Dysthyroïdies - Le Moniteur des Pharmacies n° 3247 du 15/11/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3247 du 15/11/2018
 

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Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE 

SUITE DE THYROÏDECTOMIE POUR MME A., 32 ANS

Le cas : Mme A., 32 ans, est sous lévothyroxine depuis une dizaine d’années suite au diagnostic d’une hypothyroïdie. Elle a subi une thyroïdectomie il y a 3 jours. Sortie de l’hôpital ce matin, elle vient récupérer les médicaments prescrits par l’endocrinologue.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Mme A., 32 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Le chirurgien endocrinologue qui a réalisé la thyroïdectomie.


L’ORDONNANCE EST-ELLE CONFORME À LA LÉGISLATION ?

Oui.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Mme A. est une patiente habituelle de l’officine. Elle est suivie depuis de nombreuses années pour un goitre associé à une hypothyroïdie d’origine congénitale nécessitant une hormonothérapie substitutive par lévothyroxine avec des dosages alternant entre 75 et 100 µg par jour. Suite à des effets indésirables (perte de cheveux, fatigue…) survenus lors du changement de formule de Levothyrox, Mme A. est passée sous L-Thyroxin Henning 100 µg qu’elle supporte bien.
Il y a 4 mois, la patiente a fait part de son projet de grossesse et de l’arrêt de sa contraception œstroprogestative.

QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE CONSULTATION ?

Depuis 3 mois, le goitre augmente de volume et entraîne une gêne fonctionnelle (appui sur la trachée, gêne à la déglutition, etc.). Une thyroïdectomie totale a donc été proposée par le chirurgien endocrinologue.


QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?

Mme A. a été opérée il y a 3 jours. L’intervention s’est bien déroulée, mais une légère atteinte des glandes parathyroïdiennes n’a pu être évitée, avec pour conséquence potentielle une hypocalcémie transitoire. Un traitement visant à prévenir une carence en calcium a donc été prescrit. Le médecin a indiqué que la fonction parathyroïdienne se rétablissait le plus souvent en quelques semaines ou quelques mois, autorisant alors l’arrêt du traitement.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE PATIENT

L'historique de la patiente mentionne des délivrances de Levothyrox 100 et 75 µg puis les derniers mois de L-Thyroxin Henning 100 µg.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

La lévothyroxine ou LT4 (L-Thyroxin Henning), forme lévogyre de l’hormone physiologique T4 ou thyroxine, constitue un traitement hormonal substitutif de toutes les formes d’hypothyroïdie. Elle est secondairement métabolisée au niveau des tissus en liothyronine (forme lévogyre de la triiodothyronine, T3), hormone biologiquement active.
L’alfacalcidol (Un-alfa) est un précurseur de la vitamine D3 qui permet d’augmenter l’absorption intestinale du calcium et de favoriser sa fixation sur les tissus osseux.


EST-ELLE CONFORME AUX RÉFÉRENTIELS ?

Oui. L’ablation totale de la thyroïde implique l’apport d’hormones thyroïdiennes par voie médicamenteuse. La lévothyroxine (LT4), convertie en liothyronine (LT3), constitue la molécule de choix du fait d’une longue demi-vie et d’un taux plasmatique stable sur tout le nycthémère.
L’alfacalcidol est prescrit ici pour prévenir l’hypocalcémie postopératoire suite à l’atteinte des glandes parathyroïdiennes.


Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?

Oui. La lévothyroxine est un médicament à marge thérapeutique étroite : l’équilibre thyroïdien du patient pouvant être sensible à de très faibles variations de dose de la lévothyroxine ou à des prises irrégulières.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR CE PATIENT ?

Non. La patiente ne présente pas de contre-indications à la prise d’hormones thyroïdiennes. Elle n’a pas non plus d’antécédents de lithiase urinaire calcique, ce qui contre-indiquerait la prise de l’alfacalcidol.

LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui. La posologie de l’hormonothérapie substitutive par LT4 dépend surtout du poids du patient. Après thyroïdectomie totale, la posologie cible de substitution, 1,6 à 1,7 µg par kilo et par jour (soit 100 µg par jour pour Mme A.), peut généralement être prescrite d’emblée.
La posologie de l’alfacalcidol est comprise entre 1 et 3 µg par jour en cas d’hypoparathyroïdie.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Non. Mme A. ne prend pas d’autres médicaments.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Des analyses sanguines régulières permettent d’adapter la dose de lévothyroxine de façon à atteindre l’euthyroïdie. Elles reposent sur le dosage de la TSH. Celle-ci doit être dosée en état d’équilibre, c’est-à-dire au minimum 6 à 8 semaines après initiation du traitement par lévothyroxine ou toute modification de posologie.
La calcémie sera dosée en même temps, puis à intervalle régulier après diminution des doses d’alfacalcidol. Le traitement sera arrêté dès stabilisation de la calcémie.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Mme A. connaît déjà les modalités de prise de la lévothyroxine. Le pharmacien doit toutefois vérifier qu’elles sont bien maîtrisées.


UTILISATION DES MÉDICAMENTS

Il est recommandé de prendre la lévothyroxine le matin à jeun avec de l’eau, 30 minutes avant toute prise alimentaire. L’alimentation réduit en effet significativement l’absorption de la lévothyroxine. Au cours de la discussion, Mme A. évoque des modifications prochaines de ses horaires de travail : elle va devoir se lever plus tôt et ne pourra plus prendre le médicament 30 minutes avant son petit-déjeuner. Dans cette situation courante, il est proposé au patient de prendre si possible la lévothyroxine au moins 15 minutes avant de manger et, surtout, de prendre chaque jour un petit-déjeuner type (avec ou sans café, avec ou sans produit laitier) pour limiter les variations d’absorption de la lévothyroxine.
Les capsules de Un-alfa doivent être avalées avec un peu d’eau, sans les sucer ni les croquer. Pour éviter toute interaction avec la lévothyroxine, recommander à Mme A. de prendre ce médicament par exemple le soir.


QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?

Mme A. a déjà pris ses médicaments ce matin à l’hôpital. Elle poursuivra son traitement demain.

LE PATIENT POURRA-T-IL JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Mme A. a interrompu l’administration de lévothyroxine la veille de l’intervention et l’a reprise le lendemain. Il n’y a pas eu d’interruption majeure du traitement, donc pas de retentissement clinique immédiat. Par la suite, le traitement sera adapté en cas de signes de surdosage ou de sous-dosage.
Le traitement par l’alfacalcidol pallie le risque d’hypocalcémie qui peut se manifester par des fourmillements des extrémités (mains, pieds) et de la bouche.


QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

La lévothyroxine a une demi-vie longue (7 jours) ce qui permet une concentration plasmatique stable même en cas d’oubli ponctuel. Il est inutile de rattraper une dose oubliée et il ne faut en aucun cas doubler la dose journalière (risque de tachycardie).


QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Lorsque l’équilibre thyroïdien est atteint, le patient ne doit plus ressentir de signes de surdosage (palpitations, thermophobie, nervosité, etc.) ou sous-dosage (asthénie, crampes, frilosité, etc.). Des symptômes peu spécifiques sont parfois décrits alors que la TSH est dans les normes attendues (céphalées, vertiges, douleurs musculaires ou articulaires, alopécie, etc.). Ils peuvent conduire à proposer une autre forme de lévothyroxine.
L’alfacalcidol peut induire des troubles digestifs et des réactions cutanées (prurit, urticaire, etc.).

Quels sont ceux gérables à l’officine ?
Du paracétamol peut soulager des céphalées ou des douleurs passagères.
Quels sont ceux qui nécessitent un avis médical ?
Tout effet indésirable gênant doit être signalé au médecin. Concernant la lévothyroxine, la conduite à tenir (signes d’hypothyroïdie, d’hyperthyroïdie ou autres) est guidée par les résultats biologiques, la clinique ou le ressenti du patient.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Mme A. a quelques difficultés à parler et sa voix est rauque. Il convient de la rassurer ; ces troubles, fréquents après une thyroïdectomie, sont liés à une atteinte du nerf récurrent. Ils disparaissent généralement quelques semaines après l’intervention. Recommander à la patiente de ne pas forcer sa voix. Des séances de rééducation orthophonique sont proposées par certains médecins.
Bien suivre le protocole de soin post-opératoire prescrit : classiquement, le pansement est renouvelé chaque jour durant 7 jours après désinfection avec Biseptine. Recommander d’éviter les colliers ou vêtements dont le col peut irriter l’incision opératoire. Ne pas mouiller la cicatrice et ne pas y appliquer de produits cosmétiques pendant 10 jours. Passé ce délai, et une fois que la cicatrice n’est plus douloureuse au toucher, une crème cicatrisante (type Cicalfate, Cicavit, etc.) peut être proposée en massages légers pour optimiser la cicatrisation. La cicatrice évolue durant plusieurs mois mais sera ensuite quasi invisible. La protéger du soleil tant qu’elle est rouge ou rosée (SPF 50+, foulard) pour éviter l’apparition d’une pigmentation permanente. 
Goitre
Augmentation diffuse du volume de la thyroïde, plus ou moins prononcée.
Glandes para-thyroïdiennes
Petites glandes en arrière et à proximité de la thyroïde qui sécrètent la parathormone (PTH) régulant les taux de calcium et de phosphore dans le sang.
TSH
Ou thyréostimuline hypophysaire. Synthétisée dans l’hypophyse antérieure, elle régule la sécrétion des hormones thyroïdiennes via un mécanisme de rétrocontrôle. Un dosage normale se situe entre 0,4 et 4 mUI/l (voire jusqu’à 4,5 ou 5 mUI/l selon les laboratoires). Chez la majorité des personnes, l’équilibre se situe entre 0,4 et 2,5 mUI/l.
Valeurs nutrition-nelles de référence (ou VNR)
Anciennement nommées apports journaliers recommandés, il s’agit de doses-repères qui reflètent les besoins nutritionnels quotidiens moyens d’une population.
Par Adeline Rojon , pharmacienne, avec la collaboration du P r Françoise Borson-Chazot , endocrinologue au CHU de Lyon (Hôpital Louis Pradel, Rhône).

qu’en pensez-vous ?

Suivant les recommandations de son gynécologue, Mme A. en profite pour demander un complexe multivitaminique en prévision de sa grossesse. Comme il renferme plusieurs vitamines, dont la vitamine C, il lui paraît logique de le prendre le matin. Qu’en pensez-vous ?

1) Mme A. peut en effet prendre le complément alimentaire au cours de son petit-déjeuner.

2) Il faut lui recommander plutôt une prise à midi ou le soir.

Réponse : Les compléments alimentaires ciblant la période préconceptionnelle et la grossesse renferment une association de vitamines et de minéraux, dont l’acide folique, l’iode et souvent des sels de fer ou de magnésium, à des doses proches voire parfois supérieures aux valeurs nutritionnelles de référence pour certains composants, mais dans la limite des doses maximales exigées par la réglementation. Même si ces dosages sont plus faibles que des apports médicamenteux, il est prudent d’espacer les prises d’au moins 2 à 3 heures avec la lévothyroxine. Ces formules ne renfermant pas de composants stimulants, Mme A. peut prévoir une prise le midi ou le soir. La deuxième proposition est donc la bonne.

qu’en pensez-vous ?

Quelques mois plus tard, à l’occasion du renouvellement de son ordonnance, Mme A. indique qu’elle pense être enceinte : elle a fait un test de grossesse qui s’est révélé positif. Bien équilibrée à la dose de 100 µg par jour de lévothyroxine, elle appréhende le retentissement de la grossesse sur les besoins en hormones thyroïdiennes ? Que lui répondriez-vous ?

1) Il faut adapter rapidement le dosage en lévothyroxine.

2) Pas de soucis, la grossesse n’influence pas les besoins en hormones thyroïdiennes.

Réponse : Les besoins en lévothyroxine augmentent physiologiquement au cours de la grossesse afin de permettre le bon développement du système nerveux du fœtus. La dose de lévothyroxine doit ainsi être majorée d’environ 30 à 50 % dès le début de la grossesse. Mme A. doit avertir rapidement l’endocrinologue ou le gynécologue pour adapter son traitement. Un dosage de la TSH est recommandé après 4 à 6 semaines de grossesse, puis tous les 2 mois en visant une valeur inférieure à 2,5 mUI/l. La première réponse est la bonne.

PATHOLOGIE 

LES DYSTHYROÏDIES EN 4 QUESTIONS

L’hyper et l’hypothyroïdie correspondent à toutes les manifestations consécutives à un excès ou à une carence en hormones thyroïdiennes, en rapport avec un dysfonctionnement de la thyroïde ou des structures centrales qui la contrôlent.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?


