Les infections urinaires - Le Moniteur des Pharmacies n° 3256 du 17/01/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3256 du 17/01/2019
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE 

PAS DE FOSFOMYCINE POUR MELLE R.

Le cas : Melle R., 22 ans, est sujette aux cystites. Elle se présente ce samedi matin à la pharmacie avec une ordonnance d'antibiotique datant d'août 2018 qui n'a pas encore été délivrée. La jeune femme se plaint de signes urinaires qu’elle connaît bien : envies urgentes et fréquentes d’uriner. Elle voudrait également de l’ibuprofène.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Melle R., 22 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Son médecin généraliste.


L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

L'ordonnance étant datée de plus de 3 mois, elle ne peut être délivrée.
Des précisions s’imposent afin de conseiller et d’orienter correctement la jeune femme.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Chloé R. est étudiante en master de droit et passe occasionnellement à la pharmacie pour renouveler sa contraception orale ou acheter une boîte d’ibuprofène pour soulager des migraines.
Au mois d’août dernier, elle a fait une cystite et avait indiqué alors au pharmacien qu’il s’agissait du 3e épisode en un an environ. Elle avait à cette occasion débuté une cure de 2 mois de canneberge.


QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?

Lors de ce dernier épisode de cystite, le médecin a rédigé une ordonnance comportant de la fosfomycine afin que la patiente puisse elle-même prendre l’antibiothérapie en cas de récidive. La jeune femme n’a pas eu à recourir à ce traitement jusqu’à aujourd’hui.


QUELS SONT SES SYMPTÔMES ACTUELS ?

Depuis la veille, Melle R. a des mictions fréquentes et ressent des brûlures en urinant. Elle a également un peu de sang dans ses urines. En plus de ces symptômes, elle a de la fièvre et des frissons et souhaite de l’ibuprofène.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE DU PATIENT

L’historique indique des délivrances de fosfomycine en août 2018, de loméfloxacine (Logiflox) en mars et d’éthinylestradiol/ lévonorgestrel 30/150 µg.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

La fosfomycine orale est un antibiotique à large spectre ayant une bonne diffusion urinaire, indiquée dans le traitement des cystites de la femme et de l’adolescente.
Les bandelettes urinaires visant à diagnostiquer une cystite (Uritest 2, Exacto...) détectent la présence de nitrites (marqueur d’infection à entérobactéries) et de leucocytes (témoins de l’inflammation). Une bandelette positive (leucocytes et/ou nitrites positifs) chez une femme, associée à des signes cliniques évocateurs, permet de poser le diagnostic de cystite.


EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ?

Dans un condiv de récidives fréquentes d’épisodes de cystite simple (voir page 6), il peut être proposé à la patiente un traitement antibiotique « autogéré », à prendre après confirmation du diagnostic en cas de bandelette urinaire positive. Un ECBU n’est en effet pas nécessaire dans cette situation. La fosfomycine est alors l’antibiotique de 1re intention. Les fluoroquinolones ne sont plus recommandées dans la prise en charge des cystites simples.
Melle R. ne semble toutefois pas avoir une cystite, mais une pyélonéphrite comme l’évoquent la fièvre et les frissons associés aux signes urinaires.Le pharmacien oriente la patiente vers un cabinet médical ouvert ce samedi matin. Il déconseille également la prise d’ibuprofène pour ne pas favoriser la dissémination de l’infection et propose à la place du paracétamol.


LA NOUVELLE PRESCRIPTION EST-ELLE ADAPTÉE ?

Melle R. a pu consulter un médecin et revient en fin de matinée avec une prescription médicale (voir ci-contre).


QUE COMPORTE-T-ELLE ?

Le paracétamol est un antalgique antipyrétique de première intention.
La ciprofloxacine, antibiotique de la famille des fluoroquinolones, est notamment indiquée dans les infections urinaires.


EST-ELLE CONFORME AUX RECOMMANDATIONS ?

Oui, en cas de pyléonéphrite aiguë sans facteur de risque de complication, l’antibiothérapie probabiliste repose sur une fluoroquinolone en l’absence de prescription antérieure de cette classe les 6 mois précédents, ce qui est le cas pour cette patiente. Une céphalosporine de 3e génération parentérale (ceftriaxone) est indiquée comme alternative. Le traitement sera si besoin adapté en fonction des résultats de l’antibiogramme.


CETTE PATIENTE A-T-ELLE DES CONTRE-INDICATIONS ?

Non.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui, la posologie habituelle de la ciprofloxacine dans les pyélonéphrites est de 500 mg 2 fois par jour. La durée recommandée du traitement est de 7 jours en l’absence de facteurs de risque de complication.
La posologie du paracétamol ne pose pas de problème. Elle peut aller, hors contre-indications, jusqu’à 4 g par jour en cas de douleurs importantes.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Non, ces médicaments n’interfèrent pas entre eux ni avec la contraception estroprogestative de Melle R.


LE TRAITEMENT EXIGE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Le traitement ne nécessite pas de surveillance biologique particulière. En revanche, la patiente doit être informée de certains effets indésirables imposant l’arrêt de l’antibiotique.


QUELS SONT LES CONSEILS DE PRISE ?

Melle R. connaît le paracétamol mais pas la ciprofloxacine qu’elle prend pour la première fois, ce qui nécessite des recommandations.


UTILISATION

La ciprofloxacine se prend indépendamment des repas. A noter, toutefois, qu’une prise à jeun permet une absorption plus rapide. Si l’administration se fait en dehors des repas, il est déconseillé de prendre le comprimé en même temps qu’un produit laitier (lait, yaourt, fromage) ou une boisson riche en minéraux (jus de fruits enrichis en calcium par exemple) qui peuvent, par chélation, réduire l’absorption de la molécule.


QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?

La ciprofloxacine doit être débutée une fois l’ECBU réalisé. Une prise au repas de midi est possible en veillant à prendre la suivante au moins 8 heures après.
En cas d’oubli, prendre la dose oubliée dès que possible en respectant un intervalle de 8 heures avec la prochaine prise.

LA PATIENTE POURRA- T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Une amélioration des signes cliniques doit être constatée dans un délai de 72 heures avec, en particulier, la disparition de la fièvre si la bactérie est sensible à l’antibiotique et sous réserve d’une bonne observance. Sinon, un avis médical est nécessaire avec la réalisation d’un nouvel ECBU, et selon le cas, d’examens complémentaires.


QUELS SONT LES EFFETS INDÉSIRABLES DE L’ANTIBIOTIQUE ?

Les troubles digestifs (nausées, diarrhées) sont fréquents. Des douleurs musculosquelettiques, des éruptions cutanées, des troubles du système nerveux (vertiges, troubles du sommeil, entre autres) sont parfois rapportés et rarement, des troubles de la vision ou de l’audition, des paresthésies, des crises convulsives, une confusion, des idées suicidaires, des réactions de photosensibilité et des tendinites, voire des ruptures du tendon d’Achille. Pouvant survenir dans les 48 heures suivant l’initiation du traitement, le risque de tendinite est accru chez les patients âgés ou ceux sous corticothérapie, ou en cas de pratique sportive intensive.
Les fluoroquinolones exposent également à un risque d’allongement de l’intervalle QT nécessitant des précautions dans certaines situations (pathologie cardiaque, notamment). Une augmentation du risque de survenue d'anévrisme et de dissections aortiques est rapportée.


QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

La prise de probiotiques peut aider à limiter les effets digestifs indésirables de l’antibiotique (Lactéol, Ultralevure, Probiolog, Ergyphilus Plus...), en veillant à prendre les souches bactériennes à distance des antibiotiques.
Des vêtements couvrants et/ou une protection solaire adaptée préviennent le risque de photosensibilisation en cas d’exposition au soleil.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

Des douleurs au niveau du tendon imposent de contacter rapidement le médecin et d’interrompre les prises de l’antibiotique. Il en est de même en cas d’apparition de douleurs musculaires, de confusion, d’idées suicidaires ou en cas de troubles de la vision ou de l’audition.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Rappeler de boire suffisamment pour aider à vidanger la vessie.
Si Melle R. a recours à des compléments alimentaires riches en minéraux (magnésium, calcium, fer...), mieux vaut les prendre à distance de la ciprofloxacine.
Bien préciser que l’antibiotique ne doit être commencé qu’après le recueil des urines. Le laboratoire fournit en général une lingette imprégnée d’un antiseptique pour effectuer une toilette vulvaire, impérative avant l’ECBU. Un antiseptique adapté à une application sur les muqueuses, type hypochlorite de sodium, convient dans tous les cas. Le 2e jet d’urine doit être recueilli dans un flacon stérile fourni par la pharmacie ou le laboratoire.
La prise de canneberge et/ou de probiotiques peut éventuellement être proposée afin de limiter les récidives, mais sans preuve d'efficacité.
  Par Nathalie Belin , pharmacienne, avec la collaboration du Dr Aurélien Dinh , service des maladies infectieuses, hôpital Raymond-Poincaré, Garches (Hauts-de-Seine)

qu’en pensez-vous ?

La fosfomycine est-elle adaptée, chez une femme, devant des signes d’infection urinaire associés à des signes généraux (fièvre, frissons, douleur lombaire) ?

1) Oui, car elle traite en 1re intention toutes les infections urinaires féminines. 2) Oui, à condition qu’un ECBU soit réalisé avant sa prise. 3) Non. La fosfomycine n’est pas indiquée dans cette situation.

Réponse : la fosfomycine est indiquée dans les cystites mais n’a pas sa place en cas de pyélonéphrite, à évoquer devant certains signes (fièvre, frissons, douleurs lombaires) parfois au premier plan par rapport aux signes urinaires. Cette situation nécessite de recourir à un antibiotique, sur plusieurs jours, ayant une bonne diffusion au niveau du parenchyme rénal, ce qui n’est pas le cas de la fosfomycine. De plus, si une bandelette urinaire peut être réalisée pour conforter le diagnostic d’une cystite simple, un ECBU s’impose dans toutes les autres situations (cystite à risque de complication ou pyélonéphrite) avant la mise en route de l’antibiothérapie, afin de pouvoir adapter le traitement en fonction des résultats de l’antibiogramme. Il fallait donc choisir la troisième réponse.

qu’en pensez-vous ?

Melle R. demande si elle peut effectuer le prélèvement d’urine chez elle et le rapporter au laboratoire dans 48 heures lundi matin. Que lui répondez-vous ?

1) Non. Le résultat serait faussé. 2) Oui, si elle prend soin de le conserver au réfrigérateur.

Réponse : la qualité des résultats d’un ECBU dépend en grande partie de la qualité du prélèvement (idéalement toilette à l’eau et au savon, puis application d’un antiseptique d’un seul geste d’avant vers l’arrière chez la femme). Le 2e jet d’urine recueilli dans un récipient stérile peut être conservé au maximum 2 heures à température ambiante et 24 heures au réfrigérateur à 4 °C (source : Société de pathologie infectieuse de langue française). Melle R. ne peut donc pas attendre 48 heures pour porter le prélèvement au laboratoire.

PATHOLOGIE 

LES INFECTIONS URINAIRES EN 5 QUESTIONS

Dues à des pathogènes d’origine digestive, principalement Escherichia coli, les infections urinaires bactériennes sont les plus fréquentes après celles intéressant l’arbre respiratoire.

1 COMMENT CLASSER LES INFECTIONS URINAIRES

On distingue les infections urinaires simplesdes infections urinaires à risque de complication (anciennement nommées « compliquées »). Ces dernières surviennent chez des patients ayant au moins un facteur de risque susceptible de rendre l’infection plus grave et/ou plus difficile à traiter (voir tableau). Un diabète, même insulinodépendant, n’est pas considéré comme un facteur de risque de complication bien que les infections urinaires soient plus fréquentes chez le patient diabétique. Le terme de « cystites » est réservé aux femmes.


2 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

La cystite se manifeste par au moins un des signes suivants : pollakiurie, mictions impérieuses et/ou brûlures et douleurs à la miction. La présence d’une hématurie ne constitue pas un signe de gravité. Il n’y a ni fièvre ni douleurs lombaires. Les cystites récidivantes sont définies par la survenue d'au moins 4 épisodes pendant 12 mois consécutifs.
La pyélonéphrite associe des signes de cystite (de manière inconstante) à une fièvre, des frissons, des douleurs lombaires typiquement unilatérales irradiant vers les organes génitaux externes ; des signes digestifs (diarrhée, vomissements) peuvent être au premier plan.
Les infections urinaires masculines ne sont pas systématiquement des prostatites. Elles peuvent recouvrir un large éventail de présentations cliniques allant de formes peu symptomatiques sans fièvre au sepsis. Ainsi, dans les formes paucisymptomatiques, est-il possible d’attendre le résultat de l’ECBU pour débuter l’antibiothérapie. Cependant, devant l’absence d’outil permettant de discerner les prostatites des autres formes cliniques, toute IU masculine doit être traitée comme une prostatite.
Chez le sujet âgé, les signes urinaires sont souvent moins marqués et la fièvre peu élevée, voire absente. Les signes cliniques peuvent aussi se limiter à un syndrome confusionnel, une anorexie, des chutes répétées, des nausées ou des vomissements. Chez l’homme, les signes urinaires peuvent préexister en cas d’adénome de la prostate : c’est alors leur modification récente qui doit alerter (une accentuation de la pollakiurie par exemple).
Chez le nourrisson, une infection urinaire doit être évoquée devant toute fièvre sans autre foyer infectieux évident, ou devant des signes atypiques : altération de l’état général, troubles digestifs. Les cystites aiguës concernent surtout les petites filles de plus de 3 ans.


3 QUELS SONT LES FACTEURS FAVORISANTS?

Plusieurs sont identifiés : sexe féminin (urètre court, proximité avec le tube digestif), ménopause (modifications hormonales, prolapsus génito-urinaire, incontinence urinaire), grossesse (dilatation physiologique des voies urinaires, variations hormonales), pathologies (diabète, immunodépression), anomalies organiques ou fonctionnelles du tractus urinaire (voir encadré). Et dans les cystites récidivantes : rapports sexuels, utilisation de spermicides, première infection urinaire avant 15 ans, antécédents maternels de cystites, obésité.
Des troubles du transit (notamment constipation) et des apports hydriques insuffisants pourraient aussi favoriser les cystites.


4 QUELS EXAMENS RÉALISER ?


CYSTITE SIMPLE

Le diagnostic est établi devant des symptômes évocateurs et une bandelette urinaire positive. Sans pathologie gynécologique associée (prurit, pertes vaginales), cette association a une valeur prédictive positive supérieure à 90 %.


DANS LES AUTRES CAS

L’ECBU est indiqué. La bandelette urinaire n’est qu’une aide au diagnostic.
En cas de cystite récidivante, l’ECBU n’est réalisé que pour les premiers épisodes afin de connaître le profil de sensibilité des bactéries aux antibiotiques. Secondairement, une bandelette urinaire positive peut permettre « d'autodéclencher » un traitement.
Chez l’homme, toute infection urinaire oblige à rechercher une pathologie du bas appareil urinaire (dysurie préexistante, toucher rectal évaluant le volume de la prostate).
Chez le nourrisson, une bandelette urinaire positive conduit à la réalisation d’un ECBU en urgence. Le prélèvement via une poche doit être évité (nombreux faux positifs). Le recueil des urines en milieu de jet peut être réalisé après un temps d’attente (les nourrissons urinant toutes les 20 à 30 minutes).
Autres examens : ils sont notamment indiqués ou discutés en cas de pyélonéphrite à risque de complication ou grave, d’infection urinaire masculine ou en cas de cystites récidivantes chez la femme ménopausée ou présentant des facteurs de risque de complications (uroscanner, échographie des voies urinaires voire mesure du résidu postmictionnel, débitmétrie urinaire, cystographie rétrograde…).

5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

En l’absence d’antibiothérapie, une cystite simple évolue vers la guérison dans 25 % à 45 % des cas. Une cystite à risque de complication peut plus fréquemment évoluer vers une pyélonéphrite ou récidiver. La pyélonéphrite impose une consultation d’urgence. Elle peut évoluer vers une septicémie, voire un choc septique.
Chez la femme enceinte, 20 % à 40 % des colonisations urinaires gravidiques se compliquent d’une pyélonéphrite qui peut avoir des conséquences graves (fausse-couche, retard de croissance intra-utérin, accouchement prématuré). Un dépistage chaque mois par bandelette urinaire est recommandé dès le 4e mois de grossesse. En cas de positivité, un ECBU est réalisé.
Chez l’homme, les principales complications sont la rétention aiguë d’urines, le choc septique et l’abcès prostatique.
Chez l’enfant, une pyélonéphrite doit faire rechercher une malformation des voies urinaires (reflux vésico-urétéral) ou une immaturité vésicale. 
Pollakiurie
Mictions fréquentes, mais souvent peu abondantes.
Miction impérieuse
Besoin urgent d’uriner.
Sepsis
Dysfonction d’organe menaçant le pronostic vital et secondaire à une réponse inappropriée envers une infection.
Prolapsus génito-urinaire
Communément appelé « descente d’organes », il correspond au glissement vers le bas d’un ou de plusieurs organes pelviens (utérus, vessie notamment) et peut gêner la vidange complète de la vessie.
Valeur prédictive positive
Probabilité que la condition (ici, infection urinaire) soit présente si le test est positif.
Cysto-graphie rétrograde
Examen radiologique de la vessie après introduction d’un produit de contraste dans l’urètre.
Par Emmanuelle Bondon , pharmacienne, avec la collaboration du D r Claire Thalamas , endocrinologue au CHU de Toulouse (Haute Garonne).

Physiopathologie des infections urinaires

- L’appareil urinaire est normalement stérile (sauf extrémité distale de l’urètre). Une diurèse suffisante et des vidanges régulières et complètes de la vessie sont des moyens naturels de défense.

- Les bactéries en cause sont d’origine digestive : Escherichia coli (70 % à 95 % des cas, toutes formes cliniques confondues), proteus et klebsielles (10 % à 25 % des cas). Staphylococcus saprophyticus (1 % à 7 % des cas) est retrouvé chez la femme jeune (15- 30 ans). Les germes remontent le long de l’urètre et se multiplient dans la vessie (cystite). La pyélonéphrite est liée à l’atteinte des voies urinaires hautes (uretère) et du parenchyme rénal. Les facteurs de virulence des souches responsables de cystites sont différents de ceux des souches responsables de pyélonéphrites.

- La présence de bactéries dans les urines ne signifie pas forcément « infection ». Si le patient est asymptomatique, on parle de colonisation urinaire (plus fréquente chez les personnes âgées, rare chez l’homme jeune). En dehors de la grossesse, il n’y a pas lieu de la dépister ni de la traiter.

- Chez l’homme, toute infection urinaire peut atteindre la prostate à la suite d’un reflux d'urine infectée dans les canaux prostatiques par voie rétrograde urétrale.

Interprétation des tests : bandelettes urinaires et ECBU

Bandelette urinaire. Elle détecte les leucocytes (témoins de l’inflammation, à partir de 104 leucocytes/ml) et les nitrites (à partir de 105 bactéries/ml). Ce seuil n’est atteint que si les urines ont séjourné suffisamment dans la vessie (> 4 heures). Certaines bactéries, dont Staphylococcus saprophyticus, ne produisent pas de nitrites. Une bandelette urinaire est négative si les 2 paramètres sont négatifs ; elle est positive si l’un des deux est positif. Chez la femme, devant une suspicion de cystite simple, un résultat négatif fait rechercher un autre diagnostic. Chez l’homme, un résultat négatif ne permet pas d’éliminer une infection urinaire.

ECBU. Une leucocyturie ≥ 104/ml et une bactériurie ≥ 10³ unités formant colonies (UFC)/ml ou ≥ 104 UFC/ml pour S.saprophyticus par ex. signent une infection urinaire.

en chiffres

40 à 50 % des femmes ont au moins une infection urinaire au cours de leur vie. Deux pics de fréquence : au début de l'activité sexuelle et après la ménopause.

Les infections urinaires masculines aiguës : concernent 1,5 à 9 % de l’ensemble des infections urinaires. Une atteinte prostatique est présente dans plus de 80 % des cas.

Chez l’enfant : dans les 3 premiers mois de vie, prévalence plus élevée chez les garçons ; après un an, prévalence plus élevée chez les filles (8 % contre 2 % chez les garçons avant 6 ans).

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER LES INFECTIONS URINAIRES ?

Une antibiothérapie probabiliste monodose n’est indiquée que dans les cystites aiguës simples. Dans toutes les autres situations, l’antibiothérapie est prescrite sur plusieurs jours et adaptée d’emblée ou secondairement aux résultats de l’ECBU.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a actualisé fin 2017 les recommandations de prise en charge des infections urinaires, afin de tenir compte de l’évolution des résistances bactériennes aux antibiotiques et d’éviter l’émergence d’entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE).
Ainsi, les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e génération par voie orale ne sont-elles plus recommandées au cours des cystites chez la femme. Dans les autres infections urinaires, les fluoroquinolones ne doivent pas être utilisées de manière probabiliste en cas de recours dans les 6 mois précédents. Elles restent cependant les antibiotiques de 1re intention au cours des infections urinaires masculines pour les souches sensibles.


CYSTITES


CYSTITE AIGUË SIMPLE

Après confirmation du diagnostic par une bandelette urinaire, la fosfomycine en dose unique est recommandée en 1re intention, le pivmécillinam pendant 5 jours en alternative. Un ECBU n’est indiqué qu’en cas de persistance des symptômes après 3 jours de traitement.
Dans les situations exceptionnelles où ces 2 molécules ne seraient pas adaptées, il est recommandé de réaliser un ECBU et de suivre les choix proposés dans les cystites à risque de complication.

CYSTITE À RISQUE DE COMPLICATION

Un ECBU doit être réalisé. L’antibiothérapie doit si possible être différée et adaptée aux résultats de l’antibiogramme en privilégiant par ordre de préférence les molécules suivantes : amoxicilline, pivmécillinam, nitrofurantoïne, fosfomycine, triméthoprime. La fosfomycine est dans ce condiv recommandée hors AMM sur 3 prises espacées de 48 heures.
Si l’antibiothérapie ne peut être différée (signes cliniques très gênants), la nitrofurantoïne ou la fosfomycine (3 prises) sont recommandées, avec adaptation ultérieure à l’antibiogramme.

CYSTITE RÉCIDIVANTE

En cas d’épisodes peu fréquents (< 1/mois) et en l’absence de facteurs de risque de complications, le traitement est identique à celui d’une cystite simple. La nitrofurantoïne est exclue du fait d’effets indésirables hépatiques et pulmonaires majorés par des prises répétées. Un traitement prescrit et auto-administré est possible chez les patientes éduquées. La canneberge (Vaccinium macrocarpon) peut être proposée en prévention des cystites récidivantes à E. coli, à la dose d’au moins 36 mg par jour de PAC A, bien que son efficacité clinique reste à démontrer. Chez la femme ménopausée, la correction locale de la carence estrogénique limite le risque de récidive en l’absence de contre-indication.
Si les récidives sont très fréquentes (> 1/mois avec échec des mesures précédentes), une antibioprophylaxie sur 6 mois ou plus peut être indiquée (triméthoprime ou fosfomycine). En cas de cystite postcoïtale, la prise de triméthoprime ou de fosfomycine 2 heures avant ou après le rapport est proposée.
La présence de facteurs de risque de complications relève d’une prise en charge pluridisciplinaire.


PYÉLONÉPHRITES DE LA FEMME

En l’absence de signes de gravité, le traitement peut être initié en ambulatoire. Une hospitalisation est par exemple justifiée en cas de forme hyperalgique ou de vomissement rendant la voie orale impossible.
En cas de pylénonéphrite simple, une antibiothérapie probabiliste est instaurée dès l’ECBU réalisé en privilégieant une fluoroquinolone (ciprofloxacine ou lévofloxacine) en l’absence d’exposition à la classe dans les 6 mois précédents. Sinon, une céphalosporine de 3e génération (C3G) injectable est indiquée (ceftriaxone). En cas de contre-indication, un aminoside est proposé (amikacine à l’hôpital, gentamicine, tobramycine) ou l’aztréonam, une bêtalactamine. L’antibiothérapie de relais, par voie orale, est adaptée aux résultats de l’antibiogramme.
En cas de pyélonéphrite à risque de complication, une C3G injectable est privilégiée en traitement probabiliste.
Une pyélonéphrite aiguë grave (sepsis, nécessité d’un drainage) justifie une bithérapie initiale par C3G injectable, voire carbapénème et amikacine.
La durée de l’antibiothérapie est de 7 jours sous fluoroquinolone ou C3G injectable et de 10 jours pour les autres antibiotiques en cas de pyélonéphrite simple. Elle est en général de 10 jours en cas de facteurs de risque de complications. Un ECBU de contrôle n’est réalisé qu’en cas d’évolution défavorable après 3 jours (persistance de la fièvre) ou de récidive.


CHEZ L’HOMME

Les critères d’hospitalisation sont les mêmes que pour les pyélonéphrites. Dans les formes peu symptomatiques, l’antibiothérapie est différée et adaptée aux résultats de l’antibiogramme. Sinon l’antibiothérapie probabiliste comporte une fluoroquinolone ou une C3G injectable.
Après obtention des résultats de l’ECBU, les fluoroquinolones sont privilégiées pour les souches sensibles du fait de leur bonne diffusion prostatique. La durée recommandée du traitement est de 14 jours.


CHEZ LA FEMME ENCEINTE

Colonisation urinaire : un antibiotique adapté à l’antibiogramme est prescrit. En présence d’un streptocoque B (reflet d’une forte colonisation vaginale), une antibiothérapie per-partum (débutée en début de travail) sera indiquée pour éviter une infection néonatale bactérienne précoce.
Cystite :l’antibiothérapie probabiliste repose sur la fosfomycine en 1re intention, le pivmécillinam en 2e intention.
Pyélonéphrite : l’ECBU doit être réalisé en urgence. L’antibiothérapie probabiliste comporte une C3G injectable ou la ciprofloxacine en alternative.
Durée du traitement : 7 jours en cas de colonisation urinaire ou de cystite (sauf fosfomycine, monodose), 10 jours en cas de pyélonéphrite. Un ECBU de contrôle est réalisé 8 à 10 jours après la fin du traitement puis chaque mois jusqu’à l’accouchement.


CHEZ L’ENFANT

Cystite : traitement probabiliste par amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/jour en 3 prises) ou sulfaméthoxazole/triméthoprime (30/6 mg/kg/jour) ou céfixime (4 mg/kg toutes les 12 heures), adapté ensuite aux résultats de l’antibiogramme, pendant 5 jours.
Pyélonéphrite : l’hospitalisation s’impose pour le nourrisson de moins de 3 mois ou en cas d’uropathie connue. En ambulatoire, le traitement probabiliste repose sur la ceftriaxone IM (50 mg/kg/jour, max. 2 g en une injection) ou, si l’état général est bon, le céfixime.


TRAITEMENTS


FOSFOMYCINE-TROMÉTAMOL

La fosfomycine est indiquée dans les cystites de la femme et de l’adolescente, y compris au cours de la grossesse. Elle est efficace sur Escherichia coli producteur de BLSE, mais peu efficace sur Staphylococcus saprophyticus. La molécule est éliminée sous forme active dans les urines où les concentrations restent efficaces durant 36 à 48 heures.
Effets indésirables : diarrhées de courte durée, éruptions cutanées possibles.


PIVMÉCILLINAM

Le taux de sensibilité des bactéries au pivmécillinam, un apparenté aux pénicillines, est élevé dans les cystites simples (> 90 %) et compatible avec un usage probabiliste. Le pivmécillinam est actif sur des entérobactéries productrices de BLSE, peu sur S. saprophyticus.
Effets indésirables : nausées, diarrhées, candidose, éruptions cutanées possibles. Des ulcérations œsophagiennes sont décrites.
Interactions : l’association au méthotrexate (risque de la toxicité hématologique) et à l’acide valproïque (risque d’hypoglycémies, de myopathies, d’encéphalopathies ou de cardiomyopathies avec l’acide valproïque) est déconseillée.

NITROFURANTOÏNE

La nitrofurantoïne est réservée au traitement de la cystite documentée à germes sensibles chez la femme, l’adolescente et la petite fille à partir de 6 ans. Elle peut être utilisée en traitement probabiliste de la cystite à risque de complication. Elle est active sur S. saprophyticus. Du fait de ses effets indésirables, elle est proscrite dans les cystites récidivantes et le traitement est limité à 7 jours.
Effets indésirables : coloration brune des urines, troubles gastro-intestinaux ; rares mais graves, hépatites et pneumopathies lors de prises prolongées ou répétées.
Interactions : les antiacides doivent être pris à au moins à 2 heures d’intervalle.


TRIMÉTHOPRIME

Le triméthoprime n’est utilisé qu’après documentation bactériologique, sauf dans la cystite aiguë de l’enfant où il peut être employé en traitement probabiliste. L'utilisation de Delprim (triméthoprime seul) évite l’exposition au sulfamide antibactérien (dans Bactrim).
Effets indésirables : troubles digestifs essentiellement, manifestations cutanées bénignes (prurit, rash, entre autres). Des troubles cutanés graves sont décrits ainsi que des troubles hématologiques, plus fréquents en association au sulfamide qui expose aussi à des troubles rénaux (cristalluries…). Risque de photosensibilisation (jusqu’à 3 jours après la fin du traitement).
Principales interactions : association contre-indiquée avec le méthotrexate, déconseillée avec le répaglinide. Prudence avec les traitements hyperkaliémiants (diurétiques hyperkaliémiants, IEC, inhibiteurs de l’angiotensine II…). Le sulfaméthoxazole, présent dans Bactrim, est déconseillé avec des substances susceptibles de provoquer des torsades de pointes.

CÉPHALOSPORINES

La résistance aux C3G ayant nettement progressé, le céfixime n’est plus recommandé en traitement probabiliste sauf chez l’enfant. La ceftriaxone par voie injectable est une option possible en traitement probabiliste des pyélonéphtites et des infections urinaires masculines.
Du fait d’un taux de résistance élevé, l’amoxicilline (y compris associée à l’acide clavulanique) n’est pas recommandée en traitement probabiliste.
Effets indésirables : principalement troubles digestifs, manisfestations allergiques.


FLUOROQUINOLONES

Seules la ciprofloxacine et la lévofloxacine sont désormais recommandées en traitement probabiliste, uniquement dans les pyélopnéphrites et les infections urinaires masculines. Le taux de résistance bactérienne à ces 2 souches, inférieur à 10 %, et leur bonne biodisponibilité les font préférer à la norfloxacine, à la loméfloxacine et à l’ofloxacine. Cette dernière pouvant être utilisée en relais après documentation bactériologique.
Selon le CRAT, si une fluoroquinolone est nécessaire au cours de la grossesse, la ciprofloxacine est à privilégier.
Effets indésirables : troubles digestifs, risque de tendinopathies (rare mais grave) notamment au tendon d’Achille pouvant aller jusqu’à la rupture. Cet effet indésirable peut survenir dès les premières 48 heures et jusqu’à plusieurs mois après l’arrêt du traitement. Il est accru par les corticoïdes systémiques, l’âge, une atteinte rénale ou une activité sportive intense. Les fluoroquinolones exposent à un risque d’allongement de l’intervalle QT, peuvent abaisser le seuil épileptogène et être à l’origine de réactions psychotiques (pensées suicidaires...), de neuropathies périphériques, de troubles de la vision, de l’audition et de réactions de photo-sensibilisation. Une augmentation du risque de survenue d'anévrisme et de dissection aortique est rapporté en particulier chez les personnes âgées. Des facteurs prédisposants (antécédents familiaux d’anévrisme...) doivent faire réévaluer le rapport bénéfice/ risque de la prescription. Si celle-ci est maintenue, les patients doivent consulter un service d’urgence en cas de survenue brutale d’une douleur intense abdominale, thoracique ou dorsale.
Principales interactions : le sucralfate, les sels de magnésium, aluminium, fer et zinc doivent être pris à au moins 2 heures d’intervalle. L’association à des médicaments allongeant le QT (antiarythmique, antipsychotique, etc.) peut favoriser des torsades de pointes. L’association de la ciprofloxacine au méthotrexate est déconseillée. La ciprofloxacine inhibe le CYP1A2 et peut ainsi augmenter les concentrations sériques de certains médicaments : agomélatine (association contre-indiquée), clozapine, ropinirole, duloxétine, sildénafil, zolpidem…


AUTRES

Aminosides : ils sont indiqués dans l’antibiothérapie probabiliste des infections urinaires compliquées. Les résistances aquises aux aminosides sont rares mais leurs effets indésirables (rénaux et cocléovestibulaires) limitent leur utilisation (max. 5 jours de traitement).
Aztréonam : soumis àprescription hospitalière, cette bêtalactamine de la famille des monobactames est recommandée en cas d'allergie aux céphalosporines ou aux carbapénèmes, après avis spécialisé.


PERSPECTIVES

Uro-vaxom, un traitement oral renfermant plusieurs sérotypes d’E. coli inactivés par la chaleur, est commercialisé dans certains pays européens. Entrant en concurrence avec les germes uropathogènes, il vise à en limiter le développement. 
Bêta- lactamases à spectre étendu (BLSE)
Elles sont à l’origine d’une résistance de haut niveau aux pénicillines et aux céphalosporines, notamment. Leur émergence et leur diffusion sont favorisées par le large usage des antibiotiques, notamment des céphalosporines de 3e génération et des fluoroquinolones.
PAC A (proantho-cyanidine de type A)
Composants antioxydants responsables de l’inhibition de l’adhérence d’E. coli à la muqueuse vésicale.
Sepsis
Dysfonction d’organe menaçant le pronostic vital et secondaire à une réponse inappropriée envers une infection.
Carba-pénèmes
Bêtalactamines à spectre très large (imipénem, méropénem...) ayant une AMM dans les infections urinaires compliquées.
crat
Centre de référence sur les agents teratogènes (lecrat.fr).
Par Stéphanie Satger , pharmacienne d’officine et Nathalie Belin , avec la collaboration du D r Bernard Castan , infectiologue, Centre hospitalier d’Ajaccio, coordinateur du groupe Bon usage des antibiotiques de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)

CE QUI A CHANGÉ

- A la suite de l’actualisation fin 2017 des recommandations sur les infections urinaires : les fluoroquinolones, y compris en traitement court, ne sont plus recommandées dans les cystites. L’ofloxacine n’est plus recommandée en traitement probabiliste des pyélonéphrites aiguës. Le céfixime n’est plus recommandé en traitement probabiliste des cystites à risque de complication.

- Depuis 2015 : la loméfloxacine et la norfloxacine ne sont plus recommandées dans les infections urinaires car elles exposent à la sélection de germes résistants.

vigilance !

Certaines contre-indications sont à connaître :

Fluoroquinolones : patients épileptiques (sauf ciprofloxacine, à utiliser avec prudence), antécédent de tendinopathies liées à la prise d’une quinolone, enfants jusqu’à la fin de la période de croissance (toxicité articulaire) sauf pour la ciprofloxacine (sur avis spécialisé).

Nitrofurantoïne : insuffisance rénale sévère, tout traitement prophylactique ou prolongé (> 7 jours).

Triméthoprime : prématurés et nouveau-nés de moins d’un mois, 2 premiers mois de la grossesse (si pas d’alternative possible, supplémentation maternelle en acide folique), allaitement pour les nouveau-nés de moins d’un mois.

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ACCOMPAGNER LE PATIENT 

ODILE, 85 ANS, EX-LABORANTINE

« J’ai commencé à faire des infections urinaires après ma première opération pour un prolapsus en 1999 et surtout après la seconde opération, à nouveau pour un prolapsus en 2013. Ca me brûlait très fort en urinant, c’était insupportable. J’ai enchaîné les analyses d’urine et les antibiotiques : j’ai pris notamment de la fosfomycine une fois par semaine durant des années. Ça allait mieux un certain temps puis à nouveau ça me brûlait. J’ai essayé des plantes, de l’homéopathie, rien n’y a fait. Finalement, au printemps 2018, j’ai eu 10 jours d’Oroken et j’ai débuté un probiotique. Depuis, plus d'infection urinaire ! »

LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTS


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

Les symptômes sont gênants, douloureux ; les envies fréquentes d’uriner perturbent les activités quotidiennes. Des récidives fréquentes peuvent entraîner un absentéisme au travail. Dans le cas des cystites postcoïtales, l’intimité peut être perturbée et la perspective d’un rapport sexuel appréhendée.


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

La répétition fréquente des infections urinaires peut être une source d’angoisse car l’épisode peut se déclarer à tout moment. Les patients ont l’impression d’enchaîner les épisodes, sans parvenir à s’en sortir.


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DE LA PATHOLOGIE

Une cystite se caractérise par des signes urinaires sans fièvre ni douleurs lombaires. En l’absence de facteurs de complication (voir ci-après), le diagnostic peut être confirmé par une bandelette urinaire positive s’il n’y a ni perte vaginale ni prurit vaginal signalé. Il s’agit alors d’une cystite simple qui peut guérir spontanément sous réserve notamment d’une hydratation suffisante mais dont les symptômes peuvent alors persister plusieurs jours. Des produits conseils peuvent être essayés.
Une consultation médicale s’impose sans tarder en cas de fièvre et/ou de douleurs lombaires évoquant une pyélonéphrite, ou en cas de suspicion d’infection urinaire chez l’homme, l’enfant, ou la femme enceinte. Un avis médical est également nécessaire en présence de facteurs de risque de complication : notamment immunodépression grave, reflux vésical connu, âge > 65 ans. Le diabète n’est plus considéré comme un facteur de complication des infections urinaires.
Dès le début des symptômes, conseiller de boire régulièrement. Il est parfois préconisé la prise de vitamine C ou de jus de citron pour acidifier les urines et limiter la prolifération bactérienne mais sans preuve d’efficacité. Le paracétamol peut être recommandé en cas de douleur. Attention toutefois car il peut masquer la fièvre. Les AINS ne sont pas recommandés.
En cas de grossesse, les modifications anatomiques favorisent les infections urinaires et notamment les pyélonéphrites : la réalisation d’une bandelette urinaire est donc recommandée chaque mois, dès le 4e mois de grossesse jusqu’à l’accouchement. En cas de bandelette positive, un ECBU sera réalisé et l’antibiothérapie adaptée aux résultats ; un ECBU mensuel sera ensuite réalisé jusqu’à l’accouchement.
Prélèvement d’urine : il s’effectue si possible sur des urines ayant séjourné 4 heures dans la vessie et, pour un ECBU, après toilette de la région urétrale et application d’un antiseptique (type Dakin).


A PROPOS DU TRAITEMENT

Antibiothérapie. Après une prise unique de fosfomycine, la persistance des symptômes pendant 2 à 3 jours n’est pas un critère d’inefficacité. Quel que soit le traitement, la persistance des signes urinaires ou de la fièvre après 72 heures impose cependant un avis médical. Fosfomycine : 2 à 3 heures avant un repas. Pivmécillinam : ne pas s’allonger les 30 minutes suivant la prise. Nitrofurantoïne : l’apparition d’une toux, d’une dyspnée ou d’un ictère associé à des démangeaisons impose un avis médical. Fluoroquinolones : 1 à 2 heures avant des sels de fer, zinc magnésium ou aluminium, ou 4 heures après. Attention au risque de photosensibilisation jusqu’à 48 heures après l’arrêt du traitement. Pas d’activité sportive intense sous traitement ; recommander de consulter un médecin en cas d’apparition de douleurs osseuses, musculaires, de troubles du système nerveux (confusion, troubles du sommeil, de la vue, de l’audition, paresthésies...). Sous triméthoprime et surtout cotrimoxazole : l’apparition d’une fièvre et d’une éruption cutanée imposent un avis médical d’urgence (suspicion de nécrolyse épidermique).
Produits conseils : L’apport de canneberge (au moins 36 mg par jour de PAC A) a fait l'objet de nombreuses études dans la prévention des cystites à E. coli mais sans effets clairement prouvés à ce jour. Des plantes et des huiles essentielles (bruyère, busserole, pissenlit, sarriette, arbre à thé…) sont traditionnellement utilisées en cas de gène urinaire sans fièvre. En l'absence d'amélioration après 48 heures, une consultation médicale s'impose. La canneberge est contre-indiquée en cas d’allergie aux fruits rouges ; prudence sous AVK (risque d’augmentation de l’INR).


PRÉVENTION

Diverses mesures hygiénodiététiques sont recommandées bien que leur efficacité ne soit pas toujours clairement documentée : hydratation suffisante (1,5 litre par jour environ) afin d’assurer des mictions régulières (5 à 6 par jour), régulation du transit ; en cas de cystite postcoïtale, uriner juste après les rapports sexuels et, le cas échéant, stopper l’usage des spermicides. Il est aussi proposé d’éviter les pantalons et les sous-vêtements trop serrés ou en synthétique.
La flore vaginale locale s’opposant à la multiplication de germes virulents qui peuvent être impliqués dans l’apparition des cystites (colonisation de l’urètre), proscrire tout excès d’hygiène intime (douches vaginales...) et les savons antiseptiques (qui n’ont par ailleurs pas d’incidence sur une infection en cours) qui la déstabilisent. Outre la prise de canneberge, des probiotiques peuvent être essayés par voie orale ou vaginale. A la ménopause, un traitement estrogénique local peut aider à limiter les récidives de cystites en corrigeant l’atrophie muqueuse qui favorise la colonisation bactérienne.
Pour les petites filles en particulier, rappeler l’importance de ne pas se retenir d’uriner et de s’essuyer d’avant en arrière.
Par Nathalie Belin, avec la collaboration du D r Aurélien Dinh

question de patient « Comment utiliser les bandelettes urinaires ? »

« La fiabilité des tests par bandelettes urinaires dépend du respect des conditions de conservation (température ambiante, récipient bien fermé avec le dessicant) et d’utilisation. Ainsi, passer directement la bandelette urinaire sous le jet d’urine peut être à l’origine de résultats erronés. La bandelette doit être trempée dans les urines du milieu de jet recueillies dans un récipient propre et sec (pas nécessairement stérile). Une toilette préalable n’est pas nécessaire. La lecture se fait 1 ou 2 minutes après selon les tests : un délai trop long rend le résultat ininterprétable. »

question de patient « Comment réaliser un prélèvement d’urine chez un nourrisson ? »

«Autant que possible, il est préférable de recueillir les urines en milieu de jet, “à la volée” (les nourrissons urinant toutes les 20 à 30 minutes). Le prélèvement par poche est peu fiable. Si on y a recours, il faut suivre les recommandations suivantes : lavage au savon de la zone de contact, changer la poche toutes les 20 minutes et l’ôter dès l’émission des urines ; la porter au laboratoire ou la conserver au réfrigérateur 12 heures maximum. »

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


LA PRESCRIPTION EST-ELLE ADAPTÉE ?

LA PRESCRIPTION EST-ELLE ADAPTÉE ?

ANTIBIOTHÉRAPIE EN PRISE UNIQUE OU PROLONGÉE ?

- Un traitement monodose par fosfomycine n’est indiqué qu’en cas de cystite aiguë (pas de fièvre ni de douleurs lombaires à la différence d’une pyélonéphrite) chez la femme sans facteurs de risque de complication (immunosuppression, sondage urinaire récent, âge > 75 ans…). Les fluoroquinolones, même en traitement court, ne sont plus recommandées dans les cystites.
- Dans toutes les autres situations (facteurs de risque de complication, pyélonéphrites, infections urinaires masculines ou de l’enfant), l’antibiothérapie est prescrite sur plusieurs jours et débutée après réalisation d’un ECBU. Les fluoroquinolones ne doivent pas être utilisées de manière probabiliste en cas de recours dans les 6 mois précédents.

S’AGIT-IL D’UNE FEMME ENCEINTE ?

Après une infection urinaire, un ECBU mensuel sera réalisé jusqu’à l’accouchement.

EST-CE UN CONdiv DE CYSTITE RÉCIDIVANTE ?

Jamais de nitrofurantoïne du fait de ses effets indésirables hépatiques et pulmonaires majorés par des prises répétées.



INFORMATIONS À DONNER AU PATIENT

informations à donner au patient

LES MODALITÉS DE PRISE

Fosfomycine : 2 ou 3 heures avant les repas. Pivmécillinam : avec un grand verre d’eau sans s’allonger les 30 minutes suivantes (risque d’ulcérations œsophagiennes, très rares). Fluoroquinolones : en cas de prise entre les repas, ne pas les prendre en même temps que des aliments riches en minéraux (lait, yaourt, certains jus de fruits,…). Dans tous les cas, 1 à 2 heures avant des sels de fer, calcium, magnésium, zinc, ou 4 heures après.

LES EFFETS INDÉSIRABLES

Fluoroquinolones et triméthoprime (+ sulfaméthoxazole) : risque de photosensibilisation (jusqu’à 2 à 3 jours après la fin du traitement). Fluoroquinolones : consulter le médecin en cas de douleurs tendineuses, de troubles musculaires ou du système nerveux (confusion, paresthésie, troubles de la vue, de l’audition...). Dans ces situations l’arrêt du traitement est recommandé. Nitrofurantoïne : toux, dyspnée ou ictère associé à des démangeaisons imposent un avis médical.


CONSEILS

CONSEILS

A PROPOS DU TRAITEMENT

Sous fosfomycine, les symptômes peuvent persister 2 à 3 jours. Quel que soit le traitement, la persistance des signes cliniques (signes urinaires et/ou fièvre) après 3 jours d’antibiothérapie impose un avis médical.

POUR LIMITER LES RÉCIDIVES

Boire suffisamment (environ 2 litres par jour) pour assurer des vidanges régulières de la vessie. La canneberge (36 mg de proanthocyanidines /jour) est proposée dans la prévention des cystites à E. coli, sans efficacité clairement démontrée.

NON, il faut joindre le prescripteur. La nitrofurantoïne expose à des effets indésirables rares mais graves (fibrose hépatique ou pulmonaire) survenant lors de traitements répétés ou prolongés. Elle ne doit donc plus être utilisée dans un condiv de cystites récidivantes. De plus, pour ces mêmes raisons, le traitement est limité à 7 jours. Il est recommandé de traiter les récidives peu fréquentes de cystite (< 1/ mois) comme un épisode de cystite simple, par fosfomycine ou pivmécillinam en traitement probabiliste.

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oui, il faut cependant vérifier que le médecin a bien fait une ordonnance pour un ECBU et indiquer à la patiente qu’elle ne devra débuter l’antibiotique qu’après avoir réalisé le prélèvement urinaire. Par ailleurs, si Mme C. souhaite débuter sans tarder la cure de magnésium, elle doit prévoir de prendre les sachets au moins 2 heures après la prise de ciprofloxacine ou 4 heures avant, en raison d’un risque de chélation et de diminution de son absorption.

Sources : SPILF Actualisation 2017 des recommandations sur les infections urinaires, base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr – S : substituable – * Hors AMM.

Source : d’après « Recommandations pour la prise en charge des infections urinaires communautaires de l’adulte », SPILF 2017.

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