Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin - Le Moniteur des Pharmacies n° 3198 du 11/11/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3198 du 11/11/2017
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  NATHALIE BELIN ET ALEXANDRA BLANC , PHARMACIENNES, SOUS LA RESPONSABILITÉ DE  FLORENCE BONTEMPS , DIRECTRICE SCIENTIFIQUE.  

ANALYSE D’ORDONNANCE 

PAUL, 20 ANS, DÉBUTE UN TRAITEMENT PAR SIMPONI

Le cas : Paul, 20 ans, est atteint d’une rectocolite hémorragique, diagnostiquée il y a un an. Malgré les traitements instaurés (mésalazine, corticothérapie en cure, et, depuis 4 mois, azathioprine), les symptômes persistent. Le gastro-entérologue a décidé d’initier un traitement par Simponi.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Paul V., 20 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Le gastro-entérologue de l’hôpital.


LES ORDONNANCES SONT-ELLES CONFORMES À LA LÉGISLATION ?

Oui. Le golimumab est un médicament d’exception soumis à prescription initiale hospitalière annuelle. La prescription et le renouvellement sont réservés aux spécialistes, notamment en gastro-entérologie.


QUEL EST LE CONdiv ?


QUE SAVEZ-VOUS DU PATIENT ?

Paul est étudiant en droit. Sa maladie a été diagnostiquée il y a un an à la suite de douleurs abdominales et de diarrhées sanglantes. Malgré le traitement initial par mésalazine, de nouvelles poussées sont survenues conduisant à la prescription de plusieurs cures de corticothérapie puis, il y a 4 mois, d’azathioprine.


QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?

Paul a consulté le médecin il y a 15 jours car il présente encore des épisodes de diarrhée qui l’angoissent et perturbent son quotidien. Le gastro-entérologue a alors décidé d’un traitement par anti-TNF-alpha. En attendant les résultats de recherche d’une tuberculose latente (test de détection de l’interféron gamma, préféré à l’intradermoréaction à la tuberculine pour sa fiabilité, et radiographie des poumons), le spécialiste a à nouveau instauré une corticothérapie pour soulager le patient.


QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?

L’anti-TNF-alpha, Simponi, associé à l’azathioprine, doit permettre de diminuer l’inflammation, d'arrêter la corticothérapie tout en permettant une rémission prolongée. Paul pourra réaliser lui-même les injections après apprentissage par l’infirmière, mais il devra être bien observant pour garantir l’efficacité du traitement. Le médecin a incité le patient à être très vigilant face à tout signe infectieux.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE DU PATIENT

Le DP indique des délivrances de prednisolone et d’azathioprine.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

Golimumab : anticorps monoclonal neutralisant le TNF alpha et l’empêchant d’exercer son action inflammatoire. Présenté en seringue et stylo préremplis à 50 ou 100 mg, il est notamment indiqué dans la rectocolite hémorragique de l’adulte lorsque les patients ne répondent pas aux traitements conventionnels (corticoïdes, azathioprine).
Azathioprine : immunosuppresseur dérivé de la 6-mercaptopurine, notamment indiqué dans la rectocolite hémorragique.
Prednisolone : glucocorticoïde dont l'action anti-inflammatoire puissante permet une régression rapide des symptômes.
Cotrimoxazole : antibactérien associant un sulfamide (sulfaméthoxazole) à une diaminopyrimidine (triméthoprime), notamment indiqué dans les infections à Pneumocystis carinii.


EST-ELLE CONFORME AUX RÉFÉRENTIELS ?

Oui, en cas d’inefficacité des dérivés salicylés puis des corticoïdes (corticodépendance), un traitement par azathioprine est généralement proposé. En cas d’échec, un anti-TNF-alpha est indiqué seul ou le plus souvent en association à l’azathioprine (on parle de « combothérapie »), ce qui permet une meilleure action anti-inflammatoire et diminue le risque d’immunisation contre l’anticorps monoclonal (effet immuno-suppresseur de l’azathioprine).
L’association ponctuelle de 3 médicaments immuno-supresseurs (golimumab, azathioprine et prednisolone) majorant le risque infectieux, la prescription de cotrimoxazole est recommandée pour prévenir le risque de pneumocystose.


Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?

Non.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR LE PATIENT ?

Non. Paul ne présente pas d’infection ni d’insuffisance cardiaque qui contre-indiqueraient la prescription de l’anti-TNF-alpha. Ses vaccinations sont à jour, et les sérologies VIH, VHB et VHC, vérifiées dès le début de la maladie se sont révélées négatives (ces maladies pouvant se réactiver sous immunosuppresseurs). A cette occasion, il a été vacciné contre l’hépatite B et le pneumocoque et récemment contre la grippe saisonnière. Paul a eu la varicelle petit (sinon la vaccination contre la varicelle aurait aussi été indiquée).


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Concernant l’anti-TNF-alpha. Chez les patients de moins de 80 kg, cas de Paul, le golimumab est instauré à la dose de 200 mg suivi de 100 mg 2 semaines plus tard. Il est ensuite poursuivi à raison de 50 mg toutes les 4 semaines. La 1re délivrance comportera 3 stylos à 100 mg puis les suivantes 1 stylo à 50 mg.
Concernant les autres traitements. Dans les MICI, l’azathioprine s’emploie habituellement à la dose de 2 à 2,5 mg/kg/jour sans dépasser 150 mg par jour. Le corticoïde doit être diminué progressivement après plusieurs semaines à forte dose, ce qui est le cas ici. La posologie de Bactrim Forte est de 1 comprimé 3 fois par semaine (et jusqu’à 1 par jour) dans la prévention des infections à Pneumocystis carinii.

Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Non, en dehors du risque infectieux particulièrement augmenté lors de l’association de plusieurs immunosuppresseurs.


LA PRESCRIPTION POSE-T-ELLE UN PROBLÈME ?

Non.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?

Sous azathioprine, une surveillance hématologique et hépatique régulière est nécessaire.
Il n’existe pas de consensus sur la surveillance biologique des anti-TNF-alpha mais il est usuel de pratiquer tous les 3 mois NFS et dosage de la protéine C-réactive (témoin d’une inflammation).


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?


CONCERNANT L’ANTI-TNF ALPHA

Il convient d’en préciser les modalités d’administration, même si celles-ci seront expliquées par l’infirmière.

UTILISATION

La dose initiale nécessite 2 administrations de 100 mg en 2 points d’injection différents (cuisses, abdomen ou extérieur des bras). En entretien, les administrations sont réalisées toutes les 4 semaines. Proposer de créer un agenda électronique rappelant le jour de l’administration. En pratique : le stylo doit être stocké au réfrigérateur. Fournir l’alcool modifié et les compresses pour désinfecter le site d’injection (peau saine sans cicatrices). Placer le stylo à 90 degrés contre la peau, presser le bouton déclencheur (1er clic), puis maintenir le stylo contre la peau jusqu’au 2e clic. Un indicateur jaune signale que l’injection s’est correctement déroulée.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

Il faut réaliser l’injection au plus vite. Si le retard est inférieur à 2 semaines par rapport au jour habituel, le patient peut poursuivre le calendrier initial. Sinon, il faut établir un nouveau calendrier en prévoyant la prochaine injection 4 semaines plus tard.

LE PATIENT POURRA-T-IL JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Une amélioration des symptômes peut être constatée après 4 à 6 semaines de traitement. Un examen endoscopique réalisé généralement après 3 mois de traitement confirme son efficacité.

QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Outre un risque accru d’infections, il s’agit de réactions locales transitoires (douleur, rougeur, gonflement) après l’injection. Parfois des céphalées, des réactions cutanées (urticaire…), des douleurs musculo-articulaires surviennent quelques jours après l’injection. Des cas d’aggravation d’insuffisance cardiaque sont signalés.

QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

Appliquer une poche de froid avant l'injection et sortir le stylo du réfrigérateur au moins 30 minutes avant l’injection permettent de limiter les douleurs liées à l’injection.

QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN?

Tout signe d’infection, des éruptions cutanées ou de douleurs musculaires ou articulaires importantes.


CONCERNANT LES AUTRES MÉDICAMENTS

Azathioprine : vérifier la tolérance digestive (nausées, douleurs abdominales surtout en début de traitement), améliorée par une prise au cours du repas. Demander à quand remonte la dernière NFS (tous les 3 mois en entretien du fait du risque hématotoxique).
Corticothérapie : sur quelques semaines, les corticoïdes exposent à une prise de poids (limiter les aliments gras et riches en sucres), une poussée d’acné, un gonflement du visage, de la nervosité ou des troubles du sommeil.
Cotrimoxazole : la prise s’effectue de préférence au cours du repas. Des manifestations cutanées et des troubles digestifs sont possibles.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Le surrisque potentiel de cancer cutané sous golimumab et azathioprine implique de se protéger du soleil (vêtements protecteurs, protection solaire d’indice élevé). Un suivi dermatologique annuel est d’ailleurs recommandé.
Une bonne observance est essentielle pour éviter toute rechute de la maladie. 
Test de détection de l’interféron gamma
Test immunologique de détection de la tuberculose. Il mesure la production d’interféron gamma libéré lors de l’activation de lymphocytes T (obtenus par prise de sang) mis en présence d’antigènes spécifiques de Mycobacterium tuberculosis.
Cortico-dépendance
Réapparition des symptômes de la maladie lors de la décroissance des doses du corticoïde.
Pneumo-cystose
Affection opportuniste sévère due à Pneumocystis carinii, habituellement saprophyte des alvéoles pulmonaires.
Par Stéphanie Satger, pharmacienne d’officine avec la collaboration du Dr Florian Poullenot, service de Gastroentérologie et assistance nutritive, CHU de Bordeaux

qu’en pensez-vous ?

Paul est sous azathioprine et anti-TNF alpha depuis 2 mois. Il se présente à la pharmacie car il a mal à la gorge et souhaite des pastilles « efficaces ». Il n’a pas de fièvre. Il en profite pour renouveler Simponi dont la prochaine injection est prévue pour demain. Quelle est votre réaction ?

1) Comme Paul n’a pas de fièvre, il peut réaliser son injection demain

2) Vous délivrez l’ordonnance mais indiquez à Paul de réaliser l’injection quand il ira mieux

3) Vous recommandez à Paul de consulter son médecin

Réponse : sous anti-TNF-alpha, et d’autant plus en cas d’association à l’azathioprine, tout signe infectieux même en l’absence de fièvre impose la plus grande prudence. Paul doit voir un médecin qui jugera de la nécessité de prescrire une antibiothérapie. En attendant, il ne doit pas réaliser l’injection de Simponi. La bonne réponse est donc la troisième proposition.

qu’en pensez-vous ?

Paul projette un voyage au Pérou avec un ami. Il se demande si, compte tenu de son traitement, il pourra bien effectuer la vaccination contre la fièvre jaune, obligatoire pour cette destination.

1) Oui, sans problème

2) Non

Réponse : les vaccins vivants atténués dont la fièvre jaune sont contre-indiqués avec la prise d’immunosuppresseurs. Ils doivent être effectués 3 semaines au moins avant le début du traitement ou ne peuvent être administrés que 3 mois après leur arrêt. La réponse 2 est donc la bonne. Paul doit choisir une autre destination de vacances. Il est par ailleurs préférable d’attendre que la maladie soit en rémission complète pour voyager.

PATHOLOGIE 

LES MICI EN 5 QUESTIONS

La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique sont les deux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) les plus fréquentes. D’origine inconnue et multifactorielle, elles touchent des adultes jeunes et évoluent le plus souvent par poussées entrecoupées de périodes de rémission.

1 QU’EST-CE QUE LES MICI ?

Les MICI (prononcer « miki ») sont essentiellement représentées par la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH). Il existe aussi des formes de MICI indéterminées.
Ces pathologies évoluent par poussées, plus ou moins sévères, entrecoupées de périodes de rémission plus ou moins longues. Parfois, elles évoluent de façon continue avec des périodes d’exacerbations.


2 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

Ils varient selon la localisation et l’étendue de l’inflammation.


SYMPTÔMES DIGESTIFS

Les douleurs abdominales et la diarrhée sont les symptômes les plus fréquents au cours des poussées. Les diarrhées se caractérisent par des selles plus ou moins fréquentes, plus ou moins liquides, parfois glairo-sanglantes (surtout dans la RCH) avec difficulté à se retenir, voire une incontinence fécale.
Dans la maladie de Crohn, des douleurs anales peuvent être présentes liées à des lésions ano-périnéales fréquentes : fissures, abcès périnéaux, fistules anales. Des sténosesintestinales sont fréquentes pouvant conduire à un syndrome subocclusif révélant parfois la maladie (douleurs abdominales, gargouillements, débâcle diarrhéique, nausées...).
Au cours de la RCH, les patients ont fréquemment des rectorragies (sang dans les selles), très anxiogènes. Un syndrome rectal peut être présent (ténesmes, épreintes, faux besoins). Les formes pancoliques (atteinte de l’ensemble du côlon) concernent plus d’un patient sur dix et justifient généralement une hospitalisation durant les poussées.


MANIFESTATIONS NON DIGESTIVES

De type général : asthénie quasi-systématique, amaigrissement dans les formes sévères (lié à une réduction des apports pour éviter les douleurs, à un manque d’appétit et à un hypermétabolisme), fièvre fréquente au cours des poussées.
Manifestations articulaires, oculaires, cutanées, hépatiques. Touchant 25 à 30 % des patients, elles évoluent en général parallèlement aux poussées de la maladie mais parfois pour leur propre compte : oligo-arthrite périphérique (2 à 3 articulations atteintes), érythème noueux (inflammation du tissu hypodermique se manifestant par des nodules douloureux de couleur rouge ou violacée), uvéite, atteinte des voies biliaires (stéatose). Une cholangite sclérosante (atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires intra et/ou extra-hépatiques) peut également être présente.


CHEZ L’ENFANT

Le début de la maladie de Crohn est le plus souvent insidieux d’où un retard fréquent de diagnostic. Une stagnation ou une perte de poids, puis un ralentissement de la croissance staturale, sont fréquents. La RCH survient le plus souvent de façon aiguë, avec une diarrhée souvent sanglante accompagnée d’un syndrome rectal.


3 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

Des gènes de susceptibilité sont identifiés (essentiellement NOD2 sur le chromosome 16).
Plusieurs études montrent une incidence plus élevée des MICI dans les pays riches, développés (Amérique du Nord, Europe de l’Ouest), mais aussi une augmentation de l’incidence des MICI dans les pays émergents (Asie, par exemple), suggérant l’implication de facteursenvironnementaux (l’amélioration de l’accès au diagnostic et aux soins n’expliquant pas à elle seule l’augmentation de l’incidence). L’appendicectomie réalisée à la suite d’une appendicite aiguë avant l’âge de 20 ans a un effet protecteur vis-à-vis de la RCH. Elle ne semble pas avoir d’impact dans la maladie de Crohn. Le tabagisme est un facteur de risque de développement de la maladie de Crohn. A l’inverse, la RCH touche plutôt les non-fumeurs : l’arrêt du tabac chez ces patients aggrave les symptômes de la maladie.
La prise d’AINS au long cours pourrait augmenter le risque de développer une MICI et favoriserait les poussées.


4 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

Le diagnostic est évoqué devant les symptômes digestifs ou parfois une complication.
Bilan biologique initial : hémogramme (recherche d’une anémie, d’une hyperleucocytose, d’une thrombocytose témoignant d’un état inflammatoire), dosage de la protéine C-réactive (CRP, témoin d’une inflammation), ionogramme sanguin avec recherche d’une hypokaliémie, etc. En cas de diarrhée, la réalisation d’une coproculture permet d’écarter une infection à Clostridium difficile, notamment.
Iléocoloscopie avec biopsie systématique : elle confirme le diagnostic et permet de différencier les deux MICI. Dans la MC, les lésions inflammatoires alternent avec des zones saines tandis qu’elles sont continues dans la RCH, sans intervalle de muqueuse saine.
Entéro-IRM : effectuée dans l’exploration de la maladie de Crohn, elle évalue précisément les lésions et le degré d’inflammation et guide le choix thérapeutique.
Endoscopie œsogastroduodénale :systématique au cours du bilan d’une maladie de Crohn pour identifier des lésions hors cadre colique ou iléal. Les biopsies peuvent révéler un granulome épithélioïde très évocateur de la maladie de Crohn.
Autres : le dosage de la calprotectine fécale peut aider si besoin à distinguer les patients atteints de MICI de ceux ayant un syndrome de l’intestin irritable, évitant ainsi une iléocoloscopie inutile. Des carences nutritionnelles sont aussi recherchées (fer, vitamines B9 et B12, notamment).
Les MICI sont classées suivant leur degré d’activité (légère, modérée, intense) à l'aide de scores établis sur les données cliniques et les examens.


5 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

Pour la RCH, la complication la plus redoutée (15 % des patients) est la colite aiguë grave (au moins six évacuations glairo-sanglantes par jour, fièvre, tachycardie) avec risque d’hémorragie et de colectasie.
Pour la maladie de Crohn, les sténoses intestinales secondaires à l’inflammation chronique peuvent entraîner un syndrome occlusif ou subocclusif.
Dans les deux cas, il existe un risque de perforation colique pouvant entraîner une péritonite. Dans la maladie de Crohn, on peut observer fréquemment des microperforations pouvant se transformer en abcès ou s’évacuant via une fistule.
Les MICI augmentent le risque de complications osseuses et notamment d’ostéoporose (en raison de l’inflammation sévère, des carences possibles en vitamines et minéraux, des traitements cortisoniques). Par ailleurs, au cours des poussées, il existe un risque de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire.
En cas d'atteinte colique étendue évoluant depuis plusieurs années, les patients ont un risque augmenté de cancer colorectal. 
Fistule
Canal étroit donnant passage à un produit physiologique de l’organisme qui s’écoule à l’extérieur du corps ou dans une cavité interne.
Sténose intestinale
Rétrécissement du diamètre intestinal.
Ténesme
Contraction douloureuse de l’anus avec envie d’aller à la selle.
épreinte
Douleur abdominale à type de colique avec fausse envie pressante d’aller à la selle.
Granulome épithélioïde
Amas de cellules épithélioïdes, de cellules géantes et de lymphocytes. Présent dans environ 30 % des cas de maladie de Crohn.
Calprotectine fécale
Protéine sécrétée en cas d’inflammation. Son dosage dans les selles est significativement plus élevé chez les patients ayant une MICI.
Colectasie
Dilatation aiguë, partielle ou totale, du côlon, due à la présence de gaz. Aussi appelé « mégacôlon toxique ».

Par Anne Drouadaine, pharmacienne, avec la collaboration du Pr Laurent Beaugerie, gastro-entérologue, Hôpital Saint Antoine, Paris

en chiffres

Sur les 200 000 à 250 000 personnes atteintes d’une MICI en France, 110 000 à 130 000 présentent une maladie de Crohn (MC), environ 100 000 une rectocolite hémorragique (RCH), et les autres une MICI inclassée. 2 000 à 3 000 enfants sont concernés.

Age moyen de survenue : 17-35 ans. 25 ans pour la MC et 35 ans pour la RCH.

MC : plus fréquente chez la femme (sex-ratio F/H de 1,3) ; RCH : légèrement plus fréquente chez l’homme (sex-ratio F/H de 0,9).

PHYSIOPATHOLOGIE DES MICI

Dans la maladie de Crohn, l’inflammation peut toucher toutes les zones du système digestif, de la bouche à l’anus mais avec une localisation préférentielle au niveau de l’intestin : forme iléale ou colique. Dans la rectocolite hémorragique, l’inflammation touche le rectum et une partie plus ou moins étendue du côlon.

Des anomalies qualitatives et quantitatives du microbiote (on parle de dysbiose) sont observées chez les patients atteints de MICI. Cette dysbiose pourrait participer à une activation excessive du système immunitaire local avec augmentation de cytokines pro-inflammatoires et stimulation des cellules de l’inflammation : lymphocytes T, macrophages...

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER LES MICI ?

La stratégie de traitement est en fonction du degré d’activité de la maladie et de la localisation des lésions (forme distale ou étendue). Elle fait habituellement appel en 1re intention aux aminosalicylés dans la rectocolite hémorragique et aux corticoïdes dans la maladie de Crohn.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

L’objectif est d’obtenir une rémission clinique et une cicatrisation muqueuse endoscopique afin de maintenir la qualité de vie et de prévenir les rechutes et les complications.
La stratégie thérapeutique consiste le plus souvent en une escalade thérapeutique progressive, dite du « step-up ». Toutefois, pour des formes sévères (notamment de la maladie de Crohn), un traitement puissant par anti-TNF-alpha peut être d’emblée préféré : il est suivi d'une désescalade thérapeutique progressive : c'est l'approche « top down ».


TRAITEMENT DES POUSSÉES


RECTOCOLITE HÉMORRAGIQUE

Dans les formes légères à modérées, les aminosalicylés sont le traitement de référence par voie orale ou, dans les formes distales, par voie locale. En cas d’échec, une corticothérapie est préconisée par voie orale (3 à 4 mois maximum), ou éventuellement locale selon la localisation des lésions.


MALADIE DE CROHN

La corticothérapie est le traitement de référence après une première poussée. Dans les formes légères à modérées iléales ou du colon ascendant, le budésonide, corticoïde per os d’action locale, peut être utilisé en première intention.
En cas de maladie de Crohn étendue ou de maladie ano-périnéale sévère (fistules, abcès), les anti-TNF-alfa peuvent être indiqués d’emblée, le plus souvent associés à un immunosuppresseur (stratégie « top-down »).


TRAITEMENT D’ENTRETIEN


RECTOCOLITE HÉMORRAGIQUE

En traitement de fond (dose réduite), les aminosalicylés peuvent suffire à espacer les poussées et éviter le recours à un traitement plus agressif. En cas d’échec, c'est-à-dire récidives fréquentes ou évolution vers une corticodépendance, on a recours à l’azathioprine (ou à la 6-mercaptopurine hors AMM) puis aux anti-TNF alpha.


MALADIE DE CROHN

L’instauration d’un traitement de fond est souvent nécessaire pour prévenir les rechutes : l’azathioprine (ou le méthotrexate hors AMM) est généralement proposée en première intention. En cas de corticorésistance, un anti-TNF alpha est prescrit.


FORMES RÉFRACTAIRES

En cas d’échec de l’azathioprine ou des anti-TNF-alpha, d’autres immunosuppresseurs sont utilisés : le védolizumab (à l’hôpital) dans la rectocolite hémorragique, et l’ustékinumab dans la maladie de Crohn.
La chirurgie est indiquée chez des patients en échec thérapeutique ou en urgence chez ceux présentant des complications (péritonite, occlusion, poussée aiguë grave de RCH...).


AUTRES TRAITEMENTS

Les complications, telles que les abcès et les fistules, font appel à un drainage et une antibiothérapie (quinolone, métronidazole), parfois avant une intervention chirurgicale.
En raison du risque thrombotique augmenté, une anticoagulation préventive par HBPM est prescrite lors de poussées sévères (systématique en cas d’hospitalisation).
Des antalgiques de palier 1 ou 2 (à l’exception des AINS, à éviter), des antispasmodiques et des antidiarrhéiques peuvent être nécessaires.
L’arrêt du tabac est impératif dans la maladie de Crohn.


PROFILS PARTICULIERS


FEMMES ENCEINTES. LA CORTICOTHÉRAPIE SYSTÉMIQUE EST POSSIBLE MAIS DOIT ÊTRE LIMITÉE POUR ÉVITER LE RISQUE DE RETARD STATURO-PONDÉRAL FŒTAL. SELON LES EXPERTS ET LE CRAT , L’AZATHIOPRINE PEUT ÊTRE POURSUIVIE SI BESOIN (BIEN QUE L’AMM RECOMMANDE UNE SUSPENSION DU TRAITEMENT). CONCERNANT LES ANTI-TNF-ALPHA, LES ÉTUDES MONTRENT QU’IL N’Y A PAS DE SUR-RISQUE PARTICULIER EN TERME DE PRÉMATURITÉ, DE MALFORMATIONS ET D’INFECTIONS NÉONATALES. EN PRATIQUE, ILS SONT MAINTENUS SI LA MICI EST ACTIVE ET ARRÊTÉS EN CAS DE MICI QUIESCENTE. CHEZ LES ENFANTS EXPOSÉS AUX ANTI-TNF-ALPHA DURANT LA GROSSESSE, L’ADMINISTRATION DE VACCINS VIVANTS ATTÉNUÉS SERA RETARDÉE (PAS AVANT UN AN). EN L’ABSENCE DE DONNÉES, L’USTÉKINUMAB ET LE VÉDOLIZUMAB DOIVENT ÊTRE STOPPÉS (AU MOINS 3 MOIS AVANT LA GROSSESSE). LE MÉTHOTREXATE (HORS AMM) EST FORMELLEMENT CONTRE-INDIQUÉ.


ENFANTS. MÉSALAZINE, CORTICOTHÉRAPIE (SUR LA DURÉE LA PLUS COURTE POSSIBLE), AZATHIOPRINE, INFLIXIMAB ET ADALIMUMAB SONT UTILISÉS.



TRAITEMENTS


AMINOSALICYLÉS

Ils constituent le traitement de 1re intention de la rectocolite hémorragique, mais sont peu efficaces dans la maladie de Crohn. Dérivant en majorité de l’acide 5-amino-salicylique (ou 5-ASA ou mésalazine), ils s’utilisent par voie orale (comprimés, granulés) ou rectale (lavements, suppositoires) dans les formes distales.
Effets indésirables : globalement bien tolérés. L'olsalazine peut être responsable d’une diarrhée généralement transitoire, (diminuée par une prise au cours du repas). Plus rarement sont possibles céphalées, nausées, vomissements, chute des cheveux, insuffisance rénale (surveillance impérative de la fonction rénale). Réactions allergiques (rashs, pancréatite aiguë, péricardites, pneumopathies...) exceptionnelles. Plus fréquentes avec la sulfasalazine, du fait du sulfamide servant de transporteur à la mésalazine, qui expose aussi à des troubles hématologiques.


CORTICOÏDES


D’ACTION SYSTÉMIQUE

En raison de leurs effets indésirables et du risque de corticodépendance et/ou corticorésistance, ils sont utilisés en cures courtes lors des poussées, avec arrêt progressif du traitement pour éviter un effet rebond et le risque d’insuffisance surrénalienne. La posologie habituelle est de 1 mg/kg/jour d’équivalent prednisone (Cortancyl) ou prednisolone (Solupred).
Effets indésirables : prise de poids, gonflement du visage, hyperexcitabilité avec insomnie, poussée d’acné, troubles de l’humeur, atrophie musculaire, augmentation de la pilosité, vergetures. La corticothérapie à long terme peut déstabiliser un diabète, aggraver une HTA, conduire à une ostéoporose cortisonique et à des troubles oculaires (glaucome à angle ouvert, cataracte). Au long cours, supplémentation en vitamine D et calcium pour prévenir la déminéralisation osseuse et surveillance ophtalmique sont nécessaires. Le risque infectieux est augmenté à partir du 15e jour de traitement à des doses supérieures à 10 mg/jour.
Interactions : l’association à l’acide acétylsalicylique à doses anti-inflammatoires (≥ 1 g/prise et/ou ≥ 3 g/jour) est déconseillée (risque hémorragique).


D’ACTION LOCALE

Le budésonide est une alternative à la corticothérapie classique. L’enrobage gastrorésistant permettant une libération du corticoïde au niveau de l’iléon et du début du côlon.
Des corticoïdes par voie rectale (mousse ou lavement) sont parfois utilisés dans la RCH, souvent en complément d’une corticothérapie per os, en cas d’atteinte limitée au rectum ou à la partie terminale du côlon.
Effets indésirables : pour le budésonide, les effets systémiques sont moindres qu’avec les corticoïdes d’action générale car ce dernier, après libération dans l’intestin, est dégradé à environ 90 % à son premier passage hépatique. Pour les corticoïdes administrés localement, il peut y avoir un passage systémique en cas de lésions de la muqueuse.
Interactions : ce sont les mêmes que celles des corticoïdes par voie systémique.


IMMUNOSUPPRESSEURS


AZATHIOPRINE

Traitement d’entretien de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique, son efficacité n’apparaît qu’après quelques semaines. voire quelques mois. La 6-mercaptopurine (Purinethol), métabolite actif de l’azathioprine, est parfois utilisée hors AMM.
Effets indésirables : troubles hématologiques (myélosuppression, leucopénie, thrombopénie) nécessitant une surveillance hebdomadaire de l’hémogramme les 8 premières semaines de traitement puis au moins tous les 3 mois. Des troubles digestifs peuvent survenir en début de traitement ainsi que des manifestations immuno-allergiques (fièvre, éruption cutanée, myalgies ; pancréatite aiguë nécessitant l’arrêt du traitement). Le risque infectieux est légèrement accru. Il existe aussi un surrisque de syndrome lymphoprolifératifs (lymphome, cancers cutanés non mélanocytaires).


AUTRES

Le méthotrexate est parfois utilisé hors AMM par voie injectable en cas d’échec des thiopurines, avec une réponse souvent assez lente. Une surveillance hépatique, hématologique et rénale est nécessaire ainsi qu’une contraception efficace, y compris pour la partenaire d’un homme traité jusqu’à 3 mois après l’arrêt du traitement (d’après le CRAT).
La ciclosporine est utilisée hors AMM dans les poussées sévères de rectocolite hémorragique.

ANTICORPS MONOCLONAUX


ANTI-TNF-ALPHA

Ils permettent l’arrêt de la corticothérapie et la cicatrisation des lésions endoscopiques. Leur efficacité est d’autant plus importante que les lésions ne sont pas encore compliquées et qu’ils sont associés à l’azathioprine. De fait, ils sont utilisés de plus en plus précocement dans l’évolution des MICI. L’infliximab (à l’hôpital, Remicade et biosimilaires : Remsima, Inflectra, Flixabi) et l’adalimumab (Humira) ont une AMM dans la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Le golimumab (Simponi)n’est indiqué que dans la rectocolite hémorragique.


AUTRES

L’ustékinumab (Stelara, inhibiteur d’interleukines) est indiqué dans la maladie de Crohn après échec des traitements conventionnels et d’au moins un anti-TNF-alpha.
Le védolizumab (Entyvio à l’hôpital, anti-intégrine) est également un traitement de 3e ligne dans la rectocolite hémorragique (perfusion IV toutes les 8 semaines en entretien).


EFFETS INDÉSIRABLES COMMUNS

Le principal risque est infectieux avec une plus grande fréquence d’infections virales ou bactériennes, incluant des infections opportunistes, notamment une pneumocystose justifiant une antibiothérapie préventive par cotrimoxazole en cas d’association d’au moins trois immunosuppresseurs. Le dépistage d’une tuberculose latente et la recherche d’une infection virale susceptible de se réactiver (VHB, VIH, herpès...) sont réalisés avant la mise en route du traitement.
La surveillance des signes infectieux se poursuit jusqu’à 5 mois après l’arrêt du traitement. Des réactions locales (rougeurs, prurit, gonflement...) sont fréquentes lors des premières injections. Parfois, des céphalées, des troubles gastro-intestinaux, une fatigue, des arthralgies ou myalgies, une urticaire surviennent les jours, voire les mois suivant l’injection. Ces réactions d’hypersensibilité retardée liées au développement d’autoanticorps sont plus fréquentes sous infliximab et peuvent nécessiter un changement de molécule.
Des cas d’insuffisance cardiaque et de maladies neurologiques démyélinisantes sont rapportés. Il pourrait y avoir un risque légèrement augmenté de lymphomes et de cancers cutanés.


PERSPECTIVES

Des études de phase III sont en cours pour l’ozanimod (modulant la réponse des lymphocytes) dans la rectocolite hémorragique. Ce traitement s’utilise par voie orale.
Toujours par voie orale, des inhibiteurs de JAK (Janus kinase, une protéine kinase) sont en cours de développement avec le tofacitinib dans la rectocolite hémorragique et le filgotinib dans la maladie de Crohn. 
Cortico-dépendance
Les symptômes réapparaissent en dessous d’une dose seuil de corticoïdes ou peu après leur arrêt.
Cortico-résistance
Persistance des symptômes malgré la corticothérapie.
CRAT
Centre de référence sur les agents tératogènes.
Pneumo-cystose
Affection opportuniste sévère due à un parasite, Pneumocystis carinii, habituellement saprophyte des alvéoles pulmonaires.
Trans-plantation fécale
Elle consiste en l’introduction d'un microbiote fécal d’un donneur sain dans le tube digestif d’un patient receveur afin de rééquilibrer son microbiote intestinal.

Par Anne Drouadaine, pharmacienne, avec la collaboration du Pr Laurent Beaugerie

CE QUI A CHANGÉ

Juin 2014 : remboursement de Simponi (golimumab, anti-TNF-alpha) dans la rectocolite hémorragique (RCH).

Septembre 2014 : Entyvio (védolizumab, à l’hôpital), inhibiteur d’intégrine (protéine présente sur certains lymphocytes T et impliquée dans leur activation au site digestif de l’inflammation) indiqué dans la RCH et la maladie de Crohn. Non remboursé dans la maladie de Crohn.

Novembre 2016 : Stelara (ustékinumab), inhibiteur d’interleukine, indiqué dans la maladie de Crohn.

Remboursé depuis fin septembre 2017.

Juillet 2017 : Cortiment (budésonide), corticoïde per os d’action locale indiqué dans la RCH.

vigilance !

Les principales contre-indications sont les suivantes :

Aminosalicylés : allergie à l’aspirine (par prudence, réactions croisées), insuffisance rénale et/ou hépatique sévères. Et pour la sulfasalazine : allergie aux sulfamides.

Corticoïdes : état infectieux en évolution, états psychotiques non contrôlés. Et par voie rectale : ulcère gastroduodénal évolutif, obstruction, abcès, perforation, péritonite, fistule.

Adalimumab, golimumab : tuberculose ou autres infections sévères, insuffisance cardiaque modérée à sévère.

Ustékinumab : infection active cliniquement importante.

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Pointdevue

Pr Laurent Beaugerie, gastro-entérologue, Hôpital Saint-Antoine, à Paris

« La transplantation fécale pourrait être un traitement suspensif de la maladie »

Où en est la transplantation fécale dans le cadre des MICI ?

Pour l’instant, au stade d’études. Les résultats des premiers essais cliniques commencent à être communiqués. En modulant la flore intestinale, la transplantation fécale pourrait être un traitement suspensif de la maladie. Elle est à ce jour indiquée en cas d’infections récidivantes à Clostridiumdifficile, y compris chez des patients atteints de MICI, et donne de bons résultats dans ce condiv.

Avec 15 ans de recul, quel bilan peut-on tirer des anti-TNF-alpha ?

C’est un traitement majeur qui donne le plus souvent de bons résultats, mais certains patients y répondent mal ou présentent à un moment donné une perte de réponse ou des complications infectieuses. On peut alors essayer un autre anti-TNF-alpha ou se tourner vers les nouvelles biothérapies (ustékinumab, védolizumab). Concernant le risque de cancer, on est globalement rassuré mais la prudence s’impose chez des patients qui ont eu un mélanome malin. Concernant l’azathioprine, seul ou associé à un anti-TNF-alpha, le risque de lymphome est désormais bien connu. Il concerne deux types de patients : les hommes de plus de 65 ans et les adolescents qui n’ont pas eu la mononucléose infectieuse (le lymphome est alors induit par une primo-infection à virus Epstein-Barr).

ACCOMPAGNER LE PATIENT 

CHRISTINE, MAMAN D’AUDRIC, 15 ANS

Vers l’âge de 12/13 ans, Audric avait très souvent des douleurs au ventre et des diarrhées. Il a beaucoup maigri. Au début, on pensait que c’était le médicament de l’hyperactivité qui lui coupait l’appétit. Finalement, on a consulté un gastro-entérologue qui a diagnostiqué une maladie de Crohn. Je ne connaissais pas du tout cette maladie. Rapidement, le médecin a prescrit des injections d’Humira. Audric a appris à les faire tout seul. Les diarrhées vont mieux, mais là il sort de l’hôpital car il a un abcès avec une fistule. Je suis un peu découragée et inquiète pour son avenir.

LES MICI VUES PAR LES PATIENTS


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

Même si les MICI sont désormais mieux connues du grand public, les symptômes gênants font peser un certain tabou : les patients hésitent à révéler leur maladie ou les difficultés rencontrées. L’acceptation de la maladie est souvent difficile d’autant qu’elle touche des sujets jeunes. Les formes sévères dont l’évolution peut faire craindre des complications à moyen ou long terme sont très anxiogènes.


IMPACT SOCIAL, PROFESSIONNEL ET SEXUEL

Le handicap fonctionnel est important mais souvent sous-évalué. Fatigue, absences répétées, nécessité d’aller urgemment aux toilettes…Certains patients ont une qualité de vie très altérée en période de poussées, avec des répercussions importantes sur la vie sociale, professionnelle ou scolaire, et les loisirs. Les MICI perturbent la vie de couple, notamment chez les jeunes adultes.

À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DES MICI

L’évolution est imprévisible. Selon les patients, les poussées sont plus ou moins sévères et plus ou moins fréquentes. Toutefois, il est aujourd’hui possible de stabiliser la maladie, voire d’obtenir des rémissions prolongées et de diminuer le recours à la chirurgie. L’espérance de vie est similaire à celle de la population générale. Après plusieurs années d’évolution de la maladie, le dépistage par coloscopie d’un cancer colorectal (risque augmenté au cours des MICI) est recommandé.
La nécessité d’un accès facile et rapide aux toilettes est source d’angoisse. L’anticipation est nécessaire : repérer les toilettes (prévoir de la monnaie pour les lieux payants), avoir des vêtements de rechange. L’AFA propose une carte urgence toilette (CUT, à télécharger par les adhérents sur le site de l’association) et une application (afaMICI) qui permet entre autres de localiser les toilettes les plus proches.
L’alimentation doit rester la plus normale et la plus équilibrée possible pour éviter toute carence, aucun aliment n’étant directement responsable d’une poussée. Un régime pauvre en fibres (éliminer fruits, légumes, céréales complètes...) n’est recommandé que lors des poussées afin de diminuer les diarrhées et les douleurs abdominales. Au cas par cas, certains patients voient parfois leurs symptômes s’améliorer par l’éviction de certains aliments (légumineuses, lactose...). La consultation d’un diététicien peut être recommandée. En cas de sténoses, certains aliments pouvant favoriser une occlusion sont déconseillés (poireaux, asperges, champignons, choux...). Dans certains cas, il peut être nécessaire de compléter l’alimentation avec des compléments nutritionnels oraux et de supplémenter en vitamines et minéraux. Lors d’une corticothérapie prolongée, restreindre les apports en sucres et graisses pour limiter la prise de poids. Le régime pauvre en sel, souvent conseillé, est remis en cause par certains experts car ayant peu d’impact sur les œdèmes.
Le sevrage tabagique est impératif dans la maladie de Crohn car le tabac expose a une évolution plus sévère de la maladie. En cas de rectocolite hémorragique, il faut l’entreprendre en période de rémission et sous traitement d’entretien car l’arrêt du tabac tend à réactiver la maladie.
Le stress peut favoriser la survenue des poussées. Des techniques de relaxation ou de sophrologie peuvent aider à mieux gérer les périodes de tension.


A PROPOS DU TRAITEMENT

L’observance du traitement de fond est essentielle pour contrôler l’inflammation.
Aminosalicylés : globalement bien tolérés (troubles digestifs en début de traitement), hormis la salazopyrine qui expose aux effets indésirables du sulfamide (cutanés, hématologiques…). Une surveillance de la fonction rénale est nécessaire.
Sous immunosuppresseur (y compris corticoïdes à dose ≥ 10 mg/jour à partir du 15e jour) : mise à jour des vaccinations impérative avant de débuter le traitement. Les vaccinations contre l'hépatite B, la grippe, le pneumocoque et le HPV chez l'adolescente sont recommandées. En cours de traitement, le principal risque est infectieux, d’autant plus que plusieurs immunosuppresseurs sont simultanément prescrits. Tout signe infectieux (fièvre, signes urinaires, toux, maux de gorge…) nécessite de consulter le médecin et, en attendant, de suspendre les injections d’anti-TNF-alpha. Pour éviter toute infection bactérienne alimentaire (listériose...), bien faire cuire les viandes et respecter la chaîne du froid. Attention à la turista en voyage.
Vêtements couvrants et crème solaire très haute protection sont de mise en cas d’exposition solaire. Recommander un suivi dermatologique annuel. Azathioprine (et 6-mercaptopurine hors AMM) : vérifier qu'une NFS est réalisée au moins tous les trimestres. Les manifestations d’intolérance surviennent dans les premières semaines de traitement : rashs cutanés, myalgies, parfois troubles digestifs intenses, pancréatite aiguë avec des douleurs abdominales violentes pouvant nécessiter l’arrêt du traitement.
Anti-TNF-alpha : à conserver au réfrigérateur. Des pochettes isothermes peuvent être fournies gratuitement par les laboratoires. Un contrôle dentaire est recommandé avant le début du traitement.
Prévoir à l’avance les commandes d’adalimumab en stylo (à effectuer auprès du laboratoire).
Automédication : la prise d’AINS qui pourraient favoriser les poussées de MICI est à proscrire, surtout au long cours. Le racécadotril peut être utilisé si besoin. Le lopéramide est à utiliser à dose minimale efficace et à proscrire en cas de fièvre. 
Handicap fonctionnel
Il existe un index évaluant spécifiquement le handicap fonctionnel des personnes atteintes de MICI (IBD-DI = Inflammatory Bowel Disease -Disability Index), établi à partir d’un score de 28 items (douleurs, sommeil, transit, scolarité…).
AFA
Association François Aupetit. Sur afa.asso.fr, de nombreuses informations pour les patients et leurs proches ainsi que pour les professionnels de santé.
Pochite
Inflammation de la «poche » constituée après anastomose iléo-anale (intervention chirurgicale effectuée chez des patients atteints de rectocolite hémorragique).
Par Stéphanie Satger, pharmacienne d’officine avec la collaboration du Dr Florian Poullenot

question de patient Les probiotiques sont-ils utiles ?

«Certains patients rapportent une amélioration de leur symptômes sous probiotiques. Toutefois, leur intérêt n’est pas démontré sauf pour certains (non disponibles en France) : notamment la préparation VSL#3 (associant 8 souches) utilisée au cours de la rectocolite hémorragique dans le cas particulier de la pochite.»

question de patient Ma fille espère tomber enceinte. Est-ce bien raisonnable avec sa maladie ?

«Les avortements spontanés, le risque de prématurité et d’hypotrophie fœtale sont plus fréquents si la maladie est active. Il est donc fortement conseillé de planifier le projet de grossesse et de ne pas envisager de conception tant que la maladie est évolutive. La plupart des traitements peuvent être poursuivis au cours de la grossesse (y compris les anti-TNF-alpha les deux premiers trimestres).»

EN SAVOIR PLUS

CREGG(club de réflexion des cabinets et groupes d’hépatogastro-entérologie)

cregg.org Des informations pour les patients et des fiches « mémo » pour les professionnels de santé.

GETAID(groupe d'étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif)

getaid.org Notamment, des fiches synthétiques sur les différents traitements des MICI.

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO DÉLIVRANCE


LA PRESCRIPTION COMPORTE DES AMINOSALICYLÉS

Pas d’allergie connue à l’aspirine ?
C’est une contre-indication aux aminosalicylés (réactions allergiques croisées).
La tolérance est-elle correcte ?
Diarrhée transitoire possible avec les aminosalicylés par voie orale et notamment l’olsalazine : préférer une prise en fin de repas. Surveillance régulière impérative de la fonction rénale. Réactions d’hypersensibilité (rash, pancréatite aiguë...) plus fréquentes sous sulfasalazine (présence d’un sulfamide).


UN OU DES IMMUNOSUPPRESSEURS SONT PRESCRITS

Il peut s’agir d’une corticothérapie (≥ 10 mg/jour d’équivalent prednisone plus de 2 semaines), d’un traitement par azathioprine (ou 6-mercaptopurine, voire méthotrexate hors AMM), anti-TNF-alpha (infliximab à l’hôpital ; adalimumab, Humira ; golimumab, Simponi) ou inhibiteur d’interleukines (ustékinumab, Stelara).
Sont-ils à prescription particulière ?
Les anti-TNF-alpha et l’ustékinumab sont des médicaments d’exception soumis à prescription initiale hospitalière annuelle. Prescription réservée à certains spécialistes, notamment en gastro-entérologie.
Le calendrier vaccinal a-t-il été mis à jour ?
Indispensable, car le risque infectieux est augmenté. Les vaccinations contre l’hépatite B, le pneumocoque et la grippe saisonnière notamment sont recommandées. Les vaccins vivants atténués (varicelle, ROR, fièvre jaune...) sont à effectuer au moins 3 semaines avant le début du traitement car contre-indiqués jusqu’à 3 mois au moins après leur arrêt.
Le patient sait-il comment réagir en cas de signe infectieux ?
Le risque infectieux est d’autant plus grand que plusieurs immunosuppresseurs sont prescrits. Bien cuire les viandes et respecter la chaîne du froid (attention aux infections alimentaires lors de voyages). Tout signe infectieux (fièvre, maux de gorge, toux, signes urinaires...) nécessite un avis médical. Sous anti-TNF-alpha, suspendre les injections en attendant de voir le médecin.
Connaît-il les autres effets indésirables de ces traitements ?
Recommander de se protéger du soleil ; surveillance dermatologique annuelle. Sous corticothérapie : arrêt progressif pour éviter une rechute et l’apparition d’une insuffisance corticosurrénalienne. Sous azathioprine : NFS impérative (hématotoxicité). Signaler rapidement toute douleur abdominale intense (risque de pancréatite aiguë grave). Sous anti-TNF-alpha ou Stelara : sortir le traitement du réfrigérateur 30 minutes avant l’injection pour limiter la douleur lors de l’administration. Signaler toute réaction d’intolérance les jours suivants l’injection (arthralgies, urticaire...).


CONSEILS

Sevrage tabagique impératif dans la maladie de Crohn. Alimentation aussi diversifiée que possible. Pas d’AINS au long cours (susceptibles de favoriser les poussées).
Planifier un projet de grossesse en phase de rémission de la maladie.

Source : medicaments.gouv.fr. MC : maladie de Crohn; RCH : rectocolite hémorragique.

Source : Thésaurus ANSM septembre 2016 ; « Vaccinations des personnes immunodéprimées ou aspléniques. Recommandations », rapport du Haut Conseil de la santé publique, 2012.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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