Pas loin de 4 000 pharmacies en trop - Le Moniteur des Pharmacies n° 3192 du 30/09/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3192 du 30/09/2017
 
RÉSEAU OFFICINAL

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : PAR MAGALI CLAUSENER ET FRANÇOIS POUZAUD  

Provocation ou aberration ? Dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, la Cour des comptes estime qu’il y aurait plus de 10 000 officines en trop. Le chiffre est très exagéré, mais près de 4 000 officines pourraient être amenées à disparaître d’ici à dix ans selon les professionnels et experts interrogés.

Une application stricte des critères encadrant en principe la répartition démogéographique des pharmacies d’officine aboutit à constater un surnombre de 10 435 officines en France métropolitaine, soit de l’ordre de la moitié du réseau officinal. » C’est ce qu’écrit la Cour des comptes dans son rapport sur la Sécurité sociale, présenté le 20 septembre. Et elle ne craint pas d’ajouter : « Au rythme des dernières années, il faudrait environ 100 ans pour que cet excédent se résorbe. »

Ce passage et les pages suivantes consacrées au réseau « très excédentaire » n’ont pas manqué de susciter de vives réactions de la part des syndicats de pharmaciens. « La Cour des comptes oublie que la loi n’est pas rétroactive, explique Philippe Gaertner,président de la FSPF. Lorsque le législateur modifie les règles d’installation, son intention n’est pas de tout remettre à plat et de raser des officines, mais de donner au réseau la capacité d’évoluer dans le temps. » Pour Gilles Bonnefond, président de l’USPO, le changement des quotas de la loi de répartition a justement été fait pour « permettre aux pharmaciens de se regrouper et de réduire le réseau officinal de façon active ». Quant à l’Ordre des pharmaciens, il n’hésite pas à déclarer : « Il est évident que des ajustements peuvent se justifier. Le gouvernement y travaille actuellement dans le cadre de l’ordonnance relative au maillage territorial, qui devrait permettre certaines souplesses précisément réclamées par la Cour des comptes ». Et d’affirmer : « L’Ordre continuera […] à prôner la préservation d’un modèle nullement remis en question par les règles européennes […] ».

Des zones en surdensité

Le réseau officinal doit donc évoluer. Et se resserrer. Ce qui est une façon de reconnaître qu’il y a effectivement trop d’officines. Les syndicats le disent d’ailleurs. A leur façon. « Il y a des zones de surdensité officinale, affirme ainsi Philippe Gaertner. Mais c’est le résultat des autorisations données par les pouvoirs publics. La surdensité relève de la responsabilité de l’Etat. » Et d’ajouter : « Dans ces zones, la surdensité pourrait être ramenée à une densité normale. » Ces zones de surdensité se situent notamment dans certains quartiers de métropoles comme Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille, selon Gilles Bonnefond. « Il faut toutefois faire attention à la notion de densité, prévient le président de l’USPO. La densité par rapport à la population est la plus forte en Corrèze et dans la Creuse. Or, dans ces départements, le maintien des officines est essentiel. »

Une implacable logique comptable

Pour autant, les deux présidents se gardent bien d’indiquer le nombre d’officines excédentaires ni même une estimation. « Je n’en ai aucune idée », lance Gilles Bonnefond. « Plus de 1 000 officines ont déjà fermé, ce n’est pas négligeable », fait remarquer Philippe Gaertner.

Seul Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF, se prête à l’exercice : « Il faut savoir qu’environ 20 % du réseau est aidé par les grossistes-répartiteurs. Le chiffre de 4 000 officines en trop me paraît raisonnable. Donner un chiffre plus précis serait risqué. » Certains justement s’y risquent. En appliquant stricto sensu la règle des quotas actuellement en vigueur, Anne Lefebvre, pharmacien consultant, spécialisée dans les regroupements et transferts d’officines, aboutit à 3 926 officines. En effet, les quotas de pharmacies sont calculés sur la population municipale, soit à ce jour 65 907 160 habitants (métropole + DOM, population légale au 1er janvier 2017) répartis en 35 416 communes, dont 8 143 disposent d’au moins une pharmacie. La législation concernant les ouvertures de pharmacie stipule que la « première » officine d’une commune approvisionne en médicaments 3 500 habitants en Alsace et en Guyane et 2 500 habitants dans le reste de la France.

Les 8 143 premières officines sont réparties pour 235 en Alsace, 23 en Guyane, et 7 885 sur le reste du territoire. Elles approvisionnent donc : [(235 + 23) x 3500] + (7 885 x 2 500) = 20 615 500 habitants. Il reste donc une population de 65 907 160 - 20 615 500 = 45 291 660 habitants. Selon le quorum en vigueur, cette population peut prétendre à une pharmacie par tranche de 4 500 habitants, soit : 45 291 660 / 4 500 = 10 065 pharmacies. La France (métropolitaine + DOM) comptant à ce jour 21 876 officines, il y aurait donc : 21 876 – (8 143 + 10 065) = 3 926 pharmacies en surnombre.

« 4000 pharmacies à faire disparaître à terme, mais guère plus », c’est également l’analyse partagée par Olivier Desplats, expert-comptable et président de CGP. « Les fermetures vont s’accélérer dans les dix prochaines années », affirme-t-il, rappelant qu’en métropole, 1 167 officines ont fermé en douze ans, soit 97 en moyenne par an. « Aujourd’hui, 30,9 % des titulaires ont plus de 55 ans, beaucoup d’officines vont se retrouver en même temps sur le marché des cessions mais toutes ne trouveront pas preneurs, en particulier les petites officines du cœur des villes. Elles seront donc obligées de restituer leur licence à l’ARS, sauf si elles parviennent à se faire racheter leur clientèle. »

Dans cette logique strictement comptable, le réseau tomberait à 18 000 officines, mais à quelle échéance ? Les Echos Etudes a dressé les perspectives d’évolution du nombre d’officines en France selon plusieurs hypothèses de décroissance. Si le rythme observé depuis 2006 - de 0,5 % par an - est inchangé, le nombre de pharmacies resterait supérieur à 20 000 en 2025. A l’inverse, une baisse de 2 à 3 % par an ferait chuter ce chiffre sous les 17 000. Selon les Echos Etudes, l’hypothèse la plus probable est à mi-chemin. Une baisse de 1 à 2 % par an permettrait ainsi au réseau d’approcher les 18 500 officines à l’horizon 2025.

Les outils financiers aux abonnés absents

Mais comment réduire le nombre d’officines sans casse ? « La solution est d’abord politique, estime Jean-Luc Fournival. Ne pas assumer des réformes nécessaires pour avoir un maillage correct conduira finalement à la détérioration du réseau. » Si l’ordonnance sur le maillage officinal est bien dans les tuyaux, elle ne résoudra pas tous les problèmes, même si elle vise à faciliter les transferts et les regroupements. « La réorganisation du réseau est en panne faute d’outils fiscaux pour favoriser les regroupements et les fermetures d’officines », juge Gilles Bonnefond. « Cela fait cinq ans que nous attendons une boîte à outils d’évolution du réseau et, malgré nos relances, nous n’avons toujours pas de réponse des ministères », ajoute Phillipe Gaertner.

UN RÉSEAU SOUS-EXPLOITÉ SELON FEDERGY

Alors que la profession s’accorde à dire qu’il y a trop d’officines, Christian Grenier, président de Federgy, la chambre syndicale des groupements est catégorique : « Le réseau est adapté pile-poil à l’avenir qui se prépare avec le numérique. En fait, il est sous-exploité. C’est ce que nous a d’ailleurs dit l’Elysée où nous avons été reçus le 12 septembre. Même si les outils numériques vont permettre de faire de la coordination à distance avec le DMP par exemple, la notion de proximité est essentielle pour les services, le MAD et l’HAD, à condition de livrer et d’aller au domicile. Il faut laisser les pharmaciens réorganiser le réseau. Transferts, regroupements, tous les divs sont là, même s’il faut deux ou trois ajustements en matière de fiscalité pour le rachat d’une licence. »

À RETENIR


•  La Cour des comptes estime que 10 435 officines sont en surnombre en France métropolitaine.

•  La profession ne conteste pas l’existence de zones de surdensité, fruit des autorisations délivrées par les pouvoirs publics. D’ailleurs, plus de 1 000 officines ont déjà fermé.

•  Le réseau approcherait les 18 500 pharmacies à l’horizon 2025.

REPÈRES 

LE SCÉNARIO DE BASE D’UN REGROUPEMENT

Par Anne-Charlotte Navarro - Infographie : Franck L'Hermitte

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