HYPERTHYROÏDIE

Les manifestations cliniques de l’hyperthyroïdie (on parle de thyrotoxicose) reflètent un état d’hypermétabolisme : notamment tachycardie, palpitations et parfois dyspnée d’effort, nervosité, agitation, tremblements, troubles du sommeil, amaigrissement paradoxal (appétit conservé), hypersudation, parfois diarrhée, goitre. Une exophtalmie bilatérale peut être observée (maladie de Basedow).
Quand les patients ont des signes cliniques avérés, on parle d’hyperthyroïdie clinique ou patente. Lorsqu’ils sont discrets ou absents et que seuls les examens biologiques sont perturbés, on parle d’hyperthyroïdie fruste, asymptomatique ou infraclinique.


HYPOTHYROÏDIE

Les symptômes cliniques sont liés au ralentissement général du métabolisme : essentiellement fatigue physique ou psychique, constipation, prise de poids, frilosité, bradycardie, baisse de libido… Il peut y avoir un goitre. Le myxœdème résulte d’une infiltration de la peau et des tissus sous-cutanés par une substance riche en mucopolysaccharides, ce qui donne un aspect de « faux œdème » : gonflement des paupières, voix rauque, doigts boudinés, pieds « en poteau » ; une hypercholestérolémie, une chute de cheveux, des douleurs musculaires ou articulaires, une péricardite sont parfois présentes.
La majorité des hypothyroïdies sont diagnostiquées au stade infraclinique, à la suite d’examens biologiques, ou à l’occasion de signes généraux discrets.


2 QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES ?


HYPERTHYROÏDIE

Les principales causes sont la maladie de Basedow, maladie auto-immune liée à la présence d’anticorps stimulant le récepteur de la TSH (autoanticorps thyroïdiens), et le goitre multinodulaire toxique.
Plus rarement, on peut observer une thyroïdite subaiguë de De Quervain (réactionnelle à une infection virale) ou un syndrome d’hyperthyroïdie gestationnelle transitoire. Des thyrotoxicoses iatrogènes peuvent être liées aux produits de contraste iodés et surtout à l’amiodarone et à l’interféron. Les nouveau-nés et les fœtus sont particulièrement sensibles à l’excès d’iode lors d’une exposition in utero ou via l’allaitement.
Autres causes : métastases fonctionnelles d’un cancer thyroïdien, adénome hypophysaire (hyperthyroïdie d’origine centrale).


HYPOTHYROÏDIE

La carence en iode est la première cause d’hypothyroïdie dans le monde. Dans les pays industrialisés, les principales causes sont les maladies auto-immunes (thyroïdite de Hashimoto par exemple) et les causes iatrogènes : thyroïdectomie, traitement par iode radioactif, radiothérapie cervicale ou thoracique, médicaments (amiodarone, lithium, interféron, antithyroïdiens de synthèse, etc.).
Des hypothyroïdies, souvent transitoires, surviennent parfois dans les 6 mois suivant un accouchement ou lors de l’évolution de la thyroïdite subaiguë d’origine virale de De Quervain.
L’hypothyroïdie congénitale, liée le plus souvent à une anomalie de développement de la thyroïde, fait l’objet d’un dépistage systématique à la naissance.
Autres hypothyroïdies : carence en iode (crétinisme endémique) et hypothyroïdies d’origine centrale (hypophysaire ou hypothalamique).


3 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

Le diagnostic repose avant tout sur la clinique ainsi que sur des dosages biologiques. Un contrôle du taux de TSH plasmatique est recommandé en première intention. Les valeurs normales de référence admises en Europe sont comprises entre 0,4 et 4 mUI/l (la valeur seuil supérieure pouvant aller jusqu’à 4,5 ou 5 mUI/l selon les laboratoires). Chez la personne âgée (> 80 ans), la valeur seuil supérieure de 7 mUI/l peut être retenue du fait d’une augmentation physiologique de la concentration sanguine de TSH avec l’âge.


HYPERTHYROÏDIE

Le taux de TSH est anormalement bas. Le dosage de la thyroxine libre (T4 libre), et éventuellement de la triiodothyronine libre (T3 libre, car il existe des hyperthyroïdies à T3 seule élevée), est alors demandé :
- en cas d’hyperthyroïdie clinique, T4 et/ou T3 libres sont élevés.
- en cas d’hyperthyroïdie fruste, T4 et T3 libres sont normales.
Les anticorps antirécepteurs de la TSH sont dosés en cas de suspicion de maladie de Basedow. Le dosage de l’iodémie et/ou de l’iodurie n’a d’intérêt que dans la mise en évidence d’une surcharge iodée.
D’autres examens complémentaires peuvent être demandés : échographie de la région du cou, plus rarement scintigraphie thyroïdienne.


HYPOTHYROÏDIE

Le taux de TSH est anormalement élevé :
- en cas d’hypothyroïdie avérée, il est généralement supérieur à 10 mUI/l et la concentration en T4 libre est basse.
- une hypothyroïdie fruste se définit par un taux de TSH augmenté, confirmé par un deuxième dosage dans un délai d’1 mois, sans anomalie de la T4 libre.
Autres examens : échographie, scintigraphie, dosage des anticorps anti-thyroperoxydase (anti-TPO, présents dans 95 % des cas de thyroïdite de Hashimoto).


4 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

En cas d’hyperthyroïdie, il s’agit principalement de complications cardiaques (troubles du rythme, insuffisance cardiaque, insuffisance coronaire, embolies artérielles), de la crise aiguë thyrotoxique (fièvre, palpitation, agitation, déshydratation, confusion…), d’une exophtalmie maligne avec inflammation majeure des éléments constitutifs du contenu orbitaire et des paupières (engage le pronostic visuel), d’une ostéoporose, d’impuissance chez l’homme et d’infertilité chez la femme.
En cas d’hypothyroïdie, le risque principal est également cardiovasculaire (athéromatose coronarienne se révélant souvent lors de l’introduction du traitement substitutif thyroïdien, angor, infarctus, troubles du rythme, HTA, péricardite). Les autres complications sont un syndrome occlusif par ralentissement du transit intestinal, un syndrome dépressif ou un état délirant, une anémie, un coma myxœdémateux (rare) en cas d’hypothyroïdie profonde négligée.
Au cours de la grossesse, l’hyper ou l’hypothyroïdie peut avoir de graves conséquences chez la mère (fausses couches…) et chez l’enfant à naître : - en cas d’hyperthyroïdie, retard de croissance intra-utérin, défaillance cardiaque, malformations congénitales, etc. ;
– en cas d’hypothyroïdie, faible poids de naissance, déficit intellectuel, etc. 
Goitre
Augmentation diffuse du volume de la thyroïde, plus ou moins prononcée.
Exophtalmie
Saillie du globe oculaire hors de l’orbite.
TSH
Ou thyréostimuline (thyroid-stimulating hormone ou TSH), hormone hypophysaire qui stimule la thyroïde.
T3 et T4 libres
Formes actives des hormones thyroïdiennes car non fixées aux protéines plasmatiques. Les valeurs usuelles sont données par les laboratoires.
Par Emmanuelle Bondon , pharmacienne, avec la collaboration du D r Claire Thalamas , endocrinologue au CHU de Toulouse (Haute Garonne).

en chiffres

Hyperthyroïdie

Prévalence en France : 1 à 2 %, toutes causes confondues. Sex-ratio : environ 7 femmes pour 1 homme. Hyperthyroïdie fruste : 1 à 4 %, et jusqu'à 6 % chez les plus de 60 ans.

Maladie de Basedow : première cause d’hyperthyroïdie chez la femme jeune. Pic de fréquence entre 20 et 40 ans.

Hypothyroïdie

Prédominance féminine (sex-ratio : 2 à 3).

Environ 4 à 10 % des adultes présentent une hypothyroïdie fruste, qui évoluera en hypothyroïdie avérée pour 3 à 4 % chaque année. Prévalence plus élevée après 60 ans (jusqu’à 16 %).

Hypothyroïdie congénitale : elle concerne 1/3 000 naissances.

Physiologie de la thyroïde

La thyroïde, glande exocrine, est située au niveau de la partie antéro-inférieure du cou. Elle secrète les hormones thyroïdiennes, triiodothyronine (T3) et thyroxine (T4), stockées au sein d’une glycoprotéine, la thyroglobuline (voir page 11).

- Synthèse : les ions iodures, apportés par l’iode alimentaire (poissons, crustacés, laitages, certains sels de cuisine) sont indispensables à la synthèse des hormones thyroïdiennes. La thyropéroxydase est l’enzyme clé des différentes étapes de la biosynthèse hormonale. La concentration en T4 est un bon reflet de la production thyroïdienne. La T3, hormone la plus active, provient en grande partie de la désiodation de la T4 au niveau des tissus périphériques.

- Régulation : le fonctionnement de la thyroïde est régulé par la thyréostimuline hypophysaire (TSH), sécrétée par l’hypophyse antérieure, elle-même sous le contrôle de la TRH (thyrotropin-releasing hormone), sécrétée par l’hypothalamus. L’équilibre en hormones thyroïdiennes dans le sang est maintenu grâce à un système de rétrocontrôle. Un excès d’hormones thyroïdiennes diminue la production de TSH par l’hypophyse, donc celle des hormones thyroïdiennes par la thyroïde. Lorsque le taux d’hormones thyroïdiennes dans le sang baisse, la production de TSH augmente. L’iode intervient aussi dans cette régulation.

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER LES DYSTHYROÏDIES ?

La prise en charge des hypothyroïdies consiste en un traitement substitutif par hormones thyroïdiennes. En cas d’hyperthyroïdie, trois solutions thérapeutiques existent : les antithyroïdiens de synthèse, le traitement par iode radioactif et la chirurgie.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE


HYPOTHYROÏDIES

Le traitement est symptomatique sous la forme d’un traitement hormonal substitutif dont la molécule de choix est la lévothyroxine. Il est prescrit à vie en dehors des hypothyroïdies transitoires comme la thyroïdite de De Quervain ou celle du post-partum.
L’objectif est d’obtenir une correction des symptômes et une normalisation de la TSH qui reflète l’imprégnation tissulaire en hormones thyroïdiennes.

PRINCIPE

La posologie de la lévothyroxine dépend essentiellement du poids du patient. Elle est d’environ 1,6 ou 1,7 µg/kg par jour chez l’adulte, et de 1,3 µg/kg par jour chez le sujet âgé. La lévothyroxine peut être prescrite d’emblée à la posologie cible, après une thyroïdectomie par exemple. Autrement, elle est d’autant plus progressive que le sujet est âgé et/ou l’hypothyroïdie ancienne : on débute alors avec des doses entre 25 et 50 µg par jour.
Chez les patients à risque cardiaque (antécédents coronariens, troubles du rythme ou insuffisance cardiaque) quel que soit l’âge, et chez le sujet de plus de 70 ans généralement, la mise en route du traitement se fait sous surveillance clinique et après stabilisation de la cardiopathie sous-jacente. La dose initiale (12,5 à 25 µg par jour) est augmentée par paliers toutes les 2 ou 3 semaines.
Le coma myxœdémateux, complication exceptionnelle, est une urgence nécessitant l’administration de doses élevées de lévothyroxine par voie IV à l’hôpital avant relais oral.
Suivi thérapeutique : le dosage de la TSH permet de surveiller le traitement, avec pour objectif son maintien entre 0,4 et 4 mUI/l (voire jusqu’à 4,5 ou 5 mUI/l selon les laboratoires). Toutefois, pour la majorité des patients, la TSH se situe plutôt entre 0,4 et 2,5 mUI/l pour une parfaite euthyroïdie. La TSH est dosée au minimum 6 à 8 semaines après initiation du traitement ou après toute adaptation posologique de lévothyroxine. Une fois la posologie déterminée, un contrôle de la TSH est réalisé tous les 6 à 12 mois.
Dans certains cas (doute sur l’observance, traitement par amiodarone, instabilité inexpliquée de l’hypothyroïdie), un dosage complémentaire de T4 ou de T3 libre peut être nécessaire.


EN CAS DE GROSSESSE

Les besoins en hormones thyroïdiennes sont augmentés de 30 à 50 %. En cas d’hypothyroïdie préexistante à la grossesse, la posologie de lévothyroxine est donc systématiquement majorée d’autant, dès le début de la gestation. Une surveillance clinique et hormonale (TSH et T4 libre) régulière est effectuée en ciblant pour la TSH une valeur inférieure à 2,5 mUI/l.


CHEZ L’ENFANT

En cas d’hypothyroïdie néonatale, le traitement par lévothyroxine en goutte (10 à 15 µg/kg par jour) doit être instauré dans les deux premières semaines de vie pour garantir une croissance et un développement psychomoteur quasiment normaux. Chez le nourrisson et l’enfant, la dose journalière appropriée est d’environ 3 à 6 µg/kg par jour selon l’âge.


HYPOTHYROÏDIE D’ORIGINE CENTRALE

Elle peut s’accompagner d’une insuffisance corticotrope qui doit être corrigée par une supplémentation en hydrocortisone avant d’initier le traitement substitutif thyroïdien. Ce dernier est ensuite mené comme pour une hypothyroïdie périphérique. La surveillance biologique est réalisée par le dosage de la T4 libre qui doit être dans la moitié supérieure des normes.


HYPOTHYROÏDIES IATROGÈNES

Les médicaments le plus souvent incriminés sont l’amiodarone (par surcharge iodée), les antithyroïdiens de synthèse et le lithium. L’arrêt du médicament responsable permet le plus souvent un retour à l’euthyroïdie. Si le médicament en cause ne peut être arrêté, une hormonothérapie substitutive s’impose.


FORMES FRUSTES

La décision de traiter une hypothyroïdie fruste dépend notamment du condiv clinique et de la valeur de la TSH : une hormonothérapie substitutive est recommandée si la TSH est supérieure à 10 mUI/l ou en présence d’anticorps anti-thyroperoxydase (anti-TPO) en raison du risque élevé d’évolution vers une hypothyroïdie franche, mais aussi d’athérosclérose et d’infarctus du myocarde. Le traitement se justifie également en cas de survenue ou de projet de grossesse.


HYPERTHYROÏDIES

L’objectif thérapeutique est la disparition des symptômes et la prévention des complications.


MALADIE DE BASEDOW

Traitement spécifique : associés au repos, les antithyroïdiens de synthèse sont proposés en première intention. Le traitement se mène en 2 étapes :
- prescription d’une dose d’attaque maintenue durant 4 à 6 semaines jusqu’à réduction de l’hyperhormonémie thyroïdienne. En l'absence de contre-indications, un bêtabloquant non cardiosélectif peut être prescrit en attendant l’effet de l’antithyroïdien, ainsi qu’un anxiolytique si nécessaire. Un dosage des T4 libre et T3 libre est réalisé vers la troisième ou quatrième semaine ;
- une fois les hormones thyroïdiennes normalisées, réduction de la posologie de l’ATS jusqu’à la dose maintenant l’euthyroïdie ou adjonction de lévothyroxine pour compenser l’hypothyroïdie induite.
La surveillance biologique repose sur le dosage de la TSH et de la T4 libre tous les 3 ou 4 mois. La durée totale du traitement par ATS est généralement de 12 à 18 mois, avec diminution progressive de la posologie vers le douzième mois. En raison du risque de récidive, une surveillance annuelle est mise en place pendant 2 ou 3 ans. En cas de rechute, un traitement chirurgical ou par iode radioactif est proposé.
Traitement des ophtalmopathies : des traitements locaux permettant de protéger la cornée (larmes artificielles, collyres lubrifiants, etc.), le port de lunettes de soleil et, en cas de lagophtalmie (patients ne pouvant pas fermer les yeux la nuit), l’occlusion palpébrale (port de masques), afin de limiter les ulcérations cornéennes, sont préconisés dans les formes modérées d’ophtalmopathies. Une supplémentation en sélénium pourrait avoir un effet bénéfique dans les formes légères (effet antiradicalaire et anti-inflammatoire). Dans les formes sévères, une corticothérapie orale ou IV est proposée.
En cas de grossesse : l’indication de l’ATS est fonction de la gravité de la thyrotoxicose et des menaces maternelles et fœtales, le passage transplacentaire des ATS exposant au risque d’hypothyroïdie et de goitre fœtal. La prescription se fait à dose minimale de manière à maintenir des taux de T4 libre à la limite supérieure de la normale (pour éviter tout risque d’hypothyroïdie). Le propylthiouracile est préféré au premier trimestre (des cas de malformations et d’aplasies du cuir chevelu ayant été rapportés chez des enfants de patientes exposées au thiamazole ou carbimazole), le carbimazole aux deuxième et troisième trimestres en raison des effets indésirables hépatiques du propylthiouracile (source le CRAT). En cas d’allaitement, l’utilisation du propylthiouracile est préférée (faible passage dans le lait maternel) en monothérapie, à la dose minimale efficace, avec une surveillance régulière de l’enfant incluant un bilan thyroïdien.

HYPERTHYROÏDIES INDUITES PAR L’AMIODARONE

Si l’état clinique du patient le permet, le traitement est arrêté. Si l’arrêt n’est pas possible, ou s’il ne permet pas le retour à l’euthyroïdie, on utilise soit les ATS soit la corticothérapie orale, voire l’association des deux.


THYROÏDITE SUBAIGUË

Un traitement symptomatique par bêtabloquant peut être indiqué durant la phase thyrotoxique. Le recours à l’aspirine ou aux AINS voire aux corticoïdes est habituel dans les formes algiques.


FORMES FRUSTES

L’attitude thérapeutique dépend de l’âge du patient, de l’association à un goitre et de la valeur de la TSH : surveillance clinique et biologique, traitement par bêtabloquant, antithyroïdien de synthèse à faible dose, voire iode radioactif.


NODULE OU GOITRE MULTINODULAIRE TOXIQUE

Le traitement définitif repose sur la chirurgie ou l’iode 131 mais nécessite au préalable une euthyroïdie obtenue en 3 à 8 semaines sous ATS.


TRAITEMENTS


HORMONES THYROÏDIENNES

La lévothyroxine (LT4), convertie en liothyronine (LT3), constitue la molécule de choix car elle possède une demi-vie longue d’environ 7 jours et présente des taux plasmatiques stables sur tout le nycthémère, permettant une prise unique quotidienne.


