pharmacologie chez le sujet âgé - Le Moniteur des Pharmacies n° 3209 du 27/01/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3209 du 27/01/2018
 
BILAN PARTAGÉ DEMÉDICATION N°1

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

Auteur(s) :

PAR ALEXANDRA BLANC,

CHEF DE RUBRIQUE FORMATION

CONTEXE

En 2018, les pharmaciens vont pouvoir proposer à leur patients âgés polymédiqués un bilan partagé de médication institué par l’avenant n° 11 à la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens d’officine et l’Assurance maladie. Les conditions de mise en œuvre du bilan sont formalisées dans l’avenant n° 12 à la convention pharmaceutique.


LE BILAN DE MÉDICATION : À VOS MARQUES…

Avant de s’intéresser en détail aux conditions pratiques de mise en œuvre du bilan de médication (qui feront l’objet d’un deuxième cahier spécial du Moniteur des pharmacies à paraître le 10 février 2018), il s’agit d’abord de consolider vos connaissances en pharmacologie chez le sujet âgé, de façon à maîtriser l’étape essentielle du bilan de médication : l’analyse des traitements.

PRÊTS ?

Une bonne maîtrise des spécificités de la cinétique des médicaments chez le patient âgé ainsi que des effets indésirables, contre-indications et interactions médicamenteuses, particulièrement redoutables chez des personnes fragiles, est un prérequis nécessaire à la réalisation de bilans de médication. Chaque situation repérée comme problématique impose de savoir analyser le risque pour proposer une solution adaptée, en accord avec le patient et le médecin prescripteur. C’est tout l’enjeu de cette nouvelle mission proposée aux pharmaciens.


PARTEZ !

Le bilan partagé de médication doit permettre notamment d’évaluer l’observance et la tolérance des traitements et d’identifier les interactions médicamenteuses. Il prévoit l’accompagnement du patient dans le bon usage des médicaments.

COMMENT UTILISER CE CAHIER ?

Commencez par revoir les particularités pharmacologiques chez la personne âgée : facteurs de vulnérabilité liés à l’âge et facteurs de risque d’événements indésirables spécifiques.
Puis, testez-vous sur les cas pratiques proposés en page 12. Il s’agit de cas simples que vous avez peut-être déjà rencontrés à l’officine, qui pointent un problème iatrogène précis. Chaque cas illustre l’une des questions à se poser de façon systématique lors de la phase d’analyse des traitements du bilan de médication. Un mémo vous permettra de recenser les questions essentielles et les principaux points à retenir. 

L’IATROGÉNIE EN CHIFFRES

L’iatrogénie en chiffres
L’allongement de l’espérance de vie s’accompagne d’une augmentation de la prévalence des maladies chroniques.
A partir de l’âge de 75 ans, la présence simultanée d’au moins deux maladies chroniques est très fréquente.
Les personnes de plus de 65 ans en affection de longue durée sont également plus souvent en situation de polypathologie. Cette population représente un peu plus de 9 millions d’individus. Parmi eux, 3,9 millions sont exposés à une polymédication (au moins 5 principes actifs prescrits). Cette polymédication multiplie le risque d’effets indésirables chez des personnes plus vulnérables.
L’iatrogénie médicamenteuse est responsable d’environ
7 500 décès par an (en comparaison, les accidents de la route étaient responsables de près de 3 500 décès en 2016) et représente 3,5 % des hospitalisations des personnes âgées de 65 ans et plus. L’utilisation de médicaments inappropriés est retrouvée chez
environ 54  % des patients de plus de 75 ans.

IATROGÉNIE

Ce n’est pas un hasard si les bilans partagés de médication concernent les patients âgés. Les plus de 60 ans sont fréquemment atteints de plusieurs maladies chroniques (souvent cardiovasculaire, métabolique et oncologique) expliquant qu’ils soient traités par un nombre élevé de médicaments susceptibles de donner lieu à iatrogénie.
La survenue d’effets indésirables médicamenteux est en moyenne deux fois plus fréquente après 65 ans. De 30 % à 60 % de ces effets seraient évitables.
Cette iatrogénie est d’autant plus mal connue que la population âgée est souvent exclue des essais cliniques préalables à l’obtention d’une AMM : les paramètres cinétiques et l’action pharmacologique décrits correspondent donc à des observations faites sur des sujets plus jeunes.
Les accidents iatrogènes survenant chez le sujet âgé restent insuffisamment notifiés auprès des centres de pharmacovigilance probablement parce qu’ils impliquent le plus souvent des médicaments de prescription courante (traitement des troubles du transit, de l’hypertension, des troubles du sommeil ou de l’anxiété, etc.), et les signes d’alerte sont souvent associés à l’âge, sans que l’on s’attache à en préciser une éventuelle étiologie iatrogène.

FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ DU SUJET ÂGÉ


LES PERSONNES ÂGÉES SONT CARACTÉRISÉES PAR DIFFÉRENTS FACTEURS QUI LES RENDENT VULNÉRABLES : CUMUL DE PLUSIEURS PATHOLOGIES, DONC DE PLUSIEURS TRAITEMENTS, MODIFICATION DU DEVENIR DES MÉDICAMENTS DANS L’ORGANISME, ALTÉRATION DE LA SENSIBILITÉ DE CERTAINS RÉCEPTEURS...



POLYPATHOLOGIE PLUS DE 10 % DES PERSONNES DE PLUS DE 75 ANS SONT POLYPATHOLOGIQUES. LES COMORBIDITÉS AUGMENTENT LE RISQUE IATROGÈNE CAR ELLES ONT DES RÉPERCUSSIONS SUR LA TOLÉRANCE AUX MÉDICAMENTS : ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS (AINS) SUSCEPTIBLES DE DÉCOMPENSER UNE INSUFFISANCE CARDIAQUE, ANTICHOLINERGIQUES AGGRAVANT UNE DÉMENCE D’ALZHEIMER OU EXPOSANT AU RISQUE DE RÉTENTION URINAIRE ET DE GLOBE VÉSICAL EN CAS D’ADÉNOME DE PROSTATE, VASOCONSTRICTEURS ET AINS SUSCEPTIBLES D’AUGMENTER LA TENSION ARTÉRIELLE…



POLYMÉDICATION LA POLYMÉDICATION DIMINUE LA QUALITÉ D’OBSERVANCE (75 % D’OBSERVANCE POUR UNE MONOTHÉRAPIE CONTRE 40   % DANS LE CAS OÙ LE TRAITEMENT COMPORTE PLUS DE QUATRE MÉDICAMENTS). ELLE AUGMENTE LE RISQUE D’INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES, D’AUTANT PLUS QUE LE NOMBRE DE PRESCRIPTEURS EST ÉLEVÉ. OR, LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES SONT CONSIDÉRÉES COMME RESPONSABLES DE 15 À 20 % DES EFFETS INDÉSIRABLES.

D’après l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), le fait d’être en affection de longue durée (ALD) augmente le risque de polymédication (excepté pour la maladie d’Alzheimer). Les trois ALD les plus associées à une polymédication sont l’insuffisance respiratoire, le diabète et la maladie de Parkinson.


ALTÉRATIONS DES ORGANES LE VIEILLISSEMENT S’ASSOCIE À UNE MODIFICATION DE LA CINÉTIQUE DE NOMBREUX MÉDICAMENTS.

Absorption. L’absorption orale des médicaments est modifiée en raison d’une réduction de la motilité gastro-intestinale (expliquant pour partie la vulnérabilité accrue du sujet âgé aux effets iatrogènes digestifs des AINS) et de la circulation sanguine splanchnique. L’acidité gastrique diminue, ce qui augmente l’ionisation des médicaments acides faibles et réduit leur passage systémique. La biodisponibilité des médicaments administrés par voie transcutanée est souvent réduite (peau sèche, irrigation superficielle réduite, etc.).
Distribution.Une diminution relative de la masse maigre au profit de la masse grasse augmente le volume de distribution des médicaments lipophiles : leur activité est retardée et leur élimination prolongée. La diminution de l’albuminémie fait augmenter la fraction libre des médicaments qui y sont fortement liés (AINS, AVK, sulfamides hypoglycémiants, etc.), avec risque de toxicité accrue. La barrière hémato-encéphalique est moins imperméable, ce qui majore le risque d’effets indésirables centraux (en particulier des benzodiazépines, anticholinergiques, antihistaminiques H1 et antagonistes dopaminergiques).
Métabolisme et excrétion.Au niveau du foie, la réduction du débit sanguin et une moindre capacité à réaliser la détoxification enzymatique réduisent le métabolisme des médicaments dont la demi-vie peut s’allonger de façon importante. Il en va de même dans les autres organes participant, d’une façon plus secondaire, au métabolisme des médicaments : intestins et poumons notamment. La diminution de la perfusion sanguine rénale et du nombre de néphrons fonctionnels mais aussi une trop fréquente déshydratation expliquent que l’excrétion rénale soit moins efficace, avec risque d’accumulation de médicaments hydrosolubles (héparines de bas poids moléculaire, IEC, ARA II, diurétiques, AINS, opioïdes, metformine, etc.) ou de leurs métabolites. Ceci justifie l’importance de l’adaptation des doses administrées au degré d’insuffisance rénale et/ou hépatique.


SENSIBILITÉ PHARMACOLOGIQUE LA SENSIBILITÉ DES RÉCEPTEURS SE MODIFIE AVEC LE VIEILLISSEMENT. EN RAISON DE POTENTIELLES CONSÉQUENCES IATROGÈNES, BIEN QUE LES ÉTUDES DANS CE DOMAINE RESTENT PARCELLAIRES, IL FAUT SOULIGNER :

- une augmentation de la sensibilité des récepteurs cholinergiques : les anticholinergiques entraînent plus facilement des effets centraux (confusion mentale) ;
- une augmentation de la sensibilité des opiorécepteurs : les opioïdes antalgiques (tramadol, codéine, fentanyl, etc.) entraînent une sédation plus importante et un risque de dépression respiratoire augmenté ;
- une réduction de la sensibilité des récepteurs adrénergiques alpha et bêta, d’où un risque accru de troubles orthostatiques ;
- une réduction de la sensibilité et de l’expression des récepteurs à l’insuline à l’origine d’une insulinorésistance relative.


TROUBLES COGNITIFS ET/OU PSYCHOAFFECTIFS LES TROUBLES THYMIQUES ET LES DÉMENCES REPRÉSENTENT UN OBSTACLE MAJEUR À LA CORRECTE OBSERVANCE D’UN TRAITEMENT.



FACTEURS DE RISQUE D’ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES MÉDICAMENTEUX


AUX FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ S’AJOUTENT DES FACTEURS DE RISQUE PARFOIS PONCTUELS, QU’IL CONVIENT D’AVOIR EN TÊTE AU MOMENT DE L’ANALYSE DES TRAITEMENTS FAITE LORS DU BILAN PARTAGÉ DE MÉDICATION.


MODIFICATION RÉCENTE D’UN TRAITEMENT IL PEUT S’AGIR D’UNE MODIFICATION DE POSOLOGIE OU DE L’INTRODUCTION D’UN NOUVEAU MÉDICAMENT SUR PRESCRIPTION OU PAR AUTOMÉDICATION, QUI EXPOSE AU RISQUE DE SURMÉDICATION, DE REDONDANCE ET D’INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES. PRÈS DE 8,6 % DES PERSONNES ÂGÉES ACHÈTENT UN MÉDICAMENT SANS ORDONNANCE PAR MOIS, ET 4 % DES MÉDICAMENTS ACQUIS PAR LES PERSONNES ÂGÉES LE SONT SANS ORDONNANCE.

Mais il peut s’agir tout simplement d’une modification de l’aspect du traitement consécutif à la substitution d’un générique par une autre marque, pouvant être source d’erreur pour le patient.


EVÉNEMENT INTERCURRENT CHEZ LE SUJET ÂGÉ, LA MOITIÉ DES ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES MÉDICAMENTEUX EST CONSÉCUTIVE À UN ÉPISODE INTERCURRENT. EN EFFET, TOUT ÉVÉNEMENT AIGU (INFECTION, FIÈVRE, DIARRHÉE, DÉSHYDRATATION…) EST SUSCEPTIBLE DE DÉCOMPENSER UNE MALADIE SOUS-JACENTE, DE DÉSÉQUILIBRER UN TRAITEMENT ANTIDIABÉTIQUE OU ANTICOAGULANT, D’ALTÉRER LA FONCTION RÉNALE ET LA TOLÉRANCE AUX MÉDICAMENTS.

Le sujet âgé est particulièrement sensible en période de forte chaleur, certains médicaments pouvant perturber la thermorégulation comme les diurétiques ou les anticholinergiques (en réduisant la sudation). Et la cinétique de certains médicaments, tels que la digoxine, le lithium, les sulfamides hypoglycémiants, est modifiée en cas de déshydratation.


CHANGEMENT DANS LA VIE DU PATIENT


LES BOULEVERSEMENTS SURVENANT DANS LA VIE QUOTIDIENNE DU PATIENT ET DANS SES HABITUDES (DÉMÉNAGEMENT, DEUIL, HOSPITALISATION…) SONT ÉGALEMENT DES FACTEURS DE RISQUE DE SURVENUE D’ACCIDENTS IATROGÈNES.



TRAITEMENTS INADAPTÉS AU SUJET ÂGÉ LA PRESCRIPTION GÉRIATRIQUE PEUT ÊTRE OPTIMISÉE EN REPÉRANT TROIS TYPES ESSENTIELS DE SOURCE D’IATROGÉNIE MÉDICAMENTEUSE :


Un traitement excessif
Il concerne une prescription non justifiée (hypnotique face à une durée de sommeil réduite du fait de l’âge…), dont le ratio bénéfice/risque ou le service médical rendu est insuffisant (vasodilatateurs cérébraux…), inutilement prolongée.
Un traitement inapproprié Des divs ont proposé des listes de médicaments à éviter chez le sujet âgé. Le recours à ces médicaments devrait être limité, voire proscrit, même s’ils ne sont pas contre-indiqués, notamment chez un patient souffrant de pathologies augmentant sa vulnérabilité à l’iatrogénie spécifiquement attachée à ces médicaments.
La première liste de médicaments à éviter a été proposée dans les années 1990 par le gériatre américain M.H. Beers. En France, une liste des médicaments potentiellement inappropriés chez le sujet de plus de 75 ans, dite de Laroche, répertorie des médicaments ou classes médicamenteuses à éviter et cinq situations justifiant d’éviter certains traitements (hypertrophie prostatique, glaucome, incontinence urinaire, démence, constipation chronique). Parallèlement, l’outil Stopp/Start propose une liste de médicaments inappropriés classés par organes et système dont il faut envisager l’arrêt ainsi qu’une liste de prescriptions « positives » de médicaments qui présentent un intérêt chez le sujet de plus de 65 ans. Enfin, la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et le conseil national professionnel de gériatrie ont conçu un guide de bonne prescription médicamenteuse chez les personnes âgées de 75 ans et plus (guide PAPA), pour 42 maladies et situations fréquemment rencontrées (insomnie, dépression, douleur...), présenté sous forme de fiches. Ces outils seront détaillés dans le cahier spécial n° 2 sur le « bilan partagé de médication », à paraître le 10 février.
Un traitement insuffisant
Une trop faible attention portée à certaines pathologies associées à l’âge ou à certains signes cliniques rapidement mis sur le seul compte de la vieillesse peut priver le patient âgé d’un traitement qui lui est pourtant indispensable et dont l’absence constitue une « perte de chance ». Ainsi, il ne faut pas méconnaître ou sous-traiter une dépression, une ostéoporose, un trouble du rythme, un trouble tensionnel, une insuffisance coronarienne, certaines douleurs…

SURVEILLANCE DES TRAITEMENTS INSUFFISANTE UNE SURVEILLANCE INSUFFISANTE (QUE CE SOIT AU NIVEAU CLINIQUE OU BIOLOGIQUE), NOTAMMENT CONCERNANT LES TRAITEMENTS ANTICOAGULANTS OU LES ANTIHYPERTENSEURS ET/OU UN DÉFAUT D’INFORMATION PRODIGUÉE AUX PATIENTS SONT RESPONSABLES DE PLUS DE LA MOITIÉ DES EFFETS INDÉSIRABLES GRAVES.

Une confusion subite chez un sujet âgé doit faire suspecter une déshydratation et mener à un contrôle du ionogramme sanguin, en particulier en cas de traitement par diurétique.
S’assurer que la fonction rénale d’un patient (en particulier traité par metformine ou anticoagulants oraux directs) est surveillée régulièrement et que le bilan rénal est contrôlé en période de canicule.
S’assurer que le rythme de contrôle des INR sous AVK est au minimum mensuel et que la surveillance est renforcée en cas d’association à des antibiotiques…


MANQUE D’ADHÉSION AU TRAITEMENT SELON UN SONDAGE MENÉ EN 2015 À LA DEMANDE DU LEEM (LES ENTREPRISES DU MÉDICAMENT) PAR L’INSTITUT FRANÇAIS DES SENIORS, 19 % DES SENIORS RECONNAISSENT OUBLIER DE PRENDRE LEUR MÉDICAMENT, 16 % ARRÊTER UN MÉDICAMENT DE LEUR PROPRE INITIATIVE, 2 % SE TROMPER DANS LES DOSES.

Pour renforcer l’adhésion, prendre le temps d’expliquer au patient ou à son entourage à quoi servent les médicaments et l’intérêt de les prendre. Ecrire les posologies sur les conditionnements, établir des plans de prise.
Lors de la phase de recueil des traitements du bilan de médication, s’assurer que la forme galénique prescrite est adaptée au patient. Si nécessaire, vérifier que les comprimés peuvent être croqués ou écrasés et les gélules ouvertes.
Lors des renouvellements, repérer les patients n’achetant plus certains médicaments, ainsi que les éventuels mésusages (prise de médicaments au mauvais moment de la journée, ou dont les modalités de prise ne sont pas respectées, comme une administration incorrecte de metformine ou d’AINS à jeun).
Rechercher les obstacles à une bonne observance (déficit visuel, auditif, arthrose des mains, troubles thymiques ou cognitifs, isolement…), et prendre le temps de questionner le patient pour savoir comment il gère ses médicaments pour comprendre les difficultés rencontrées en pratique. 

LES ENTRAVES À L’OBSERVANCE

LES ENTRAVES À L’OBSERVANCE
Les barrières les plus fréquentes à l’adhésion thérapeutique chez les patients âgés sont :

•  Des déficits fonctionnels (tremblements, arthrose, déformations digitales, troubles de coordination motrice, troubles de déglutition). Ils constituent une entrave à l’ouverture de blister ou de flacon, à la préhension des comprimés, à l’utilisation correcte des dispositifs d’inhalation ou à l’instillation de collyre. Les troubles de déglutition rendent non seulement plus difficile l’administration orale, mais favorisent aussi la survenue d’accidents iatrogènes (risque de pneumopathie lipoïde en cas d’inhalation de laxatifs lubrifiants consécutive à une fausse route).

•  Des déficits sensoriels, comme les troubles auditifs perturbant la bonne compréhension des conseils d’administration du médecin et/ou du pharmacien, ou des troubles visuels (liés à un glaucome, une cataracte ou une DMLA), à l’origine de confusion entre médicaments, de difficultés à visualiser des quarts de comprimés, à compter des gouttes ou à lire les notices.

•  Des déficits cognitifs, pouvant être à l’origine de sous-dosage (par défaut de prise médicamenteuse) ou de surdosage (lié au rattrapage d’un faux oubli).
Certaines formes galéniques sont inadaptées chez le sujet âgé (certains collyres, médicaments à couper…). D’autres formes peuvent permettre d’optimiser l’observance : les formes orodispersibles, transdermiques, à libération prolongée (en particulier dans le cas de collyre antiglaucomateux) ou les sachets.
D’autres facteurs peuvent altérer l’observance et augmenter le risque iatrogène, comme un bouleversement dans la vie du patient (un veuvage, un deuil, un déménagement…), des facteurs sociaux (isolement, précarité…), mais aussi une modification de l’apparence de son traitement.

CRITÈRES DE FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ

Critères de fragilité du sujet âgé
La fragilité est un syndrome clinique se traduisant par une diminution des capacités physiologiques de réserve, altérant les mécanismes d’adaptation à un stress (traumatisme, infection, intervention chirurgicale…). 15 % des Français de plus de 65 ans sont fragiles (26 % de plus de 85 ans).
Les critères de définition de la fragilité retiennent notamment : l’âge > 85 ans, une polymédication > 4 médicaments, une altération des fonctions cognitives, une dépression, une  dénutrition, la sédentarité, la perte d’autonomie fonctionnelle, l’isolement socio-affectif, l’existence de douleurs.

LES SYMPTÔMES ÉVOCATEURS D’IATROGÉNIE

Les symptômes évocateurs d’iatrogénie
Avoir le « réflexe iatrogénique », c’est se poser la question d’une éventuelle cause médicamenteuse devant l’apparition de tout nouveau symptôme survenant chez une personne âgée : la chronologie de survenue est-elle compatible ? Y-a-t-il un événement intercurrent favorisant ? Les signes cliniques sont-ils évocateurs d’iatrogénie ?
Les symptômes les plus fréquents des accidents iatrogènes sont :

•  des troubles digestifs, une diminution de l’appétit, une perte de poids

•  une asthénie ou des malaises

•  des troubles de l’équilibre, des vertiges et des chutes

•  des troubles du comportement et de la vigilance, des pertes de mémoire et une confusion

LES ANTICHOLINERGIQUES

Madame N., 76 ans, souffre d’une dépression. Le psychiatre lui a prescrit un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine, la sertraline (Zoloft 50 mg, 1 gélule le matin), associé à un anxiolytique, l’hydroxyzine (Atarax 25 mg, 1 cp matin et soir). Le traitement s’est révélé peu efficace au bout de trois mois. Elle a alors consulté son médecin généraliste qui a ajouté un antidépresseur tricyclique, l’amitriptyline (Laroxyl 25 mg 1 cp matin et midi). Une semaine plus tard, la fille de Mme N., raconte au pharmacien que sa mère a du mal à se repérer et tient des propos confus.Qu’est-ce qui peut être responsable de l’état de Mme N ?

LES ANTI-ALZHEIMER

Madame V., 79 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer et traitée par patch de rivastigmine 9,5 mg (Exelon), vit chez sa fille Aude. « Ma mère dort très mal. Elle se réveille souvent la nuit », soupire Aude. Elle a retrouvé des comprimés Donormyl dans son armoire à pharmacie, mais elle a perdu la notice et veut savoir si elle peut en donner à sa mère.Donormyl est-il un médicament adapté à Mme V. ?
Analyse du cas
En dépit de la réévaluation du service médical rendu des traitements de la maladie d’Alzheimer, le neurologue qui suit Madame V. maintient son traitement par rivastigmine car les tests d'évaluation de la patiente montrent des résultats favorables.
La rivastigmine est un anticholinestérasique qui augmente les transmissions cholinergiques centrales et exerce une action parasympathomimétique indirecte. La doxylamine (Donormyl) est un antihistaminique H1 à effet anticholinergique, c’est-à-dire antagoniste du système nerveux parasympathique.
Ces deux médicaments ont donc des actions pharmacologiques opposées et leur association est illogique. Elle expose au risque de diminuer l’efficacité de l’anticholinestérasique et d’aggraver les troubles cognitifs de Mme V.
Conduite à tenir
La pharmacienne déconseille l’utilisation de la doxylamine qui peut diminuer l’effet de la rivastigmine. Les troubles de Mme V. étant probablement liés à sa maladie d’Alzheimer (caractérisée par une inversion du rythme « veille-sommeil » et une désorientation temporelle), elle préconise une consultation chez le neurologue.




Question à se poser systématiquement
Le patient est-il sous traitement de la maladie
d’Alzheimer ?
Attention : dans ce cas, les médicaments
à action anticholinergique sont à proscrire.

LES ANTIPARKINSONIENS

Monsieur S., 79 ans, souffre de nausées depuis 4 jours. Sa femme vient ce matin à la pharmacie pour chercher du Vogalib. La consultation du dossier pharmaceutique de ce patient montre qu’il est traité pour une maladie de Parkinson par Modopar 125 dispersible (lévodopa 100 mg/bensérazide 25 mg) 3 cp/jour depuis une semaine (au lieu de 2 cp/j) et Déprényl 5 mg (sélégiline), 2 cp/jour.Est-ce que Vogalib convient à M. S. ?

Analyse du cas
La métopimazine (Vogalib) est une phénothiazine neuroleptique antagoniste des récepteurs dopaminergiques. Bien que franchissant la barrière hématoencéphalique de façon très limitée, elle est susceptible d’exercer dans le cerveau une action antagoniste de la dopamine. Cette action s’oppose à l’action thérapeutique de la lévodopa que renforce ici l’adjonction d’un inhibiteur de sa dégradation enzymatique, la sélégiline (Déprényl). Le traitement antiémétique induit un risque de réactivation du syndrome parkinsonien. L’association de métopimazine est donc contre-indiquée avec le traitement antiparkinsonien de M. S., même pour une courte durée.
Les nausées de M. S. pourraient avoir pour origine une gastro-entérite. Toutefois, il ne vomit pas et ne souffre pas de diarrhées. Sa femme n’est pas affectée alors qu’elle a mangé les mêmes plats.
Ces nausées peuvent aussi avoir une étiologie iatrogène. La lévodopa est connue pour induire des signes digestifs, notamment lors de l’instauration du traitement ou d’une augmentation de dose.

Conduite à tenir
Le pharmacien explique que ces signes sont probablement liés à l’augmentation brutale du traitement antiparkinsonien. De plus, M. S. le prend souvent en dehors des repas.
Le pharmacien conseille de prendre Modopar pendant les repas. Les nausées iatrogènes disparaissent progressivement en 4 à 8 semaines. La dompéridone (Motilium) ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique et exerce une action antiémétique périphérique en agissant sur l’area postrema. Mais sa prescription doit être évitée chez le sujet de plus de 60 ans en raison d’un risque accru de survenue d’arythmie ventriculaire grave.


Question à se poser systématiquement
Le patient souffre-t-il d’une maladie de Parkinson traitée par lévodopa?
Attention : la prise d’antidopaminergiques
(métopimazine, métoclopramide, alizapride) est dans ce cas contre-indiquée ?

LES LAXATIFS

Noémie T., 75 ans, vient passer quelques jours chez ses enfants. Ce matin, elle se rend à la pharmacie acheter une boîte de 50 sachets de Boldoflorine. Elle explique au pharmacien : « J’ai oublié ma boîte de tisanes chez moi en partant… mais j’en ai vraiment besoin, dès que j’arrête je suis constipée. » Le pharmacien s’interroge.La prise quotidienne de Boldoflorine pose-t-elle un problème ?
Analyse du cas
La tisane Boldoflorine est indiquée dans le traitement symptomatique de la constipation. Elle associe de l’extrait de séné et de bourdaine, des laxatifs anthracéniques stimulant la motricité colique. La durée maximale de traitement conseillée est de 10 jours.
Une prise abusive peut entraîner :
- rarement, une maladie des laxatifs associant colopathie fonctionnelle, rectocolite et hypokaliémie favorisant la survenue de torsades de pointes. Ils peuvent causer une inflammation de la muqueuse colique voire, à long terme, des modifications anatomopathologiques irréversibles ;
- de façon plus fréquente, une dépendance au traitement dont l’arrêt brutal induit une constipation rebond.

Conduite à tenir
Le pharmacien alerte Mme T. sur l’origine iatrogène de sa constipation et sur le risque de survenue d’une irritation de la muqueuse intestinale.
Il lui propose de prendre plutôt un laxatif osmotique (macrogol, lactulose…) ou de lest (ispaghul, sterculia…) et lui conseille un régime riche en fibres alimentaires (légumes verts, fruits secs, son…) et une hydratation suffisante.
Il l’incite également à évoquer avec son médecin ses troubles du transit afin de rechercher une étiologie organique.

Question à se poser systématiquement
Le patient prend-il un laxatif stimulant (bourdaine, séné, bisacodyl, picosulfate..) ?
Attention : ces laxatifs sont non indiqués chez le sujet âgé.

LES LAXATIFS

Madame N., 80 ans, vient chercher son renouvellement d’amiodarone (Cordarone), spironolactone/altizide (Aldactazine), fluindione (Previscan) et tramadol (Topalgic). Elle souhaite aussi une boîte de Dulcolax, confiant ne pas être allée à la selle depuis trois jours.Ce laxatif est-il adapté à Madame N. ?
Analyse du cas
Le bisacodyl (Dulcolax) est à déconseiller chez Mme N. En effet, ce laxatif stimulant expose au risque d’hypokaliémie favorisant la survenue de torsades de pointes.
L’association du bisacodyl à un autre médicament hypokaliémiant, comme l’altizide (diurétique thiazidique), est à éviter et nécessite une surveillance renforcée de la kaliémie. Celle à un médicament torsadogène, comme l’amiodarone (anti-arythmique susceptible d’allonger l’espace QT) est déconseillée. Le sexe féminin et un âge > 65 ans sont par ailleurs des facteurs de risque de torsades de pointes.
Il convient en outre de s’interroger sur l’origine de cette constipation, problème fréquent en gériatrie, dû à une diminution de la musculature abdominale, une réduction de la mobilité, un régime alimentaire pauvre en fibres, une réduction de la sensation de soif,
une cause iatrogène : antiparkinsoniens, anticholinergiques, antalgiques opiacés comme ici le tramadol….
Conduite à tenir
Le pharmacien préconise un apport hydrique renforcé et une alimentation enrichie en fibres.
Il conseille un laxatif osmotique (macrogol, lactulose), mieux adapté à cette patiente traitée par AVK que l’huile de paraffine, dont l’usage prolongé interfère sur l’absorption intestinale de la vitamine K. Si cela s’avère insuffisant, une consultation médicale sera nécessaire.








Question à se poser systématiquement
Le patient est-t-il exposé à un risque d’hypokaliémie ?
Attention : l’association de médicaments hypokaliémiants majore le risque de survenue de torsades de pointes.

CONSTIPATION IATROGÈNE DU SUJET ÂGÉ

Constipation iatrogène du sujet âgé
La constipation est l’un des troubles de l’exonération les plus fréquents chez le sujet âgé : après 80 ans, le risque relatif est estimé à 2,6. Sa prévalence est comprise entre 23 % et 55 % au-delà de 75 ans, et va jusqu’à 80 % chez les sujets dépendants. Elle affecte plus souvent la femme que l’homme et les sujets de niveau socio-économique faible.
Elle a une origine multifactorielle, avec des facteurs de risque affectant le sujet jeune (troubles métaboliques, hypothyroïdie, diabète, etc.) et d’autres plus propres à l’âge : maladie neurologique, accident vasculaire cérébral, troubles cognitifs mais aussi troubles de la mobilité et déshydratation.
La composante iatrogène est fréquente chez le sujet âgé : les médicaments les plus à risque sont notamment les anticholinergiques (phénothiazines, antidépresseurs tricycliques, antispasmodiques, antihistaminiques), les antiépileptiques, les antiparkinsoniens, les opioïdes, la supplémentation martiale (sels de fer), les topiques digestifs antiacides (hydroxyde d’aluminium, carbonate de calcium), les inhibiteurs des canaux calciques, les inhibiteurs des prostaglandines (AINS), les diurétiques hypokaliémiants (pouvant induire un iléus paralytique) et, bien sûr, les antidiarrhéiques. Les benzodiazépines sont évoquées dans certaines publications. Enfin, il ne faut pas oublier la constipation résultant d’un abus de laxatifs.
Le traitement repose avant tout sur l’hygiène de vie : régime enrichi en fibres alimentaires, hydratation suffisante, activité physique quotidienne (30 minutes de marche), aller aux toilettes dès l’envie ou à heure fixe.
La prise de laxatifs est envisageable en optant pour des produits peu agressifs : laxatifs osmotiques ou laxatifs de lest. Il faut éviter toute prise de laxatifs stimulants (bisacodyl, picosulfate, dérivés anthracéniques…) qui appartiennent à la liste des médicaments potentiellement inappropriés chez le sujet âgé*.

* Laroche M.-L. et al., Rev Med Interne, juillet 2009 ; 30 : 592-601.

LES HYPNOTIQUES 

Monsieur A., veuf de 88 ans, est un patient bien connu de l’officine. Il est traité par finastéride pour un adénome de la prostate. Sa fille, Laurence, vient le voir tous les matins. En cette fin d’après-midi, Laurence, bouleversée, raconte à la pharmacienne que M. A. est à l’hôpital. Il a chuté le matin-même dans sa salle de bain, en voulant aller aux toilettes. Il est resté près d’une heure sur le carrelage en attendant qu’elle arrive et appelle les secours. Ces jours-ci M. A. dormait moins bien et reprenait du Temesta (lorazépam) trouvé à son domicile, qui lui avait été prescrit temporairement au décès de sa femme, dix-huit mois plus tôt.La prise de Temesta est-elle adaptée chez ce patient ?
Analyse du cas
Un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans et 80 % de celles de plus de 85 ans font au moins une chute par an. Dans la population gériatrique, une première chute est un facteur de risque majeur de faire à nouveau une chute. Ainsi, devant toute chute, il faut consulter un médecin pour en apprécier les conséquences et rechercher l’étiologie afin d’éviter la récidive.
La chute de M. A. est vraisemblablement due à la prise en automédication du lorazépam. En effet, M. A., souffrant de troubles urétro-prostatiques, est gêné par une nycturie l’obligeant à se lever pour se rendre aux toilettes. Or, les benzodiazépines et les molécules apparentées (zopiclone, zolpidem), par leur action myorelaxante, peuvent induire une faiblesse musculaire qui peut être à l’origine de chutes, en particulier lors des levers nocturnes. Les autres effets indésirables, comme la somnolence, une baisse de la vigilance ou la confusion contribuent à augmenter ce risque. Celui-ci est plus élevé avec les molécules à demi-vie longue (dont l’action myorelaxante peut perdurer jusqu’au lendemain de la prise) et en cas de traitement prolongé.
Il faut aussi évaluer l’impact psychologique de cet accident (sentiment d’insécurité, phobie de la marche) pouvant induire une restriction des activités et entraîner une perte d’autonomie.

Conduite à tenir
La pharmacienne rappelle à Laurence qu’il faut éviter toute automédication chez la personne âgée, en particulier lorsqu’il s’agit d’anxiolytiques ou d’hypnotiques.
Afin d’éviter un autre accident iatrogène, elle lui conseille de faire le tri dans l’armoire à pharmacie de son père et de ramener à l’officine les médicaments prescrits antérieurement et dont le traitement est terminé.



Question à se poser systématiquement
Le patient est-il sous benzodiazépines ?
Attention : les benzodiazépines majorent le risque de chutes avec des conséquences graves.

BENZODIAZÉPINES HYPNOTIQUES ET APPARENTÉS CHEZ LE SUJET ÂGÉ

Benzodiazépines hypnotiques et apparentés chez le sujet âgé
Près d’un tiers des personnes de plus de 65 ans prennent des benzodiazépines hypnotiques. Or, l’usage des benzodiazépines expose au risque de chutes et d’aggravation d’une incontinence par myorelaxation. Il doit donc être prudent en gériatrie, d’autant que ces molécules seraient suspectées d’avoir un lien avec la survenue de maladie d’Alzheimer.
Chez la personne âgée, il faut distinguer les vraies insomnies (difficultés d’endormissement, éveils nocturnes, réveils précoces), nécessitant une consultation médicale et pouvant justifier une prescription d’hypnotique, des fausses insomnies, c’est-à-dire des modifications physiologiques du sommeil liées au vieillissement. En effet, avec l’âge, le sommeil perd en qualité et en efficacité. Les éventuelles siestes diurnes réduisent le temps de sommeil nocturne. Les éveils nocturnes, plus fréquents et plus longs chez la personne âgée, sont susceptibles d’être mémorisés. Enfin, la durée de sommeil lent (ou profond) est elle aussi réduite. Avant de traiter par hypnotique, il convient aussi de rechercher les causes de l’insomnie (troubles urétro-prostatiques, apnée du sommeil, douleurs, dépression…).
Quand la prescription de benzodiazépines ou apparentés est justifiée, il faut privilégier chez le patient âgé les molécules à demi-vie courte (loprazolam, zopiclone...) et/ou sans métabolites actifs (loprazolam...). La posologie initiale doit être diminuée de moitié par rapport au sujet jeune et la durée de traitement la plus courte possible.
Il faut éviter d’associer une benzodiazépine à d’autres psychotropes.
Enfin, le traitement doit être arrêté progressivement pour éviter un syndrome de sevrage.

LES GÉNÉRIQUES

Camille, étudiante en pharmacie, prépare le renouvellement de l’ordonnance de Mme V., 82 ans. Madame V. est traitée par atorvastatine, metformine et irbésartan. La pharmacienne interroge Camille : « Quelles marques de génériques as-tu choisi pour les médicaments de Mme V. ? ». « Je ne sais pas. Pourquoi, c’est important ? », s’étonne Camille.A quoi faut-il porter attention lors de la dispensation de génériques chez un sujet âgé ?
Analyse du cas
Le pharmacien a un droit de substitution depuis 1999 et des objectifs de substitution fixés par les pouvoirs publics. Il doit donc, sauf mention particulière, remplacer un princeps par un médicament générique.
L’obligation de substitution présente quelques exceptions.
Pour certains médicaments à marge thérapeutique étroite, si le patient ne souhaite pas de génériques, même en l’absence de la mention « non substituable », il est possible de délivrer le princeps tout en pratiquant le tiers payant.
D’autre part, dans la mesure du possible, le pharmacien doit assurer une continuité dans les marques de génériques délivrés aux patients, particulièrement pour les patients âgés et polymédiqués afin de limiter les risques de confusion. Cette stabilité est inscrite dans la convention nationale. Les pharmaciens s’engagent à ce que 90 % des patients de plus de 75 ans reçoivent le même générique tout au long de leur traitement, pour 19 molécules identifiées en 2017 : atorvastatine, aripiprazole, quétiapine, pravastatine, clopidogrel, montelukast, simvastatine, olanzapine, lercanidipine, escitalopram, ramipril, répaglinide, metformine, nébivolol, irbésartan, duloxétine, gliclazide, irbésartan + hydrochlorothiazide, valsartan.

Conduite à tenir
La pharmacienne rappelle à Camille les situations pour lesquelles il est important de dispenser toujours la même marque de génériques et l’informe des règles de la substitution.




Question à se poser systématiquement
Le patient prend-il des médicaments génériques ?
Attention : conserver la même marque de générique tout au long du traitement afin d’éviter les risques de confusion entre médicaments.

LES ANTIDIABÉTIQUES

Madame V., 75 ans, vient à la pharmacie avec une nouvelle ordonnance : metformine 500 mg, 1 comprimé matin et soir pendant 15 jours puis 1 matin, midi et soir qsp 3 mois. Malgré un régime alimentaire depuis 6 mois, la glycémie de Mme V. restait élevée. Son médecin traitant a donc décidé d’instaurer un traitement antidiabétique. Mme V. exprime sa réticence : « Je n’ai pas très envie de prendre ce médicament. J’ai une amie qui a eu le même et ça lui donnait des diarrhées ! »Quels conseils donner à Mme V. pour limiter le risque de diarrhées ?
Analyse du cas
La metformine est un biguanide à effet antihyperglycémiant qui réduit la glycémie basale et postprandiale. Elle ne stimule pas la sécrétion d’insuline.
Les principaux effets indésirables sont des troubles gastro-intestinaux, notamment nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, perte d'appétit et goût métallique. Ces effets, dose-dépendants, surviennent principalement en début de traitement et régressent spontanément dans la plupart des cas. Ils persistent seulement dans 10 % des cas, nécessitant alors un changement de traitement.
La metformine constitue le traitement de première intention dans le diabète de type 2. La posologie prescrite à Mme V. correspond au schéma d’instauration progressive préconisé pour prévenir les troubles digestifs.
Attitude à adopter
Le pharmacien rassure Mme V., la dose d’instauration prescrite est faible et progressive pour limiter les troubles digestifs. De plus, les effets gastro-intestinaux surviennent au début du traitement et disparaissent au bout de quelques semaines.
Pour améliorer la tolérance digestive, le pharmacien conseille à Mme V. de prendre la metformine au cours des repas. En cas de diarrhée, Mme V. pourra prendre ponctuellement du lopéramide. En revanche, si les diarrhées persistent, le traitement devra être réévalué par le médecin traitant.

Question à se poser systématiquement
Le patient supporte-t-il bien son traitement par metformine ?
Attention : la survenue de troubles digestifs associés à la metformine est la première cause d’arrêt du traitement.

LES ANTIDIABÉTIQUES

Monsieur P., 76 ans, est un patient diabétique de type 2, dont le diabète peine à être équilibré en dépit d’un traitement par metformine. Son hémoglobine glyquée (Hb A1c) stagnant aux alentours de 8 %, son généraliste a ajouté le mois dernier du glibenclamide (Daonil 2,5 mg/j pendant 15 jours, puis 2,5 mg, 2 fois par jour). La pharmacie est pleine de monde quand M. P. vient renouveler son ordonnance. D’habitude charmant, il se montre irritable et impatient. Il demande à la préparatrice de le servir tout de suite. Il a très chaud et cela lui donne mal au cœur. Des gouttes de sueur perlent sur son front.Que font suspecter les signes que présente M. P. ?
Analyse du cas
Chez les personnes âgées, en l’absence de pathologie sévère associée, les objectifs glycémiques sont les mêmes que chez l’adulte jeune (Hb A1c ≤ 7 %). Le médecin a instauré une bithérapie associant la metformine et le glibenclamide, un sulfamide. Les sulfamides stimulent la sécrétion d’insuline par le pancréas, indépendamment de la glycémie, et sont donc pourvoyeurs d’hypoglycémie, notamment dans certaines situations comme la consommation d’alcool, un effort physique ou un repas insuffisant.
Chez les patients âgés, les sulfamides sont moins bien tolérés que chez l’adulte jeune et les hypoglycémies plus fréquentes, en raison du profil pharmacocinétique de ces molécules. En effet, ce sont des médicaments à forte affinité pour l’albumine. Or, chez la personne âgée, on observe une diminution de la concentration d’albumine plasmatique, corrélée à une augmentation des formes libres, c’est-à-dire actives, des médicaments à forte affinité pour l’albumine. En outre, la réduction de la fonction rénale majore aussi l’effet des sulfamides. Du fait d’une altération des systèmes de régulation glycémique, les personnes âgées sont particulièrement sensibles aux épisodes d’hypoglycémie.
La mauvaise humeur de M. P., associée à des sueurs et à des nausées, peut faire suspecter une hypoglycémie. En effet, si chez l’adulte jeune les signes annonciateurs d’une hypoglycémie (sueurs, tachycardie, tremblements, sensation de fringale, sensation de malaise, troubles visuels) sont facilement reconnaissables, il n’en est pas de même chez le sujet âgé, chez qui une hypoglycémie se manifeste plus volontiers de façon atypique (asthénie, troubles de l’humeur et du comportement, agressivité inhabituelle ou dégradation psychomotrice).

Conduite à tenir
Alertée par la préparatrice, la pharmacienne propose à M. P. de venir s’asseoir au calme.
Elle propose d’effectuer un contrôle de glycémie capillaire. M. P. concède avoir peut-être un peu trop forcé sur le jardinage pendant l’après-midi. Sa glycémie étant à 0,6 g/l, la pharmacienne lui suggère un resucrage avec trois morceaux de sucre.
Elle lui rappelle de ne pas sauter de repas après la prise de glibenclamide. Ce malaise est à signaler au médecin.


Question à se poser systématiquement
Le patient risque-t-il de présenter une hypoglycémie ?
Attention : les signes d’hypoglycémie chez le sujet âgé sont parfois atypiques.

HYPOGLYCÉMIES IATROGÈNES

Hypoglycémies iatrogènes
Les médicaments les plus fréquemment en cause en cas d’hypoglycémie sont les insulines et les antidiabétiques oraux insulinosecréteurs (sulfamides et répaglinide). Ainsi, les sulfamides hypoglycémiants sont contre-indiqués si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min. Ceux à longue durée d’action, comme le glipizide sous forme LP (Ozidia), sont contre-indiqués chez les sujets de plus de 65 ans. En l’absence d’études spécifiques dans la population gériatrique, le répaglinide n’est pas recommandé après 75 ans.
L’association des antidiabétiques agissant sur la voie des incrétines (inhibiteurs de DPP-4 ou analogues de GLP-1) aux sulfamides majore le risque d’hypoglycémie et peut nécessiter d’en diminuer la posologie. Les analogues de GLP-1 ne sont pas recommandés en cas d’insuffisance rénale.
De nombreux autres médicaments sont hypoglycémiants et majorent le risque d’hypoglycémie lorsqu’ils sont associés aux antidiabétiques sur une longue période, comme le disopyramide, le tramadol, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, la clonidine, les inhibiteurs de l’enzyme de conversation et les bêtabloquants (y compris sous forme de collyres). Les bêtabloquants aggravent en outre les conséquences de l’hypoglycémie en en masquant les signes et en retardant le diagnostic.
Il est important d’en informer le patient diabétique, a fortiori âgé, de lui apprendre à reconnaître cliniquement une hypoglycémie et de l’éduquer à renforcer la fréquence de ses contrôles de glycémie capillaire.

LES ANTIHYPERTENSEURS

Il fait particulièrement chaud. Ce matin, la fille de Monsieur B., 82 ans, passe à la pharmacie très ennuyée. Son père a fait une chute pendant la nuit. Le médecin l’a fait hospitaliser car il souffre de contusions et est confus. La fille de M. B. s'inquiète du retour à la maison. Adeline, la préparatrice, qui vient de suivre une formation sur l’hypertension artérielle, vérifie le traitement de M. B. : irbésartan 300 mg/j, amlodipine 10 mg/j et pravastatine 20 mg/j. Elle constate que le dosage d'irbésartan a été augmenté, de 150 mg à 300 mg, il y a un mois.Qu’est-ce qui peut être responsable de la chute de M. B. ?
Analyse du cas
Chez le sujet âgé, on constate une baisse de la sensibilité des barorécepteurs aortiques et carotidiens qui favorise la survenue d'hypotension orthostatique. Au-delà de 80 ans, l’objectif thérapeutique est une pression artérielle systolique inférieure à 150 mmHg (140 mmHg chez l’adulte jeune), sans hypotension orthostatique.
L'amlodipine est un inhibiteur calcique, puissant vasodilatateur artériel. L'irbésartan est un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II) qui agit en diminuant la vasoconstriction. Ces deux molécules sont susceptibles d’entraîner une hypotension orthostatique. Le risque est plus important à la suite d’une augmentation de posologie.
Par ailleurs, de fortes chaleurs peuvent entraîner des pertes importantes d’eau et de sel à l’origine d’une déshydratation et d’une hypotension.
Les antihypertenseurs sont des médicaments susceptibles d’altérer l’adaptation de l’organisme à la chaleur. En diminuant la pression artérielle, ils induisent une hypoperfusion de certains organes (notamment le cerveau) et aggravent l’hypotension. D’autre part, les ARA II comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont susceptibles d’altérer la fonction rénale. Les diurétiques peuvent aggraver une déshydratation.
En cas de forte chaleur, chez un patient fragile, une diminution des posologies d'IEC, d'ARA II et de diurétiques peut être nécessaire.
Attitude à adopter
Adeline explique que M. B. a sans doute fait une chute à cause d’une hypotension orthostatique. Son âge, l'augmentation récente de la posologie de l'irbésartan associés à une forte chaleur ont dû favoriser sa survenue. Elle la rassure en lui indiquant que son séjour à l'hôpital va être l'occasion de refaire le point sur son traitement et ses capacités.



Question à se poser systématiquement
Y a-t-il eu une modification récente du traitement antihypertenseur ?
Attention : l'augmentation de la dose d'un antihypertenseur expose à un risque d'hypotension orthostatique.

HYPOTENSION ORTHOSTATIQUE ET SUJET ÂGÉ

Hypotension orthostatique et sujet âgé
L'hypotension orthostatique est définie par une baisse de la pression artérielle systolique de plus de 20 mmHg et/ou par une baisse de la pression artérielle diastolique de plus de 10 mmHg dans les trois minutes suivant le passage de la position allongée à la position debout.
Le passage de la position allongée à la position debout met en jeu une régulation par des barorécepteurs carotidiens et aortiques qui engendrent une stimulation sympathique permettant une vasoconstriction artériolaire rénale, cutanée et splanchnique. Le but est de maintenir une pression artérielle suffisante pour alimenter le cerveau en évitant la chute du sang vers les membres inférieurs.
Chez le sujet âgé, la réponse à l'orthostatisme est moins bonne car la sensibilité des barorécepteurs est diminuée, la rigidité de la paroi artérielle augmentée et la relaxation myocardique troublée.
Chez le sujet âgé, l'hypotension orthostatique est très fréquente (jusqu'à 50 % des patients) et peut avoir de graves conséquences : chutes avec risque de fracture, troubles cognitifs, altération de la qualité de vie et perte d'autonomie...
Un diabète, une maladie de Parkinson, une démence favorisent sa survenue.
Certains médicaments peuvent également être impliqués : les diurétiques par diminution de la volémie, les antihypertenseurs dont la posologie doit être augmentée très progressivement, les dérivés nitrés, certains neuroleptiques, les alphabloquants, et les antidépresseurs tricycliques, les médicaments indiqués dans les troubles de l'érection, les bêtabloquants par suppression de la tachycardie réflexe, entre autres.
L'hypotension orthostatique peut être prévenue en se levant en deux temps. Elle peut être améliorée par le port, sur avis médical, de bas de compression veineuse posés avant le lever ou par le port d'une ceinture abdominale.
Eviter les environnements surchauffés et bien s'hydrater permet également de la prévenir.

LES ANTIHYPERTENSEURS

Madame C., 68 ans, est traitée pour une hypertension. Elle vient ce matin à la pharmacie chercher du paracétamol car son arthrose du genou la fait souffrir. Elle demande à Lisa, la pharmacienne, des comprimés effervescents. Elle trouve que les bulles ont un effet dynamisant ! Elle confie qu’elle prend aussi 3 comprimés effervescents de Doliprane 500 mg par jour pour son arthrose et ajoute : « Je prends aussi un comprimé effervescent de vitamine C tous les matins, mais sans sucre ! » Lisa fronce les sourcils.Pourquoi la prise de médicaments effervescents pose un problème ?
Analyse du cas
Un excès de sodium constitue un facteur de risque d’hypertension, associé à un risque d’accident vasculaire. En France, l’objectif du Plan national nutrition santé (PNNS) est de ramener la consommation quotidienne de sel de cuisine (NaCl) à 6 g/j chez l’adulte soit l’équivalent de 2,4 g de sodium (1 g de sel apporte environ 0,4 g d’ions sodium).
Certains médicaments ont une composition riche en sodium dont la consommation excessive est susceptible de déstabiliser sa tension artérielle. C’est notamment le cas de certaines formes effervescentes.

Attitude à adopter
Mme C. doit veiller à ne pas systématiser le recours à cette forme. Elle doit par ailleurs veiller à limiter sa consommation de sodium alimentaire (pain, plats industriels, certaines eaux minérales…).

Question à se poser systématiquement
Le patient prend-il plusieurs médicaments effervescents ?
Attention : des apports médicamenteux importants en sodium peuvent déséquilibrer la tension artérielle.

LES MÉDICAMENTS DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

Monsieur B., 78 ans, est traité pour une insuffisance cardiaque congestive et une hypertension artérielle par digoxine 0,125 mg 1 cp par jour et périndopril 5 mg, 1 cp le matin. Il vient à la pharmacie, car depuis hier il a des nausées et souffre de céphalées. « Je reviens d’un séjour chez mon frère dans le Nord où j’ai attrapé une bronchite, et voilà que j’ai une gastro maintenant ! », dit-il. Le dossier pharmaceutique de M. B. indique qu’il est depuis 4 jours sous clarithromycine (500 mg/j).Les symptômes de M. B. peuvent-ils avoir une origine iatrogène ?
Analyse du cas
La digoxine est un médicament à index thérapeutique étroit.
Selon les recommandations de 2012 de la Société européenne de cardiologie, les indications de la digoxine sont très limitées.
Malgré ces restrictions, au moins un tiers des patients insuffisants cardiaques et/ou en fibrillation auriculaire aurait un traitement digitalique au long cours. Cette prescription semble plus fréquente chez les patients âgés.
Or, le sujet âgé est plus sensible à l’action de la digoxine. Au plan cinétique, une insuffisance rénale, fréquente dans cette tranche d’âge, retarde son élimination. Par ailleurs, une augmentation de la digoxinémie est observée avec de nombreux médicaments, notamment les inhibiteurs de la glycoprotéine P, par augmentation de l’absorption intestinale de la digoxine.
Une digoxinémie trop élevée peut être à l’origine d’une iatrogénie sévère qui se manifeste par des troubles digestifs, neurologiques, visuels et cardiaques, potentiellement fatals.
M. B., allergique aux bêtalactamines, a reçu un traitement par un macrolide, la clarithromycine, inhibiteur de la glycoprotéine P.
Dans ce condiv, les symptômes digestifs et neurologiques décrits par M. B. peuvent faire évoquer un surdosage digitalique.

Attitude à adopter
La pharmacienne propose de prendre rendez-vous avec son médecin pour confirmer l’intoxication par un dosage de la digoxinémie. Le médecin décidera d’arrêter transitoirement ou définitivement ce médicament.





Question à se poser systématiquement
Le patient sous digoxine connaît-il les médicaments à ne pas associer et les signes d’un surdosage ?
Attention : les inhibiteurs de la glycoprotéine P (inhibiteurs calciques, atorvastatine, macrolides, itraconazole...) peuvent être responsables d’une élévation de la digoxinémie avec des conséquences potentiellement graves.

LES ANTICOAGULANTS

Monsieur R., 79 ans, est traité par Sintrom (acénocoumarol) 1 cp/j, depuis 3 mois. Il vient à la pharmacie ce matin à cause d’un saignement gingival qui l’inquiète. Le pharmacien apprend que monsieur R. a oublié son traitement en partant deux jours en week-end et qu’il a rattrapé les prises « perdues » sur deux jours dès son retour (1 prise matin et soir pendant 2 jours).Est-ce que M. R. a bien réagi après son oubli de prise ?
Analyse du cas
M. R. est depuis peu sous antivitamine K et ne maîtrise pas encore bien son traitement. La prise de deux comprimés de Sintrom a probablement entraîné un surdosage ponctuel en AVK susceptible d’être à l’origine du saignement gingival. En effet, en cas d’oubli, la dose oubliée peut être prise dans un délai de 8 heures après l’heure habituelle de prise. Au-delà, il est préférable de sauter la prise et de prendre la suivante à l’heure habituelle.
Il ne faut en aucun cas prendre de double dose pour compenser la dose manquée.

Attitude à adopter
Le pharmacien appelle le médecin de monsieur R. pour gérer le risque hémorragique immédiat. Ce dernier demande un INR en urgence.
Ensuite, le pharmacien rappelle les règles d’usage des AVK au patient et, si cela n’a pas déjà été fait, lui remet le carnet de suivi (disponible sur le site cespharm.fr). Une séance d’éducation thérapeutique est indispensable.



Question à se poser systématiquement
Le patient sous AVK connaît-il la conduite à tenir en cas d’oubli ?
Attention : la prise d’une double dose de rattrapage expose à un risque hémorragique.

LES ANTICOAGULANTS

Madame H., 60 ans, porte une prothèse valvulaire mécanique cardiaque. Elle est traitée depuis trois ans par Coumadine (warfarine) 6 mg par jour en prévention des accidents thromboemboliques. Elle vient à la pharmacie aujourd’hui pour racheter une boîte de Mildac (millepertuis) 600 mg, qui lui avait été donné le mois dernier par une amie.Est-ce que la prise de Mildac pose problème ?
Analyse du cas
Le millepertuis est une plante ayant un fort pouvoir inducteur enzymatique. L’induction enzymatique est un phénomène peu spécifique qui touche la majorité des enzymes hépatiques du cytochrome P450 (CYP450). Ainsi, les AVK, qui sont en partie métabolisés par le CYP450 2C9, voient leur élimination accélérée lors d’une prise concomitante d’un inducteur.
Dans le cas de Mme H., il faut donc craindre une baisse de la concentration plasmatique de son anticoagulant. Le risque est donc l’accident thromboembolique.
L’induction enzymatique est un phénomène lent qui se met en place sur 2 ou 3 semaines. Dans la mesure où Mme H. semble avoir commencé ce traitement il y a un mois, l’effet inducteur est possible.

Attitude à adopter
Un contrôle de l’INR doit être réalisé dans la journée. Le pharmacien appelle le prescripteur. Une surveillance accrue de l’INR devrait être proposée durant les trois prochaines semaines.
Le médecin proposera un antidépresseur plus compatible avec son traitement AVK. A noter que l’interaction médicamenteuse entre AVK et inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine engendre la majorité des accidents iatrogènes liés aux AVK (risque hémorragique).

Question à se poser systématiquement
Le patient sous AVK connaît-il les médicaments à ne pas associer ?
Attention : Les inducteurs et inhibiteurs enzymatiques modifient l’efficacité des AVK.

LES ANTICOAGULANTS

Inès, l’auxiliaire de vie de Mme F., 81 ans, vient à la pharmacie car ce matin, Mme F. saigne du nez. Elle a essayé de comprimer la narine mais le saignement perdure. « Vous savez, Mme F. n’a plus toute sa tête et elle est maladroite, elle a dû se cogner », explique-t-elle. Lorsque le pharmacien consulte son dossier pharmaceutique, il constate que Mme F. est sous digoxine 0,125 mg (1 cp le matin) et dabigatran 150 mg (Pradaxa 1 cp matin et soir) depuis 3 semaines.Le dabigatran, anticoagulant oral direct, peut-il être à l’origine du saignement ?
Analyse du cas
Si le traitement par anticoagulants oraux directs (AOD) est plus simple d’emploi qu’un AVK, il n’en expose pas moins à un risque hémorragique. Ce risque est difficilement repérable puisque aucun test biologique de routine n’est disponible. Seule une surveillance clinique à la recherche de saignement permet d’alerter sur une anticoagulation excessive.
Dans le cas de Mme F., la posologie du dabigatran semble inadaptée : la dose de 150 mg × 2/j est préconisée pour les sujets de moins de 80 ans, mais elle doit être réduite à 110 mg × 2/j à partir de 80 ans, même sans insuffisance rénale ou hépatique.

Attitude à adopter
Le pharmacien explique à l’auxiliaire de vie que le saignement peut être dû au traitement anticoagulant. Coalgan devrait permettre d’arrêter le saignement de nez. Il propose d’appeler le médecin traitant pour l’informer de cet événement.
Le pharmacien rappelle les signes évocateurs d’un saignement occulte (fatigue, pâleur, gingivorragie, épistaxis, hématomes…) et attire l’attention sur les médicaments à éviter qui pourraient augmenter le risque de saignement, notamment l’aspirine et tout autre AINS.



Question à se poser systématiquement
La posologie de l’anticoagulant oral direct (AOD) est-elle adaptée à la pathologie et au patient ?
Attention : les AOD comme les AVK exposent à un risque hémorragique en cas de surdosage.

LES ANTICOAGULANTS

Madame J., 61 ans, est traitée pour une fibrillation atriale associée à une hypertension par amlodipine 5 mg et Xarelto 20 mg. Aujourd’hui, elle vient à la pharmacie pour renouveler son ordonnance. Elle souhaite également acheter une boîte de Ginkor Fort gélule car elle a les jambes lourdes. La pharmacienne fronce les sourcils.A quel risque expose la prise de Ginkor Fort chez Mme J. ?
Analyse du cas
Des données rapportées par l’Agence européenne du médicament dans la monographie des feuilles de Ginkgo biloba L. montrent que cette plante aurait des propriétés antiagrégantes plaquettaires. Certaines plantes à visée circulatoire comme le petit houx et le mélilot contenant des coumarines, et certaines pommades ou huiles essentielles à base de gaulthérie, contenant du salicylate de méthyle, peuvent également avoir un effet fluidifiant sanguin non négligeable.
Mme J. étant traitée par rivaroxaban (Xarelto), la prise concomitante de Ginkgo biloba risque de potentialiser l’effet anticoagulant.
Par ailleurs, Ginkor Fort contient de l’heptaminol, molécule cardiotonique susceptible d’augmenter la tension artérielle et non recommandée chez le sujet hypertendu.

Attitude à adopter
La pharmacienne explique à Mme J. qu’il vaut mieux éviter de prendre Ginkor Fort car il serait susceptible d’augmenter le risque de saignement et pourrait déséquilibrer son traitement antihypertenseur.
Elle incite Mme J. à aller consulter son médecin pour écarter un risque de thrombose et envisager un traitement adapté.

Question à se poser systématiquement
Le patient sous AOD connaît-il les médicaments à éviter ?
Attention : l’association à des substances à effet fluidifiant sanguin majore le risque hémorragique.

FONCTION RÉNALE ET SUJET ÂGÉ

Le bilan partagé de médication prévoit que le pharmacien puisse recueillir auprès du patient, du prescripteur ou du dossier médical partagé lorsqu’il sera disponible, des informations concernant les résultats des analyses biologiques et l’état physiopathologique du patient.
L’insuffisance rénale peut modifier l’élimination de certaines molécules et donc influer sur l’efficacité et la tolérance des médicaments. Les patients doivent être sensibilisés aux situations à risque : déshydratation, diarrhée, associations médicamenteuses…


EVALUATION DE LA FONCTION RÉNALE


AVANT TOUTE INSTAURATION DE TRAITEMENT CHEZ UNE PERSONNE ÂGÉE, IL EST INDISPENSABLE DE PRENDRE EN COMPTE UNE POTENTIELLE INSUFFISANCE RÉNALE. IL FAUT DONC CONNAÎTRE LE DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE (DFG). EN PRATIQUE, CE PARAMÈTRE N’EST PAS MESURÉ MAIS ESTIMÉ.

La créatininémien’est pas une estimation fiable du DFG (du fait d’une fréquente sarcopénie chez le patient âgé, une créatininémie normale n’exclut pas une insuffisance rénale).
La clairance de la créatinine est une estimation plus fiable. Elle peut être évaluée grâce à la formule de Cockroft & Gault.
L'équation MDRD (Modification of Diet Renal Disease) intègre la créatininémie, l'âge, le sexe, l'origine ethnique du patient et ne nécessite pas de connaître son poids.
En revanche, pour l'adaptation des doses de médicaments, cette formule est moins pratique que celle de Cockroft & Gault car elle est complexe et doit être réajustée à la surface corporelle du patient.


FONCTION RÉNALE ET MÉDICAMENTS


UNE ALTÉRATION DE LA FONCTION RÉNALE MAJORE LA TOXICITÉ DE CERTAINS MÉDICAMENTS , NOTAMMENT CEUX À ÉLIMINATION RÉNALE MAJORITAIRE (DIGITALIQUES, HBPM, ANTICOAGULANTS ORAUX DIRECTS, LITHIUM, METFORMINE, INHIBITEURS DE L’ENZYME DE CONVERSION, DIURÉTIQUES THIAZIDIQUES, MÉTHOTREXATE, SULFAMIDES…) ET/OU À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE (THÉOPHYLLINE, DIGITALIQUES, ANTIVITAMINES K, LITHIUM, COLCHICINE…).

Avec un patient âgé, le pharmacien doit donc être extrêmement vigilant, vérifier que des bilans rénaux sont régulièrement pratiqués, en particulier en cas de risque de déshydratation (épisodes de canicule ou de gastro-entérite), contrôler que les posologies sont bien adaptées à la clairance rénale, et s’assurer de l’absence d’interactions qui pourrait majorer le risque de néphrotoxicité.
Par ailleurs, de nombreux médicaments sont susceptibles d’altérer la fonction rénale (voir ci-contre). 

Formule de Cockroft & Gault Chez l’homme : Clairance de la créatinine (en ml/min) = (140 – âge en années) x poids (kg) 0,814 x créatininémie (mol/l). Chez la femme : clairance de l’homme x 0,85

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