Et si les grossistes-répartiteurs disaient vrai ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3274 du 18/05/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3274 du 18/05/2019
 
DISTRIBUTION DU MÉDICAMENT

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR FRANÇOIS POUZAUD 

A les entendre, les grossistes-répartiteurs sont au bord du gouffre. Aussi attendent-ils avec impatience la décision du ministère de la Santé qui revalorisera leur mode de rémunération. Mais si aucune solution durable n’était apportée à cette profession, ou si les mesures s’avéraient insuffisantes, devrait-on craindre, à plus ou moins brève échéance, la disparition de certains d’entre eux ? Et, par là même, une fragilisation de l’ensemble de la chaîne du médicament.

Et si demain, toutes les pharmacies ne pouvaient plus être approvisionnées par leurs répartiteurs ? Toujours en attente d’une restructuration de sa rémunération, la répartition pharmaceutique a maintes fois tiré la sonnette d’alarme. Et la réalité de ces dernières semaines prouve qu’il y a tout lieu de prendre la menace au sérieux. Dans son avis publié le 4 avril, relatif à la distribution du médicament en ville, l’Autorité de la concurrence reconnaît la forte dégradation de la situation économique de la répartition et l’urgence d’intervenir pour rendre pérenne le secteur. Car les répartiteurs sont placés dans un goulot d’étranglement, comme l’explique Hubert Olivier, président d’OCP : «   Depuis 2017, notre secteur perd de l’argent et pour la deuxième année consécutive, il affiche des pertes d’exploitation significatives : 23 millions d’euros en 2017 et près de 47 millions d’euros en 2018.   »

Alors que cette profession espère « une sortie par le haut » des négociations entamées avec le ministère de la Santé concernant la refonte globale de son système de rémunération, sur le terrain les répartiteurs défrayent la chronique. La direction d’Alliance Healthcare Répartition (groupe Walgreens Boots Alliance) a annoncé le 28 mars aux instances représentatives du personnel un projet de plan social qui pourrait se traduire par 250 licenciements économiques, des fermetures et regroupements de sites, des réorganisations de services et des mobilités géographiques et professionnelles contraintes. «   Dans le cadre d’un projet de modernisation et de réorganisation, nous investissons plusieurs dizaines de millions d’euros dans notre outil et notre activité. Nous privilégions dans nos négociations avec les partenaires sociaux le reclassement et la mobilité, tout en nous efforçant de limiter les conséquences sociales au maximum   », précise Philippe Coatanea, président d’Alliance Healthcare Répartition. Le leader de la répartition en France, l’OCP, a été quant à lui confronté à un mouvement de grève en mars dans une trentaine d’établissements afin de contester un changement dans le système d’augmentations salariales collectives motivé par un résultat annuel avant impôt nul en 2018.

Autres preuves des difficultés économiques du milieu, un plan social est en cours chez Phoenix Pharma tandis qu’un accord de performance collective est discuté au sein du réseau CERP Rhin-Rhône-Méditerranée. Et ce n’est pas la chasse déclarée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) contre les grossistes « short-liners », dont cinq viennent d’être sanctionnés pour non-respect des obligations de service public, qui permettra de sauver un résultat d’exploitation actuellement réduit à néant. En effet, la concurrence des short-liners ne porte que sur 2,5 % du marché de la distribution en gros.

La graisse, le muscle et maintenant l’os

«   La situation des répartiteurs n’a jamais auparavant atteint un tel niveau d’acuité   », reprend Hubert Olivier. La péréquation entre les moyens alloués et les obligations de service public auxquelles ils sont soumis ne fonctionne plus. Pris en étau entre une fiscalité confiscatoire excessive et disproportionnée (contribution sur les ventes en gros des médicaments) et un modèle économique à bout de souffle, «   les répartiteurs français sont mortels et ce serait une erreur de penser qu’ils sont là pour toujours, quel que soit le modèle économique qu’on leur impose   », appuie-t-il, tout en appelant les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. Les répartiteurs français ne seraient pas les premiers de passer de vie à trépas. «   Au Portugal, les répartiteurs ont traversé à partir de 2017 une crise sans précédent, plusieurs d’entre eux ont déposé le bilan, et en Belgique un répartiteur a connu le même sort   », indique-t-il.

La France n’est donc pas à l’abri d’un défaut de fonctionnement d’un des maillons essentiels de la chaîne de distribution pharmaceutique et d’un scénario qui pourrait avoir des conséquences délétères tant pour le réseau officinal que pour l’accès au médicament. Que cela plaise ou non, les destins des grossistes-répartiteurs et des pharmaciens d’officine sont liés. Si l’officine ne peut plus s’appuyer sur la densité du réseau de la répartition, elle subira de plein fouet une dégradation de son maillage territorial et, plus généralement, les pharmacies perdront un atout précieux : celui de pouvoir fournir en mains propres n’importe quel médicament en moins de 24 heures. N’importe quel médicament, n’importe où et dans pratiquement tous les cas. Quel autre secteur d’activité offre un service comparable ?

Sans un modèle économique pérenne, à la hdiv des enjeux de santé publique (disponibilité des produits, égalité d’accès de la population au médicament partout sur le territoire, lutte contre l’introduction de médicaments falsifiés dans le circuit pharmaceutique français), «   la distribution des médicaments en zone rurale et zone périurbaine, par exemple, pourrait devenir problématique, ce que nous voulons éviter à tout prix   », ne cache pas Hubert Olivier.

Les pharmaciens ne veulent pas payer

Les répartiteurs souhaitent disposer d’un mode de rémunération moins sensible aux baisses des prix des médicaments, comme cela a été fait pour les pharmaciens. Outre un forfait à la boîte sur le générique et une rémunération mixte sur les autres médicaments, la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) réclame la mise en place d’une rémunération supplémentaire sur les produits thermosensibles et les stupéfiants.

Sans présager de ce qui sortira des négociations, le président d’OCP tient à rassurer les officinaux : «   Nous sommes extrêmement attentifs dans les négociations à ce que les différents modèles de rémunération envisageables n’impactent pas négativement le modèle économique des officines, c’est pour nous essentiel.   »

Un point sur lequel les syndicats pharmaceutiques seront, on s’en doute, eux aussi vigilants. Et si la répartition ne devait pas obtenir complètement satisfaction, il est hors de question que le niveau de service rendu serve de variable d’ajustement. «   Celui-ci ne devra pas descendre en dessous de deux livraisons par jour   », prévient Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Pour sa part, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO), estime que «   la dramatisation de la situation économique de la répartition portée par son syndicat est exagérée et que c’est toute la chaîne de distribution du médicament qui souffre   ». Constatant que les difficultés se rencontrent davantage chez les répartiteurs appartenant à de grands groupes que chez ceux qui développent un esprit coopératif, il prévient ce secteur que «   toute proposition de nouvelle rémunération qui irait à l’encontre de la liberté de négociation commerciale des pharmaciens avec leurs grossistes sera vouée à l’échec et non retenue par le gouvernement   ». §

À RETENIR


• Avec près de 50 millions d’euros de pertes d’exploitation en 2018, la répartition est en attente d’une réforme de sa rémunération.

• Outre un forfait à la boîte sur le générique et une rémunération mixte sur les autres médicaments, elle réclame la mise en place d’une rémunération supplémentaire sur les produits thermosensibles et les stupéfiants.

• La solidité de ce maillon de la distribution du médicament est essentielle : à sa manière, il contribue à rendre les pharmacies incontournables.

REPÈRES 

L’ESSENTIEL SUR LES SERVICES DE LA RÉPARTITION

PAR FRANÇOIS POUZAUD

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !