Vos questions poil à gratter sur le DMP - Le Moniteur des Pharmacies n° 3247 du 15/11/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3247 du 15/11/2018
 
CARNET DE SANTÉ NUMÉRIQUE

Temps Forts

Entretien

Auteur(s) : PAR FRANÇOIS POUZAUD AVEC LAURENT LEFORT 

Lancé officiellement le 6   novembre dernier par l’Assurance maladie, le dossier médical partagé (DMP) est désormais généralisé à toute la France. Son déploiement et son succès dépendront en grande partie de la contribution des professionnels de santé, notamment des pharmaciens. Réponses d’experts aux questions qui se posent déjà au comptoir, tandis que les créations vont bon train.

Pourquoi le DMP n’est-il toujours pas intégré aux logiciels des officines ?

Les éditeurs n’étaient pas en mesure d’intégrer le DMP à leur logiciel de gestion des officines (LGO) tant que les interfaces de programmation de la Cnam et les numéros d’inscription au répertoire de la Sécurité sociale n’étaient pas mis à leur disposition, précise Denis Supplisson, directeur général délégué et directeur de la division pharmacie Europe de Pharmagest ainsi que vice-président de la Fédération des éditeurs d’informatique médicale et paramédicale ambulatoire (Feima). Un accord avec Nicolas Revel, directeur de la Cnam, prévoyait qu’il n’y aurait pas d’intégration possible tant que les connecteurs permettant la liaison avec l’Assurance maladie n’étaient pas autorisés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Cela a été chose faite en mai 2018 et c’est seulement à partir de cette date que les éditeurs ont pu commencer à travailler sur des LGO compatibles, intégrant le DMP.

Où en sont justement les développements des éditeurs ?

La Feima travaille actuellement avec les équipes de la Cnam sur deux sujets, relate Denis Supplisson : «   Tout d’abord, la possibilité de créer des DMP depuis tous les postes de travail de la pharmacie, c’est-à-dire de pouvoir s’affranchir de la carte professionnelle de santé (CPS) et éviter ainsi des situations d’encombrement lors de la consultation des DMP dans les officines multipostes. Ce chantier pourrait être terminé, en ce qui concerne Pharmagest, pour le premier trimestre 2019. Mais, pour le moment, 80   % des DMP sont créés avec les lecteurs Kapelse.   »

Les autres travaux en cours concernent les données du système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie (Sniiram), qui doivent pouvoir alimenter les DMP. Et, pour l’instant, les LGO de pharmacie ne sont pas prêts, ni pour consulter ces données ni pour alimenter les DMP.

Comment obtiendra-t-on le consentement du patient lors d’une création par LGO compatible ?

Avec le lecteur de carte Vitale classique, répond la Cnam. Lors de la création du DMP du patient, le LGO compatible doit proposer un élément graphique type « case à cocher » afin que l’utilisateur confirme qu’il a bien recueilli le consentement du patient pour la création de son DMP. Certains LGO prévoient une signature du patient (à l’aide d’un stylet par exemple), mais cette démarche n’est pas obligatoire. Un accusé de réception de la création du DMP est ensuite remis au patient, celui-ci peut être matérialisé par la remise de la brochure d’information préalablement datée.

Une simple case à cocher dans le LGO, est-ce suffisant pour décharger le pharmacien de sa responsabilité ?

«   Aujourd’hui, la Cnil se satisfait d’un simple accord du patient sans imposer qu’il ne signe. Cependant, afin de se protéger d’un éventuel recours ou en cas de réclamation du patient, le professionnel de santé a intérêt à recueillir sa signature, preuve de son consentement, qui est stockée sur les serveurs sécurisés de Kapelse   », conseille Denis Supplisson.

Le pharmacien peut-il créer un DMP au domicile du patient sur le site dmp.fr, via une tablette ou un portable ?

La lecture de la carte CPS (ou de la carte de personnel d’établissement, CPE) reste obligatoire pour la création du DMP. Ce qui signifie qu’il faut un lecteur double ou deux lecteurs afin de pouvoir lire à la fois la CPS (ou la CPE) et la carte Vitale, explique-t-on à la Cnam. Le pharmacien devra saisir le code PIN de sa CPS pour s’authentifier. Certains logiciels offrent des solutions sur tablette. Comme pour la création d’un DMP par un logiciel métier compatible, le lecteur de carte Vitale est nécessaire et le recueil de consentement se fait par tout moyen, y compris dématérialisé (case à cocher par exemple).

Quand les pharmaciens seront-ils payés pour leurs ouvertures de DMP ?

En avril 2019, en même temps que les autres rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP).

Comment sera alimenté le DMP ?

Les documents peuvent être déposés par les professionnels de santé, sauf opposition du patient. Celui qui soumet un document au DMP peut le masquer aux autres professionnels de santé (à la demande du patient). Dans ce cas, seul son médecin traitant et l’div du document pourront en prendre connaissance. Le médecin traitant a des droits spécifiques qui lui permettent de faire toutes les actions relevant du patient, à sa demande. En ajoutant le volet de synthèse médicale, c’est lui qui permet aux autres professionnels de santé de prendre connaissance de l’historique médical de l’assuré. Il est par ailleurs possible de rendre un document invisible pour le patient. Il en sera ainsi de certaines informations diagnostiques. «   Celles relatives à un cancer peuvent être masquées par le professionnel de santé jusqu’à la consultation d’annonce, pour ne pas brutaliser le patient   », complète Yvon Merlière, directeur de la mission DMP à la Cnam. Il y a ensuite les documents déposés par l’Assurance maladie (qui n’a pas accès au DMP) et par le patient lui-même.

Le pharmacien a-t-il un accès total au DMP ?

Oui, il peut consulter tous les comptes rendus et synthèses (volets de synthèse médicale et dossier de liaison d’urgence). Une matrice d’habilitations définit, par profession et par discipline, la liste des documents auquel le professionnel de santé a accès. L’exhaustivité de la matrice d’habilitations des professionnels de santé est disponible sur le site web dmp.fr.

Dans un premier temps, de quelles données le pharmacien pourrait-il enrichir le DMP ?

Selon Denis Supplisson, des discussions sont en cours avec l’Assurance maladie pour enrichir le DMP du carnet de vaccination numérique et des bilans partagés de médication dans les 12 à 18 mois à venir.

Est-il prévu des modes d’accès particuliers pour les situations d’urgence ?

Oui, la Cnam a prévu des accès spécifiques d’urgence à condition que le patient ne s’y soit pas opposé. Il s’agit, d’une part, d’un accès Samu-centre 15 où le médecin régulateur peut accéder au DMP d’un patient pour lequel il reçoit un appel. D’autre part, d’un accès en mode « bris de glace » où tout professionnel de santé peut consulter le DMP d’un patient dont l’état comporte un risque immédiat pour sa santé, sauf si l’assuré l’a spécifiquement bloqué auparavant. Dans ce cas, le professionnel de santé renseigne le nom du patient, son prénom, sa date de naissance et la justification de l’accès.

Comment le patient peut-il contrôler son DMP et savoir que le pharmacien a déposé un document ?

Le patient est notifié, par SMS ou par e-mail, lors d’un premier accès à son DMP par un nouveau professionnel de santé ou en cas d’ajout d’un nouveau document. Les accès des professionnels de santé sont tracés et consultables par le patient, ainsi que par son médecin traitant.

L’ouverture d’un DMP se reporte-t-elle automatiquement sur les ayants droit, notamment les enfants ?

«   Avant la mise à disposition des numéros d’inscriptions au répertoire de la Sécurité sociale, les interfaces de programmation ne permettaient d’ouvrir un DMP que pour les assurés. Désormais, et avec la version 2.0 de l’application Kapelse (voir Repères ci-contre), on peut ouvrir un DMP pour l’assuré et pour tous les bénéficiaires présents sur sa carte Vitale   », informe Denis Supplisson.

Peut-on ouvrir un DMP pour un étudiant ? Un indépendant ? Un mineur ?

La Cnam a prévu que tout bénéficiaire d’un régime de Sécurité sociale (majeur ou mineur) peut bénéficier, s’il le souhaite, d’un DMP. L’ouverture d’un DMP pour un enfant mineur revient au titulaire de l’autorité parentale, sauf si le mineur de 16 ans et plus est émancipé.

Les établissements de santé ont-ils la possibilité d’alimenter les DMP ?

Oui, et ce de façon automatique, directement depuis leur dossier patient informatisé. Pour cela, ils doivent identifier, en commission médicale d’établissement, les documents à ajouter aux DMP de leurs patients.

Que ne permet pas le DMP ?

«   Le DMP n’est que la bibliothèque du patient sur sa santé. Ce n’est pas un outil de coordination des soins. Ce qui l’est, ce sont les messageries sécurisées de santé et les expérimentations sur le terrain de santé numérique   », nuance Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo). Denis Supplisson ajoute : «   des images sont stockées dans le DMP, mais il n’est pas encore possible de les exploiter informatiquement à des fins d’analyses pharmaceutiques   ».

Le dossier pharmaceutique et le DMP peuvent-ils communiquer entre eux ?

La loi prévoit que le volet médicament du DMP soit celui du dossier pharmaceutique, mais pour l’instant, ce dernier et le DMP ne peuvent pas s’interconnecter, car ils n’utilisent pas les mêmes moyens d’identification. Le dossier pharmaceutique sera amené à évoluer. §

À RETENIR


•    Relancé le 6 novembre dans une nouvelle mouture, désormais généralisé à toute la France, le dossier médical partagé (DMP) doit améliorer la prise en charge des patients, limiter les interactions médicamenteuses et éviter les prescriptions d’examens redondants.

•   Les pharmaciens pourront y ajouter des documents et le consulter.

•   L’Assurance maladie, les laboratoires pharmaceutiques, les mutuelles, les banques et les assurances ne peuvent le consulter.

•   A chaque fois qu’un professionnel de santé accède à un DMP, son titulaire est averti de la connexion.

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