MOLÉCULES

La lévothyroxine sodique est disponible par voie orale sous la forme de comprimés et de gouttes. C’est un médicament à marge thérapeutique étroite : tout changement de spécialité par une autre peut modifier l’équilibre thyroïdien et doit conduire à un contrôle de la TSH après 6 à 8 semaines. La posologie moyenne pour traiter une hypothyroïdie est proche de 1,6 ou 1,7 µg/kg par jour chez l’adulte. Les besoins diminuent avec l’âge mais augmentent durant la grossesse. Il est recommandé de prendre la lévothyroxine à jeun, au moins 30 minutes avant le petit-déjeuner car une prise alimentaire réduit son absorption significativement. La forme goutte, adaptée aux nourrissons et aux jeunes enfants ainsi qu’aux patients présentant des troubles de la déglutition, s’administre à la petite cuillère avec un peu d’eau (et non dans le biberon en raison d’un risque de sous-dosage si l’enfant ne le finit pas).
La liothyronine sodique a une action intense et rapide. Elle est exceptionnellement utilisée seule (Cynomel) dans les situations où une correction rapide de l’hypothyroïdie est indispensable (pronostic vital menacé par exemple), et en association à la lévothyroxine (Euthyral), chez des patients non équilibrés par lévothyroxine seule. En raison du risque d’altération du développement cérébral du fœtus, elle est contre-indiquée au cours de la grossesse.


EFFETS INDÉSIRABLES

Ce sont ceux traduisant une hyperthyroïdie (tachycardie, tremblements, troubles du rythme cardiaque, insomnie, excitabilité, sueurs, diarrhée, amaigrissement) qui nécessitent de diminuer ou d’interrompre quelques jours le traitement avant de le reprendre à doses plus faibles.


INTERACTIONS

L’association au millepertuis est déconseillée selon le thésaurus de l’ANSM.
Les sels de fer, de calcium, de magnésium, les topiques gastro-intestinaux, la cholestyramine et le sucralfate réduisent l’absorption des hormones thyroïdiennes et doivent être pris à au moins 2 heures de distance.
D’autres médicaments peuvent interférer et justifient, s’ils sont nécessaires, de renforcer la surveillance biologique : inducteurs enzymatiques (carbamazépine, rifampicine…), traitement œstrogénique de la ménopause, chloroquine, proguanil, imatinib, sunitinib, ritonavir, orlistat, soja (compléments alimentaires, aliments et laits). Les IPP diminuent l’absorption des hormones thyroïdiennes.


ANTITHYROÏDIENS DE SYNTHÈSE

Les ATS inhibent la thyropéroxydase mais n’empêchent pas la sécrétion des hormones thyroïdiennes déjà synthétisées. La normalisation hormonale n’est donc obtenue qu’après plusieurs semaines.

MOLÉCULES

Le carbimazole, le thiamazole, métabolite actif du carbimazole, le propylthiouracile et le benzylthiouracile sont indiqués dans la prise en charge de l’hyperthyroïdie. Le thiamazole possède d’autres indications dans le cadre de l’hyperthyroïdie (préparation à la chirurgie, au traitement par l’iode radioactif…).
La durée d’action plus longue du carbimazole et du thiamazole autorise une prise par jour.


EFFETS INDÉSIRABLES

Des réactions cutanées (prurit, éruption, urticaire), des céphalées, des arthralgies et des troubles gastriques peuvent survenir. Une agueusie est rare mais possible sous carbimazole et thiamazole. Des atteintes hépatiques peuvent survenir sous propylthiouracile et benzylthiouracile.
L’effet indésirable commun le plus sévère est hématologique avec un risque de leucopénie et d’agranulocytose dans les semaines ou mois suivant le début du traitement. Une agranulocytose contre-indique tous les antithyroïdiens de synthèse.


INTERACTIONS

Pas d’interaction majeure recensée.


SURVEILLANCE

Un contrôle de la NFS est recommandé avant le traitement, puis tous les 8 à 10 jours les deux premiers mois, ainsi qu’à tout moment en cas de fièvre, d’angine ou de saignements. Une surveillance de la fonction hépatique est recommandée sous propylthiouracile, en même temps que la NFS ainsi que devant des signes d’atteinte hépatique.


BÊTABLOQUANTS

Les bêtabloquants non cardiosélectifs, en l’absence de contre-indications, sont utiles pour lutter contre les effets périphériques des hormones thyroïdiennes en excès (diminution de la fréquence cardiaque, essoufflement à l’effort, tremblements). Le nadolol, le propranolol et le pindolol sont indiqués dans les manifestations cardiovasculaires des hyperthyroïdies.


TRAITEMENT RADIO-ISOTOPIQUE

Outre la maladie de Basedow, l’iode 131 (131I), administré par voie orale, est indiqué en cas de nodules toxiques ou de goitres plurinodulaires notamment lorsque la chirurgie est contre-indiquée. Son utilisation se fait au sein d’un service de médecine nucléaire. Le traitement est contre-indiqué au cours de la grossesse et de l’allaitement. Un test de grossesse préalable ainsi qu’une contraception efficace sont indispensables chez la femme en âge de procréer durant les 6 mois qui suivent le traitement.
Selon la dose administrée, une hypothyroïdie parfois définitive peut survenir, ou, inversement, l’hyperthyroïdie peut persister nécessitant de réaliser un deuxième traitement par 131I.

CHIRURGIE

Avant une thyroïdectomie totale, il est indispensable d’obtenir l’euthyroïdie afin d’éviter une crise thyrotoxique postopératoire (liée à la manipulation du goitre et à la libération hormonale). Parmi les complications possibles figurent une atteinte des glandes parathyroïdiennes (d’où une baisse de la calcémie) et des lésions des nerfs pouvant aboutir à une dysphonie, le plus souvent transitoire. 
Insuffisance cortico-trope
Déficit en cortisol secondaire à une atteinte hypothalamo-hypophysaire.
CRAT
Centre de référence sur les agents tératogènes (lecrat.fr).
Par Frédéric Chauvelot , pharmacien, praticien au Centre hospitalier de Morlaix, et Nathalie Belin , pharmacienne, en association avec le D r Miriam Ladsous , service d’endocrinologie, Centre hospitalier de Valenciennes (Nord)
Laurence krief jaoui

CE QUI A CHANGÉ

- Avril 2013 : mise à disposition de Propylex en remplacement de Proracyl (propylthiouracile), formulation identique.

- Mars 2017 : commercialisation de la nouvelle formule de Levothyrox visant à améliorer la stabilité de la substance active, et caractérisée par la suppression d’un excipient à effet notoire, le lactose, remplacé par du mannitol et de l’acide citrique.

- Octobre 2017 : mise à disposition de L-Thyroxin Henning (excipient à effet notoire : huile de ricin hydrogénée) et, temporairement, d’Euthyrox, équivalent à l’ancienne formule de Levothyrox.

- Décembre 2017 : commercialisation de Thyrofix, générique de Levothyrox, ne renfermant pas d’excipients à effet notoire.

- Avril 2018 : commercialisation de Tcaps, lévothyroxine en capsules molles (sans lactose ni mannitol ni acide citrique), non remboursé.

vigilance !

Les principales contre-indications des traitements sont les suivantes.

- Hormones thyroïdiennes : états d’hyperthyroïdie (sauf ceux contrôlés par un antithyroïdien de synthèse par exemple), infarctus du myocarde récent, myocardite aiguë, pancréatite aiguë, insuffisance surrénalienne ou corticotrope non traitée. Et grossesse pour liothyronine.

- Antithyroïdiens de synthèse : cancer de la thyroïde TSH dépendant, affections hématologiques graves préexistantes. Et l’allaitement pour le carbimazole.

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ACCOMPAGNER LE PATIENT 

GISÈLE, 61 ANS, RETRAITÉE

J’ai pesé le même poids pendant des années, puis j’ai pris 3 kg en 4 mois. Technicienne de laboratoire, je me suis fait un dosage de TSH qui s’est révélé bien supérieur à la normale. L’endocrinologue m’a prescrit une scintigraphie, on m’a trouvé trois nodules et j’ai commencé un traitement par Lévothyrox. L’hypothyroïdie a été très difficile à vivre, avec une prise de poids régulière, des phases de grande fatigue, puis de nervosité et des troubles du sommeil. Avec le changement de formule du Lévothyrox, j’ai eu des palpitations. J’étais très angoissée mais tout est rentré dans l’ordre grâce à une adaptation de dosage.

LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTS


IMPACT PHYSIQUE

Les patients hypothyroïdiens se sentent constamment fatigués, à la fois physiquement et intellectuellement, et ont l’impression de tout faire avec lenteur. La prise de poids est difficile à gérer tant que l’équilibre thyroïdien n’est pas trouvé. De plus, elle est souvent incomprise car non liée à des modifications alimentaires. Les cheveux sont secs, cassants et tombent parfois.
En cas d’hyperthyroïdie, il peut exister un amaigrissement important. Les patients se plaignent de transpiration excessive, de mains moites et souvent d’une soif importante. Après la phase d’hyperactivité, ils sont épuisés d’autant plus qu’une fonte musculaire est souvent constatée.

IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE ET SUR L’ENTOURAGE

Le comportement et le caractère sont modifiés. Le désir sexuel est souvent diminué.
L’hypothyroïdie entraîne des troubles de la mémoire en lien avec la fatigue générale. L’hyperthyroïdien, sujet à des variations d’humeur, peut paraître agressif.


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DE LA PATHOLOGIE

Patients en hypothyroïdie. Les mesures hygiénodiététiques limitent la prise de poids et une alimentation riche en fruits, en légumes et en céréales complètes permet de lutter contre la constipation. Des crèmes émollientes pallient la sécheresse cutanée et ses conséquences (tiraillements, démangeaisons). Prévoir plusieurs épaisseurs de vêtements ou des textiles adaptés pour gérer les sensations de froid.
Patients en hyperthyroïdie. Eviter la consommation excessive d’excitants (café, thé…) et insister sur un apport en protéines à chaque repas pour limiter la fonte musculaire. En cas de maladie de Basedow en particulier, l’arrêt du tabac doit être encouragé car il augmente le risque de récidive.
Dans les deux cas. Se ménager des temps de repos pour aider l’organisme à récupérer tant que l’euthyroïdie n’est pas atteinte. Attention à tout apport excessif d’iode, néfaste en cas de problèmes thyroïdiens (consommation importante d’algues ou de compléments alimentaires à base d’algues).
Grossesse. La dose de lévothyroxine doit être augmentée d’emblée de 30 à 50 %. La surveillance biologique est renforcée. Les apports iodés doivent être suffisants : les spécialistes recommandent souvent un complexe vitaminique adapté aux femmes enceintes, apportant 150 µg par jour d’iode.



A PROPOS DU TRAITEMENT

L’action des traitements ne s’observe qu’après quelques semaines de prise. Chaque individu étant différent, il n’y a pas de schéma type. Le patient peut avoir ainsi l’impression que le médecin « tâtonne » pour trouver la bonne posologie. Une bonne observance est essentielle, même lorsque le patient a l’impression de se sentir mieux et d’être guéri.
Hormones thyroïdiennes. Idéalement, la lévothyroxine doit être prise à jeun, au moins 30 minutes avant le petit-déjeuner, ce qui implique d’organiser son lever. En pratique, pour favoriser l’observance de ce traitement chronique, les spécialistes recommandent une prise tous les jours dans les mêmes conditions, si possible 15 à 30 minutes avant le petit-déjeuner, et dans tous les cas en essayant d’être reproductible d’un jour à l’autre (moment par rapport au petit-déjeuner) avec l’instauration d’un petit-déjeuner type (avec ou sans café). Si l’euthyroïdie nécessite une alternance de plusieurs dosages, un moyen mnémotechnique s’impose (calendrier, rappel sur le téléphone, etc.). Si l’alternance se fait un jour sur deux, le patient peut se repérer en fonction des jours pairs et impairs. Interactions : décaler les prises d’au moins 2 heures avec les topiques gastro-intestinaux, les sels de calcium, de fer ou de magnésium. De nombreuses autres substances peuvent interférer, nécessitant des adaptations de posologie : soja (aliments, compléments alimentaires diminuant l’absorption de la lévothyroxine et modifiant les besoins en hormones thyroïdiennes), IPP, traitement œstrogénique de la ménopause…
Antithyroïdiens de synthèse. Le principal effet indésirable est le risque d’agranulocytose. Bien respecter le calendrier des NFS. En cas de fièvre, d’angine, d’ecchymoses ou de saignements, il faut arrêter l’antithyroïdien de synthèse et réaliser une NFS en urgence.
Traitement par iode radioactif. Le patient doit éviter le contact avec les jeunes enfants et les femmes enceintes pendant environ 1 semaine. L’iode étant éliminé dans les urines, il est recommandé de boire beaucoup d’eau pour favoriser son élimination. Pour limiter l’inflammation des glandes salivaires entraînant des douleurs dans la bouche, le haut du cou et l’avant des oreilles, le patient peut sucer des bonbons ou boire de l’eau citronnée pour favoriser la production de salive. Chez la femme, une contraception est indispensable durant au moins 6 mois.


PRÉVENTION

Il n’y a pas de prévention possible des troubles thyroïdiens, outre le fait d’assurer un apport iodé suffisant, ce qui est réalisé par la supplémentation en iode du sel de table.
Le dépistage des troubles thyroïdiens cible les populations à risque : goitre, antécédent ou pathologie thyroïdienne, antécédent personnel ou familial de pathologie auto-immune, antécédent de chirurgie ou d’irradiation thyroïdienne ou cervicale, prise de certains traitements (amiodarone, lithium, cytokines…). Les médicaments et produits de contraste iodés doivent être évités chez les patients porteurs de goitres nodulaires. 
Par Adeline Rojon , pharmacienne, avec la collaboration du P r Françoise Borson-Chazot

question de patient « Actuellement sous Euthyrox, j’appréhende le jour où je devrai en changer. Que faire si des effets indésirables surviennent ? »

« Un dosage de TSH réalisé au moins 6 semaines après tout changement de traitement ou ajustement de posologie permet de vérifier l’équilibre thyroïdien. Si la TSH est dans les normes attendues, mais que des effets indésirables persistent (2 patients sur 3), une autre formule est proposée. Il en existe désormais plusieurs avec des excipients différents, ce qui permet à la plupart des patients de trouver une formule qui leur convient une fois l’euthyroïdie atteinte. En cas d’inquiétude ou de problème particulier, les autorités de santé ont mis en place un numéro vert accessible du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures (0 800 97 16 53). Par ailleurs, tout comme les professionnels de santé, vous avez la possibilité de déclarer un effet indésirable sur le site signalement-sante.gouv.fr. Le formulaire de déclaration, simple à remplir, doit être aussi précis que possible. Il est à envoyer au Centre régional de pharmacovigilance. »

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


SOUS HORMONES THYROÏDIENNES

Sous hormones thyroïdiennes

LÉVOTHYROXINE (RAREMENT LIOTHYRONINE).


LE PATIENT CONNAÎT-IL LES MODALITÉS DE PRISE ?

- L’alimentation réduit significativement l’absorption de la lévothyroxine (et de la liothyronine). Idéalement, une prise au moins 30 minutes avant le petit-déjeuner est recommandée. Dans tous les cas, elle doit se faire toujours de la même façon, en la faisant suivre d’un petit-déjeuner type (avec ou sans café…).
- Du fait de la demi-vie longue de la lévothyroxine, un oubli a peu ou pas de conséquence et il n’est pas recommandé de le rattraper.

EST-IL SENSIBILISÉ AU RISQUE D’INTERACTIONS ?

- Décaler les prises d’au moins 2 à 3 heures avec les sels de fer, de calcium, de magnésium ou les topiques gastro-intestinaux.
- De nombreuses autres molécules peuvent influencer l’absorption des hormones thyroïdiennes (inducteurs enzymatiques, IPP, traitement œstrogénique de la ménopause, soja – attentionaux compléments alimentaires, aliments et laits –, etc.), imposant de renforcer la surveillance biologique.

EST-IL INFORMÉ DES MODALITÉS DE SUIVI ?

L’équilibre thyroïdien peut être long à trouver. La TSH est dosée au minimum 6 à 8 semaines après initiation du traitement ou après toute adaptation posologique de lévothyroxine. Une fois la posologie déterminée, un contrôle de la TSH est réalisé tous les 6 à 12 mois.

A-T-IL DES EFFETS INDÉSIRABLES ?

Certains sont typiques d’une hyperthyroïdie (tachycardie, tremblements, excitabilité, sueurs, diarrhée), d’autres non (céphalées, douleurs musculaires ou articulaires, vertiges…). Si la TSH est dans les normes attendues, une autre formule est proposée. Un numéro vert est mis à la disposition des patients : 0 800 97 16 53.


SOUS ANTITHYROÏDIENS DE SYNTHÈSE (ATS)

Sous antithyroïdiens de synthèse (ATS)

CARBIMAZOLE, THIAMAZOLE, BENZYLTHIOURACILE, PROPYLTHIOURACILE


UNE NUMÉRATION FORMULE SANGUINE A-T-ELLE ÉTÉ RÉALISÉE ?

Une NFS est recommandée avant le traitement, puis tous les 8 à 10 jours les 2 premiers mois en raison d’un risque de leucopénie et d’agranulocytose contre-indiquant définitivement tous les ATS.

LE PATIENT CONNAÎT-IL LES SIGNES D’ALERTE ?

La survenue d’ecchymoses ou de saignements, d’une fièvre ou d'une angine impose l’arrêt des prises et la réalisation d’une NFS en urgence.

EST-IL SENSIBILISÉ AUX AUTRES EFFETS INDÉSIRABLES ?

Des réactions cutanées (prurit, urticaire), des arthralgies et des troubles gastriques peuvent survenir.


À NOTER

À NOTER
Les besoins en hormones thyroïdiennes augmentent de 30 à 50 % dès le début de la grossesse.
L’arrêt du tabac est recommandé en cas de maladie de Basedow (facteur de risque de récidive).

oui, mais il est préférable d’orienter Mme G. vers un autre antiarthrosique d’action lente. En effet, Piasclédine est composé d’un extrait d’insaponifiable d’avocat et de soja. Or, les produits à base de soja peuvent réduire l’absorption intestinale de la lévothyroxine et, de façon plus générale, pourraient modifier les besoins en hormone thyroïdienne chez les patients hypothyroïdiens. Mme G. étant bien équilibrée sous son dosage actuel, il est préférable de ne pas lui conseiller la prise de Piasclédine, mais de l’orienter vers une autre molécule et de l'encourager à faire le point avec son médecin.

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non, il faut joindre le médecin avant toute délivrance. Un mal de gorge peut faire suspecter une agranulocytose, effet indésirable rare mais grave des antithyroïdiens de synthèse, comme le carbimazole (Néo-mercazole). Une NFS doit être pratiquée. Si une agranulocytose est diagnostiquée, il sera nécessaire d'arrêter la prise de l'antithyroïdien de synthèse.

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