Cahiers Formation du Moniteur
Ordonnance
Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR ALEXANDRA BLANC ET ANNE-HÉLÈNE COLLIN , PHARMACIENNES
MME V., 46 ANS, SOUFFRE D’INSOMNIE
RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE
POUR QUI ?
Mme V., 46 ans.PAR QUEL MÉDECIN ?
Son médecin généraliste.L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?
Oui, mais elle ne pourra pas couvrir la durée de prescription indiquée. La délivrance des benzodiazépines hypnotiques comme la zopiclone est en effet limitée à une durée de 4 semaines, non renouvelable, en raison d’un risque de tolérance et de dépendance pouvant s’installer après quelques semaines de prise.QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?
QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?
Mme V. est divorcée et mère de deux jeunes adolescents. Patiente occasionnelle sans antécédents médicaux particuliers, elle est très affectée par le décès récent d’un ami proche dans un accident de la route, drame qui s’ajoute à un stress professionnel.QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?
Malgré un léger effet apaisant le soir, l’antihistaminique prescrit ne suffit pas : Mme V. ne parvient pas à s’endormir avant 1 h ou 2 h du matin et les grasses matinées et les siestes qu’elle parvient parfois à faire le week-end lorsqu’elle ne s’occupe pas de ses enfants ne suffisent pas à récupérer. Epuisée, elle a à nouveau consulté son médecin généraliste car elle a peur de ne plus être capable de gérer sa vie familiale et professionnelle si elle ne parvient pas à mieux dormir.QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?
Le médecin a proposé la prescription d’un somnifère plus efficace pour induire le sommeil. Il a indiqué à Mme V. qu’elle pouvait le prendre quelques jours d’affilée, sur deux semaines environ, pour « récupérer » puis lui a conseillé d’espacer les prises progressivement, en fonction de l’amélioration de son sommeil, jusqu’à arrêter la prise de l’hypnotique. Il a demandé à la patiente de le tenir informé dans les jours qui viennent de l’effet du traitement.VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE PATIENT
Le dossier pharmaceutique (DP) indique la délivrance d’alimémazine il y a 7 jours et il y a 2 mois d’amoxicilline, d’hydrocortisone, d’un vasoconstricteur nasal (Deturgylone) et de magnésium. Il est également mentionné ces dernières semaines la délivrance de médicaments homéopathiques et de phytothérapie à visée sédative.LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?
QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?
La zopiclone est une molécule apparentée aux benzodiazépines et indiquée comme hypnotique, de demi-vie d’élimination courte (environ 5 heures). Elle a aussi des propriétés communes à toutes les benzodiazépines : myorelaxante, anxiolytique, anticonvulsivante et amnésiante.EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ?
Oui. Une benzodiazépine ou une molécule apparentée peut être indiquée si nécessaire en cas d’insomnie aiguë sur une courte période. Une molécule à demi-vie courte est généralement privilégiée pour limiter les effets résiduels diurnes. L’objectif est d’aider le patient, en souffrance psychique par rapport à un manque de sommeil, à passer un cap.Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR CETTE PATIENTE ?
Non. La patiente ne souffre pas d’insuffisance respiratoire sévère ni d’apnée du sommeil contre-indiquant la prise d’une benzodiazépine.LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?
Oui, la posologie recommandée de la zopiclone est de 7,5 mg par jour chez l’adulte.LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?
Il est nécessaire, au moins à l’issue de la durée de prescription de l’hypnotique, de s’assurer de l’évolution des troubles. Si les troubles du sommeil perdurent, il faudra reconsidérer la souffrance psychique de la patiente et envisager par exemple une prise en charge psychologique.QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?
Mme V. ayant recours pour la première fois à un hypnotique, apparenté aux benzodiazépines, des recommandations doivent être faites.UTILISATION
Il faut expliquer qu’une prise sur quelques jours ne pose pas de problème de dépendance et, en améliorant le sommeil, va aider la patiente à se sentir mieux. Après 10 à 15 jours, Mme V. peut envisager d’arrêter progressivement le traitement, sous contrôle médical, si tout est rentré dans l’ordre.LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?
Oui, la molécule a une action rapide avec généralement une induction du sommeil dans les 30 minutes suivant la prise.QUELS SONT LES EFFETS INDÉSIRABLES ?
La zopiclone est responsable d’une amertume buccale avec l’impression d’un goût métallique en bouche pouvant être très désagréable. Une sensation ébrieuse est possible, surtout en cas de lever dans les heures suivant la prise, ainsi qu’une baisse de vigilance, une somnolence et une amnésie antérograde (pour les faits récents). Plus rarement, des réactions paradoxales avec désinhibition, excitation, risque d’agressivité, parasomnies (somnambulisme) sont décrites.QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?
Proposer de boire un peu d’eau si l’amertume buccale est gênante et/ou de se brosser les dents.QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?
Des troubles du comportement (irritabilité, agressivité, agitation, etc.) nécessitent un avis médical.CONSEILS COMPLÉMENTAIRES
Rappeler à Mme V. que la prise de l’alimémazine doit être arrêtée : l’association de 2 médicaments à effet sédatif n’apporte pas d’effet bénéfique supplémentaire mais risque de potentialiser les effets indésirables. Lui proposer de rapporter les comprimés restants d’alimémazine à la pharmacie.
qu’en pensez-vous ?
Mme V. ne veut surtout pas se réveiller somnolente le matin. Elle prenait 1 à 2 cp d’alimémazine 5 mg 3 minutes avant de se coucher. Vers quelle heure doit-elle prendre l’hypnotique ?
1) A la même heure que l’antihistaminique pour éviter tout effet résiduel le matin.
2) Juste au moment de se coucher, lorsque l’envie de dormir se fait ressentir.
Réponse : Le délai d’action des benzodiazépines hypnotiques est rapide (environ 30 minutes). La prise doit donc s’effectuer au moment du coucher, au lit, afin d’éviter tout accident lié à une altération des fonctions psychomotrices du patient. Inutile de vouloir se coucher avant son « heure habituelle » pour rattraper un manque de sommeil : l’hypnotique serait inefficace. Mme V. doit le prendre au moment où elle avait l’habitude de s’endormir avant la survenue de l’insomnie ou lorsque l’envie de dormir apparaît. La deuxième réponse est donc correcte. Il est recommandé classiquement de prévoir un délai d’au moins 8 heures entre la prise de l’hypnotique et une activité qui requiert de la vigilance, surtout les premiers jours afin d’évaluer sa sensibilité à la molécule.
qu’en pensez-vous ?
Mme V. revient à la pharmacie un mois plus tard. Elle ne prend plus qu’un demi-comprimé de zopiclone lorsqu’elle a besoin d’une bonne nuit de sommeil mais il ne lui en reste bientôt plus. Elle voudrait essayer la mélatonine, une solution naturelle pour se passer définitivement de l’hypnotique. Qu’en pensez-vous ?
1) C’est une bonne idée car il n’y a pas d’accoutumance ni d’effets indésirables.
2) Ce n’est pas une solution sur le long cours.
Réponse : La mélatonine n’a un effet inducteur du sommeil qu’à des doses élevées, employées dans des préparations magistrales. Aux doses autorisées dans les compléments alimentaires (< 2 mg), elle a un effet chronobiotique, c'est-à-dire qu’elle « rythme » les phases veille-sommeil. En conséquence, la prendre au mauvais moment peut déréguler l’horloge biologique interne. Par ailleurs, recourir à un complément alimentaire pour vouloir dormir risque d’aggraver le « cercle vicieux » de l’insomnie en entraînant une dépendance psychique avec l’« impression de devoir prendre absolument quelque chose pour dormir ». Il est préférable de refaire un point avec la patiente sur son hygiène du sommeil et, le cas échéant, de lui proposer de revoir son médecin ou l’orienter vers une prise en charge psychologique. La deuxième réponse est correcte.
Des approches alternatives, utiles lorsqu’il existe un stress et une tension nerveuse qui perpétuent les troubles du sommeil, s’avèrent bénéfiques chez certains patients et peuvent être proposées (acupuncture, yoga, tai-chi, méditation, etc.). Attention, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a mis en garde contre la forte médiatisation de certaines de ces techniques (hypnose, méditation pleine conscience notamment) qui peuvent conduire parfois à des dérives sectaires.
L’INSOMNIE EN 5 QUESTIONS
1 COMMENT DÉFINIR L’INSOMNIE ?
L’insomnie se caractérise par une plainte subjective de mauvais sommeil associé à des répercussions diurnes. On peut notamment classer l’insomnie :2 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?
Les causes de l’insomnie sont multifactorielles, en particulier dans l’insomnie chronique, faisant intervenir des facteurs prédisposants (personnalité, hérédité, etc.), des facteurs déclenchants (événements stressants, problèmes de santé) et des facteurs de maintien de l’insomnie comportementaux (mauvaise habitude de sommeil, etc.) ou cognitifs (ruminations).3 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?
La plainte doit porter sur le sommeil (difficultés d’endormissement et/ou de maintien du sommeil et/ou de réveil précoce) et le retentissement dans la journée (fatigue, somnolence, troubles de la concentration, irritabilité, etc.). L’insomnie chronique est définie par des troubles apparaissant au moins 3 nuits par semaine pendant plus de 3 mois.4 QU ELLES SONT LES CONSÉQUENCES ?
Le degré d’altération de la qualité de vie serait directement proportionnel à la sévérité de l’insomnie avec parfois des conséquences importantes à titre individuel ou collectif (accident de la route, etc.). L’insomnie est un facteur de risque de survenue d’une dépression et elle augmente le risque de consommation abusive d’alcool et de drogues.5 QUELLES PARTICULARITÉS LIÉES À L’ÂGE ?
Chez l’enfant, l’insomnie est souvent en relation avec des « associations au coucher » inappropriées (bercement, contact physique prolongé, alimentation, biberon, etc.), une hygiène de sommeil inadaptée (siestes tardives, horaires irréguliers, environnement inadapté) ou à l’absence de limites adéquates générant un refus à se coucher.
en chiffres
L’insomnie est le plus fréquent des troubles du sommeil.
En France, plus de 1 personne sur 3 déclare souffrir de troubles du sommeil mais seuls 10 à 20 % seraient de vraies insomnies.
La prévalence de l’insomnie augmente avec l’âge mais quel que soit l’âge, les femmes sont plus souvent concernées que les hommes.
La France se situe au 2e rang de la consommation des benzodiazépines en Europe et au 3e rang pour la consommation d’hypnotique.
Quel que soit l’âge, les femmes consomment plus de benzodiazépines que les hommes.
COMMENT PRENDRE EN CHARGE L’INSOMNIE ?
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
La mise en place de mesures contribuant à un bon sommeil et la correction des mauvaises habitudes constituent un préalable à tout traitement et, en cas d’insomnie aiguë, est indispensable pour prévenir une chronicisation des troubles.INDICATIONS D’UN HYPNOTIQUE
En cas d’insomnie récente, la prescription d’un hypnotique peut se justifier en planifiant l’arrêt du traitement dès le début de la prescription de manière à en limiter la durée. Pour les benzodiazépines, celle-ci ne doit pas dépasser 4 semaines, période de sevrage avec réduction de posologie incluse, en raison d’un risque de tolérance (nécessité d’augmenter les doses pour obtenir le même effet) et de dépendance, à considérer après quelques semaines de prise. Cette dépendance peut être un facteur d’entretien de l’insomnie avec un risque d’effet rebond à l’arrêt brutal de la molécule et de syndrome de sevrage (surtout en cas d’antécédents d’addiction : alcool, opioïdes, etc.). Un suivi, au moins par téléphone, est donc recommandé à l’arrêt du traitement pour s’informer de l’évolution du trouble et de l’absence de chronicisation. Si l’insomnie persiste, une thérapie cognitive et comportementale (TCC) peut se justifier.CHOIX DE L’HYPNOTIQUE
Il s’effectue généralement parmi les benzodiazépines ou les molécules apparentées aux benzodiazépines (zolpidem et zopiclone). Certains antihistaminiques ont une AMM dans l’insomnie mais une efficacité hypnotique faible. Leurs effets indésirables anticholinergiques limitent également leur emploi.SEVRAGE D’UNE BENZODIAZÉPINE
Il doit être proposé lors de toute demande de renouvellement de prescription puis être planifié chez un patient motivé. Les spécialistes recommandent de l’associer au minimum à une thérapie comportementale issue des TCC (restriction du temps passé au lit notamment), voire à une TCC complète. A défaut d’obtenir l’arrêt total de l’hypnotique, une réduction de la dose est déjà bénéfique.PRINCIPE
En fonction de la sévérité de l’insomnie, du degré d’addiction à l’hypnotique, de la présence d’un trouble psychiatrique (dépression, psychose, etc.), la décroissance de posologie pourra durer de quelques semaines à plusieurs mois voire années. Le rythme de décroissance des doses est choisi avec le patient qui devient ainsi « acteur » de son sevrage. La « descente » au palier inférieur ne se fait que si le sommeil est stable. En pratique, si une insomnie de rebond ou des signes de sevrage sans gravité surviennent, il est recommandé de revenir quelques jours au palier précédent. Si le patient a des signes graves de sevrage (hallucinations, confusion, troubles de la vigilance, convulsions, etc.), il doit être hospitalisé.PARTICULARITÉS
La substitution de l’hypnotique par une benzodiazépine de demi-vie longue est parfois proposée (type diazépam, ce dernier induisant des taux plasmatiques plus stables dans le temps limitant le risque de dépendance à l’arrêt), mais le plus souvent un sevrage « simple » est possible.PROFILS PARTICULIERS
Chez le sujet âgé, une prise en charge non médicamenteuse est privilégiée. Si un médicament est nécessaire, de nombreux experts recommandent la mélatonine en première intention, à partir de 55 ans. Le traitement est limité à 13 semaines. Les benzodiazépines et antihistaminiques, qui exposent à des chutes et à une confusion mentale, doivent être évités ; en cas de prescription, leur posologie doit être réduite de moitié.TRAITEMENTS
BENZODIAZÉPINES ET APPARENTÉS
Ils sont à l’origine d’une action inductrice du sommeil, sédative, plus ou moins anxiolytique et myorelaxante. Ils ont une indication dans l’insomnie occasionnelle (2 à 5 jours) et transitoire (2 à 3 semaines). Le zolpidem a une AMM « à la demande », en prise discontinue, pour répondre à un événement ponctuel identifié. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), le « gain » de sommeil est d’environ 1 heure par nuit, sans différence d’efficacité entre les molécules. Cet effet s’exerce essentiellement sur la durée du sommeil lent léger alors que celle du sommeil lent profond, le plus réparateur, est diminuée. Les benzodiazépines peuvent être classées selon leur durée d’action. Celles d’action longue en particulier exposent à un risque de sédation diurne et d’accumulation notamment chez le sujet âgé.MÉLATONINE
FORME À LIBÉRATION PROLONGÉE
La mélatonine à libération prolongée dosée à 2 mg dispose d’une AMM chez le patient de 55 ans et plus en monothérapie (Circadin). Le médicament réduit la latence d’endormissement et améliore la qualité subjective du sommeil. Circadin possède également une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour les troubles du rythme veille-sommeil associés à des troubles développementaux et des maladies neurogénétiques chez les enfants de 6 à 18 ans.PRÉPARATIONS MAGISTRALES
Non remboursées par l’Assurance maladie, elles sont proposées en particulier en cas de syndrome de retard de phase, affectant souvent les adolescents et adultes jeunes. Prise à faible dose (entre 0,5 et 2 mg) plusieurs heures avant le coucher, la mélatonine permet d’avancer l’heure de sommeil. A dose plus élevée (jusqu’à 5 mg) 15 à 30 minutes avant le coucher, elle facilite l’endormissement (action soporifique).ANTIHISTAMINIQUES H1
La doxylamine et les dérivés phénothiaziniques (alimémazine, prométhazine) sont des hypnotiques faibles. L’hydroxyzine (Atarax) n’a une AMM que dans l’insomnie de l’enfant.THÉRAPIE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE
Encore peu utilisée en France, la TCC a fait l’objet de nombreuses études dans l’insomnie chronique, avec ou sans comorbidités médicales ou psychiatriques, et a prouvé qu’elle peut être bénéfique dans un condiv de sevrage aux benzodiazépines. Elle comporte plusieurs éléments d’apprentissage associés à une bonne hygiène du sommeil et des techniques de « lâcher-prise » (voir p. 15). Les résultats sont analysés grâce à l’agenda du sommeil.APPROCHES COMPORTEMENTALES
Restriction du temps passé au lit. Les insomniaques passent du temps au lit sans forcément dormir. Le but est de faire coïncider autant que possible le temps passé au lit avec le temps dormi afin de consolider le sommeil et d’en améliorer la qualité. En pratique, des heures de coucher et de lever fixes sont déterminées avec le médecin. Après une dizaine de jours, cette fenêtre de sommeil est, en cas de succès, augmentée progressivement. Les premières semaines, la durée du sommeil diminue ce qui peut entraîner une somnolence en journée.APPROCHE COGNITIVE
Elle vise à identifier et modifier les idées et attitudes qui perpétuent l’insomnie sachant que l’insomniaque accorde beaucoup d’importance au sommeil : tout le monde n’a pas besoin de 8 heures de sommeil par nuit, il est normal de se réveiller la nuit, ne pas dramatiser les difficultés de sommeil en annulant ses activités sous prédiv d’une nuit d’insomnie, etc.
CE QUI A CHANGÉ
Septembre 2018 : à la suite d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque, toutes les formes d’alimémazine (comprimés, gouttes, sirop) passent sur la liste I des substances vénéneuses et l’indication de ces spécialités est restreinte à l’insomnie occasionnelle1.
Juillet 2017 : selon les recommandations européennes2, seules les benzodiazépines et apparentés ainsi que certains antidépresseurs sont efficaces dans le traitement de l’insomnie à court terme ; les antihistaminiques, les antipsychotiques (hors AMM), la mélatonine et les solutions de phytothérapie ne sont pas recommandés.
Avril 2017 : le statut « assimilé stupéfiant » est attribué au zolpidem (Stilnox et génériques) du fait d’abus (doses élevées sur une longue période), de détournement d’usage (effet récréatif, injection chez les usagers de drogues) et de soumission chimique.
DISPARU
2013 : arrêt de commercialisation du témazépam (Normison) et du flunitrazépam (Rohypnol).
1 Auparavant, l’alimémazine était aussi indiquée dans la toux, l’allergie et la prémédication avant une anesthésie générale.
2European guideline for the diagnosis and treatment of insomnia, 2017.
vigilance !
Les hypnotiques présentent des contre-indications à connaître.
• Benzodiazépines : insuffisance respiratoire sévère, syndrome d’apnée du sommeil.
• Antihistaminiques : glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques à risque de rétention urinaire.
• Alimémazine, prométhazine : antécédents d’agranulocytose avec une autre phénothiazine.
Mélatonine et automédication
En France, la mélatonine est autorisée dans les compléments alimentaires à une dose apportant moins de 2 mg par unité de prise. Elle dispose dans ce cadre de deux allégations : limiter les effets du décalage horaire à partir de 0,5 mg par prise et favoriser l’endormissement à une dose d’au moins 1 mg par prise.
De nombreux experts mettent en garde contre la prise de mélatonine en vente libre car son maniement est délicat : elle influence le rythme veille-sommeil (pour de faibles doses) et, prise à un mauvais moment, est susceptible de le perturber. De plus, elle peut avoir des répercussions sur d’autres fonctions de l’organisme puisqu’elle module l’humeur, le comportement sexuel, le système immunitaire ou encore des fonctions métaboliques (régulation de la température corporelle et de la pression artérielle). Elle possède également une action, selon le cas, vasodilatatrice ou vasoconstrictrice, et pro-inflammatoire.
Pour ces raisons, et du fait d’effets indésirables rapportés dans le cadre du dispositif de nutrivigilance (céphalées, cauchemars, tremblements, migraines, nausées, etc.), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) déconseille sa prise, en automédication en cas de maladies inflammatoires ou auto-immunes, chez les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants et les adolescents, en cas de troubles de l’humeur ou du comportement, d’asthme ou d’épilepsie. Elle met en garde contre le risque d’interactions avec les anticoagulants ou les antiagrégants plaquettaires (augmentation du risque hémorragique), les antiépileptiques, les anti-inflammatoires et les substances agissant sur le système nerveux central.
Pointdevue
Dr Marie-Françoise Vecchierini, neuropsychiatre, centre du sommeil et de la vigilance de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, Paris.
« Attention à bien utiliser les lampes de luminothérapie selon les consignes du médecin »
En quoi consiste la luminothérapie et quand est-elle indiquée ?
La luminothérapie consiste à s’exposer à une lumière de forte intensité dans le but d’inhiber la sécrétion de mélatonine et ainsi de resynchroniser l’horloge biologique interne. Elle est utilisée lors de retard de phase, notamment chez les adolescents et jeunes adultes se couchant très tard. Une séance de 30 minutes est alors prescrite le matin dans le but de « stimuler » l’organisme. Elle est associée à la prise de mélatonine en préparation magistrale. Plus rarement, la luminothérapie est utilisée chez le patient âgé présentant une avance de phase (endormissement et lever précoces) : dans ce cas, les séances ont lieu le soir pour aider le patient à se maintenir éveillé.
Quelles sont les précautions à prendre ?
Les lampes de luminothérapie s’achètent dans le commerce mais attention à bien recommander leur utilisation selon les consignes du médecin (moment d’utilisation, durée de la séance, etc.). Il convient, entre autres, de vérifier l’absence de contre-indications (pathologies oculaires type DMLA, glaucome) ou de prise de médicaments photosensibilisants.
CÉLINE, 36 ANS, INGÉNIEURE
L’INSOMNIE VUE PAR LE PATIENT
IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE
Le manque de sommeil peut avoir de fortes répercussions sur la qualité de vie : fatigue, irritabilité, difficulté de concentration, absentéisme professionnel, etc. Les relations avec l’entourage peuvent être altérées.IMPACT PSYCHOLOGIQUE
L’insomnie aiguë, parfois en lien avec un événement grave, ajoute une préoccupation psychologique avec l’impression de perdre le contrôle de son sommeil.À DIRE AUX PATIENTS
A PROPOS DU TROUBLE
Chez l’adulte, la durée du sommeil, déterminée génétiquement, est en moyenne de 7 à 8 heures avec d’importantes variabilités interindividuelles. Chez la personne âgée, le sommeil se morcelle, les éveils physiologiques entre chaque phase de sommeil sont davantage perçus, d’où une impression possible de mauvais sommeil. Certains insomniaques luttent pour rester éveillé par obligation (s’occuper des enfants, etc.), d’autres parce que l’envie de rester éveillé est trop grande. A force de répéter ces comportements, ils ne ressentent plus les signaux du sommeil (bâillement, nuque lourde, etc.).A PROPOS DU TRAITEMENT
L’agenda du sommeil aide le patient à s’impliquer dans la prise en charge.
question de patient « Un filtre ou des lunettes anti-lumière bleue peuvent-ils être utiles ? »
«L’exposition à la lumière bleue des écrans retarde la sécrétion de la mélatonine et perturbe l’horloge biologique interne. Pour autant, filtrer ces longueurs d’onde ou baisser la luminosité des appareils pour aider à mieux dormir ne suffit pas car la stimulation cognitive ou émotionnelle liée à l’utilisation des écrans persiste. Et elle va à l’encontre du processus d’endormissement. »
question de patient « Que valent les applications connectées sur le sommeil ? »
« Elles apportent des indications sur le sommeil (horaire d’endormissement, intensité du ronflement, etc.) grâce aux capteurs intégrés dans le smartphone, dans la mesure où le téléphone est à proximité de la personne. Celles revendiquant détecter le sommeil profond, léger, voire paradoxal, ne sont pas fiables. A l’heure actuelle, aucune n’a fait l’objet de validation scientifique. Idem pour les objets connectés à intégrer dans la literie ou à disposer dans la chambre : certains, en voulant créer des atmosphères propices au sommeil (son, luminosité), sont plus à risque de le perturber que de le faciliter. »
EN SAVOIR PLUS
Institut national du sommeil et de la vigilance
institut-sommeil-vigilance.org
Haute Autorité de santé
has-sante.fr
Les recommandations pour les professionnels de santé dont les fiches de bon usage : « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’insomnie ? » (2017), « Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés » (2015).
Réseau Morphée
reseau-morphee.fr
Un réseau consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil.
Centre du sommeil et de la vigilance de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, Paris.
sommeil-vigilance.fr
MÉMO DÉLIVRANCE
L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?
– La durée de prescription des benzodiazépines hypnotiques est limitée à 4 semaines, non renouvelable.LE PATIENT A-T-IL ÉTÉ INFORMÉ DU CARACTÈRE TRANSITOIRE DE LA PRESCRIPTION ?
– La prise d’hypnotiques doit rester la plus brève possible et l’arrêt doit être planifié dès le début de la prescription.LE PATIENT SAIT-IL QUAND PRENDRE SON TRAITEMENT ?
– Les benzodiazépines hypnotiques doivent être prises juste avant le coucher (une fois couché pour zopiclone).CONNAÎT-IL LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?
– Les benzodiazépines exposent à un risque de somnolence, de vertiges, d’amnésie des faits récents, de troubles du comportement, d’hypotonie musculaire, de chute et de dépendance. Le patient doit prévoir un délai d’au moins 8 heures entre la prise d’une benzodiazépine à demi-vie courte et toute activité requérant une vigilance.QUELS PRINCIPAUX CONSEILS DONNER ?
- Eviter la prise d’alcool et de médicament à effet sédatif.
oui, mais en précisant au patient que la prise de ce médicament se fait 1 à 2 heures avant le coucher et après le repas, et non comme indiqué par le prescripteur au moment du coucher, comme un hypnotique. A cette dose et sous cette forme, la mélatonine n’a pas d’effet inducteur rapide du sommeil mais peut aider à diminuer la latence d’endormissement et à limiter les éveils nocturnes, fréquents avec l’âge.
NON, le zolpidem a un statut « assimilé stupéfiant » et ne peut donc être délivré durant la période couverte par une précédente prescription, soit ici 14 jours, en l’absence de mention en ce sens apposée par le prescripteur sur l’ordonnance. Les 14 jours de traitement pourront bien être délivrés mais seulement dans 4 jours, à la fin de la période de chevauchement.
Vous attendiez-vous à délivrer autant de kits de dépistage du cancer colorectal ?
1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.
Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !