A la faveur des tour-opérateurs - Le Moniteur des Pharmacies n° 3189 du 09/09/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3189 du 09/09/2017
 
REPORTAGE

Temps Forts

Enquête

Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD 

Certaines pharmacies sont devenues des passages obligés pour une clientèle de touristes étrangers, principalement asiatiques. Au-delà du pouvoir d’attraction qu’elles exercent sur ces derniers, elles doivent veiller à ne pas mécontenter leur clientèle locale et à ne pas se laisser aller à certaines tentations ou dérives. Reportage à Paris.

Située au carrefour de la rue de la Convention et de la rue Saint-Charles dans le 15e arrondissement parisien, la pharmacie Pharmavance Convention se trouve également sur le circuit des touristes coréens qui séjournent à Paris. Ses 70 m² de surface de vente sont vite bondés quand un car de touristes vient faire escale dans sa rue. Pour autant, elle ne cherche pas à cultiver sa notoriété internationale et s’attache même à rester une pharmacie de quartier tournée vers sa clientèle française. « Je n’ai pas cherché à embaucher une conseillère en para, parlant coréen, explique Stéphanie Pinon-Hebert, la titulaire. De toute façon, cela n’aurait servi à rien, car ces touristes asiatiques communiquent essentiellement au travers de leur smartphone en nous montrant les photos des produits qu’ils désirent acheter. De plus, ils ne recherchent pas le conseil mais souhaitent une délivrance et un encaissement rapides de leurs achats. »

Une caisse express pour les ventes de parapharmacie et la détaxe a donc suffi. En revanche, le plus important des investissements financiers porte sur les stocks qui doivent être adaptés aux comportements d’achats et habitudes de consommation de ces touristes asiatiques. « Les coréennes appliquent en moyenne 4 à 5 produits par jour sur leur visage, se protègent avec des antisolaires d’indice 50 car elles ont une peur bleue des taches sur la peau et ont la phobie de la chute des cheveux dès l’âge de 18 ans, détaille la titulaire. De fait, les paniers se remplissent à vive allure des gammes Avène, Roche-Posay, Furterer, Nuxe, Darphin, Uriage… avec à chaque fois deux ou trois références de chaque marque. » Mais si, par malheur, les produits ne sont pas présents en quantité suffisante dans les linéaires, les ventes groupées de 5 ou 6 touristes avorteront. « Je suis donc obligée de passer commande tous les 2 à 3 jours, d’avoir des colonnes de linéaires avec 60 unités d’un même produit, ce qui suscite l’étonnement de la clientèle habituelle. »

La sanction du mauvais commentaire

Stéphanie Pinon-Hebert doit aussi veiller à ce que ses prix talonnent ceux de la pharmacie Monge, la référence sur internet, recommandée par des blogs coréens. Au moindre faux pas sur les stocks disponibles ou sur les prix, le bouche-à-oreille numérique est sans pitié : la pharmacie sera mal notée sur les sites de tourisme.

Autre point de vigilance, la pharmacie doit gérer habilement sa double casquette touristique et traditionnelle. Un travail subtil qui consiste à ménager la chèvre et le chou, pour ne pas mécontenter la clientèle du quartier, au risque qu’elle déserte la pharmacie. « Elle râle quand la pharmacie est envahie par les touristes et que la file d’attente s’allonge mais elle porte le même intérêt à nos offres commerciales. Car, quand les achats des touristes ont baissé suite aux attentats parisiens, ceux de la clientèle du quartier ont augmenté. »

Réalisant la moitié de son chiffre d’affaires en parapharmacie, Stéphanie Pinon-Hebert fait en sorte que le « CA coréen » reste une activité minoritaire pour la pharmacie, autour de 20 %. Une manière aussi pour cette titulaire de réfléchir à d’autres leviers pour développer son entreprise. Mais la notoriété de cette officine auprès des touristes asiatiques n’est rien en comparaison de celles de la pharmacie Monge dans le 5e arrondissement de Paris ou de la pharmacie Citypharma de la rue du Four, à Saint-Germain-des-Prés qui sont devenues de telles institutions qu’elles figurent dans les guides touristiques et référencées par les tour-opérateurs comme des escales obligées. Ainsi, la pharmacie Monge accueille 3 000 clients chaque jour, dont un tiers de touristes asiatiques, principalement coréens, qui se faufilent dans les rayons étroits de cette officine. Tous viennent pour des prix, inférieurs en moyenne de 20 à 30 % à ceux du marché (et deux à trois fois moins chers que chez eux), la détaxe sur place, le choix, la qualité des produits (les contrefaçons pullulent en Chine) et de l’accueil qui leur est réservé.

Gare aux dérives déontologiques

Surfant sur leur attraction touristique, ces pharmacies gèrent également leurs propres actions de communication. Pas toujours dans le strict respect de la déontologie. A plusieurs reprises, le Conseil régional de l’ordre des pharmaciens d’Ile-de-France a dû intervenir, estimant que les procédés utilisés constituaient une sollicitation de clientèle. « Pour attirer le client, certaines d’entre elles offrent le stationnement de parking payant », relate le président ordinal francilien, Martial Fraysse. Et sur le médicament, toutes ne font pas forcément obstacle à la vente de quantités importantes. Et même si le futur code de déontologie est censé accorder plus de latitudes sur la publicité, les initiatives qui consistent à adresser des mails à des particuliers avec bandeau publicitaire ne sont pas à l’abri d’un dépôt de plainte de l’instance ordinale et d’une procédure disciplinaire. Stigmatisant sur les groupes Facebook d’officinaux les pratiques de pharmacies touristiques, Alexandre Bonnuit, titulaire à Rambouillet (Yvelines), manifeste régulièrement son indignation. « En plus de la publicité dans les guides touristiques, elles proposent des coupons de réduction. » Ce pharmacien s’inquiète également de cet engouement pour la « French pharmacie » et de la dérégulation du métier qu’il entraîne, au travers notamment des sollicitations à l’export. « Pendant un temps, les tentatives chinoises d’exportation parallèles via leur plateforme de transporteurs d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis étaient soutenues. De nombreuses pharmacies de Paris et sa banlieue ont été approchées pour des commandes par palettes que des camionnettes viennent récupérer à l’officine », rapporte-t-il. Certaines y ont répondu favorablement, agissant en toute impunité. « Ces pratiques illégales de distribution en gros sont du ressort des douanes, du procureur du pôle de santé de Paris et de l’agence régionale de santé Ile-de-France, explique Martial Fraysse. Face à ces dérives, des laboratoires ont mis le holà en instaurant des quotas. Même si elles ne sont pas au centre de ce phénomène, les pharmacies touristiques les plus importantes de la place parisienne sont peu loquaces lorsqu’elles sont interrogées sur le sujet. Discrétion et action, yin et yang de la réussite en la matière.

À RETENIR


•    Les touristes asiatiques sont en forte demande de produits ciblant notamment la protection solaire ou la chute des cheveux..

•    Certaines officines se mettent hors des clous de la déontologie en envoyant des mails publicitaires ou en pratiquant des exportations. Elles se heurtent à des dépôts de plainte de l’Ordre et les pratiques illégales de distribution sont du ressort des douanes et de l’ARS notamment.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !