Cahiers Formation du Moniteur
Ordonnance
UN PASSAGE DE SUBUTEX À SUBOXONE
RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE
POUR QUI ?
Laurent T., 23 ans.PAR QUEL MÉDECIN ?
Le psychiatre spécialisé en addictologie, qui suit M. T. dans un CSAPA.L’ORDONNANCE EST-ELLE CONFORME À LA RÉGLEMENTATION ?
Oui. La buprénorphine, assimilée stupéfiant, doit être prescrite sur une ordonnance sécurisée, ce qui est bien le cas ici. La durée maximale de prescription de la buprénorphine est de 28 jours. La délivrance est soumise à un fractionnement à 7 jours. La dernière prescription de Laurent T., pour une durée de 7 jours, date du 23 septembre et a été délivrée le jour même. Il n’y a donc pas de chevauchement. L’ordonnance peut donc être délivrée, et sa copie doit être conservée 3 ans par le pharmacien.
QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?
QUE SAVEZ-VOUS DU PATIENT ?
Laurent est connu de l’officine depuis son enfance car ses parents sont des patients habituels. Sans emploi, il habite une chambre de bonne au-dessus de chez ses parents. Ces derniers se confient régulièrement à la pharmacie et ne cachent pas leur angoisse quant à la situation de leur fils.QUEL ÉTAIT LE MOTIF DE LA CONSULTATION ?
Depuis 3 mois, Laurent voit son médecin tous les sept jours pour une nouvelle prescription. Ses parents, inquiets, l’ont accompagné aujourd’hui et ont évoqué avec le médecin leur soupçon de détournement du traitement. En effet, c’était déjà arrivé auparavant et ils retrouvent en ce moment chez Laurent le même comportement excité et agressif. Au cours de la consultation, Laurent a reconnu « sniffer » Subutex. Il évoque aussi des difficultés à s’endormir le soir.QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?
Le médecin a décidé de remplacer la buprénorphine seule par une association à la naloxone. Il a expliqué à Laurent que l’association de la naloxone à la buprénorphine l’aiderait dans la réussite de son traitement en limitant les risques de « dérives ». Et l’a prévenu que s’il sniffait son nouveau traitement, il risquait d’avoir des signes de manque : agitation, vomissements, diarrhées, fortes douleurs gastriques et intestinales, grosses suées, douleurs musculaires…VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE PATIENT ?
Laurent T. a des prescriptions hebdomadaires de buprénorphine : après une augmentation croissante de la posologie, cela fait maintenant quelques semaines que son dosage est stabilisé à 16 mg par jour.LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?
QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?
La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs opioïdes cérébraux μ, permettant d’éviter un état de manque d’héroïne. Son association à la naloxone vise à dissuader le patient de mésusage.EST-ELLE CONFORME À LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE DE RÉFÉRENCE ?
La buprénorphine est, avec la méthadone, l’un des deux traitements de substitution aux opiacés. La buprénorphine est généralement prescrite en première intention, l’association buprénorphine/naloxone et la méthadone étant généralement prescrites en cas de mésusage de la buprénorphine seule.Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?
Non.Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS ?
Non. Laurent T. ne souffre pas d’insuffisance hépatique ou respiratoire sévères qui contre-indiqueraient la prise de buprénorphine/naloxone.LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?
Oui. Le dosage de buprénorphine dans l’association buprénorphine/naloxone est le même que celui de la buprénorphine seule, prise jusqu’alors, soit 16 mg/j. En entretien (ou phase de maintenance), la dose maximale recommandée par l’AMM est de 16 mg/j, mais peut être supérieure en pratique.Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?
L’association entre la buprénorphine et la cyamémazine doit prendre en compte le risque d’addition des effets indésirables contribuant à une altération de la vigilance.LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE PARTICULIÈRE ?
Non, Suboxone ne fait pas partie des médicaments à surveillance particulière.QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?
UTILISATION DES MÉDICAMENTS
Les deux comprimés de buprénorphine/naloxone doivent être pris en une seule prise (le matin par exemple ), par voie sublinguale, en laissant fondre les comprimés sous la langue jusqu’à dissolution complète (5 à 10 minutes). Attendre la dissolution complète avant toute consommation d’aliment ou de boisson. Il doit être rappelé à Laurent T. que la voie sublinguale est la seule voie d’administration efficace et bien tolérée.QUAND COMMENCER LE TRAITEMENT ?
Le soir même pour la cyamémazine et le lendemain matin pour l’association buprénorphine/naloxone.QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?
En cas d’oubli d’une prise, les 2 comprimés de buprénorphine/ naloxone doivent être pris le plus rapidement possible pour éviter un syndrome de manque.LE PATIENT POURRA-T-IL JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?
La prise de buprénorphine doit permettre d’éviter les signes de manque.QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sous buprénorphine/naloxone sont les troubles digestifs (constipation, nausées…), la somnolence, la fatigue, les vertiges et les étourdissements au lever liés à une hypotension orthostatique.QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?
La constipation peut être gérée à l’officine grâce à des conseils hygiéno-diététiques (hydratation suffisante, consommation de fibres, pratique d’une activité physique régulière…) et, si besoin, des laxatifs osmotiques.QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?
Les signes évoquant une dépression respiratoire, (sensation de somnolence, problèmes de coordination, vision trouble, troubles de l’élocution et/ou une respiration plus lente), imposent une consultation en urgence.CONSEILS COMPLÉMENTAIRES
Insister sur l’importance de l’observance et du respect de la prescription. En cas de rupture thérapeutique de plusieurs jours, le traitement ne doit pas être repris à la même dose, au risque d’un surdosage qui peut être mortel.
qu’en pensez-vous ?
Le nom de la pharmacie doit-il être obligatoirement apposé sur une ordonnance de buprénorphine ?
a) Oui.
b) Non.
Réponse : depuis l’arrêté du 1er avril 2008, le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance le nom de la pharmacie choisie par le patient pour la délivrance. Il est recommandé au prescripteur de contacter le pharmacien pour l’en informer et organiser la prise en charge du patient. Il fallait choisir la réponse a.
qu’en pensez-vous ?
A compter de la date de rédaction d’une ordonnance de buprénorphine, de combien de temps dispose le patient pour venir chercher son traitement ?
a) 3 jours
b) 3 mois
Réponse : la buprénorphine est un médicament de liste I, assimilé stupéfiant. Depuis le 20 mars 2012, le délai de carence de 3 jours ne s’applique plus aux assimilés stupéfiants. Ainsi, le délai de présentation de l’ordonnance de buprénorphine est de 3 mois et il n’y a plus à déconditionner les spécialités à base de buprénorphine. Il fallait choisir la réponse b.
DÉPENDANCE À L’HÉROÏNE EN 3 QUESTIONS
1 QU’EST-CE QUE L’HÉROÏNE ?
L’héroïne, ou diacétylmorphine, est obtenue à partir de la morphine, elle-même extraite de l’opium, un latex produit par le Pavot somnifère (Papaver somniferum).2 QUELLE TRAJECTOIRE MÈNE À LA DÉPENDANCE ?
L’initiation à l’héroïne a généralement lieu en fin d’adolescence, ou plus rarement vers la trentaine, sous l’influence d’événements de vie stressants (deuil ou séparation, chômage…).3 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS LIÉES À LA CONSOMMATION ?
COMPLICATIONS ASSOCIÉES À LA VOIE INJECTABLE
La fréquence des contaminations par le VIH, le VHB et le VHC justifie la politique de réduction des risques développée depuis près de vingt ans, et dont l’une des dernières étapes est celle de l’ouverture de « salles de consommation ».COMPLICATIONS SOMATIQUES
Troubles digestifs : nausées et vomissements disparaissant avec l’accoutumance, constipation, coliques hépatiques.COMPLICATIONS PSYCHIATRIQUES
Les troubles de l’humeur et anxieux dominent : près d’un héroïnomane sur trois a fait au moins une tentative de suicide.INTOXICATION AIGUË
L’intoxication aiguë (« overdose ») constitue un risque majeur, associé avant tout à l’injection mais décrite aussi après inhalation d’héroïne, avec des signes de gravité variables. Les signes surviennent souvent dans les minutes ou la demi-heure suivant l’injection : cyanose, hypothermie, bradypnée, voire apnée, myosis, bradycardie avec hypotension, coma aréflexique, parfois décès par arrêt cardiaque. Cette urgence médicale impose de dégager les voies respiratoires, de placer le sujet en position latérale de sécurité et d’appeler le SAMU.
en chiffres
Les opioïdes sont les drogues les plus fréquemment impliquées dans les décès par surdose.
Entre 150 000 et 180 000 usagers réguliers d’héroïne en France.
En 2014, 1 % des jeunes âgés de 17 ans ont expérimenté l’héroïne.
La dose active utilisée peut excéder 1 g/j chez un consommateur fortement dépendant.
Environ 97 000 patients traités par buprénorphine, 53 000 par méthadone et 7 000 par l’association buprénorphine/ suboxone.
En 2016, 1 tonne d'héroïne a été saisie par les autorités françaises.
Les mécanismes de la dépendance
La dépendance traduit l’adaptation des récepteurs µ à un apport régulier exogène d’opioïdes. Elle peut s’installer en quelques semaines (voire en quelques injections seulement).
→Chez un sujet non opiodépendant, les neurones GABAergiques exercent une action inhibitrice dominante sur les neurones dopaminergiques du circuit de récompense mésolimbique. (1)
Au début de son usage, l’héroïne en se fixant sur les récepteurs aux opioïdes inhibe l’action des neurones GABAergiques. L’hypertonie dopaminergique qui en résulte induit alors une sensation de bien-être et de plaisir intense expliquant le besoin de réitérer la pratique : « effet récompense » (2)
Chez le sujet opiodépendant, le nombre d’opiorécepteurs exprimés sur les neurones GABAergiques s’accroît, tandis que la production endogène d’endorphines est inhibée par rétro-contrôle négatif. L’inhibition dopaminergique augmente donc, et la sensation de plaisir consécutive à l’administration diminue fortement puis disparaît. Le sujet doit augmenter les doses et/ou rapprocher les administrations pour espérer retrouver les sensations gratifiantes initiales. Lorsqu’il est en « manque » de drogue, il ne bénéficie plus de l’action stabilisante des endorphines sur les neurones GABAergiques (qui exercent dès lors une inhibition exacerbée sur le circuit dopaminergique) et ressent un malaise somatique et psychique le contraignant à reconsommer aussi rapidement que possible. (3)
Dépendance aux opioïdes médicamenteux
L’OFDT rapporte un accroissement du détournement des médicaments codéinés, des opioïdes forts (fentanyl, oxycodone...) ou faibles (tramadol) par des sujets a priori non usagers d’héroïne ou d’autres drogues. Il s’agit surtout de sujets devenus dépendants à la suite d’un traitement antalgique mené à des doses thérapeutiques, pour des pathologies douloureuses chroniques ou encore à la suite d’une intervention chirurgicale. Sont souvent concernées les femmes de 30 à 70 ans, qui diversifient les pharmacies fréquentées et/ou ont recours à une polyprescription.
Il s’agit aussi d’adolescents qui utilisent à des fins récréatives les médicaments codéinés, associés à des antihistaminiques et intégrés à des sodas dans le « purple drank », banalement décrit sur internet.
Des surdoses mortelles sont signalées par les CEIPet ont conduit à lister les spécialités codéïnées en juillet 2017.
COMMENT TRAITER LA DÉPENDANCE AUX OPIACÉS ?
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
OBJECTIFS
La prise en charge a des buts multiples : réduire la morbidité et la mortalité liées à la toxicomanie, faciliter la resocialisation et la réinsertion familiale et professionnelle, prévenir ou réduire la délinquance liée à la consommation illicite.SEVRAGE DIRECT
Le sevrage direct, réalisé en structure hospitalière spécialisée, ne peut être proposé qu’à un patient motivé, dont l’usage de la drogue reste récent et qui bénéficie de liens sociaux forts.SUBSTITUTION OPIACÉE
EVALUATION
La phase d’évaluation fonde le diagnostic de dépendance (avec recherche urinaire d’opioïdes) et en évalue le degré (modalités d’usage de la drogue, ancienneté de la pratique, recherche d’une polytoxicomanie). Elle consiste à réaliser un bilan clinique, psychiatrique, biologique et sérologique, à évaluer le condiv social et à apprécier la motivation du patient.INDUCTION
La phase d’induction de la substitution permet d’équilibrer, en 1 à 2 semaines, la dose de médicament, afin que le patient ne ressente pas d’effet de manque et ne manifeste plus d’appétence (craving) pour l’héroïne.MAINTENANCE
Le traitement est poursuivi tant que nécessaire, parfois indéfiniment, seul un traitement prolongé (souvent sur plusieurs années) permettant un arrêt durable de la consommation d’opiacés et une réadaptation psychosociale.ARRÊT
Un sevrage progressif du médicament substitutif est réalisé, lorsque le patient l’estime possible, après un arrêt durable (> 1 an) de la consommation, sous couvert d’une évolution psychologique favorable. Il faut alors anticiper deux risques : celui d’une intoxication aiguë en cas de reprise de méthadone à forte dose ou d’héroïne, et celui du transfert à une autre addiction (alcool, benzodiazépines…). L’arrêt du traitement n’est donc pas synonyme d’arrêt de l’accompagnement.GROSSESSE ET SEVRAGE
Compte tenu du bénéfice maternel et fœtal, l'utilisation d’un médicament de substitution est possible au cours de la grossesse, quel qu'en soit le terme : des doses plus importantes sont parfois requises.TRAITEMENTS
BUPRÉNORPHINE
Agoniste partiel des récepteurs opiacés µ et antagoniste des récepteurs opiacés κ, la buprénorphine n’a pas le profil pharmacologique de l’héroïne ou de la méthadone : elle n’a pas d’effet renforçant positif et expose moins à dépendance.ASSOCIATION BUPRÉNORPHINE/NALOXONE
Cette association (Suboxone) s’utilise comme la buprénorphine. La naloxone prévient l’éventuel détournement du médicament : elle n’est pas absorbée par voie orale ni sublinguale, mais agit par voie injectable ou nasale et n’inhibe donc la buprénorphine qu’en cas de détournement de voie d’administration. Elle induit alors un syndrome de sevrage aigu dissuasif.NOUVEAUTÉ
Bénéficiant depuis 2015 d’une ATU, le kit intranasal Nalscue a obtenu une AMM le 28 juillet dernier. Il s’agit d’une solution de naloxone (0,9mg/0,1 mL) indiquée pour traiter les overdoses d’opioïdes et prévenir les décès dans l’attente des secours.
législation
Prescription
Buprénorphine :
- liste I, sur ordonnance sécurisée
- prescription pour 28 jours au maximum
Méthadone :
- stupéfiant
- prescription initiale réservée aux médecins de CSAPA ou hospitalier (sirop unidoses et gélules), ou exerçant en milieu pénitentiaire (sirop)
- renouvellement non restreint
- prescription pour 14 jours au maximum pour le sirop et 28 jours pour les gélules
Délivrance
Le nom de la pharmacie choisie par le patient doit être mentionné sur l’ordonnance.
Buprénorphine : fractionnement à 7 jours sauf mention expresse du prescripteur « délivrance en une seule fois »
Méthadone :
- délai de présentation de l’ordonnance : 3 jours
- fractionnement à 7 jours (possibilité toutefois pour le prescripteur de préciser sur l'ordonnance la durée de chaque fraction, ou que la dispensation doit être quotidienne, ou d’exclure le fractionnement par la mention « délivrance en une seule fois » - gélules : lors du 1er renouvellement de prescription par le médecin traitant, l’ordonnance de délégation du primoprescripteur doit être présentée au pharmacien
vigilance !
Les principales contre-indications aux médicaments de substitution aux opiacés sont les suivantes :
Buprénorphine (y compris associée à la naloxone)
– Âge < 15 ans
– Insuffisance respiratoire sévère
– Insuffisance hépatique sévère
– Intoxication alcoolique aiguë ou delirium tremens
Méthadone
– Âge < 15 ans
– Insuffisance respiratoire sévère
CE QUI A CHANGÉ
Apparus
– Suboxone (association BHD + naloxone ) en 2012
- Une nouvelle formulation de génériques de BHD, dépourvue de talc et de silice, a réduit l’iatrogénie locale liée à l’injection IV des comprimés (2014).
Disparus
Nalorex (naltrexone indiquée chez le patient opiodépendant) depuis 2012. La naltrexone demeure indiquée chez le patient alcoolodépendant (Révia et génériques).
Pointdevue
Nicolas Bonnet, pharmacien de santé publique, directeur du Respadd (réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions).
« Médecins et pharmaciens doivent travailler de concert »
En France, qu’en est-il de la dépendance aux opiacés médicamenteux ?
La dépendance iatrogène aux opiacés est mal estimée. C’est une des raisons pour lesquelles vient d’être créé l’Observatoire français des médicaments antalgiques, rattaché à l’unité Inserm 1107 pour mieux la chiffrer. L’ actuelle « épidémie » de mésusage nord-américaine, due principalement à une sur-prescription, doit nous amener à redoubler de vigilance. Les patients conscients de leur dépendance pratiquent le nomadisme médical. Prescripteurs et pharmaciens doivent travailler de concert et informer sur les risques de dépendance, alerter sur les prémices d’une appétence (envie de reprendre le médicament même sans en avoir besoin, sentiment de frustration en l’absence de prise). Chez les adolescents, il y a de très rares cas de dépendance iatrogène installée, mais surtout des expérimentations récréatives. Lister les opiacés est une mesure nécessaire pour diminuer la consommation chez les mineurs.
A l’officine, comment prévenir le détournement d’usage de BHD ?
En circuit officinal, le mésusage par voie intraveineuse concerne une minorité de patients et s’observe surtout en cas de sous-dosage de buprénorphine (BHD) pour en potentialiser les effets. Lors de la 1re délivrance, le pharmacien doit informer sur les risques liés à l’injection : abcès, syndrome de Popeye (œdèmes chroniques des extrémités) et complications infectieuses gravissimes. Il faut aussi apprendre au patient à reconnaître les signes de sous-dosage (insomnie, rhinorrhée, douleurs lombaires) qui doivent amener à consulter en vue d’une réévaluation de posologie. L’injection compulsive ne concerne essentiellement que des usagers se procurant la BHD en achat de rue.
BERNARD ET FRANÇOISE, PARENTS DE CLÉMENT, 26 ANS
L’ABSTINENCE VUE PAR LES PATIENTS
DIFFICULTÉS LIÉES AU SEVRAGE
Si l’abstinence ne peut qu’avoir des effets positifs, c’est une période très difficile à vivre avec des rechutes fréquentes mais souvent nécessaires. Il est important de couper les liens avec les personnes néfastes.BÉNÉFICE SUR LA SANTÉ
L’arrêt de la consommation d’héroïne limite immédiatement les risques liés au partage et à la réutilisation du matériel d’injection, ceux liés à une intoxication aiguë (dépression respiratoire, relâchement des muscles, troubles de la conscience pouvant entraîner un coma, voire la mort) ainsi que ceux liés à une conduite à risque (accident de la route, infection sexuellement transmissible, grossesse non désirée…).BÉNÉFICE SUR LA VIE QUOTIDIENNE
L’abstinence permet de retrouver une vie sociale, des centres d’intérêt, des activités quotidiennes (sport, loisirs, lecture…). Le quotidien n’est plus guidé par la recherche à tout prix de drogue, devenue une véritable obsession, les états de manque étant à l’origine de douleurs physiques et d’angoisse.À DIRE AUX PATIENTS
Le patient doit avoir conscience qu’il est malade et qu’il doit se soigner : la motivation est indispensable mais ne suffit pas. Il doit être idéalement orienté vers un CSAPA, qui permet une prise en charge globale, avec un accompagnement médicamenteux, psychologique et social.A PROPOS DU SEVRAGE DIRECT
Le syndrome de sevrage est traité de façon symptomatique (antalgiques non opiacés, antispasmodiques, antinauséeux, antidiarrhéiques, neuroleptiques sédatifs et/ou anxiolytiques). Il peut être réalisé en ambulatoire ou au cours d’une hospitalisation.A PROPOS DU TRAITEMENT SUBSTITUTIF (TSO)
INDUCTION
A l’initiation du TSO, il est recommandé de se rendre tous les jours en centre d’accueil pour une délivrance quotidienne de son traitement.MAINTENANCE
Une fois la dose d’entretien stabilisée, le patient peut être dirigé en ville avec un suivi au moins hebdomadaire ou rester en centre d’accueil.ARRÊT DU TRAITEMENT
Le traitement dure souvent plusieurs années. Un arrêt peut toutefois être envisagé à la demande du patient après au moins un an d’abstinence. L’arrêt doit être très progressif et ne doit surtout pas être précipité. Le traitement peut parfois être poursuivi à vie.MÉSUSAGE
En cas de mésusage, le traitement substitutif expose à des risques de complications septiques (abcès, nécroses, infections fongiques et virales…) et à un risque de dépression respiratoire mortelle et d’hépatites aiguës. Le mésusage par voie inhalée expose lui aussi à un risque de dépression respiratoire. L’usage détourné se manifeste par une instabilité psychique (agressivité, agitation…). Le médecin pourra dans ce cas prescrire de la buprénorphine associée à de la naloxone qui supprime l’effet positif de l’injection de l’opiacé. Il pourra également être nécessaire de (re)passer à une dispensation quotidienne, voire à la méthadone.EFFETS INDÉSIRABLES
La constipation peut être prise en charge par des conseils hygiéno-diététiques et éventuellement par un laxatif osmotique.STOCKAGE ET ÉLIMINATION
La méthadone et la buprénorphine doivent être conservées en lieu sûr afin d’éviter la prise par une tierce personne. La dose de méthadone létale pour les enfants et les personnes naïves est d’environ 1 mg/kg.
question de patient Le médecin m’a prescrit Subutex alors que je ne me suis jamais injecté de drogue. Certes je prends un peu trop de Klipal, mais bon…
« On observe une augmentation croissante de la dépendance aux opiacés médicamenteux, et même si vous ne vous injectez pas ou ne sniffez pas vos médicaments, une prise en charge est indispensable. La buprénorphine (Subutex) est efficace dans la dépendance aux opiacés, quelle que soit sa forme. »
question de patient Mon fils doit faire une prise de sang. Puis-je en profiter pour demander à ce qu’on vérifie qu’il ne consomme pas de drogues ?
« Non, il faut que le médecin le prescrive. Vous pouvez le demander à votre médecin si votre fils est mineur, mais il est préférable d’ouvrir le dialogue avec lui. »
EN SAVOIR PLUS
addictaide.fr ce site donne des informations sur les addictions, et répertorie sur tout le territoire français les structures à contacter pour une prise en charge adaptée.
respadd.org sur le site du réseau de prévention des addictions, on trouve le guide de l’addictologie en pharmacie d’officine abordant entre autres la dispensation et le suivi des traitements de substitution.
MÉMO-DÉLIVRANCE
L’ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?
Buprénorphine et méthadone doivent être prescrites sur une ordonnance sécurisée. Le nom de la pharmacie doit figurer sur l’ordonnance.
Y-A-T-IL DES INTERACTIONS ?
L’association buprénorphine/méthadone est contre-indiquée.LE PATIENT SAIT-IL COMMENT PRENDRE LE TRAITEMENT ?
Buprénorphine (éventuellement associée à la naloxone) : seule la voie sublinguale est efficace (évitant l’effet de 1er passage hépatique) et bien tolérée. Laisser les comprimés sous la langue jusqu’à dissolution complète.CONNAÎT-IL LES RISQUES LIÉS AU MÉSUSAGE ?
Le détournement de la voie d’administration par voie inhalée ou injectable expose au risque de détresse respiratoire, d’intoxication aiguë et d’abcès nécrotiques au point d’injection.SAIT-IL GÉRER LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?
Ne pas consommer d’alcool en raison du risque de somnolence.Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?
1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.
Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !