Comment avancer ses pions dans la prévention - Le Moniteur des Pharmacies n° 3250 du 06/12/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3250 du 06/12/2018
 
RAPPORT DE L’ORDRE DES PHARMACIENS

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR MAGALI CLAUSENER 

L’Ordre des pharmaciens a diffusé 15 propositions afin de renforcer le rôle des pharmaciens en matière de prévention. Un enjeu professionnel mais pas seulement. Politique, cette initiative vise aussi et surtout à positionner les pharmaciens dans le cadre du plan gouvernemental « Ma Santé 2022 ».

C’est lors de sa 31e Journée, le 26 novembre dernier, que l’Ordre a diffusé son rapport « Développer la prévention en France : 15 propositions pour renforcer le rôle des pharmaciens ». Issues des expérimentations ou d’actions déjà menées notamment par les URPS (unions régionales de professionnels de santé) ou à l’étranger, la plupart des propositions ne sont pas complètement novatrices. Il s’agit en particulier des entretiens de sevrage tabagique, du dépistage du diabète ou de la vaccination antigrippale. Sans omettre les missions inscrites dans la convention pharmaceutique telles que les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication. En revanche, certaines sont effectivement des propositions plus innovantes. A l’instar de la mise en place d’entretiens formalisés de prévention à différents âges de la vie (25, 45 et 65 ans), et d’entretiens nutritionnels ; de la détection et de la prévention du mésusage et de l’usage détourné des médicaments ; de la réalisation de TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) pour le VIH et les hépatites B et C en officine, ou bien du repérage des personnes âgées fragiles.

Bien rangé dans les bons tiroirs

L’idée n’est pas tant d’innover mais de s’appuyer sur les compétences et les capacités des pharmaciens afin d’accroître un rôle déjà inscrit dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Renforcer l’implication des pharmaciens dans l’information sur la vaccination et le suivi vaccinal, et la vaccination des adultes (propositions 5 et 6), voilà qui s’inscrit dans la droite ligne de la généralisation de la vaccination antigrippale par les pharmaciens actée par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019. La prévention du mésusage et de l’usage détourné des médicaments (proposition 3) fait partie du cœur de métier. Le dépistage précoce du diabète par la réalisation de tests capillaires (proposition 8) a déjà fait l’objet de campagnes de prévention dans le Grand Est, en Bourgogne et à la Réunion. La conciliation médicamenteuse est déjà pratiquée par des officinaux. L’Ordre propose de la systématiser à l’entrée et à la sortie des établissements de santé et médico-sociaux (proposition 13).

La seconde grande idée de ce rapport est « d’organiser » ces propositions dans une véritable logique, visible et pérenne. Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre, le souligne dans l’éditorial qui accompagne le rapport : les travaux ont été menés « selon 5 axes issus des orientations de la Stratégie nationale de santé et illustrant le rôle des pharmaciens dans les trois niveaux de prévention ». Depuis plusieurs années, expérimentations, campagnes ou actions se multiplient sur le terrain, mais de façon éparse et disparate. Le rapport ordinal, qui ordonne les propositions en prévention primaire, secondaire et tertiaire, donne un fil rouge aux diverses interventions officinales. Il les place également dans un condiv précis : celui du parcours de santé et de la coordination interprofessionnelle. Enfin, il les légitime. Le maillage territorial et la disponibilité des pharmaciens, que l’on peut voir sans rendez-vous, font des officinaux des « acteurs incontournables d’une politique de prévention », écrit Carine Wolf-Thal.

L’objectif de l’Ordre, en émettant ces propositions et en démontrant leur bien-fondé, est bel et bien de positionner les pharmaciens dans le système de santé rénové. Carine Wolf-Thal l’a dit d’emblée à l’ouverture de la 31e Journée de l’Ordre : « Les pharmaciens vivent un moment historique et ont l’opportunité d’inscrire leurs missions dans la politique de santé » et, par conséquent, dans la future loi qui concrétisera des mesures du plan « Ma Santé 2022 ».

Conditions de mise en œuvre encore floues

Encore faut-il que la profession soit convaincue par ces préconisations. Ce qui semble être le cas. « La présidente de l’Ordre a mon plein soutien », déclare Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Les propositions me vont bien », estime Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Reste la mise en œuvre. « Chaque pharmacien ne pourra pas d’emblée mettre en place toutes les actions. Il devra faire un choix en fonction de sa patientèle et de sa typologie, et de son exercice professionnel. Il faut y aller progressivement car cela suscite deux autres sujets : l’évolution de la configuration des officines et le fonctionnement global économique », remarque Philippe Gaertner. « Il faut réfléchir à quel rythme mettre en œuvre ces propositions pour ne pas avoir de blocages avec les médecins et les infirmiers », relève aussi Gilles Bonnefond. L’Ordre est d’ailleurs bien conscient des difficultés. Dans son rapport, il liste pour chaque proposition les leviers de mise en œuvre comme l’élaboration de protocoles avec la Haute Autorité de santé ou la parution de divs réglementaires. Dans certains cas, il recommande une expérimentation (entretiens nutritionnels, réalisation en officine des TROD, élargissement des entretiens pharmaceutiques aux patients chroniques et à ceux suivant des traitements complexes tels que la chimiothérapie orale). Selon Eric Ruspini, membre du bureau de la Société française de pharmacie clinique (SFPC), séduit par le rapport, le prérequis indispensable est la mise à disposition d’outils informatiques permettant de faire remonter les données et de tracer les interventions. « Les LGO doivent absolument évoluer pour être interopérables avec les autres professionnels de santé et les hôpitaux. Il y a urgence à développer une informatique efficace pour avoir des soins de meilleure qualité à un moindre coût », complète-t-il.

Dernier point à résoudre : la rémunération. Car il ne s’agit pas de travailler gratuitement, ainsi que le souligne l’Ordre en évoquant des entretiens rémunérés. Selon les syndicats, les actions de prévention peuvent être financées soit par l’Assurance maladie et les complémentaires, soit par le patient sur facturation. Le président de la FSPF ajoute une troisième source de financement : les programmes locaux ou régionaux avec les URPS et les ARS (agences régionales de santé). Quoi qu’il en soit, il faut désormais attendre une concrétisation dans le projet de loi que doit présenter le gouvernement début 2019. 

DE LA LÉGITIMITÉ DES PHARMACIENS

Deux jours après la diffusion du rapport ordinal, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a vivement réagi. En ligne de mire, les entretiens de prévention : « Une consultation globale de prévention est demandée depuis fort longtemps par la CSMF, à des âges clés de la vie. Sans nier l’apport des pharmaciens, l’accorder aux pharmaciens alors qu’elle ne l’a pas été aux médecins serait pour le moins saugrenu », déclare le syndicat. Il estime aussi que « les modifications des contours de métier et des rôles de chacun ne peuvent intervenir que par le dialogue entre les représentations professionnelles, et non au détour d’un quelconque projet de loi ou de modification unilatérale, sans tenir compte des impacts sur les autres professions ». Philippe Gaertner, président de la FSPF, souligne que les propositions de l’Ordre « n’enlèvent en rien les prérogatives des autres professionnels de santé ». Pascal Sellier, de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébrolésés (UnafTC), tranche  : « Il ne s’agit pas de substituer les pharmaciens aux médecins. Leur maillage extraordinaire du territoire leur permet d’être présents auprès des patients. Le pharmacien peut tirer la sonnette d’alarme face aux problèmes d’un patient et l’orienter vers le médecin. Mais la sollicitation doit être mutuelle : le patient doit aussi avoir l’intelligence de demander conseil à son pharmacien. »

À RETENIR


•  L’Ordre a diffusé fin novembre 15 propositions afin de renforcer le rôle des pharmaciens dans la prévention.

•  L’instance s’est inspirée d’initiatives de terrain.

•  Les propositions s’inscrivent en prévention primaire, secondaire et tertiaire (voir page 14).

•  Les médecins ont réagi à l’entretien de prévention, car eux aussi revendiquent une consultation globale de prévention.

REPÈRES 

RENFORCER LE RÔLE DES PHARMACIENS DANS LA PRÉVENTION

Source : Développer la prévention en France – 15 propositions pour renforcer le rôle des pharmaciens – Ordre national des pharmaciens – octobre 2018
PAR MAGALI CLAUSENER – INFOGRAPHIE : WALTER BARROS

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