La ruralité en réalité - Le Moniteur des Pharmacies n° 3191 du 23/09/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3191 du 23/09/2017
 
COURRIER

Vous avez la parole

Auteur(s) :

PATRICK LECOCQ, TITULAIRE À ALLIGNY-EN-MORVAN (NIÈVRE)

Il y a quatre ans, je suis venu m’installer à Alligny-en-Morvan, une petite commune de 600 habitants, dans la Nièvre, côté Côte-d’Or. Je quittais la région parisienne où j’étais titulaire. J’avais la possibilité d’être soit salarié en tant que gérant actionnaire d’une pharmacie, dans l’Oise, ou titulaire en reprenant une officine. J’ai préféré rester mon propre patron et j’ai trouvé cette petite pharmacie rurale dont la titulaire prenait sa retraite et n’avait pas de successeur. J’étais très motivé par cette reprise, dans un village où je suis l’unique professionnel de santé. Les instances elles-mêmes ont été hyper réactives.

La condition était que la pharmacie ne ferme pas un seul jour. Tout a été fait à temps et elle n’a pas fermé. Son prix de vente était très bas, c’est aussi ce qui m’a fait venir ici. Mais peu de temps après ce rachat, j’ai eu un redressement fiscal. Les services de l’Etat ont fait la moyenne des quelques pharmacies vendues au même moment à Beaune et dans ma région, et ont estimé que le prix de la mienne était beaucoup trop faible. J’ai dû m’acquitter de 26 000 € de taxes supplémentaires, alors qu’en l’achetant, je la sauvais et préservais un accès aux soins, dans ce village et ses alentours.

J’ai développé le conseil, je fais de la prévention, je livre des patients à domicile, en dehors des heures d’ouverture. Avec l’accord du médecin, j’avance parfois des médicaments, je rends service. Cela me permet de fidéliser mes clients. Le cabinet médical le plus proche, dans le département, deux médecins y exercent et il y a une petite officine. A 12 km, dans le département voisin, il y a deux grosses officines.

Si je me maintiens, c’est parce que je travaille seul et que je prends peu de congés. Je pensais exercer plus facilement à la campagne. Mais il n’y a pas plus de solidarité ici, pas d’échange avec les confrères. Il arrive même qu’un voisin, plus gros, veuille détourner mes clients. Nous ne sommes pas toujours bien défendus par la profession. Alors que je substitue à plus de 99 %, par exemple, ma prime générique est « malusée » parce que je respecte la part de non substituable que le médecin lui-même indique sur l’ordonnance. Depuis que je me suis installé en 1987, je n’ai cessé de voir ma marge baisser. Et on continue de dérembourser, avec le risque de pratiquer bientôt une politique de santé à deux vitesses.

Je ne regrette pas mon choix rural. J’ai ici une qualité de vie exceptionnelle, et une patientèle attachante. Mais je ne suis pas optimiste pour le métier. Je suis à cinq ans de la retraite, aucun médecin ne veut venir ici, et je ne sais pas si je trouverai un acheteur. Les études de pharmacie sont gratuites. Les étudiants ne pourraient-ils pas rendre quelques années à la société en s’installant dans de tels lieux, comme on devrait le faire aussi avec ceux en médecine ? Une solution que le gouvernement pourrait financer, avec une aide à l’installation et une rémunération fixe tous les mois, comme cela se fait pour les médecins.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !