Cahiers Formation du Moniteur
Conseil
Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR ANNE-HÉLÈNE COLLIN E T ALEXANDRA BLANC , PHARMACIENNES - INFOGRAPHIES WALTER BARROS NOUS REMERCIONS VALÉRIE ROCCHI, PHARMACIENNE TABACOLOGUE À ALLAUCH (BOUCHES-DU-RHÔNE), POUR SON AIMABLE CONTRIBUTION.
« LES DENTS TACHÉES DE NICOTINE »
LA DÉPENDANCE AU TABAC
COMPOSITION TOXIQUE
La fumée de tabac est un aérosol composé de plus de 4 000 substances, dont beaucoup sont toxiques. 64 ont été identifiées cancérigènes (goudrons), irritantes de la muqueuse respiratoire (acétone, acide cyanhydrique…), responsables d’une hypoxie (monoxyde de carbone), métaux lourds (mercure, plomb…).ADDICTION
La dépendance au tabac se définit essentiellement par la perte de liberté de s’abstenir, associée à un syndrome de sevrage, de tolérance et à un risque de rechute. Maladie chronique, elle apparaît dès les premières semaines d’exposition, même pour une faible consommation, et persiste après l’arrêt. La dépendance au tabac est triple : physique, psychologique et comportementale.CONSÉQUENCES
Des risques de complications liées au tabagisme existent sans seuil minimal de durée ou de consommation. Il n’y a pas de “petits fumeurs”.BÉNÉFICES DE L’ARRÊT
Quels que soient l’âge et la consommation, l’arrêt du tabac est bénéfique en matière de mortalité et de morbidité.DÉPISTAGE
TOUS LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DE PREMIER RECOURS SONT CONCERNÉS PAR LE DÉPISTAGE INDIVIDUEL SYSTÉMATIQUE DE LA CONSOMMATION DE TABAC ET LE CONSEIL D’ARRÊT AUX FUMEURS (RECOMMANDATIONS DE LA HAS).
QUI DÉPISTER ?
Tous, quelle que soit la forme de tabac consommée, et plus spécifiquement ceux et l’entourage de ceux qui présentent des comorbidités physiques ou mentales, les parents de jeunes enfants, les adolescents, la femme enceinte, en projet de grossesse ou en post-partum.COMMENT ?
Le conseil d’arrêt : indiquer systématiquement les bénéfices de l’arrêt pour la santé et proposer une assistance.É VALUATIONS INITIALES
DE LA CONSOMMATION ET DE LA DÉPENDANCE
Le test de Fagerström (voir p. 5) est recommandé pour évaluer le niveau de dépendance physique.DE LA MOTIVATION
L’intervention doit être adaptée à la motivation du patient, évaluée en déterminant le stade de processus de changement dans lequel il se situe. On peut notamment s’aider des étapes décrites par le modèle des changements de comportement développé par Prochaska et DiClemente (voir p. 5).DES COMORBIDITÉS ANXIEUSES ET COADDICTIONS
Les troubles anxieux préexistants et les antécédents dépressifs exposent davantage à la décompensation d’un trouble de l’humeur à l’arrêt. Comme la consommation d’autres substances psychoactives (alcool, cannabis, cocaïne, médicaments psychotropes...), ils diminuent les chances de succès du sevrage.LIMITES DE LA PRISE EN CHARGE OFFICINALE
Orienter vers une consultation médicale ou spécialisée (consultation de tabacologie, ou centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) les fumeurs ayant des antécédents de troubles anxieux ou dépressifs, atteints d’une pathologie chronique lourde, très fortement dépendants, présentant une coaddiction, en échecs répétés, à la motivation ambivalente (exemple : peur d’arrêter) et les femmes enceintes.STRATÉGIE D’AIDE À L’ARRÊT
L’aide à l’arrêt du tabac doit être envisagée dans le cadre d’une décision partagée avec le patient. L’accompagnement par un professionnel de santé a montré son efficacité et est recommandé dans tous les cas, associé si besoin à un traitement médicamenteux.EN PREMIÈRE INTENTION
L’ACCOMPAGNEMENT
Le soutien psychologique nécessite des entretiens en face-à-face et comprend l’écoute empathique, des conseils, des informations et un suivi. Des psychothérapies structurées, notamment thérapie cognitivo-comportementales, peuvent être nécessaires.LES TRAITEMENTS NICOTINIQUES DE SUBSTITUTION (TNS)
Quelle que soit leur forme, ils ont clairement montré une efficacité contre placebo et permettent de doubler le taux d’abstinence tabagique à 6 mois. L’apport quotidien de nicotine par voie transdermique et/ou orale, absorbée plus lentement que par la fumée du tabac, sans son effet « shoot » , soulage les symptômes de sevrage et évite les envies irrépressibles de fumer (craving).LE SOUTIEN TÉLÉPHONIQUE ET LES OUTILS D’AUTOSUPPORT
Les patients qui désirent gérer par eux-même l’arrêt du tabac ou qui ne souhaitent pas le contact direct d’un professionnel de santé doivent être orientés vers un soutien téléphonique et/ou les outils d’autosupport tels ceux de Tabac info service : ligne d’assistance téléphonique (39 89) qui propose des entretiens individualisés avec des tabacologues, un coaching par e-mail ou application mobile (tabac-info-service.fr).DEUXIÈME INTENTION
La varénicline (agoniste partiel des récepteurs nicotiniques, Champix) et le bupropion (antidépresseur inhibiteur de la recapture neuronale de dopamine et noradrénaline, Zyban) ne sont recommandés qu’en deuxième intention et sur prescription, en raison des effets indésirables rapportés (voir p. 13).SUIVI À L’OFFICINE
Prévoir un entretien individuel dans l’espace de confidentialité au moins 1 fois par semaine au début, puis espacer progressivement selon les besoins pendant 3 à 6 mois en moyenne.INFOS CLÉS
- Le dépistage de la consommation de tabac sous toutes ses formes doit être systématique par les professionnels de santé.FACTURATION DES SUBSTITUTS NICOTINIQUES
Facturation des substituts nicotiniquesPRISE EN CHARGE DES TRAITEMENTS NICOTINIQUES DE SUBSTITUTION
Conformément au plan Priorité prévention présenté en mars dernier, le forfait d’aide au sevrage tabagique de 150 € par an est maintenu provisoirement jusqu’à la fin de l’année 2018, remplacé progressivement par le remboursement classique des substituts nicotiniques, sur la base de 65 %, selon les règles habituelles de délivrance. Une ordonnance à part n’est plus obligatoire et le tiers-payant peut s’appliquer.SOUS QUELLES CONDITIONS ?
« QU’IMPORTE LA MARQUE, NON ? »
DIFFUSION LENTE
La nicotine, incluse dans une matrice et maintenue sur la peau par un adhésif, diffuse lentement par voie transdermique dans la circulation générale. La nicotinémie augmente progressivement pour aboutir à un plateau atteint en 1 à 2 heures et pendant 8 à 10 heures. Les avantages sont une nicotinémie relativement constante, un emploi simple et discret.DURÉE D’ACTION
Deux types de patchs sont disponibles : ceux qui diffusent la nicotine pendant 24 heures, dosés à 7, 14 ou 21 mg par unité pour les patients qui souhaitent conserver le traitement durant la nuit, ou ceux qui diffusent la nicotine pendant 16 heures, dosés à 10, 15 ou 25 mg par unité pour les patients qui souhaitent interrompre le traitement durant leur sommeil, notamment en cas de cauchemars nocturnes et pendant la grossesse (pour éviter une imprégnation continue en nicotine).AU COMPTOIR
CHOIX DU DOSAGE INITIAL
La phase de titration se fait en deux temps :MODE D’EMPLOI
Coller le patch dès le lever, sur peau propre, sèche, non lésée et plane (face externe du bras, haut de la fesse, omoplate). Eviter les zones mobiles (articulations), de frottement avec les vêtements ou de sudation importante.CONSEILS COMPLÉMENTAIRES
Eviter de couper un patch, la biodisponibilité de la nicotine peut être modifiée, l’étanchéité altérée et une réaction locale favorisée.SUBSTITUTION
À la suite d’un signalement de pharmacovigilance, l’ANSM a recommandé, en janvier 2018, de ne pas substituer une marque de patch par une autre si le patient est bien équilibré. La biodisponibilité n’ayant pas été comparée entre spécialités – sauf Nicotinell et son générique Nicopatch –, la bioéquivalence entre deux patchs de marques différentes n’est pas garantie et la substitution est susceptible d’entraîner des symptômes de manque ou, au contraire, de surdosage.EFFETS INDÉSIRABLES
GÉNÉRAUX
Les effets indésirables les plus fréquents sont ceux d’un surdosage en nicotine : agitation, anxiété, insomnie, rêves anormaux, étourdissements, céphalées, nausées, sueurs, hypersalivation, faiblesse générale.LOCAUX
Les réactions au site d’application sont très fréquentes : une sensation de picotement passagère, durant moins de 1 heure après la pose, est possible et ne doit pas faire arrêter le traitement.INFOS CLÉS
INFOS CLÉSSIGNES DE SOUS-DOSAGE
Signes de sous-dosageSIGNES DE SURDOSAGE
Signes de surdosageQU’AURIEZ-VOUS RÉPONDU ?
