Le cancer du poumon - Le Moniteur des Pharmacies n° 3180 du 03/06/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3180 du 03/06/2017
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Auteur(s) : CAHIER COORDONNÉ PAR  NATHALIE BELIN  ET  ALEXANDRA BLANC , PHARMACIENNES, SOUS LA RESPONSABILITÉ DE  FLORENCE BONTEMPS , DIRECTRICE SCIENTIFIQUE  

ANALYSE D’ORDONNANCE 

MME V., 58 ANS, DÉBUTE UN TRAITEMENT PAR TARCEVA

Le cas : A la suite d’une toux persistante et d’un amaigrissement rapide en quelques mois, Mme V. a passé différents examens prescrits par son médecin généraliste (NFS, radiographie et scanner thoracique). Ces examens ont rapidement conduit à un bilan plus approfondi qui a révélé un cancer bronchique. Mme V. avait rendez-vous hier à l’hôpital avec l’oncologue pour l'initiation du traitement.

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE


POUR QUI ?

Mme V., 58 ans.


PAR QUEL MÉDECIN ?

Un médecin oncologue hospitalier.


L’ORDONNANCE EST-ELLE CONFORME À LA LÉGISLATION ?

Oui, l’erlotinib doit être prescrit sur une ordonnance hospitalière par un spécialiste en oncologie ou en hématologie.


QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?


QUE SAVEZ-VOUS DE LA PATIENTE ?

Mme V., sans emploi, a arrêté de fumer il y a une dizaine d’années, après avoir été une « petite fumeuse » (5 à 6 cigarettes par jour). Depuis plusieurs mois, son état de santé se détériore : une perte de poids, une fatigue et une toux associée à des crachats de sang, l’ont conduit à consulter son médecin généraliste.
Le scanner thoracique a révélé la présence d’une tumeur bronchique.
Après un bilan complet à l’hôpital, le diagnostic de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de stade IV (métastatique) a été posé.

QUE LUI A DIT LE MÉDECIN ?

Les analyses moléculaires ont montré la présence de certains récepteurs qui rendent la tumeur sensible à un traitement anticancéreux « ciblé », dirigé spécifiquement contre ces récepteurs. Le médecin a expliqué que des effets indésirables étaient fréquents avec ce traitement, mais que l’on pouvait les limiter avec des médicaments symptomatiques adaptés.


VÉRIFICATION DE L’HISTORIQUE PATIENT

Mme V. ne prend aucun traitement de fond particulier. L’historique révèle quelques délivrances ponctuelles de Gaviscon à la suite de « brûlures d’estomac » occasionnelles.


LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?


QUE COMPORTE LA PRESCRIPTION ?

L’erlotinib est un antinéoplasique de la famille des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ciblant l’EGFR (récepteur du facteur de croissance épidermique), notamment indiqué dans certains cancers bronchiques.
Les autres traitements ont pour but de limiter les effets indésirables de l’ITK. La doxycycline, antibiotique de la famille des tétracyclines, limite l’apparition de lésions acnéiformes et la cétirizine, anti-histaminique H1, le prurit. L’association glycérol-vaseline-paraffine (Dexeryl) vise à palier la sécheresse cutanée. Le lopéramide est un antidiarrhéique antisécrétoire et ralentisseur du transit. Le métoclopramide, neuroleptique antagoniste de la dopamine, est un antiémétique.


EST-ELLE CONFORME AUX RÉFÉRENTIELS ?

Oui. L’erlotinib est indiqué en traitement de première ligne des formes localement avancées ou métastatiques du CBNPC chez les patients présentant des mutations activatrices de l’EGFR.


Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE ?

Non.


Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS POUR LA PATIENTE ?

Non. Il n’y a pas de contre-indications particulières à l’emploi de l’erlotinib. Mme V. ne présente pas non plus de contre-indications aux autres traitements prescrits, en particulier pas de troubles du rythme qui déconseilleraient la prescription du métoclopramide.


LES POSOLOGIES SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Oui. Dans le cancer du poumon, l’erlotinib s’emploie à la dose de 150 mg par jour.
Les posologies des autres traitements sont correctes. Celles du lopéramide et du métoclopramide sont à adapter en fonction des symptômes digestifs. Concernant le métoclopramide, du fait d’effets indésirables neurologiques et cardiaques graves, il doit être prescrit sur une durée maximum de 5 jours à la posologie minimale efficace, sans dépasser 30 mg par jour. En pratique, il est fréquemment prescrit dans la prévention des vomissements aigus liés à certaines chimiothérapies faiblement émétisantes. Il est alors recommandé aux patients de ne le prendre que si nécessaire. Il faudra insister sur ce point.


Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

Non. Cependant l’erlotinib est un substrat du CYP 3A4 et à un degré moindre du CYP 1A2, d’où de nombreuses interactions médicamenteuses potentielles.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE BIOLOGIQUE PARTICULIÈRE ?

Oui. Un suivi des fonctions rénale et hépatique est mis en place. Par ailleurs, la tolérance clinique de l’erlotinib est évaluée régulièrement. Des effets indésirables importants (diarrhée ou mucite sévère par exemple) nécessitent une diminution de posologie, voire un arrêt du traitement.


QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?


CONCERNANT L’ERLOTINIB

Des conseils de prise et des recommandations sur les effets indésirables possibles du traitement sont à donner.

UTILISATION

Les comprimés doivent être avalés avec de l’eau exclusivement, à distance des repas. Après discussion, une prise en milieu de matinée semble le plus facile à gérer pour Mme V. Comme avec tous les anticancéreux, recommander de bien se laver les mains après chaque manipulation des comprimés.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

En cas d’oubli ou de vomissements, il est préférable de ne pas rattraper la dose. Signaler l’oubli au médecin. Ne surtout pas doubler la dose suivante.

LA PATIENTE POURRA-T-ELLE JUGER DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ?

Non. Un scanner sera réalisé tous les 3 mois afin de suivre l’évolution de la tumeur et des métastases. Le traitement est poursuivi tant qu’il est efficace et correctement toléré par le patient. En cas de progression tumoral, l’ITK doit être arrêté : selon le cas, une chimiothérapie conventionnelle, voire une autre thérapie ciblée sera alors envisagée.


QUELS SONT LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Les effets indésirables les plus fréquents sont les troubles cutanés (éruption cutanée, acné, sécheresse cutanée, toxicité unguéale, démangeaisons…) et des diarrhées. Les dyspepsies, nausées et vomissements sont moins fréquents. Des troubles oculaires (sécheresse oculaire, voire kératite, allongement des cils) sont possibles. Des mucites, des céphalées, des ulcérations gastriques et des infections pulmonaires sont également rapportées.


QUELS SONT CEUX GÉRABLES À L’OFFICINE ?

Des conseils hygiénodiététiques doivent accompagner les troubles digestifs. Hydratation suffisante en cas de diarrhée (2 litres par jour) et alimentation pauvre en fibres (type jambon, viande blanche, pâtes, riz, carottes cuites...) ; fractionnement des repas en cas de nausées, en évitant les aliments gras et/ou odorants.
L’emploi de substituts lacrymaux est recommandé en prévention des troubles oculaires. Si Mme V. porte des lentilles, lui recommander de les retirer (risque de kératite). En cas d'allongement des cils, les raccourcir en les coupant pour prévenir toute irritation oculaire.
Les troubles cutanés nécessitent l’utilisation d’un gel lavant doux sans parfum (type Exomega Gel lavant, Lipikar Syndet…), puis l’application de l’émollient prescrit.
Les maux de tête peuvent être soulagés par du paracétamol. Les AINS, susceptibles de majorer le risque d’ulcération gastrique, sont à déconseiller en automédication.
Maintenir une bonne hygiène buccale (brossage des dents 3 fois par jour avec une brosse à dents souple) et éviter les aliments agressifs (alcool, aliments acides, céréales, noix…) pour limiter le risque de mucite.


QUELS SIGNES NÉCESSITERAIENT D’APPELER LE MÉDECIN ?

Des signes d’infection pulmonaires (fièvre, toux, difficultés à respirer…), des troubles cutanés sévères (réactions bulleuses...), des diarrhées non contrôlées par le traitement symptomatique (plus de 3 à 4 par jour), l’apparition d’aphtes (prescription de bain de bouche au bicarbonate seul). Ces effets indésirables peuvent nécessiter une adaptation de la posologie, voire un arrêt du traitement.
Un avis ophtalmologique est nécessaire en cas de douleur oculaire, vision floue, etc.


CONCERNANT LES AUTRES TRAITEMENTS

La doxycycline peut être débutée en même temps que l’ITK. En cas de prurit, la cétirizine sera prise à la demande.
Le lopéramide doit être pris après chaque selle liquide.
Le métoclopramide ne doit être pris que si nécessaire, en cas de nausées. Mme V. ne doit pas y avoir recours souvent ni de manière continue.


CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Les thérapies ciblées donnent de bons résultats, mais une bonne observance du traitement est essentielle. Déconseiller toute automédication (millepertuis, AINS…), ainsi que la prise de pamplemousse. Signaler le traitement à tout professionnel de santé pour éviter les risques d’interactions médicamenteuses.
L’erlotinib et la doxycycline sont photosensibilisants : en cas d’exposition solaire, le port de vêtements couvrants, de lunettes de soleil et une protection anti-UV maximale (SPF50+) sont indispensables. 
  Par Adeline Rojon, pharmacienne, avec la collaboration du D r Nathalie Freymond, service de pneumologie aigüe spécialisée et d'oncologie thoracique, Centre Hospitalier Lyon Sud

qu’en pensez-vous ?

A quel moment la prise de l’ITK doit-elle se faire ?

1) Quand la patiente le souhaite, mais à heure régulière chaque jour.

2) Systématiquement avec une prise alimentaire.

3) A distance d’un repas.

Réponse : la prise concomitante d’aliments augmente la biodisponibilité de l’erlotinib et de fait ses effets indésirables. Il est donc recommandé de prendre le médicament à distance d’un repas, au moins 1 heure avant ou deux heures après. Il fallait choisir la troisième proposition.

D’une manière générale, le moment de prise des ITK est très variable d’une molécule à l’autre. Beaucoup se prennent toutefois à distance des repas. Penser à vérifier systématiquement les modalités d'administration avec le patient.

qu’en pensez-vous ?

Mme V. revient quelques jours après la délivrance de son ordonnance. Elle n’a pas de nausées mais est gênée par des douleurs gastriques. Il lui reste chez elle des comprimés de Gavison et de MopralPro. Peut-elle utiliser l’un de ces traitements ?

1) L’IPP peut être pris sans problème

2) Le topique antiacide est à préférer, à distance de l’ITK et des autres traitements

Réponse : les IPP augmentent le pH gastrique et peuvent diminuer la biodisponibilité de l’erlotinib. Ils doivent être évités durant le traitement par l’ITK. Si nécessaire, un topique anti-acide, comme Gaviscon, doit être privilégié en recommandant une prise au moins 4 heures avant ou 2 heures après l’ITK. Il faut également le prendre à 2 heures de distance des autres traitements. Selon son plan de prise ci-dessous, Mme V. peut le prendre entre 12 et 17 heures environ et si besoin au coucher.

PATHOLOGIE 

LE CANCER DU POUMON EN 6 QUESTIONS

Le cancer du poumon ou cancer broncho-pulmonaire est la première cause de mortalité par cancer en France. Le facteur de risque essentiel est le tabagisme, incriminé dans près de 9 cas sur 10.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

Le cancer du poumon reste longtemps asymptomatique, les symptômes apparaissant souvent à un stade tardif de la maladie. Le plus souvent, il est évoqué devant la présence ou la persistance de symptômes respiratoires en particulier chez un fumeur ou un ancien fumeur. Les signes évocateurs peuvent être liés :
- à la tumeur : gêne respiratoire, toux, hémoptysies, essoufflement anormal, bronchites ou pneumonies répondant mal au traitement ou récidivantes ;
- à son extension locorégionale : douleurs au niveau de la paroi thoracique, œdèmes du visage et du cou, signes de compression médiastinale (dysphagie, dysphonie), céphalées ;
- à la présence de métastases : asthénie, anorexie, amaigrissement, douleurs osseuses.
Un syndrome paranéoplasique peut accompagner le cancer. Il se traduit par des troubles divers : neuropathie, prurit, thromboses veineuses, hypercalcémie, hippocratisme digital avec arthralgies inflammatoires, hyponatrémie par une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique ou une fièvre isolée.


2 QUELS SONT LES PRINCIPAUX TYPES ?

On distingue les cancers bronchiques « à petites cellules » (CBPC) et les cancers bronchiques « non à petites cellules » (CBNPC) dont l’évolution et la sensibilité aux traitements sont bien distinctes.
La très grande majorité des cancers bronchiques (85 %) sont des cancers bronchiques « non à petites cellules » pour lesquels il existe plusieurs sous-types (voir Physiopathologie p. 7).
Le cancer bronchique à « petites cellules » représente 15 % des cancers bronchiques. Il a généralement une croissance très rapide et une tendance marquée à la formation de métastases. La distinction avec les autres types histologiques est essentielle car il ne relève généralement pas d’un traitement chirurgical.


3 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUES ?

Le principal facteur de risque est le tabagisme actif ou passif. Le risque est en fonction de la quantité de tabac fumé, et surtout de l’ancienneté du tabagisme. Le tabagisme est évalué en nombre de paquet/année : un paquet-année correspond à un paquet par jour pendant un an ou encore 10 cigarettes par jour pendant 2 ans. Le tabac est toujours nocif, il n’existe pas de seuil en dessous duquel il n’est pas cancérigène.
Des facteurs de risques professionnels et environnementaux sont aussi identifiés : amiante, rayonnements ionisants, goudrons, arsenic, silice, radon, pollution atmosphérique.
D’autres facteurs sont évoqués : antécédents personnels d’affection respiratoire (BPCO, tuberculose) ou encore bêta-carotène à dose > 20 mg/j chez les fumeurs.
Aucune prédisposition génétique n’est à ce jour identifiée.


4 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

Toute hémoptysie ou autre symptomatologie thoracique persistante ou résistante au traitement doit faire rechercher un cancer bronchopulmonaire, en particulier chez un fumeur ou ancien fumeur. Le cancer peut être également découvert fortuitement sur un bilan d’imagerie réalisé pour une autre indication.
Le bilan initial comprend un examen clinique, une radiographie thoracique dont la normalité n’élimine pas un cancer bronchique, des explorations biologiques et fonctionnelles respiratoires et cardiovasculaires. Le bilan est complété par un scanner thoracique avec injection de produit de contraste en l’absence de contre-indication.
Les examens d’imagerie, même normaux, n’éliminent pas formellement le diagnostic. En cas d’anomalie radiologique thoracique ou de forte suspicion clinique de cancer malgré un bilan radiologique normal, une consultation spécialisée en pneumologie doit être organisée rapidement.
Le diagnostic repose sur l’analyse des biopsies réalisées par fibroscopie bronchique ou par ponction transpariétale sous scanner selon la localisation et l’accessibilité de la tumeur. Cet examen précise le type et sous-type histologique du cancer (voir Physiopathologie ci-contre).
Le bilan d’extension (scanner thoracique et abdominopelvien, scanner ou IRM cérébrale, tomographie à émission de positons -TEP ou Pet-Scan- ou, à défaut, scintigraphie osseuse) évalue l’envahissement locorégional ou à distance (atteinte ganglionnaire ; présence de métastases cérébrales, surrénaliennes, hépatiques et/ou osseuses).
Il permet de définir le stade de la maladie selon la classification TNM : T pour taille de la tumeur, N pour envahissement ganglionnaire et M pour métastases. On distingue ainsi les cancers localisés (stades I et II), localement avancés (stade III) et métastatiques (stade IV).
Une recherche d’anomalies moléculaires (mutations EGFR, translocations ALK et ROS1 en particulier) est effectuée pour les patients présentant un carcinome « non à petites cellules », non épidermoïde (comme un adénocarcinome par exemple), et dont la tumeur est localement avancée ou métastatique. Ces anomalies sont retrouvées dans environ 20 % des cancers du poumon « non à petites cellules ». Elles sont beaucoup plus fréquentes chez les non-fumeurs, les asiatiques et les femmes, et prédisposent à l’efficacité des thérapies ciblées ou inhibiteurs des tyrosines kinases.


5 QUEL EST LE PRONOSTIC ?

Du fait de la difficulté à détecter la maladie à un stade précoce, plus des deux tiers des cancers bronchiques sont diagnostiqués tardivement, alors qu’ils ne sont plus accessibles à un traitement local. D’où un sombre pronostic : 5 ans après le diagnostic de la maladie, moins de un malade sur six est encore en vie (voir tableau ci-dessous).


6 OÙ EN EST LE DÉPISTAGE ?

La population tabagique représente une cible idéale pour un éventuel dépistage car facilement identifiable. Une étude américaine (NLST : National Lung Screening Trial) a montré que le dépistage annuel par scanner faiblement dosé, pendant 3 ans, réduisait de 20 % la mortalité par cancer du poumon des personnes fumeuses dépistées, et de 6,7 % la mortalité générale. Ce dépistage est remboursé aux USA pour les fumeurs entre 55 et 75 ans fumant plus de 30 paquet-années et s’engageant dans une démarche de sevrage tabagique. En France, la Haute Autorité de santé considère que les conditions pour un tel dépistage n’étaient pas réuniesen 2016.
Seules une intensification de la lutte contre le tabagisme et une vigilance quant aux symptômes évocateurs sont actuellement recommandées. 
Hémoptysies
Rejets de sang par la bouche.
Syndrome para-néoplasique
Ensemble de symptômes liés à des substances libérées par les cellules cancéreuses et perturbant la fonction normale de différents organes ou tissus.
Hippocratisme digital
Décrit pour la première fois par Hippocrate, il se caractérise par un bombement des ongles en « verre de montre » et une déformation des extrémités des doigts : on parle de doigts en « baguettes de tambour ».
EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor)
Récepteur de l’EGF, protéine transmembranaire à activité tyrosine kinase contrôlant plusieurs voies de signalisation intracellulaires. En cas de cancer, l’activité de ce récepteur peut être dérégulée, soit par des mutations, soit par une surexpression.
ALK (Anaplastic Lymphoma Kinase), ROS1
Protéines à activité tyrosine kinase contrôlant la prolifération et la survie cellulaire. Chez les patients ALK-positifs ou ROS1-positifs, la protéine ALK ou ROS1 est anormalement active. Concerne 5 % des adénocarcinomes.

  Par Patricia Willemin , pharmacienne formatrice, avec la collaboration du P r Thierry Le Chevalier , oncologue, Institut d’Oncologie Thoracique, Gustave Roussy, Villejuif (Val-de-Marne)

en chiffres

En France, environ 40 000 nouveaux cas par an.

Age moyen au diagnostic : 65 ans.

Plus des 2/3 des cancers du poumon sont diagnostiqués chez l’homme (2e cancer le plus fréquent) ; leur fréquence a triplé chez la femme en 20 ans (3e cancer le plus fréquent).

Environ 30 000 décès annuels (1re cause de mortalité par cancer en France et dans le monde)

En France, le tabac est responsable de 47 000 décès par an dont près de 60 % par cancer du poumon (hors tabagisme passif).

Physiopathologie du cancer du poumon

La plupart des cancers du poumon débutent au niveau des cellules bronchiques avant d’envahir les poumons d’où le nom de cancers broncho-pulmonaires. Les cellules cancéreuses prolifèrent ensuite de manière anarchique et peuvent envahir les structures avoisinantes ou à distance (métastases).

Il existe 2 grands types de cancer du poumon issus de cellules bronchiques d’origine différente (et d’aspect différent au microscope, d’où leur dénomination).

Les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC, environ 85 % des cancers du poumon) se répartissent principalement en 3 sous-types :

- le carcinome épidermoïde (40 % des cancers du poumon) : il prend souvent naissance dans les grosses bronches de la partie centrale du poumon, peut rapidement obstruer la bronche et être à l’origine d’infection respiratoire ;

- l’adénocarcinome (25 %) : il atteint plus volontiers les voies aériennes distales (bronchioles et alvéoles) ;

- le carcinome à grandes cellules (20 %) : de croissance rapide, il se localise partout dans les poumons.

Les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC, environ 15 % des cancers bronchiques) sont les plus agressifs (risque important de métastases rapides) et les plus à risque d’entrainer un syndrome paranéoplasique. Ils constituent une urgence thérapeutique.

THÉRAPEUTIQUE 

COMMENT TRAITER LE CANCER BRONCHIQUE ?

La stratégie de prise en charge repose sur le type histologique (cancer bronchique non à petites cellules ou à petites cellules), l’extension tumorale (cancer localisé, localement avancé ou métastatique), et selon le cas, le profil moléculaire de la tumeur.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Outre le type histologique, le stade et la localisation de la tumeur, la stratégie thérapeutique tient compte des résultats des examens anatomopathologiques, de l’âge du patient, de ses comorbidités et du score de performance (PS).
L’arrêt du tabac doit être encouragé. Le tabagisme entraine une augmentation du risque de morbi-mortalité après une chirurgie thoracique, une moindre efficacité de la radiothérapie et des traitements systémiques.


CANCER BRONCHIQUE À « PETITES CELLULES »

C’est une urgence thérapeutique du fait de la rapidité de croissance cellulaire et du risque d’apparition rapide de métastases, notamment cérébrales. Sauf pour des formes exceptionnellement très localisées, ce cancer ne relève pas de la chirurgie. La chimiothérapie, traitement de référence, repose généralement sur la bithérapie sel de platine et étoposide.
Pour les cancers localisés, la chimiothérapie est associée à la radiothérapie. Pour les formes disséminées ou métastatiques, le traitement consiste en une chimiothérapie exclusive. Une irradiation cérébrale prophylactique est discutée.
Chez les patients qui rechutent, la tumeur est qualifiée selon le cas de « hautement sensible » (rechute survenant 6 mois après l’arrêt de la chimiothérapie), « sensible » (rechute entre 3 et 6 mois), « résistante » (rechute avant 3 mois) ou « réfractaire » (en cas de progression sous traitement). Le traitement de référence est alors une chimiothérapie de 2e ligne choisie au cas par cas.

CANCER BRONCHIQUE NON À PETITES CELLULES


STADES LOCALISÉS (I ET II)

Le traitement de référence est une chirurgie d’exérèse avec curage ganglionnaire étendu, parfois associée à une chimiothérapie néo-adjuvante.
En fonction de la taille de la tumeur, une chimiothérapie adjuvante (cisplatine et vinorelbine en 1re ligne) peut être indiquée ainsi que parfois une radiothérapie (4 à 8 semaines après la chirurgie).
Si la chirurgie est contre-indiquée (ou refusée par le patient), une radiothérapie stéréotaxique à visée curatrice est recommandée si le volume et la localisation de la tumeur le permettent. Sinon, une radiothérapie externe seule ou associée à une chimiothérapie, voire une ablation thermique (radiofréquence) sont envisagées.


STADES LOCALEMENT AVANCÉS (III)

En cas de tumeur résécable, une chirurgie d’exérèse associée à une chimiothérapie néo-adjuvante ou adjuvante est proposée. Sinon, la prise en charge repose sur la chimiothérapie et la radiothérapie associées de façon concomitante ou séquentielle.


STADES MÉTASTATIQUES (IV)

En l’absence de mutations, une chimiothérapie est proposée (4 à 6 cycles espacés généralement de 21 jours). Le protocole dépend de l’âge et du score de performance (PS), mais inclus si possible un sel de platine. Cette chimiothérapie peut être associée au bévacizumab (anti-angiogénique).
L’identification de mutations conduit à la prescription en 1re ligne de thérapies ciblées : géfitinib, erlotinib ou afatinib en cas de mutation de l’EGFR, et osimertinib en cas de progression ; crizotinib en cas d’expression d’ALK, et céritinib en cas de progression.
Chez les patients répondeurs ou stables à la chimiothérapie d’induction, un traitement de maintenance peut être discuté, reposant soit sur les cytotoxiques de 1re ligne (« maintenance de continuation »), soit sur des molécules différentes dans le but d’éviter une progression (« switch maintenance »). En cas de progression de la maladie, une chimiothérapie de 2e ligne est indiquée et parfois l’immunothérapie (nivolumab, pembrolizumab).

TRAITEMENTS

CHIRURGIE

Principal traitement du cancer du poumon, elle a pour objectif l’ablation de la totalité de la tumeur ainsi que des ganglions lymphatiques correspondants.
Effets indésirables. A court terme : douleurs, infection de la plaie, pneumothorax, pleurésie, sont possibles. A long terme (rares) : essoufflement, modification de la voix (liée à une lésion nerveuse).


RADIOTHÉRAPIE

C’est un traitement locorégional curatif ou palliatif. La radiothérapie est le plus souvent fractionnée, à raison de 5 séances hebdomadaires pendant 5 à 8 semaines. Les doses prescrites sont de l’ordre de 50 à 70 Grays (Gy). Effets indésirables. Aigus ou à court terme : érythème cutané, douleur en avalant (œsophagite), nausées, vomissements, essoufflement, fatigue, pneumopathie aiguë radique. Tardifs : fibrose pulmonaire (rare).


CHIMIOTHÉRAPIE

Le protocole de référence associe un sel de platine (cisplatine ou carboplatine) à une molécule dite de 3e génération : vinorelbine, docétaxel, paclitaxel, gemcitabine ou pémétrexed dans les cancers « non à petites cellules », et étoposide pour les cancers à petites cellules.
D’autres protocoles peuvent être prescrits si les sels de platine ne sont pas appropriés. Par exemple, pour le cancer du poumon à petites cellules, monothérapie par topotécan ou protocole CAV (cyclophosphamide-doxorubicine-vincristine).
Interactions communes : tous sont contre-indiqués avec les vaccins vivants atténués et contre-indiqués ou déconseillés avec la phénytoïne (risque de convulsion ou risque de majoration de la toxicité ou de perte d’efficacité du cytotoxique).
En ville*, trois cytotoxiques sont disponibles : la vinorelbine(Navelbine, en prise hebdomadaire), poison du fuseau, le topotécan (Hycamtin) et l’étoposide (Celltop), des inhibiteurs des topo-isomérases.

* Toutes les molécules employées en ville sont indiquées en bleu.
Le cyclophosphamide par voie orale, Endoxan, n’est pas utilisé dans cette indication. Ce sont des médicaments à prescription hospitalière réservée aux spécialistes en cancérologie ou hématologie.


AGENTS ALKYLANTS

Sels de platine. Le cisplatine est la molécule de référence, le carboplatine une alternative. Effets indésirables principaux : myélosuppression, néphrotoxicité (surtout avec le cisplatine) prévenue par hydratation adéquate, neurotoxicité et ototoxicité (bourdonnements d’oreille, perte auditive), action très émétogène, agueusie, goût métallique. Interactions : prudence avec des médicaments néphrotoxiques (AINS, aminosides…) et ototoxiques (aminosides, diurétiques de l’anse).
Cyclophosphamide. Il induit notamment une neutropénie et des cystites hémorragiques (hydratation abondante nécessaire).


POISONS DU FUSEAU

Les vinca-alcaloïdes (vinorelbine, vincristine) sont notamment à l’origine de troubles hématologiques, de troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées, mucites), d’une neurotoxicité (également à l’origine d’une constipation).
Les principaux effets indésirables des taxanes (docétaxel et paclitaxel) sont une neutropénie, des réactions d’hypersensibilité (prémédication par corticoïde pour le docétaxel), une alopécie, des neuropathies périphériques, un syndrome main-pied.
Interactions. Prudence avec les inducteurs (rifampicine, carbamazépine…) ou inhibiteurs enzymatiques (azolés, clarithromycine…). Association déconseillée des vinca-alcaloïdes avec les azolés.


INHIBITEURS DES TOPO-ISOMÉRASES

Le topotécan, indiqué dans le traitement du CBPC en rechute précoce, est très alopéciant et induit très fréquemment une myélosuppression sévère et des diarrhées importantes.
L’étoposide, indiqué en 1re ligne du CBPC en association à un sel de platine, est à l’origine d’une toxicité hématologique, digestive (nausées, vomissements, mucites) et d’une alopécie.
La doxorubicine (anthracycline) induit les mêmes effets indésirables que l’étoposide et présente aussi une cardiotoxicité et une coloration rouge des urines.

ANTIMÉTABOLITES

Le pémétrexed est un antifolate indiqué dans le CBNPC. Effets indésirables : toxicité hématologique, diarrhées, anorexie, mucites, toxicité rénale, réactions cutanées nécessitant une prémédication par corticoïde. Une supplémentation en acide folique et vitamine B12 est effectuée pour limiter la toxicité du traitement. Interactions : prudence avec les médicaments néphrotoxiques (aminosides, diurétiques de l’anse…), association déconseillée avec les AINS et l’aspirine en cas de fonction rénale altérée.
La gemcitabine est notamment à l’origine de troubles digestifs et rénaux.


THÉRAPIES CIBLÉES

Les traitements à l’officine nécessitent une prescription hospitalière réservée aux spécialistes en cancérologie ou selon le cas en hématologie.


ITK CIBLANT L’EGFR

Erlotinib (Tarceva), géfitinib (Iressa), afatinib (Giotrif) sont à l’officine. L’osimertinib (Tagrisso), à l’hôpital, est indiqué en 2e ligne.
Effets indésirables. Les plus fréquents : diarrhée, toxicité cutanée (sécheresse, rashs, acné, prurit, syndrome main-pied, phototoxicité). Des troubles des phanères (alopécie, hirsutisme, allongement des cils, affection des ongles), des troubles oculaires (sécheresse oculaire, kératites) et d’autres troubles digestifs (dysgueusie, nausées, stomatites, mucites, cas de perforation gastro-intestinale) sont aussi rapportés. Des mesures de prévention sont systématiques (hydratation cutanée, substituts lacrymaux, antiacnéiques, antidiarrhéiques…). Autres : toxicité cardiaque sous afatinib (dyspnée et œdèmes des membres inférieurs doivent alerter), pneumopathies interstitielles diffuses.


ITK CIBLANT ALK

Le crizotinib (Xalkori) et le céritinib (Zykadia, en 2e ligne) sont à l’officine. En 2016, le crizotinib a obtenu une AMM pour le traitement du CBNPC avec translocation du gène ROS1.
Effets indésirables. A signaler sans tarder : dyspnée, toux, fièvre (suspicion de pneumopathie) ; diarrhées sévères (prescription d’antidiarrhéiques antisécrétoires systématique en évitant le lopéramide : risque de perforation gastro-intestinale associée à l’ITK) ; douleur abdominale ictère, nausées ou vomissements (suspicion de pancréatite ou d’atteinte hépatique) ; œdèmes des membres inférieurs (signe d’insuffisance cardiaque, notamment sous crizotinib). Autres : troubles visuels sans gravité sous crizotinib, toxicité hématologique (surtout en début de traitement), risque d’hyperglycémies sous céritinib chez les patients diabétiques, toxicité cardiaque (allongement QT, bradycardie…). La fréquence cardiaque et la pression artérielle sont régulièrement surveillées.


INTERACTIONS

Tous ces ITK sont contre-indiqués ou déconseillés avec les inducteurs enzymatiques (millepertuis, anticonvulsivants, rifampicine, alcool en prise chronique). Prudence avec les inhibiteurs enzymatiques qui majorent le risque d’effets indésirables (azolés, clarithromycine, télithromycine, pamplemousse) ; ils sont notamment à prendre à distance de l’afatinib et pour les plus puissants (azolés, notamment), la dose de céritinib doit être réduite. L’association aux AINS ou à des anticoagulants majore le risque d’hémorragie gastro-intestinale. Inhibiteurs de la pompe à protons et anti-H2 peuvent altérer la biodisponibilité de l’ITK. Les topiques antiacides sont à prendre à au moins 2 heures de distance.
Le tabac diminue les concentrations de l’erlotinib.
L’association des ITK ciblant ALK à des molécules bradycardisantes ou susceptibles d’allonger le QT (amiodarone, dompéridone, citalopram, sétrons…) doit se faire avec précaution et leur association aux substrats du CYP3A4 également (risque d’augmentation de la toxicité de ces médicaments : dihydroergotamine, zolpidem, amiodarone, simvastatine, atorvastatine…).


ANTICORPS CIBLANT VEGF

Le bévacizumab (Avastin, à l’hôpital), anticorps monoclonal antiangiogénique ciblant le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), est indiqué en cas de tumeur non épidermoïde.
Principaux effets indésirables : HTA, diarrhées, douleurs abdominales ; hémorragies, hémoptysie, thromboses.


IMMUNOTHÉRAPIE

Le nivolumab (Opdivo) et le pembrolizumab (Keytruda), traitements hospitaliers, visent à restaurer l’immunité antitumorale médiée par les lymphocytes T.
Effets indésirables : diarrhées, rashs, prurit, nausées, arthralgies, pneumopathies, hépatites, atteintes neurologiques (encéphalopathies, neuropathies).


PERSPECTIVES

L’immunothérapie offre de nouvelles perspectives de traitement. Des études sont en cours sur l’efficacité de nouveaux anticorps monoclonaux, tel que l’atézolizumab. 
Score de performance
(ou PS pour « Performance Status »)
Echelle d’autonomie permettant d’évaluer l’état de santé général et les activités quotidiennes effectuées par le patient. L’échelle de l’OMS va de 0 à 4, zéro étant la valeur « normale ».
Chimio- thérapie néo-adjuvante
Réalisée avant la chirurgie, elle vise à réduire la taille de la tumeur.

Radio-thérapie stéréo-taxique
Réservée aux tumeurs de petite taille inaccessibles à un geste chirurgical, elle est basée sur l'utilisation de microfaisceaux convergents permettant d'irradier à haute dose de très petits volumes.
Ablation thermique
Le principe est de détruire la tumeur par la chaleur sous contrôle scanner, à l’aide d’une aiguille spéciale introduite au sein de la tumeur et reliée à un générateur de courant électro-magnétique. Cette technique n’est réalisable que pour des tumeurs de moins de 3 cm.

Gray
Unité de dose absorbée de rayonnements ionisants. Elle correspond à une énergie absorbée de 1 joule par kilogramme de matière irradiée.

Par Patricia Willemin , avec la collaboration du P r Thierry Le Chevalier

vigilance !

Certaines contre-indications sont à connaître :

Cyclophosphamide : infection urinaire aiguë, cystite hémorragique préexistante, grossesse, allaitement.

Vinorelbine : neutropénie ou infection sévère actuelle ou récente (< 2 semaines), patients requérant une oxygénothérapie, grossesse, allaitement.

Etoposide, topotécan : grossesse, allaitement.

CE QUI A CHANGÉ

Apparu

Afatinib (Giotrif) en 2014 : ITK ciblant l’EGFR, de profil similaire à Iressa (géfitinib) et Tarceva (erlotinib) indiqué dans le cancer bronchique non à petites cellules avec mutation activatrice de l’EGFR.

Céritinib (Zykadia), en ville depuis janvier 2017 : ITK ciblant la translocation ALK, indiqué dans le cancer bronchique non à petites cellules chez les patients préalablement traités par crizotinib.

Pointdevue

Pr Thierry Le Chevalier, oncologue, Institut d’oncologie thoracique, Gustave-Roussy, Villejuif (Val-de-Marne)

« Les thérapies ciblées s’adressent à un peu moins de 10 % des patients »

Quels résultats attendre des thérapies ciblées et de l’immunothérapie ?

Les thérapies ciblées donnent de très bon résultats mais s’adressent globalement à un peu moins de 10 % des patients : le profil type étant la femme non fumeuse avec un adénocarcinome. L’immunothérapie cible un plus grand nombre de patients (plutôt des hommes fumeurs ayant un cancer de type épidermoïde et un bon état général), mais avec encore des questions en suspens. Notamment la durée du traitement et une meilleure identification des « bons répondeurs » : actuellement 25 à 30 % des patients répondent bien, mais 10 % ont une progression tumorale très rapide sous immunothérapie.

Où en est-on du dépistage du cancer du poumon en France ?

Une étude américaine a récemment montré l’intérêt d’un dépistage par scanner faiblement dosé, dans une population à risque (fumeurs, plus de 55 ans), pour diminuer la mortalité de ce cancer (voir page 7). Nos autorités de santé n’ont pas validé le dépistage de masse en France. Aujourd’hui, tout médecin face à un patient fumeur inquiet, peut proposer un dépistage par scanner à basse tension.

Mais si le résultat est négatif, le patient rassuré va-t-il continuer à fumer ? Scanner ou pas, le premier message à faire passer pour diminuer la mortalité de ce cancer est toujours le même : arrêter le tabac.

CHRISTOPHE, 54 ANS, MÉCANICIEN

« J’ai fumé pendant 30 ans et, avec de gros efforts, j’ai réussi à arrêter. Deux ans plus tard, mon médecin m’a prescrit un scanner devant une toux persistante. Le diagnostic est tombé : tumeur au poumon droit. Le traitement a commencé par des séances de chimiothérapie très difficiles à supporter, puis une chirurgie. Je suis actuellement en phase de rémission. Mais à chaque contrôle trimestriel, j’ai peur que le cancer ait repris son activité. Je vis avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. »

LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTS


IMPACT PSYCHOLOGIQUE

Le cancer du poumon est connu pour être grave, avec un pronostic souvent sombre et des traitements lourds. L’isolement, les troubles anxieux, voire la dépression sont fréquents.
Le patient fumeur se sent parfois stigmatisé (« il n’avait qu’à arrêter de fumer »). Et un patient non fumeur peut psychologiquement vivre très mal son cancer en ayant un sentiment d’injustice.


IMPACT SUR LA VIE QUOTIDIENNE

Les nombreux effets indésirables rendent le quotidien et la vie sociale difficiles, et ne permettent généralement pas la poursuite d’une activité professionnelle. Cette dégradation de la qualité de vie, qui concerne tout patient atteint d’un cancer, est particulièrement importante dans le cancer du poumon*.


À DIRE AUX PATIENTS


A PROPOS DE LA PATHOLOGIE

Il est important que le patient se sente soutenu. Il ne doit pas hésiter à faire appel aux professionnels de santé présents au sein du service de cancérologie : psycho-oncologue, nutritionniste, tabacologue… Les associations de patients peuvent permettre de rencontrer des personnes traversant une situation similaire.
L’activité physique en général (sport adapté, mais aussi tâches ménagères, loisirs…) est bénéfique sur l’anxiété, le sommeil, l’image de soi. La fatigue est souvent importante et le patient doit apprendre à la gérer : déléguer certaines tâches (ménage, courses…), se ménager des périodes de repos et s’aérer, en poursuivant des activités « plaisir ». Avoir une régularité dans son cycle de sommeil.
Parmi les fumeurs, environ 80 % poursuivent le tabagisme après le diagnostic du cancer**. Or, la poursuite du tabagisme s’accompagne d’une augmentation de la mortalité globale : complications infectieuses en péri-opératoire, moindre efficacité de certaines chimiothérapies et des ITK ciblant l’EGFR, risque plus élevé de second cancer (pulmonaire ou autre). Quel que soit le stade du cancer, le sevrage tabagique, même récent, améliore la dyspnée, l’appétit, la fatigue et apporte une meilleure qualité de vie. Les substituts nicotiniques peuvent être conseillés. L’accompagnement par un médecin tabacologue doit être encouragé.


A PROPOS DU TRAITEMENT

Chirurgie : prendre le temps de réaliser les exercices de kinésithérapie et de rééducation respiratoires prescrits en postopératoire qui aideront le patient à récupérer au mieux.
Radiothérapie : la zone irradiée peut être très sensible. Recommander de laver la peau avec un pain surgras et d’appliquer des topiques hydratants, mais pas avant les séances (risque de brûlures). Sécher toujours en douceur, sans frotter. Bannir eaux de toilette, parfums ou produits à base d’alcool. En cas d’érythème, des pansements hydrogel peuvent être utilisés (type Hydrotac Transparent, Suprasorb G…). Protéger les zones irradiées du soleil pendant un an.
Chimiothérapie : vérifier que la gestion des principaux effets indésirables a bien été comprise. Risque infectieux : fièvre (> 38-38,5 °C), frissons, toux, maux de gorge, brûlures urinaires imposent un avis médical. Eviter tout contact avec des personnes malades, se laver régulièrement les mains. Sous sels de platine : bien s’hydrater (> 2 litres/jour) les jours suivant la perfusion, et signaler au médecin tout troubles de l’audition. Troubles neurologiques (type paresthésies des extrémités) : surtout favorisés par les sels de platine, les taxanes et les vinca-alcaloïdes. Eviter l’exposition au froid (qui aggrave les troubles), en portant des gants et chaussettes chaudes, notamment en hiver. Sous taxanes : syndrome main-pied et toxicité unguéale.
Thérapie ciblée : vérifier les moments de prise qui varient selon les molécules. Voir les RCP pour la conduite à tenir en cas d'oubli de prise. Une observance rigoureuse est nécessaire. Encourager le patient à recourir aux traitements symptomatiques prescrits pour limiter les effets indésirables. Notamment antidiarrhériques, antiémétiques, et, sous ITK ciblant EGFR, substituts lacrymaux et cyclines, dermocorticoïdes, anti-H1 et émollients contre les troubles cutanés. En cas d’exposition solaire, une photoprotection est indispensable. Signes d’alerte : dyspnée toux, fièvre (suspicion d’atteinte pulmonaire), œdème des membres inférieurs (suspicion d’insuffisance cardiaque) imposent un avis médical rapide. Vigilance face aux interactions médicamenteuses : inducteurs (millepertuis…) et inhibiteurs enzymatiques (pamplemousse, macrolides, azolés…), médicaments pouvant entrainer des torsades de pointes sous ITK ciblant ALK (dompéridone…).


PRÉVENTION

Le principal facteur de risque est le tabagisme actif et, à un degré moindre, passif. L’âge de début et l’ancienneté du tabagisme sont 4 fois plus déterminants que la quantité de cigarettes fumées. A l’arrêt du tabac, le risque de survenue d’un cancer pulmonaire diminue progressivement. Plus on arrête tôt, plus ce bénéfice est grand.
Selon certaines études une supplémentation en bêtacarotène (dose > 20 mg par jour) chez les fumeurs augmenterait le risque de cancer du poumon et de cancers digestifs. Attention à ne pas cumuler plusieurs compléments alimentaires riches en bêtacarotène (préparateurs solaires, protecteurs oculaires…).
Une alimentation riche en fruits et légumes et une activité physique régulière sont associées à une réduction du risque de plusieurs cancers dont le cancer du poumon.

* Selon l’enquête VICAN2 « Vie après le cancer à 2 ans du diagnostic », menée en 2012/2013.
** « Sevrage tabagique », Référentiel en oncologie Auvergne-Rhône-Alpes, mise à jour 2016.
Syndrome main-pied
Il se traduit par un desséchement de la paume des mains et des pieds, des picotements, des rougeurs, l’apparition de cloques et, à des stades sévères, d’œdèmes et d’ulcérations.
Par Adeline Rojon , avec la collaboration du D r Nathalie Freymond

question de patient Depuis que je suis sous traitement, j'ai les ongles abîmés. Que puis-je faire ?

« Certains cytotoxiques (taxanes, cyclophosphamide, étoposide…), ainsi que les ITK ciblant l’EGFR peuvent fragiliser l’ongle et son pourtour. Coupez les ongles droits, pas trop courts, et limitez les traumatismes (gants pour les travaux ménagers, chaussures confortables). Evitez le plus possible de mettre les mains dans l’eau. L’application d’un vernis à base de silicium puis d’un vernis coloré (action anti-UV) renforce et protège la matrice de l’ongle. L’application d’un émollient (Cicaplast Baume B5, Addax Cica B5…) sur le pourtour de l'ongle peut être conseillé. Appliquez aussi régulièrement un émollient pour limiter le syndrome main-pied. »

question de patient Est-ce que je vais perdre mes cheveux ?

«La chimiothérapie conventionnelle entraîne presque systématiquement une alopécie. Sous ITK ciblant l’EGFR, une alopécie partielle ou des modifications de la texture des cheveux sont également fréquentes. Dans tous les cas, il faut éviter les gestes et soins agressifs (permanentes, colorations…), et laver les cheveux avec un shampooing doux 1 à 2 fois par semaine, pas plus. »

EN SAVOIR PLUS

Institut national du cancer

e-cancer.fr

OMéDIT

par ex : omedit-hautenormandie.fr

Des fiches de bon usage des chimiothérapies orales pour les patients et les professionnels de santé.

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES   ? 

MÉMO-DÉLIVRANCE


LA PRESCRIPTION COMPORTE UNE THÉRAPIE CIBLÉE

ITK ciblant EGFR (erlotinib -Tarceva ; gélitinib - Iressa ; afatinib -Giotrif) ou ITK ciblant ALK (crizotinib -Xalkori ; céritinb -Zykadia). Vérifier qu’il s’agit d’une prescription hospitalière émanant d’un spécialiste en cancérologie.
Le patient est-il sensibilisé à l’importance d’une bonne observance ?
Elle conditionne l’efficacité du traitement. Tous s’administrent en une prise quotidienne, sauf Xalkori (2 prises/jour). Hormis pour Xalkori et Iressa, les prises doivent se faire à distance d’un repas : 1 à 2 heures avant, et 2 à 3 heures après selon les molécules.
Le patient sait-il comment gérer les effets indésirables ?
Nombreux, ils justifient la prescription de traitements symptomatiques et parfois une adaptation de la posologie, voire un arrêt de traitement.
Sous ITK ciblant EGFR : troubles cutanés (prurit, éruption acnéiforme...) pris en charge par cyclines, anti-H1 notamment, émollients et photoprotection en cas d’exposition solaire ; sécheresse oculaire et kératites (utilisation de substituts lacrymaux), diarrhées (prescription de lopéramide), mucites (bonne hygiène buccodentaire, si besoin bains de bouche sans alcool).
Sous ITK ciblant ALK : diarrhées sévères (prescription d’un antidiarrhéique antisécrétoire ; le lopéramide est évité : risque de perforation gastro-intestinale).
Pour tous : dyspnée, toux, fièvre, doivent être signalés au médecin (suspicion de pneumopathie).
Prend-il d’autres traitements ?
Les inducteurs enzymatiques (millepertuis....) sont contre-indiqués ou déconseillés. Les inhibiteurs enzymatiques (pamplemousse, certains macrolides, azolés...) peuvent majorer les effets indésirables. En automédication, déconseiller les AINS qui augmentent le risque ulcérogène et les IPP (préférer un antiacide à distance de l'ITK).

LE PATIENT EST SOUS CHIMIOTHÉRAPIE

Généralement un sel de platine associé à un autre cytotoxique. En ville : vinorelbine (Navelbine), étoposide (Celltop), topotécan (Hycamtin), médicaments à prescription hospitalière réservée aux spécialistes en cancérologie notamment.
Le patient est-il sensibilisé au risque infectieux ?
Toute fièvre (> 38-38,5 °C) peut être à risque de complication grave. Vérifier que le patient connait la conduite à tenir (alerter l’hôpital, débuter une antibiothérapie...).
Vérifier aussi qu’il sait gérer les autres effets indésirables. Par ex : sous sel de platine, hydratation suffisante (pour limiter la toxicité rénale) et signaler tout trouble de l’audition.

Y A-T-IL DES RISQUES D’INTERACTIONS ?

Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués jusqu’à 6 mois après l’arrêt du cytotoxique.

CONSEILS

L’arrêt du tabac est bénéfique quel que soit le stade du cancer : amélioration de la qualité de vie, diminution du risque de complications infectieuses en péri-opératoire, d’échec des traitements et de récidive du cancer.

non. La clarithromycine est un inhibiteur puissant du CYP 3A4. Son association à un ITK comme le géfinitib (Iressa) peut entrainer une augmentation des concentrations plasmatiques de l’ITK et de sa toxicité. Il est nécessaire de contacter le médecin pour proposer un autre antibiotique (par ex. l'amoxicilline si le patient n’est pas allergique).
oui. Mais après confirmation de la fréquence des prises auprès de la patiente ou, au moindre doute, de l’hôpital. La prise de Navelbine est hebdomadaire, à raison de 60 mg/m², soit pour M me T., 96 mg/semaine. Ce qui correspond à la posologie prescrite (100 mg/semaine pendant 3 semaines). 100 mg correspondent à 2 capsules à 30 mg et 2 à 20 mg. Pour une cure de 3 semaines, il faut 6 boîtes de 30 mg et 6 boîtes de 20 mg.

Sources : Thesaurus ANSM 2016 et medicaments.gouv.fr. * Varicelle-zona, tuberculose, rougeole-oreillons-rubéole.

Pour tous ces médicaments : prescription hospitalière réservée à certains spécialistes (cancérologie, oncologie et selon le cas, hématologie). Source : medicaments.gouv.fr.

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