Jonathan Bronner, tout premier bénéficiaire du fonds de la CAVP

En octobre 2017, quand Jonathan Bronner a repris la pharmacie de l’Europe à Strasbourg (Bas-Rhin), le fonds InterPharmaciens faisant appel à la solidarité intergénérationnelle était encore en gestation. A tel point que le nom de ce fonds « éthique  » – ébauché conjointement par la CERP Rhin Rhône Méditerranée (CRRM) et la société Esfin Gestion, filiale du groupe Crédit coopératif spécialisée dans le financement en fonds propres des entreprises de l’économie sociale et solidaire – n’était même pas encore connu.

Le projet d’installation de Jonathan Bronner en Alsace, sa région natale, a donc servi de banc d’essai. Aspirant à l’installation après 5 années d’assistanat, il se heurtait à un manque d’apport : « J’ai cherché pendant 2 ans et fait 5 offres de reprise sans succès, car mon apport pourtant confortable de 150 000 euros restait insuffisant pour boucler l’opération financièrement. Avec un tel apport, en respectant les standards exigés par les banques, je ne pouvais prétendre qu’à l’acquisition d’une pharmacie de 1 à 1,2 million d’euros. »

Ayant gardé un bon contact avec le directeur de l’agence de la CRRM de Strasbourg – il avait travaillé un temps dans cet établissement de répartition –, et lui faisant part de son manque d’apport personnel pour pouvoir faire une offre de reprise intéressante au cédant de la pharmacie de l’Europe (plus de 2 millions d’euros se valorisant communément à 100 % du chiffre d’affaires HT dans la périphérie de Strasbourg), celui-ci lui présente l’offre encore en préparation de financement basée sur un emprunt obligataire simple sans pénalité pour non-conversion, sans frais de dossier ni garantie et avec un taux d’intérêt de 2 %. « J’ai saisi cette occasion et réussi ainsi à acheter une officine de chiffre d’affaires supérieur à ce que je cherchais initialement, sans devoir faire appel à un confrère investisseur qui serait entré au capital de la pharmacie », se félicite ce jeune titulaire dont la volonté délibérée était de s’installer seul : « L’indépendance du pharmacien reste l’ADN de la pharmacie à la française. »

300 000 € d’apport complémentaire

Jonathan Bronner n’a pas eu de difficultés à convaincre les décideurs de ce fonds. « Mon projet était très abouti avec des axes de développement forts, je l’ai présenté au fonds exactement comme je l’ai présenté à la banque qui, elle, m’a consenti deux prêts : l’un pour la SPF-PL ¹ , que j’ai créée pour racheter les parts de la SELURL ² , et l’autre pour la restructuration de la dette de la SEL ³ . » Analyses financières et surtout stratégiques, imagination du futur titulaire et démonstration de sa capacité à devenir chef d’entreprise lui ont permis d’obtenir un complément d’apport personnel de 300 000 euros, financé en crédit in fine sur la même durée que la dette « senior » de la banque.

Il rembourse 6 000 € d’intérêts par an et précise que le cumul de sa dette contractée à titre personnel (dans le jargon, la dette « mezzanine ») et du prêt bancaire (dette « senior ») correspond à un endettement supportable, qu’il contrôle au travers de sa trésorerie qui s’améliore. « Dès la reprise, j’ai cessé une activité non rentable avec un Ehpad ⁴ , j’ai perdu un certain CA mais récupéré au comptoir une personne qui travaillait à plein temps sur la préparation des piluliers. Etant plus nombreux pour servir et conseiller la patientèle, le panier moyen hors TVA 2,1 % et la marge de l’officine ont augmenté, alors que le CA, qui n’a pas progressé, est quasiment celui acquis en 2017 », indique ce pharmacien. 