Télémédecine à l’officine : tout est en ligne - Le Moniteur des Pharmacies n° 3251 du 13/12/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3251 du 13/12/2018
 
DÉSERTS MÉDICAUX

Temps Forts

Enjeux

Les médecins avaient ouvert la marche le 15 septembre dernier. Suivis de près par les pharmaciens. A la télémédecine, ces derniers vont-ils tous se convertir et en devenir la clef de voûte ? A l’aube d’une nouvelle année, c’est le vœu des syndicats signataires d’un avenant conventionnel avec l’Assurance maladie. Le n° 15.

L’avenant conventionnel n° 15 à la convention nationale pharmaceutique signé le 6 décembre par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam), qui acte la participation des pharmaciens au déploiement de la télémédecine à l’officine, envoie un signal fort aux pouvoirs publics. « Prévue par l’avenant conventionnel n° 11 de juillet 2017, cette avancée conventionnelle, en apportant une solution concrète aux personnes âgées et aux personnes fragiles qui peuvent rencontrer des difficultés d’accès aux soins, permet aussi à la profession de relever le défi du plan Ma santé 2022 », fait remarquer Gilles Bonnefond, président de l’USPO.

Si les pharmaciens sont, après les médecins (dont la téléconsultation est au tarif d’une consultation classique à 25 € pour un généraliste), la deuxième profession de santé autorisée à pratiquer la téléconsultation, c’est parce que l’orientation « métier » de la nouvelle convention centrée sur les patients fragiles a permis d’anticiper ce virage organisationnel.

Le moment des derniers réglages

Phénomène classique, la profession doit encore attendre la publication de l’avenant au Journal officiel avant d’investir le terrain de la télémédecine. Un délai mis à profit afin d’adapter la technique aux modalités de mise en œuvre et d’exercice de la téléconsultation à l’officine définies dans l’avenant n° 15, car « il reste encore un peu de travail à réaliser sur le plan informatique au niveau des caisses et des éditeurs de logiciels de gestion officinale (LGO) pour permettre la télétransmission du code traceur, facturé un euro, qui servira à alimenter le compteur du pharmacien sur le nombre de téléconsultations réalisées au sein de son officine » (voir Repères p. 16), signale Philippe Gaertner, président de la FSPF. En revanche, « le rapprochement des cotations des actes de téléconsultation du médecin et du pharmacien est un travail qui n’incombe qu’aux services informatiques de l’Assurance maladie », ajoute-t-il.

Le cadre conventionnel étant défini, il convient maintenant de réunir les conditions de mise en place pour que les pharmaciens puissent se projeter dans cette nouvelle dimension de l’exercice officinal. « C’est la prochaine étape à mener dans chaque territoire de santé, estime Gilles Bonnefond. Il va falloir se rapprocher des autres professionnels de santé et discuter de l’interopérabilité des matériels, des moyens de communication entre les récepteurs (médecin de ville, hôpital) et l’émetteur (pharmacie), car l’enjeu est de mettre en place ces outils de télémédecine compatibles et synchronisés entre eux, dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ».

Le tremplin des CPTS

En tout état de cause, la télémédecine à l’officine n’aura d’avenir que si le couple médecin/pharmacien décide ensemble de s’emparer de cette nouvelle technologie. « Cela ne servira à rien de s’équiper s’il n’y a personne au bout de la ligne, cette approche doit se réfléchir entre professionnels », complète Philippe Gaertner. Une telle connexion ne peut se faire que dans le respect du parcours de soins, entre le médecin généraliste traitant du patient et le pharmacien, réagit MG France. Ce syndicat de médecins voit notamment d’un mauvais œil l’opportunisme des plateformes de téléconsultation médicale « hors-sol » qui mettrait à mal la bonne organisation des soins.

S’il appartient à chaque pharmacien de décider de l’opportunité de s’équiper ou non, la consigne de l’USPO est néanmoins d’intégrer les CPTS : « Il faut avoir 100 % des pharmaciens dans les CPTS ! » exhorte Gilles Bonnefond. Car, selon lui, elles sont le meilleur tremplin pour pouvoir poursuivre les discussions avec les professionnels de santé et envisager « de nouvelles fenêtres d’utilisation » de la télémédecine à l’officine, en particulier dans le cadre de la prise en charge des urgences et des soins non programmés. « Il faut discuter dans les territoires avec les CPTS, avec les hôpitaux qui, de leur côté, sont en train de s’équiper en outils de télémédecine, avec les Ehpad, et avec les services de cancérologie par rapport au nouvel avenant relatif à la chimiothérapie orale, car la possibilité d’avoir une visioconférence pour un patient cancéreux traité à domicile peut être utile », explique le président de l’USPO.

L’équipement pour tous !

Concernant l’équipement du local de téléconsultation, il appelle les pharmaciens qui nourrissent un projet de télémédecine à être vigilants sur les offres parfois déraisonnables (investissement de 20 000 à 30 000 euros) de certains fabricants. « Nous n’avons pas voulu placer la barre trop haut sur l’indemnité forfaitaire d’équipement pour avoir des tarifs adaptés aux besoins des pharmaciens », confie-t-il.

Face aux prix démesurés proposés pour l’installation de certaines cabines de téléconsultation, Alain Delgutte, président du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens, compte sur les groupements pour réduire les prix, par le biais de la mutualisation des moyens. « Il ne faut pas priver les patients qui ont besoin de consulter un médecin, de la possibilité de le faire par téléconsultation dans l’officine de leur choix. Plus la demande des pharmaciens sera forte, plus les prix baisseront », pense-t-il. Et de considérer que l’offre de télémédecine doit pouvoir répondre à des principes d’égalité. Egalité dans les territoires et égalité dans l’accès des pharmacies à cette solution technique.

Même si les syndicats s’attendent à un lent démarrage de la télémédecine en officine, Gilles Bonnefond déclare veiller à ce que « la télémédecine ne soit pas un instrument d’attractivité qui pourrait détourner le patient de sa pharmacie habituelle et donc creuser da vantage les disparités entre les officines ». En effet, « certains pharmaciens pourraient être tentés de se suréquiper et de le faire savoir pour capter la clientèle de pharmacies voisines ».

Cette concurrence entre pharmaciens semble moins gêner Alain Delgutte : « L’Ordre veillera pour sa part à ce que la communication de la pharmacie sur ce téléservice soit conforme au Code de déontologie. Sinon, rien n’empêche un patient d’aller faire une téléconsultation dans une pharmacie équipée et d’aller récupérer l’ordonnance télétransmise par son médecin dans la pharmacie qui lui dispense habituellement ses médicaments. » Au-delà de la concurrence entre officines, MG France pointe du doigt un autre problème : « Le possible conflit d’intérêts du pharmacien d’officine qui adopte la téléconsultation, en mettant de facto une pression sur le prescripteur, est un point très gênant de cet avenant », insiste Jacques Battistoni, président du syndicat. Mais déjà, une nouvelle application de la télémédecine mérite d’être mise à l’étude : la réalisation des entretiens pharmaceutiques par vidéotransmission. 

SOURCE D’ÉCONOMIES ?

Selon une enquête récemment réalisée par IQVIA avec le soutien du Leem (Les entreprises du médicament), la télémédecine permettrait de réduire de 6 % à 21 % le coût de la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques. Cette étude « en vie réelle » montre que, dans trois pathologies modélisées (hypertension artérielle, cancer de la prostate, rétinopathie diabétique), des actes susceptibles d’être pratiqués par la télémédecine permettraient de réaliser 356 M€ d’économies par an.

À RETENIR


•  L’avenant conventionnel n° 15 qui a été signé le 6 décembre et doit encore être publié au Journal officiel signe le démarrage de la télémédecine en officine.

•  Ce service pallie les difficultés d’accès aux soins. Chimiothérapie à domicile, entretiens pharmaceutiques… il peut présenter beaucoup d’intérêt.

•  Attention aux offres abusives de certains fabricants. La participation forfaitaire de l’Assurance maladie la première année est de 1 225 €.

•  La télémédecine permettrait de réduire de 6  % à 21  % le coût de la prise en charge des patients chroniques.

REPÈRES 

POINTS CLÉS DE LA TÉLÉCONSULTATION EN PHARMACIE

* Maison de santé pluriprofessionnelle - ** Communauté professionnelle territoriale de santé - *** Equipe de soins primaires Source : avenant n°15 à la convention nationale pharmaceutique
Par François Pouzaud - Infographie : Walter Barros

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