisants et abaissent le seuil épileptogène.
- La mélatonine est à l’origine de céphalées, de rhinopharyngite et d’arthralgies.


QUELS PRINCIPAUX CONSEILS DONNER ?

- Eviter la prise d’alcool et de médicament à effet sédatif.
- Mettre en place quelques mesures favorisant le sommeil : éteindre les écrans au moins une heure avant le coucher, éviter les excitants après 17 h, se lever à heure fixe, pratiquer une activité physique dans la journée, etc.
- Orienter vers une thérapie cognitive et comportementale si nécessaire.
- Tenir un agenda du sommeil.

oui, mais en précisant au patient que la prise de ce médicament se fait 1 à 2 heures avant le coucher et après le repas, et non comme indiqué par le prescripteur au moment du coucher, comme un hypnotique. A cette dose et sous cette forme, la mélatonine n’a pas d’effet inducteur rapide du sommeil mais peut aider à diminuer la latence d’endormissement et à limiter les éveils nocturnes, fréquents avec l’âge.

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NON, le zolpidem a un statut « assimilé stupéfiant » et ne peut donc être délivré durant la période couverte par une précédente prescription, soit ici 14 jours, en l’absence de mention en ce sens apposée par le prescripteur sur l’ordonnance. Les 14 jours de traitement pourront bien être délivrés mais seulement dans 4 jours, à la fin de la période de chevauchement.

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