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Enjeux
Auteur(s) : CHLOÉ DEVIS
Vieillissement de la population, progression des maladies chroniques, isolement des populations en zones rurales et difficultés corollaires d’accès aux soins… Le condiv n’a jamais été plus favorable à l’essor de la livraison de médicaments à domicile. Si la pratique n’est pas nouvelle pour les officines, elle est loin d’être structurée et rémunérée. Or, face à la nécessité de trouver des relais de croissance, et à l’arrivée de nouvelles formes de concurrence, la profession est aussi appelée à se remettre en cause.
« Serons-nous assez réactifs pour ne pas laisser filer ce marché, comme nous l’avons fait pour d’autres ? ». La question est lâchée par Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF. Dans son collimateur, « Mes médicaments chez moi » (mmcm.fr), un dispositif pilote de La Poste qui amorce la deuxième phase de son déploiement en partenariat avec le groupement Giphar. Parti à la conquête des seniors, le groupe propose à ses clients la livraison payante de leurs traitements par le facteur, via une plateforme digitale. Une expérimentation a été mise en place en octobre 2016 à Bordeaux (Gironde), en association avec Medissimo et la start up MeSoigner.fr. Une trentaine de pharmacies se sont prêtées au jeu, le client gardant la possibilité de faire son choix en dehors de ce réseau. « A partir de ce premier test, nous avons constaté que les officines avaient besoin de plus d’accompagnement », note Guillaume Bosc, chef de projet « silver économie » de La Poste. En signant avec Giphar, l’opérateur mise non seulement sur « l’enrôlement d’une masse plus conséquente d’officines, bénéficiant de l’appui de leur enseigne », mais aussi sur « un apport d’expertise » visant à lui permettre d’optimiser son offre. Du côté du groupement, comme l’explique sa présidente Laetitia Hible, s’adosser à La Poste est d’abord un moyen de « donner de l’ampleur » à une prestation déjà proposée mais sous-exploitée. « Jusqu’alors, il fallait que ce soit les patients qui demandent la livraison à leur pharmacien, ou bien que ce dernier la propose lorsqu’il le juge utile ». Pour la dirigeante du groupement, ce partenariat permet aussi à ses membres de formaliser leur démarche afin de faire face à une future montée en puissance de la demande, y compris dans le domaine très porteur de la PDA. Quant au service restant à la charge du client (7,90 euros TTC par livraison avec des tarifs dégressifs, et 25,90 euros TTC pour un service comprenant la PDA), Giphar le considère comme un vecteur de satisfaction et de fidélisation de la patientèle, avec des garanties mises en avant par Guillaume Bosc, non seulement en termes de confidentialité et de traçabilité, mais aussi de conseil : « Le pharmacien peut garder le contact avec son patient par chat ou par téléphone », avance-t-il.
Ces arguments ne suffisent pas à amadouer Jean-Luc Fournival. Précisant qu’il s’exprime à titre personnel, en tant que « chef d’entreprise », le président syndical refuse l’idée d’un « tiers, de confiance ou pas ». « C’est aux pharmaciens de s’organiser pour développer eux-mêmes le marché », martèle-t-il. Dans sa ligne de mire, « les zones rurales déficientes en pharmacies et en réseaux de soins ». Face aux problématiques de ces territoires, « la solution passe par le regroupement d’officines, ce qui leur donnera les moyens de mettre en place leurs propres services de livraison à domicile avec une rémunération à la clé », plaide-t-il. Et d’enfoncer le clou : « Si on n’agit pas aujourd’hui, demain, ce seront des médecins suisses ou norvégiens qui livreront nos clients ». Gilles Bonnefond n’est pas plus amène envers la démarche de La Poste. « Le patient risque de trouver que 7 euros pour une simple livraison, c’est un peu cher », estime-t-il. Côté officine, « quid de la sécurisation des colis ? S’il y a casse ou perte, le pharmacien en sera pour ses frais, faute d’assurance ».
Gilles Bonnefond et le président de la FSPF, Philippe Gaertner, partagent toutefois la volonté de favoriser la dispensation à domicile. « Nous sommes attachés au contact direct entre le professionnel de santé et le patient », justifie Philippe Gaertner, sans nier l’intérêt du simple portage « sur certains territoires où la dispensation n’est pas possible ». Gilles Bonnefond rappelle pour sa part que « la dispensation à domicile implique l’accompagnement du patient et l’amélioration de l’observance. C’est pourquoi, à l’USPO, nous souhaitons que cet acte, ainsi que la PDA à domicile, soient inclus dans la liste des prestations et services officinaux. Cela nous donnerait la possibilité de contractualiser avec l’Assurance maladie et les assurances complémentaires, et de facturer la prestation auprès du client en lui garantissant un service fondé sur des bonnes pratiques ». Il souligne toutefois la nécessité de recourir à des outils de portage mutualisés au travers des groupements, par exemple.
Pour Guillaume Bosc, en filigrane de ces critiques, « la vraie crainte des pharmaciens, c’est de perdre leurs clients s’ils vont commander sur internet, quel que soit l’opérateur. Or, nous leur proposons précisément un modèle antiubérisation, fondé sur la coopération entre deux types d’acteurs territoriaux : les facteurs et eux-mêmes ». En revanche, met-il en garde, « s’ils laissent passer l’opportunité de développer le multicanal, c’est Amazon qui s’imposera, avec moins d’états d’âme que nous ». En attendant, La Poste poursuit tous azimuts sa quête du « modèle économique idéal ». « Les parties prenantes intéressées sont nombreuses, des groupements aux laboratoires en passant par les mutuelles », assure Guillaume Bosc. Ce n’est pas PharmaBest qui dira le contraire. L’ex-G7 (pharmacies de 10 millions d’euros de CA en moyenne, NDLR) vient de signer avec l’opérateur pour l’expérimentation d’une solution en marque blanche, dans laquelle le groupement prendra en charge le coût de la livraison par les facteurs et décidera ou non de facturer le service à ses patients.
L’ORDRE APPELLE À LA VIGILANCE
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