Les nouvelles limites du droit du travail - Le Moniteur des Pharmacies n° 3185 du 08/07/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3185 du 08/07/2017
 
JURIDIQUE

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : Anne-Charlotte Navarro

Primauté de l’accord d’entreprise, plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement, toilettage des contrats de travail… La réforme du droit du travail va aussi concerner l’officine.

Présenté en Conseil des ministres le 28 juin, le projet de loi d’habilitation pour réformer le droit du travail sera définitivement adopté durant l’été pour une application dès la rentrée de septembre, a annoncé le Premier ministre lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale le 4 juillet. Comme toute entreprise, l’officine va être touchée, même de façon mineure, par plusieurs mesures envisagées dans ce div. Prenant part à la concertation, les représentants des salariés et des employeurs de la pharmacie défendent leur position face à une évolution pas toujours adaptée au secteur.

L’accord d’entreprise primera sur la convention collective

Le projet de loi d’habilitation permet au gouvernement de prendre toute mesure visant à attribuer une place centrale à la négociation d’entreprise. L’officine pourra signer un accord d’entreprise avec les salariés pour adapter et déroger à la convention collective de la pharmacie d’officine. Que cet accord soit favorable ou non aux salariés, il primera sur la convention collective. Il reviendra aux partenaires sociaux de s’entendre sur les domaines concernés. Philippe Denry, président de la commission « Relations sociales » de la FSPF, admet que « s’il est nécessaire d’ouvrir le champ des possibles pour donner plus de flexibilité sur le temps de travail ou dans la conclusion de CDD, il faut garder à l’esprit que l’officine est souvent une TPE sans RH. C’est pourquoi, la négociation doit être maintenue au niveau de la branche ». De son côté, Daniel Burlet, secrétaire général de l’USPO et responsable des questions sociales dans ce syndicat ne cache pas sa réticence : « Si on laisse les entreprises et les salariés négocier individuellement, on risque d’avoir une cacophonie. » Toutefois, il admet qu’un accord d’entreprise « pourrait régir des situations très particulières qui n’auraient pas été prévues par la convention collective, comme l’organisation du travail de nuit pour les grosses pharmacies qui ont un site de vente en ligne ».

Refuser toute clause d’exception pour les TPE

Aujourd’hui, la convention collective s’applique indifféremment à l’ensemble des officines quels que soient leur taille, leur chiffre d’affaires et leur nombre de salariés. Demain, le projet de loi d’habilitation prévoit que les partenaires sociaux de la branche autorisent certaines entreprises, sous certains critères à définir, à ne pas appliquer certaines dispositions de la convention collective, pour tenir compte des contraintes particulières des TPE. A l’heure actuelle, il est trop tôt pour savoir quelles seraient les dispositions concernées. Mais d’ores et déjà, Olivier Clarhaut, représentant FO de la branche pharmacie indique que « la loi républicaine doit s’appliquer à chaque citoyen de façon identique. On ne peut imaginer un code du travail par région ou par ville. Pour la convention collective, il en va de même ». Selon lui, « les chambres patronales n’ont pas d’intérêt particulier à aller dans cette direction qui générerait un dumping social et une concurrence exacerbée entre officines ». Point de vue que partage Daniel Burlet.

Faciliter la conclusion d’un accord d’entreprise

Désormais, le titulaire qui souhaite conclure un accord d’entreprise doit faire appel aux organisations syndicales représentatives des salariés pour obtenir la nomination de négociateurs avec qui il rédigera l’accord. Ensuite, le div sera soumis au vote des salariés, avant d’être déposé à la DIRECCTE. Les partenaires sociaux représentant les employeurs sont d’accord pour dire que cette procédure, peu adaptée aux petites structures, doit être assouplie : « Le dialogue a lieu entre employeur et titulaire, l’entraide est souvent de mise. Il faut le formaliser de façon intelligente », déclare Philippe Denry. Michel Chassang, président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), et à l’heure actuelle négociateur du div pour l’ensemble des professionnels libéraux, propose « d’imaginer un modèle dans lequel le titulaire puisse imposer l’accord aux salariés. En cas d’opposition, on pourrait imaginer que les salariés puissent saisir la Commission paritaire régionale interprofessionnelle (CPRI) mise en place par la loi El Khomri. »

Plafonner les indemnités prud’homales selon la taille de l’entreprise

Annoncés pendant la campagne d’Emmanuel Macron, les dommages et intérêts accordés aux salariés dont le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse seront évalués en fonction d’une fourchette fixée par la loi, sauf en cas de harcèlement ou de discrimination. Il y aura donc un minimum et un maximum qui ne pourra pas être dépassé, même si le juge l’estime nécessaire. Actuellement, ce dernier est libre dans son évaluation. « Cette situation constitue une crainte pour les entreprises. A l’officine, des dommages et intérêts très importants peuvent déstabiliser la structure. Cette mesure permet de donner à l’employeur une visibilité intéressante, ce qui peut avoir un impact positif sur l’emploi », estime Philippe Denry. « Cette mesure va sécuriser le dirigeant qui connaîtra la valeur du risque  », ajoute Daniel Burlet. Une opinion que ne partage pas Olivier Clarhaut : « Le patronat va provisionner les sommes dues s’il viole la loi. FO refuse la mise en place de peines plancher et de plafonds pour les patrons. » Michel Chassang, plus mesuré sur cette disposition, considère que « la question de l’évaluation du montant ne doit pas être négligée. Précédemment, le Conseil constitutionnel a refusé que le barème prenne en compte la taille de l’entreprise. Ce que ne font pas actuellement les magistrats. Il ne faudrait pas que les seuils de la fourchette soient au-delà des décisions prononcées par les magistrats pour les TPE, qui n’ont pas les mêmes moyens financiers qu’une grande entreprise ».

Réformer les CDD

Le projet de loi d’habilitation prévoit la possibilité pour la branche d’adapter les motifs de recours, la durée, et les modalités de renouvellement des CDD. Il est justement prioritaire pour les syndicats patronaux d’adapter le CDD à la branche, notamment en élargissant les cas de recours et en facilitant le renouvellement.

RÉFORME EN COURS DE LA CONVENTION COLLECTIVE

Actuellement, les syndicats toilettent la convention collective pour la mettre en conformité avec le code du travail (les congés spéciaux, notamment). Un autre cycle de réunion aura lieu pour prendre en compte les dispositions de la loi El khomri et du présent projet. « La branche ne doit pas s’interdire de faire profiter les officines des nouveaux divs, car elles ont besoin de souplesse. Comme, par exemple, faire varier les plannings sur plusieurs semaines et pendant plusieurs mois comme l’autorise la loi travail El Khomri », confie Philippe Denry, président de la commission « Relations sociales » de la FSPF.

À RETENIR


•  Le projet de loi d’habilitation envisage de donner une place centrale à l’accord d’entreprise en fixant les domaines dans lesquels il pourra déroger ou non à la convention collective.

•  Les représentants des titulaires et des salariés estiment qu’il est nécessaire que les négociations sociales restent au niveau de la branche.

•  Ils sont aussi favorables au plafonnement des indemnités de licenciement en tenant compte de la taille de l’entreprise ou encore à la réforme des CDD.

REPÈRES 

COMMENT FONCTIONNE LE DROIT DU TRAVAIL ?

Par Anne-Charlotte Navarro - Infographie : Franck L'Hermitte

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