La sérialisation sur la piste d’un « Plan B » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3257 du 25/01/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3257 du 25/01/2019
 
TRAÇABILITÉ-CONTREFAÇON

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR FRANÇOIS POUZAUD 

Le 9   février, la pharmacie française passera à l’heure de la sérialisation. Ou pas. Car le retard accumulé pour des raisons à la fois techniques et politiques tant au niveau des pharmaciens d’officine que des éditeurs de logiciel a fini par rendre ce calendrier impossible à tenir. Un report de l’application de cette exigence européenne apparaît inévitable. Et le scénario d’un projet national se dessine.

La date du 9 février 2019 avait été fixée par le règlement délégué intervenant en application de la directive « médicaments falsifiés » relative à la mise en place d’un dispositif antieffraction et d’authentification des médicaments. Alors que les industriels ont assumé cette exigence et apposeront comme prévu, au jour J, un identifiant unique sur chacune de leur boîte de médicament de prescription médicale obligatoire, le doute est permis quant à voir le réseau officinal opérationnel sur la sérialisation dès cette année. « Nous espérons être en capacité de répondre à cette obligation dans les six à dix mois », avance Denis Supplisson, directeur général délégué de Pharmagest, auprès de la division pharmacie Europe et vice-président de la Feima (Fédération des éditeurs d’informatique médicale et paramédicale ambulatoire), chargé du collège pharmaciens. « La France ne sera pas le seul pays européen retardataire », (r) assure Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Ayant dénoncé à de multiples reprises l’inefficacité du dispositif de sérialisation prévu dans le règlement européen ainsi que la vision « purement logistique » du rôle du pharmacien d’officine, ce syndicat a décidé à la fin novembre de se retirer de France MVO, l’organisme chargé de la mise en place de la sérialisation en France. Ce n’est pas la seule raison qui a poussé la FSPF à claquer la porte de ce collectif. « Sa mise en œuvre en officine n’a pas de pilotage prévu et France MVO a refusé de se saisir de cette problématique considérant que cela ne relevait pas de son périmètre de délégation », explique Philippe Besset.

Denis Supplisson ne dit pas autre chose : « Nous avons l’impression d’avoir été dans un navire voguant sans capitaine ». Outre le refus des éditeurs de LGO d’assumer la charge financière d’une adaptation de leurs logiciels officinaux et de la partie développement (coût estimé à 200 jours homme), « le cahier des charges est incomplet depuis deux ans, recèle trop de zones d’ombre et des cas de figure qui ne sont toujours pas traités, or il n’est pas de notre ressort de prendre des initiatives qui pourraient avoir des conséquences sur le plan de la santé publique », explique Denis Supplisson. Parce que le système a été mal pensé et le règlement mal calibré, « on ne peut pas s’engager dans des travaux sans être certains que ce sont ceux qui nous seront demandés », complète Christophe Zarrella, chef de produit marketing chez Smart Rx. Seule Winpharma, une autre SSII, maintient que son logiciel sera prêt pour le 9 février, « s’il n’y a pas de modifications substantielles du cahier des charges », précise toutefois Pierre Montigny, le directeur commercial et du développement.

Dans l’attente d’un arbitrage ministériel

Le système étant imparfait et méritant d’être amendé, la FSPF a interpellé le ministère de la Santé afin qu’il reprenne en main le dossier. Une réunion s’est tenue le 29 novembre dernier à la Direction générale de la santé (DGS) en présence des syndicats pharmaceutiques, des éditeurs de LGO et de l’Ordre des pharmaciens afin de dresser un état des lieux. A la suite de cette rencontre, la DGS a demandé aux représentants de la profession de lui faire parvenir, avant le 10 décembre, des propositions écrites de modalités de mise en œuvre du règlement délégué en vue d’évaluer leur faisabilité technique et juridique et de déterminer les responsabilités respectives de chacun des acteurs. Les résultats de l’arbitrage ministériel n’ont pas encore été communiqués. L’objectif de ces propositions est pourtant de mettre en place un dispositif d’application de la sérialisation, de façon que les éditeurs de LGO proposent des solutions permettant aux pharmaciens d’officine d’être en conformité avec le règlement délégué le plus tôt possible.

Entre-temps, le 17 janvier dernier, le ministère de la Santé a fait le choix de revenir d’abord vers Bruxelles et d’entamer des démarches devant la Commission européenne pour tenter d’obtenir le meilleur dispositif à ses yeux. Là aussi, aucun retour officiel pour le moment. Ce qui laisse la profession et les éditeurs de LGO dans l’expectative…

Deux propositions à l’étude

Dès le mois de décembre, les syndicats ont dévoilé leurs propositions. Souhaitant un dispositif le moins contraignant possible et le moins coûteux pour les pharmaciens, sans incident ni conflit pour le patient au moment de la dispensation, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) propose un contrôle et une désactivation de l’identifiant unique (décommissionnement) à l’entrée dans l’officine, en back-office et non devant le client. « Transférer le contrôle de la qualité des médicaments au moment de la réception des commandes ne procure que des avantages : simplicité et réduction du travail supplémentaire avec une lecture unique à la réception, l’élimination immédiate des médicaments invendables sans stockage inutile et coûteux, aucune contrainte à la délivrance et aucun risque pour le patient d’avoir une rupture de traitement », fait valoir Gilles Bonnefond, président du syndicat. « La mise en place d’un dispositif dérogatoire consistant à authentifier chaque boîte à réception des commandes a déjà été acceptée pour les pharmacies à usage intérieur et les médecins propharmaciens », indique-t-il.

Quant à la FSPF, elle propose de séparer les modalités de vérification en back-office– à réception des commandes –, de celles relatives à la désactivation au moment où le pharmacien délivre les médicaments au patient. Un dispositif qui reste donc conforme au règlement délégué et propose également une évolution vers une traçabilité de la dispensation, au moyen du numéro de lot et d’une insertion de ces informations dans le dossier des patients. « Plutôt que de faire un travail strict de sérialisation qui nous paraît inutile, ne passons pas à côté de l’opportunité de transformer cette contrainte en une véritable opportunité pour la santé publique », expose Philippe Besset.

Si le dispositif de l’USPO ne garantit pas une traçabilité totale, il est complété par une procédure interne de gestion automatique des médicaments périmés et des dates de péremption arrivant à échéance. « En scannant une boîte et en saisissant la quantité de boîtes délivrées au moment de la dispensation, le pharmacien enregistre le numéro de lot de la boîte scannée qui a une forte probabilité d’être le même pour les autres boîtes non scannées, compte tenu des modalités de commande du pharmacien et des temps stockage courts en pharmacie », résume Gilles Bonnefond.

Unité syndicale sur ce dossier

Sans préjuger du choix final du ministère de la Santé, les deux syndicats accepteront le résultat de l’arbitrage rendu. D’autant que leurs propositions ont en commun de se connecter au NMVS (système de vérification de l’identifiant unique) en passant par le connecteur proposé par l’Ordre des pharmaciens. Ce serveur intermédiaire serait le système DP, garant de la sécurité des données et de leur non-exploitation à des fins commerciales. L’Ordre et France MVO travaillent sur ce projet.

« Il n’y a pas de compétition entre les deux propositions », assure Philippe Besset. « J’ai demandé l’unité syndicale sur ce dossier », conclut Gilles Bonnefond. 

À RETENIR


•   La mise en place de la sérialisation – dispositif antieffraction et d’authentification des médicaments - était initialement prévue pour le 9 février.

•   La France, comme d’autres pays européens, comptera parmi les retardataires.

•   Les aménagements proposés par la profession sont soumis à l’arbitrage ministériel.

•   Quel que soit le projet retenu, les frais de développement supportés par les éditeurs de logiciel risquent de se retrouver dans le coût de la redevance mensuelle.

MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE LA SÉRIALISATION : PROPOSITIONS DES SYNDICATS FSPF ET USPO

PAR FRANÇOIS POUZAUD

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