Télémédecine   : où est votre place ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3195 du 21/10/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3195 du 21/10/2017
 
DÉSERTS MÉDICAUX

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR CHLOÉ DEVIS 

Le plan gouvernemental en faveur du renforcement de l’accès territorial aux soins dévoilé le 13 octobre fait la part belle au déploiement de la télémédecine. En omettant de citer la profession officinale, qui ne manque pourtant pas d’arguments.

Scandalisé ». C’est ainsi que Gilles Bonnefond, président de l’USPO, réagit spontanément à l’absence de toute référence aux pharmaciens par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dans sa lutte contre les inégalités territoriales d’accès aux soins. Un plan gouvernemental qui mise sur le numérique avec les consultations à distance et la télé-expertise, négociations conventionnelles à l’appui. Axe complémentaire, le soutien à l’équipement des établissements médicosociaux, établissements de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles et centres de santé. Le soutien aux officines reste, lui, virtuel. « Les infirmiers sont cités, pourquoi pas nous ? Seulement 7 % des patients ont un infirmier, alors que 100 % des patients ont un médecin traitant et un pharmacien ! », s’insurge Gilles Bonnefond, décidé à « remonter au créneau » auprès du ministère. « Présents sur tout le territoire, nous pourrions mettre à profit les outils de télémédecine pour assurer le suivi des patients, en lien avec ce que prévoit le statut de pharmacien correspondant », martèle-t-il. Son homologue de la FSPF, Philippe Gaertner, renchérit : « Dans les territoires sous-denses, l’accès à des consultations de télémédecine au sein des officines permettrait aux patients de garder le contact avec un professionnel de santé de proximité. » Un argument contre ceux qui associent la télémédecine à une déshumanisation de la relation thérapeutique.

Etre reconnu comme structure requérante

Sophie Sergent, membre du bureau national de la FSPF, en charge des nouvelles missions et des relations avec les patients, se veut optimiste : « Si le regard sur la télémédecine était au départ très hospitalo-centré, on en parle aujourd’hui pour la ville, ce qui ouvre des perspectives. » Parallèlement, la démocratisation des outils numériques s’est accélérée. Aujourd’hui, « les évolutions sont rapides et nous devons nous y inscrire au travers de l’innovation organisationnelle et de l’interprofessionnalité sur les territoires, autour des patients ». Pour le président de l’UNPF, Jean-Luc Fournival, « la télémédecine est un des axes du repositionnement de la profession dans les zones rurales ». Et une opportunité à saisir face à « la désertification médicale, les nouvelles habitudes des patients, le condiv économique difficile ». Faire des officines des « postes avancés » de la santé dans les déserts médicaux, c’est le souhait de Gilles Bonnefond. Un moyen de les mettre au service des patients les plus fragiles, tout en faisant face à la disparition des prescripteurs. Et, d’après Sophie Sergent, les pharmacies disposent des arguments pour se voir accorder un statut de structure « requérante » en télémédecine tel que l’institue l’arrêté de juillet 2017 pour les établissements de santé, médicosociaux et maisons de santé pluridisciplinaires, ainsi habilités à recevoir un financement forfaitaire des agences régionales de santé (ARS) dans le cadre de la mise en place de téléconsultations. « Nous sommes non seulement un réseau robuste de premier recours, formé à la délégation de tâches, mais aussi une profession de santé pionnière en matière d’informatisation et de partage des données ». Dès lors, fait-elle valoir, « pourquoi ne pas continuer sur la voie de la modernisation en imaginant des développements sur nos actes spécifiques ? ». Ainsi, « en tant que référents d’EHPAD, nous sommes amenés à faire de l’expertise sur les médicaments. C’est une pratique qui pourrait se développer à distance, tout comme les entretiens pharmaceutiques pour des patients qui se déplacent difficilement ».

Des adaptations réglementaires nécessaires

En pratique, « la télémédecine évoque d’emblée des cabines ultraconnectées, mais un local HPST, une connexion internet sécurisée, une webcam et un ordinateur peuvent suffire, auxquels s’ajouteront des outils de prise de mesure dans le cadre de la délégation de tâches », argue Sophie Sergent. En revanche, c’est bien par « une évolution du code de déontologie et des divs réglementaires » qu’il faudra passer. Parmi les conditions requises au déploiement de la télémédecine dans les pharmacies, Gilles Bonnefond appelle de ses vœux « une simplification des règles de prescription, des aides à l’équipement des ARS et des incitations à la coordination interprofessionnelle, notamment à travers une rémunération des pharmaciens pour la surveillance de leurs patients ». Il souligne aussi la nécessité de mieux organiser les sorties hospitalières. Jean-Luc Fournival insiste de son côté sur la nécessité de mettre en place la démarche de manière consensuelle avec les médecins. Quant à la rémunération, selon lui, elle devra s’appuyer « sur des moyens conventionnels ou non ». Et de rappeler que les mutuelles, très intéressées par le sujet au point de développer leurs propres services de télémédecine, peuvent être mises à contribution.

RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE DANS LE GRAND EST

L’expérimentation menée par l’URPS Grand Est consiste en un dépistage de la rétinopathie diabétique effectué sous forme de vacations dans les pharmacies par un orthoptiste qui transmet ensuite les résultats, à distance, à un ophtalmologue. « Les patients bénéficient de la rapidité à obtenir un rendez-vous à proximité de chez eux dans des communes en pénurie d’ophtalmos, tandis que le pharmacien est indemnisé pour le recrutement des patients et la mise à disposition de ses locaux », détaille Christophe Wilcke, président de l’URPS et titulaire à Spincourt (Meuse). Celui-ci espère la création d’une lettre-clé en vue d’une pérennisation du dispositif. Il reste en revanche prudent en ce qui concerne le périmètre des applications de la télémédecine à l’officine. A ses yeux, « la téléconsultation n’est pas forcément ce vers quoi l’officine doit tendre ». En revanche, estime-t-il,« la téléobservation, la récupération des données des objets connectés peuvent être des pistes intéressantes ».

À RETENIR


•   La télémédecine fait partie des solutions proposées par le gouvernement pour renforcer l’accès territorial aux soins.

•   Les pharmacies pourraient se voir accorder le statut de structure requérante et recevoir un financement forfaitaire des ARS dans ce cadre.

•   Les mutuelles, très intéressées par le sujet, représentent une piste de financement.

REPÈRES 

DENSITÉ MÉDICALE : CHIFFRES ET PROPOSITIONS

DERMATOLOGIE DANS LES PAYS-DE-LA-LOIRE

Michel Rioli, ancien chargé de mission au ministère de la Santé, est à l’origine d’une plate-forme de télémédecine interopérable, Télémédinov, avec un volet EHPAD et un volet officinal que son épouse, Sophie Toufflin-Rioli, titulaire à Commequiers (Vendée) a mis en place. « Nos téléconsultations sont des consultations à part entière. Nous utilisons le même stéthoscope que le médecin à distance, nous sommes équipés de grands écrans, de telle sorte que le patient a l’impression de l’avoir en face de lui. Nous ne faisons appel qu’à un réseau médical de proximité, les patients pouvant aller le consulter par la suite », explique la pharmacienne. Pourtant, tous les freins ne sont pas levés : « Si les médecins ont compris que nous ne cherchions pas à exercer leur métier, les ARS, entre autres, restent défiantes. » L’absence de rémunération est une autre limite. De plus, « depuis que nous nous sommes lancés, trois généralistes se sont réinstallés dans la commune », indique Sophie Toufflin-Rioli. Les téléconsultations se poursuivent néanmoins en ophtalmologie et en dermatologie. « Nous en réalisons jusqu’à quatre ou cinq par semaine », fait savoir la titulaire.
Par Laurent Lefort – Infographie : Franck L’Hermitte

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