Lactalis ou la sp irale infernale - Le Moniteur des Pharmacies n° 3210 du 03/02/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3210 du 03/02/2018
 
RETRAITS DE LOTS

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR LAURENT LEFORT ET SANDRINE DURICHET AVEC ANNE DROUADAINE 

Alertes récurrentes pour retirer de la vente les produits de nutrition Lactalis, mise au point de garde-fous informatiques, rien n’y fait. Une nouvelle salve de contrôles de la DGCCRF a « coincé » 13 officines entre le 12 et le 26 janvier. Il semble désormais difficile d’échapper aux sanctions pénales et disciplinaires. Pour l’exemple.

La goutte d’eau – pardon de lait - qui fait déborder le vase. Le 26 janvier, en fin de soirée, le cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, divulguait les résultats de 1 600 nouveaux contrôles réalisés depuis le 12 janvier dans les pharmacies par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : 13 proposaient encore à la vente entre une et 28 boîtes censées être concernées par le retrait du marché des produits Lactalis. 13 qui s’ajoutent aux 44 de la précédente inspection menée entre le 26 décembre et le 11 janvier. « En tout état de cause, le fait de poursuivre la vente de produits concernés par une opération de retrait/rappel est susceptible de constituer une tromperie aggravée, qui est un délit pénal », écrit le cabinet de Bruno Le Maire. D’autant qu’entre le 4 et le 21 décembre, les pharmaciens et les grossistes répartiteurs ont été destinataires de 7 alertes leur précisant la liste des produits Picot, Milumel et Delical à retirer et les modalités de rappel. Une poignée de minutes après le communiqué du ministère de l’Economie et des Finances, l’ordre des pharmaciens réaffirmait « sa détermination et son intransigeance ». Car Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, ne décolère pas : « Si la faute est avérée, elle est uniquement imputable à des manquements individuels inacceptables. Je déplore encore une fois ce constat. » Carine Wolf-Thal a beau réclamer depuis le premier jour les procès verbaux des inspections de la DGCCRF pour lancer « dès maintenant et à titre d’exemple » des procédure disciplinaires contre les pharmaciens contrevenants, son attente pourrait être longue, très longue, secret de l’instruction oblige. La DGCCRF compte bien poursuivre certains des pharmaciens au pénal, en fonction de la gravité des fautes constatées.

File dans ta chambre de discipline !

Ces dernières semaines il s’est d’ailleurs mis à pleuvoir des plaintes comme à Gravelotte. L’association UFC-Que Choisir ne pouvait se dispenser d’entrer dans la bataille. Fait le 29 décembre, onze jours après Quentin Guillemain. Après avoir acheté du lait sur prescription, ce jeune père a déposé plainte auprès du pôle santé du parquet de Paris pour mise en danger de la vie d’autrui et non assistance à personne en danger à l'encontre du laboratoire... et du pharmacien à qui il reproche de ne pas l'avoir informé des procédures de rappel des lots. Les sanctions maximales prévues sont respectivement d'un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Si, en qualité de producteur, la responsabilité de l’industriel ne pose pas question, la situation est moins évidente pour les pharmaciens. Certes, l’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux bonnes pratiques de dispensation impose au pharmacien une obligation de conseil renforcée lors de la délivrance d’une ordonnance. Mais l'information doit être réalisée au regard des données qu'il est censé connaître. Ainsi, si les pharmaciens ont délivré les boîtes de lait avant l’émission de l’alerte sanitaire, ils pouvaient difficilement informer leur patient des risques encourus puisqu’ils les ignoraient eux-mêmes. Pour les délivrances réalisées après, c’est une autre paire de manches. Carine-Wolf-Thal a quant à elle indiqué que deux options étaient envisagées par l’ordre des pharmaciens dès lors que la DGCCRF entamerait le contentieux au pénal : soit l’Ordre s’associerait à ce contentieux, soit il se constituerait partie civile afin d’avoir accès au dossier. « Il y aura des inspections de l’ARS, nous enclencherons des sanctions pouvant aller jusqu’à l’interdiction temporaire d’exercer », promet la présidente.

A quelque chose malheur est bon, Carine Wolf-Thal a, le 15 janvier, demandé aux éditeurs de logiciels de gestion officinale (LGO) un développement en urgence pour qu’un message s’affiche sur les écrans en cas de tentative de dispensation d’un produit rappelé. Pharmagest et Winpharma, qui équipent à eux deux plus de la moitié des officines, expliquent que ces messages ont été diffusés sans aucune difficulté technique. Les outils étaient déjà en place. Il leur a donc fallu moins de 24 heures pour les activer suite à la demande officielle de l’ordre des pharmaciens, div à diffuser et liste des produits à retirer à la clé. « L’Ordre a préconisé de désactiver ces fenêtres pop-up à partir du 31 mars 2018. Mais si cette alerte doit être poursuivie au-delà, on le fera. Et si cet outil s’avère nécessaire pour d’autres produits retirés ou rappelés, on s’adaptera », précisent-ils d’une même voix. Winpharma a joué « ceinture et bretelles » en envoyant également un mail aux officines via la messagerie interne du logiciel.

L’ouverture de pop-up à la vente d’un produit faisant l’objet d’une alerte a déjà été utilisée pour Dépakine ou la dompéridone par exemple. Pour quelle raison cette fenêtre n’apparaît-elle pas de façon systématique pour tout produit retiré ? « Nous attendons généralement une demande officielle des instances ou des laboratoires pour activer cet outil. Nous sommes un éditeur de logiciel métier et non une base de données », répond Pharmagest. Qui plus est, cette option payante pour certains éditeurs est à la charge du demandeur. Dans le cas Lactalis, l’enjeu était tel qu’aucun n’a songé à présenter la facture…

L’apparition des fenêtres bloquantes n’est pas tracée dans les officines par les éditeurs, mais le pop-up rend impossible la vente du produit retiré et ne peut être désactivé par le professionnel. Dès le 17 janvier, plus de 80 % des officines disposaient de cette fonctionnalité. Cela n’a pourtant pas suffi. De là à regretter l’époque des bons de retraits dans les caisses de livraison des répartiteurs… 

LE RETRAIT DE LOT, DÉJÀ AU CŒUR DE L’AFFAIRE MENINGITEC

Un précédent retrait de lot mal conduit a secoué la profession en 2015. Le 24 septembre 2014, Le laboratoire CSP retire tous les lots du vaccin Meningitec en raison de particules de rouille retrouvées dans un nombre limité de seringues. Un an plus tard, en juillet 2015, Isabelle Adenot, alors présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens est pourtant contrainte de se livrer à une mise au point : « Tous les lots ayant normalement été rappelés, aucun vaccin Meningitec ne peut être ni facturé, ni délivré ». Des pharmaciens qui n’avaient pas effectué correctement le retrait de lot ont d’ores-et-déjà été condamnés par l’Ordre à des interdictions d’exercer comprises entre 1 mois et 3 mois avec sursis.

À RETENIR


•  Une 2e vague de contrôles de la DGCCRF a inspecté 1 600 officines entre le 12 et le 26 janvier. 13 d’entre elles continuaient à proposer à la vente entre une et 28 boîtes.

•  La DGCCRF compte poursuivre certains pharmaciens au pénal.

•  L’Ordre prononcera des interdictions d’exercer.

•  Les « pop-up » apparaissant à la saisie du produit litigieux seront utilisés pour de futures alertes de retraits de lots.

REPÈRES 

PROCÉDER À UN RETRAIT DE LOT À L'OFFICINE

LES RÉFÉRENCES LACTALIS ENCORE DISPONIBLES

Si l’ensemble de la production effectuée sur le site de Craon (Mayenne) a fait l’objet d’un rappel, plusieurs références fabriquées par Lactalis restent cependant disponibles sur le marché français :
-  de la marque Picot Pepti-Junior : les céréales infantiles, les crèmes dessert et les boudoirs,
-  de la marque Picot : « mes 1ers biscuits », les boudoirs, les boissons aux plantes, les jus de fruits et Magic Mix,
-  de la marque Picot Maman : les tisanes et le complément vitalité allaitement Picot Maman.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !