Les clés de l’automédication sont entre vos mains - Le Moniteur des Pharmacies n° 3211 du 10/02/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3211 du 10/02/2018
 
ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

Temps Forts

Enjeux

Le marché de l’automédication reste fragile et son essor pâtit d’un manque de politique volontariste, déplorent les industriels du secteur. La situation pourrait toutefois se débloquer si le conseil au comptoir, souvent mis en défaut par les enquêtes de consommateurs, devenait systématique et protocolisé. La mise en place d’arbres de décision, garantissant la qualité de la dispensation des médicaments, pourrait en être le point d’orgue.

A chaque bilan négatif de l’évolution du marché de l’automédication (médicaments non prescrits et non remboursés), l’association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) dresse toujours le même constat d’échec, stigmatisant depuis plusieurs années l’absence de volonté politique de développer ce marché.

Le 16e baromètre de l’automédication présenté par cette association le 2 février n’a pas failli à la règle. En 2017, en effet, la conjoncture du marché n’a pas été bonne. En cause, essentiellement, la faiblesse des pathologies saisonnières et le relistage des dérivés de la codéine. Cela s’est traduit par une baisse cinglante des ventes de 3,7 % en valeur l’an dernier. Mais il y a pire ! « Le marché est bloqué par la méconnaissance totale des pouvoirs publics et les dernières mesures de santé publique vont à l’encontre de l’intérêt générale et du patient en particulier », déplore Pascal Brossard, vice-président de l’AFIPA, pointant du doigt des incohérences entre ce qui devrait être fait en faveur d’une automédication responsable et les décisions prises. « Il y avait d’autres solutions que le relistage des codéinés et leurs dérivés, telles que l’inscription systématique de ces médicaments au dossier pharmaceutique pour éviter le mésusage », indique-t-il.

La piste du statut intermédiaire

Autre piste à explorer, celle rappelée par le syndicat USPO le 31 janvier lors de ses 10e Rencontres : la création d’un statut intermédiaire situé entre la prescription médicale obligatoire (PMO) et facultative (PMF) rendant certains médicaments accessibles au conseil officinal. « Ces médicaments classés en PMO pourraient être dispensés par le pharmacien dans des conditions particulières de contrôle avec la création d’arbres décisionnels », préconise Pierre-Olivier Variot, vice-président de l’USPO. « Cependant, ce statut doit être provisoire. Pendant un certain temps, le médicament serait délivré dans des conditions spécifiques, et un état des lieux devra ensuite permettre le délistage », souhaite Pascal Brossard. Toutefois, « il ne faudrait pas introduire une strate supplémentaire dans la classification binaire des médicaments, car cela ajouterait de la complexité à un système qui l’est déjà ». Sur la lancée de ses griefs à l’égard d’un gouvernement qu’il juge moins accueillant que le précédent à l’égard des propositions de l’AFIPA, l’industriel condamne le projet de suppression des marques ombrelles et « le risque de grande confusion pour les patients que pourraient entraîner les modifications d’étiquetage visant à créer des boîtes neutres comme les paquets de cigarettes. » Quant à l’interdiction de la publicité pour les vasoconstricteurs applicable depuis décembre, « il faut éduquer plutôt qu’interdire », estime-t-il. Concernant le rapport bénéfice/risque de ces molécules, l’AFIPA a présenté à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) une étude clinique rétrospective démontrant l’absence d’augmentation du risque malgré l’existence de mésusage. Sans suite pour l’instant.

« Une pratique bonbonnière de l’OTC »

Malgré cette politique « à contre-courant » aggravant le retard de la France vis-à-vis des autres pays européens, officinaux, industriels, payeurs, associations de patients et médecins s’accordent pour faire de « l’automédication accompagnée » la première étape du parcours de soins pour les pathologies bénignes. Lors des Rencontres de l’USPO, Patrick Errard, président du Leem (Les Entreprises du médicament), a toutefois donné un coup de pied dans la fourmilière, quitte à secouer le parterre d’officinaux dans la salle. « Industriels et pharmaciens ne sont pas crédibles pour développer l’automédication en France, des patients qui s’auto-prescrivent des médicaments et des officines qui les délivrent sans leur poser la moindre question, ça existe ! Tant qu’on a une pratique bonbonnière de l’OTC, ce marché ne pourra pas se développer. » Il conclut en invitant les pharmaciens à ne pas être dans le déni et à avoir une conduite responsable. « Il faut accepter qu’il y ait des progrès à faire et en parler ensemble. »

Un arbre qui portera ses fruits

D’autant que le potentiel de la médication officinale en France reste important et les perspectives encourageantes du fait des déficiences de la démographie médicale. Comme le rappelle Pascal Brossard, citant une étude Ipsos de 2015 « 63 % des médecins généralistes sont favorables à l’automédication car c’est une façon de rationaliser le système de soins et 16 % des consultations n’ont rien à faire chez eux ». Le médecin n’est donc pas un obstacle à son essor. Mieux, Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes MG France, se dit prêt à travailler avec les pharmaciens. Il ne tient donc qu’aux acteurs de ramer – le mot n’est pas trop fort – tous dans le même sens et de se doter des moyens pour que le marché français s’aligne progressivement sur la moyenne européenne : politique de délistage volontariste, éducation des patients par le biais d’une campagne d’information prise en charge par l’Etat, renforcement de la formation en officine et création d’arbres décisionnels afin de protocoliser le conseil officinal…

L’AFIPA a bien conçu des arbres de décision mais ils n’ont jamais été validés par la Haute Autorité de santé ou l’ANSM, fait remarquer Pascal Brossard. « Ces arbres doivent être discutés avec les médecins afin qu’ils ne se sentent pas dessaisis de leur activité de prescription », estime toutefois Séverine Salgado, directrice santé à la Fédération nationale de la mutualité française. Par ailleurs, elle suggère de lancer une expérimentation avec des modalités techniques assez simples et une évaluation sérieuse, dans le cadre d’une liste de pathologies pour lesquelles un diagnostic médical préalable n’est pas nécessaire. Déterminée à faire avancer ce dossier dans le bon sens, l’AFIPA vient de solliciter un rendez-vous auprès d’Agnès Buzyn, et appelle la ministre de la Santé à opérer des changements fondateurs dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de santé. L’accueil sera-t-il cette fois meilleur de la part de la locataire de l’avenue de Ségur ? En décembre, celle-ci s’est dite prête à l’Assemblée nationale à ouvrir la réflexion sur la prise en charge par les officinaux de pathologies courantes sur la base d’arbres décisionnels. 

L’ORDRE FERA DES PROPOSITIONS AVANT L’ÉTÉ

Renouvellement de traitements de la rhinite allergique sans ordonnance sous réserve d’effectuer certains contrôles, délivrance de corticoïdes locaux à partir du moment où une première prescription a été établie, possibilité de conseiller des antalgiques codéinés dans des situations bien définies, l’Ordre ne manque pas non plus d’idées pour développer ce qu’il appelle « la prescription pharmaceutique ». Sa présidente, Carine Wolf-Thal souhaite même disposer d’une proposition concrète à proposer à la ministre de la Santé avant l’été prochain.
L. Lefort

À RETENIR


•   Faible niveau des pathologies saisonnières et relistage des dérivés de la codéine expliquent le tassement du marché de l’automédication en 2017, alors que les pouvoirs publics ne pratiquent pas une politique volontariste vis-à-vis de ce marché.

•   La donne pourrait changer avec l’instauration d’un statut intermédiaire aux médicaments listés et délistés, préconisé par les syndicats de pharmaciens et la mise en place d’arbres décisionnels pour orienter le conseil officinal sans préempter le territoire des médecins.

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