Qu’auriez-vous répondu ?M. T., FUMEUR FORTEMENT DÉPENDANT :
- J’ai fumé une cigarette, j’en avais tellement envie, j’ai craqué... Mais j’ai oublié de retirer mon patch. Est-ce dangereux ?LE PHARMACIEN A-T-IL BIEN RÉPONDU ?
Oui. L’envie de fumer sous patch nicotinique révèle un sous-dosage en nicotine. Revoir le dosage du patch et y associer une forme orale (gommes, pastilles, comprimés de nicotine) est une des solutions à envisager.NOM DE SPÉCIALITÉ
DOSAGE
CONDITIONNEMENT
AGE
Nicopatch1« ENVIE DE FUMER... »
CARACTÉRISTIQUES
ABSORPTION RAPIDE
Toutes les formes orales permettent une absorption de la nicotine via la muqueuse buccale vers la circulation sanguine : conseiller de ne pas boire ni manger 15 minutes avant (notamment, des boissons acides comme les jus de fruit ou le café) et pendant la prise pour ne pas gêner l’absorption de la nicotine et diminuer l’efficacité.STRATÉGIES
Utilisées seules : notamment en cas de dépendance faible lorsqu’un traitement pharmacologique est nécessaire ou pour une abstinence temporaire (en avion, par exemple). Egalement dans le cadre de la réduction progressive de la consommation tabagique (sauf spray buccal), en alternance avec le tabac encore fumé : l’idéal est de viser d’abord une réduction de la consommation initiale de 50%, puis d’augmenter progressivement le nombre de prises de TNS oral dans l’objectif d’un arrêt total, cette réduction pouvant être maintenue aussi longtemps que nécessaire. Le TNS oral est préférable à la diminution isolée du tabac : sans TNS, le fumeur est incité à « tirer » davantage sur les cigarettes restantes pour compenser le manque de nicotine.GOMMES À MÂCHER LA NICOTINE, LIÉE À UNE RÉSINE ÉCHANGEUSE D’IONS, EST LIBÉRÉE PUIS ABSORBÉE AU NIVEAU DE LA MUQUEUSE BUCCALE. LES GOMMES, DOSÉES À 2 OU 4 MG, LIBÈRENT RESPECTIVEMENT ENVIRON 1 ET 2 MG DE NICOTINE. LE DÉLAI D’ACTION EST DE 2 À 3 MINUTES, LA DURÉE D’EFFICACITÉ DE 30 À 60 MINUTES.
MODE D’EMPLOI
Ne pas mâcher comme un chewing-gum, l’efficacité étant maximale lors de la mastication et non de la déglutition. Mâcher une première fois, puis placer la gomme contre la joue pendant 5 à 10 minutes pour qu’elle se ramollisse et commence à libérer la nicotine. Ensuite, mâcher lentement, en alternant mastication et pause (environ 1 mastication par minute), en replaçant la gomme dans des endroits différents de la bouche.DOSAGE INITIAL
Arrêt total en monothérapie ou abstinence temporaire ou réduction de la consommation : 8 à 12 gommes par jour à 2 mg sans dépasser 30 gommes par jour (ou 15 gommes à 4 mg).COMPRIMÉS, PASTILLES À SUCER, COMPRIMÉS SUBLINGUAUX DOSÉS À 1 MG, 1,5 MG, 2 MG, 2,5   MG OU 4 MG, ILS LIBÈRENT LA NICOTINE DANS LA CAVITÉ BUCCALE AU FUR ET À MESURE DE LEUR DISSOLUTION, EN 20 À 30 MINUTES.
MODE D’EMPLOI
Ne pas croquer ni avaler mais sucer les pastilles et comprimés en les plaçant alternativement d’un côté ou l’autre de la bouche, ou placer le comprimé sublingual sous la langue ou entre joue et gencive en le laissant se dissoudre sans le sucer.DOSAGE INITIAL
C’est le même que les gommes à mâcher.INHALEUR
C’est un dispositif médical qui contient une cartouche avec un tampon imprégné de menthol et de nicotine (10 mg).MODE D’EMPLOI
Aspirer doucement et adapter la fréquence et l’intensité des aspirations selon les besoins.DOSAGE INITIAL
Selon les besoins, sans dépasser 12 cartouches par jour.SPRAYS BUCCAUX
C’est une solution pour pulvérisation buccale en flacon muni d’une pompe mécanique qui délivre 1 mg de nicotine à chaque pression.MODE D’EMPLOI
L’utilisation du spray demande un arrêt total du tabac.DOSAGE INITIAL
1 ou 2 pulvérisations aux moments habituels de consommation de tabac ou en cas d’envie irrépressible de fumer, jusqu’à 4 pulvérisations par heure, sans dépasser 64 pulvérisations sur 24 heures. Maintenir la posologie initiale pendant 6 semaines avant de réduire progressivement le nombre de pulvérisations.EFFETS INDÉSIRABLES OUTRE LES EFFETS COMMUNS À L’ENSEMBLE DES TNS, LES EFFETS INDÉSIRABLES LES PLUS FRÉQUENTS DES FORMES ORALES SONT DES NAUSÉES, DES SENSATIONS DE BRÛLURES BUCCALES OU GASTRIQUES, UNE IRRITATION DE LA GORGE, UNE HYPERSALIVATION, UNE TOUX ET DES HOQUETS, NOTAMMENT EN CAS DE DÉGLUTITION D’UNE TROP GRANDE QUANTITÉ DE NICOTINE DANS LA SALIVE (MÂCHER OU SUCER LES FORMES PLUS DOUCEMENT).
Le risque de transfert de la dépendance vers une forme orale, s’il ne peut être écarté, est jugé marginal. TESTEZ-VOUS
testez-vous« ME FAIRE HYPNOTISER » ?
LES MÉDICAMENTS
Ils sont réservés aux patients fortement dépendants.LA VARÉNICLINE
Agoniste partiel des récepteurs nicotiniques, la varénicline (Champix, liste I, remboursement à 65 %) diminue l’envie de fumer et le plaisir ressenti en fumant.LE BUPROPION
Antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline, le bupropion (Zyban, liste I, NR) réduit l’envie de fumer.EN COMPLÉMENT
L’activité physique, l’acupuncture ou l’hypnose sont des approches tolérées (mais non validées par la HAS), soit en complément des méthodes recommandées, soit dans le cadre d’une démarche personnelle du patient. Dans ce dernier cas, l’accompagnement doit être maintenu.MÉTHODES NON RECOMMANDÉES
Méthodes non recommandées« JE VAIS GROSSIR, NON ? »
LA PRISE DE POIDS
La nicotine agissant sur le métabolisme (réduction de l’appétit, augmentation des dépenses énergétiques, diminution du stockage des graisses), le fumeur est en « sous-poids » de 2 à 3 kg. Une prise de poids équivalente peut donc être attendue, mais pas au-delà. Un fumeur sur 3 ne prend pas de poids à l’arrêt du tabac avec un TNS.LES TROUBLES NERVEUX
La nicotine stimule le système nerveux central et déclenche la production de monoamines : dopamine, sérotonine, noradrénaline, à l’origine d’une sensation de plaisir, d’une stimulation intellectuelle, d’un effet antidépresseur… L’irritabilité, l’anxiété, l’agressivité, les troubles du sommeil font partie du symptôme de sevrage, lorsque le fumeur tente seul d’arrêter, brutalement, ou lorsque le TNS est sous-dosé.LES ENVIES DE FUMER
Des pulsions à fumer peuvent survenir. Elles sont normales, et le plus souvent dues à un traitement substitutif sous-dosé. Elles ne durent que 2 à 3 minutes.LA TOUX
Une toux avec expectorations, parfois sales (noires-marrons des goudrons), apparaît souvent dans les premières semaines qui suivent l’arrêt du tabac. Elle traduit la reprise des fonctions des cils vibratiles de la muqueuse bronchique, qui n’assuraient plus l’évacuation des sécrétions bronchiques, paralysés par la fumée du tabac. A l’arrêt du tabac, le mucus devient également plus fluide.LA CONSTIPATION
La nicotine a un effet laxatif : elle accélère la vidange gastrique et le transit intestinal. Une constipation peut donc apparaître à l’arrêt du tabac. Le symptôme est transitoire (3 à 4 semaines après l’arrêt).LE DÉFICIT EN VITAMINE C
Le tabac diminue l’absorption et augmente le catabolisme de la vitamine C. Les besoins en vitamines C sont donc accrus chez le fumeur.L’ESSENTIEL À RETENIR
Vous attendiez-vous à délivrer autant de kits de dépistage du cancer colorectal ?
1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.
Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !