Cahiers Formation du Moniteur
Iatrogénie
Auteur(s) :
PAR MAÏTENA TEKNETZIAN, PHARMACIENNE, ENSEIGNANTE EN IFSI, MEMBRE DE L’ASSOCIATION PHARMACIE & GÉRONTOLOGIE. CAHIER COORDONNÉ PAR ALEXANDRA BLANC, PHARMACIENNE, SOUS LA RESPONSABILITÉ DE FLORENCE BONTEMPS, DIRECTRICE SCIENTIFIQUE. NOUS REMERCIONS LE Dr RACHID MAHAMDIA, GÉRIATRE, PRATICIEN HOSPITALIER, GROUPE HOSPITALIER SAINTE-PÉRINE À PARIS, POUR SA COLLABORATION.
LAURENCE EST BOULEVERSÉE
ANALYSE DU CAS
Un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans et 80 % de celles de plus de 85 ans font au moins une chute par an. Dans la population gériatrique, une première chute est un facteur de risque majeur de faire à nouveau une chute. Ainsi, devant toute chute survenant chez un sujet âgé, il faut consulter un médecin pour en apprécier les conséquences et rechercher l’étiologie afin d’éviter la récidive.ATTITUDE À ADOPTER
La pharmacienne rappelle à Laurence qu’il faut éviter toute automédication chez la personne âgée, en particulier lorsqu’il s’agit d’anxiolytiques ou d’hypnotiques.BENZODIAZÉPINES HYPNOTIQUES ET APPARENTÉS CHEZ LE SUJET ÂGÉ
Benzodiazépines hypnotiques et apparentés chez le sujet âgéUN ÉTÉ CANICULAIRE
ANALYSE DU CAS
En période de forte chaleur, une confusion soudaine survenant chez un patient insuffisant rénal doit faire craindre une déshydratation et une hyponatrémie.ATTITUDE À ADOPTER
Avec l’accord de M. T., le pharmacien appelle le médecin pour obtenir rapidement un rendez-vous. Une consultation médicale s’avère indispensable, afin d’évaluer cliniquement Mme T. (contrôle tensionnel, évaluation de l’état d’hydratation et évaluation cognitive) et d’apprécier les effets de la canicule sur son ionogramme sanguin et sa fonction rénale. En effet, la déshydratation est une cause de décompensation d’insuffisance rénale chronique, puisque l’hypovolémie qui en résulte diminue la perfusion glomérulaire. En outre, le blocage du système rénine-angiotensine par l’IEC majore la diminution du débit de filtration.MAUVAIS GOÛT
ANALYSE DU CAS
Les conséquence des troubles du goût ne sont pas négligeables : perte d’appétit, carence nutritionnelle, amaigrissement. Ils peuvent ainsi aggraver une sarcopénie (diminution de la masse musculaire liée à l’âge), facteur de vulnérabilité : troubles locomoteurs, baisse des défenses immunitaires, modification des volumes de distribution des médicaments, baisse de sensibilité à l’insuline (les muscles étant un site de captation du glucose).UN COUP DE FIL AVISÉ !
ANALYSE DU CAS
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) non seulement exposent le sujet âgé à des effets indésirables digestifs potentiellement graves mais peuvent aussi favoriser une décompensation de l’insuffisance cardiaque.ATTITUDE À ADOPTER
Le pharmacien explique à Axelle que l’ibuprofène est un AINS, susceptible d’aggraver l’insuffisance cardiaque de son père. Il conseille du paracétamol sous forme non effervescente.M. P. EST DE MAUVAISE HUMEUR
ANALYSE DU CAS
Chez les personnes âgées, en l’absence de pathologie sévère associée, les objectifs glycémiques sont les mêmes que chez l’adulte jeune (Hb A1C ≤ 7 %). L’objectif glycémique de M. P. n’étant pas atteint, le médecin a décidé d’instaurer une bithérapie associant la metformine et le glibenclamide, un sulfamide. Les sulfamides stimulent la sécrétion d’insuline par le pancréas, indépendamment de la glycémie, et sont donc pourvoyeurs d’hypoglycémie, notamment dans certaines situations comme la consommation d’alcool, un effort physique ou un repas insuffisant.ATTITUDE À ADOPTER
Alertée par Odile, la pharmacienne propose à M. P. de venir s’asseoir au calme dans la cabine d’orthopédie.HYPOGLYCÉMIES IATROGÈNES
Hypoglycémies iatrogènesUN DENTIFRICE POUR GENCIVES SENSIBLES
ANALYSE DU CAS
Il faut être attentif aux gingivorragies survenant chez un patient traité par anticoagulant, qui ne doivent pas être imputées trop rapidement à un brossage des dents trop vigoureux ou à une brosse à dents inadaptée. Ils doivent toujours alerter et faire suspecter une origine iatrogène. En effet, bien que mineurs, il s’agit de signes d’hémorragie qui peuvent révéler des complications plus graves.ATTITUDE À ADOPTER
La pharmacienne explique à Eva, que les gingivorragies peuvent être dues au traitement anticoagulant. Elle juge nécessaire d’en avertir le médecin par téléphone. Celui-ci propose un rendez-vous pour Mme L. en début d’après-midi et faxe à la pharmacie une ordonnance d’analyses (bilan rénal et NFS).FONCTION RÉNALE ET MÉDICAMENTS
Fonction rénale et médicamentsINAPPROPRIÉ !
ANALYSE DU CAS
L’oxybutynine est un anticholinergique urinaire, indiqué dans le traitement de l’incontinence et de l’impériosité urinaire, dont souffre M. O. à cause de sa maladie de Parkinson.ATTITUDE À ADOPTER
Le pharmacien explique que l’anti-H1 ne convient pas à M. O. Un vasoconstricteur est également déconseillé (interaction avec la bromocriptine, agoniste dopaminergique à noyau ergot : risque de poussées hypertensives).ARTHROSE ET CONSTIPATION
ANALYSE DU CAS
Le bisacodyl (Dulcolax) est à déconseiller chez Mme N. En effet, ce laxatif stimulant expose au risque d’hypokaliémie favorisant la survenue de torsades de pointes.ATTITUDE À ADOPTER
Le pharmacien préconise avant tout un apport hydrique renforcé et une alimentation enrichie en fibres.MON MARI EST ENCORE TOMBÉ
ANALYSE DU CAS
Le caractère itératif des malaises ressentis lors des changements brusques de position par ce patient, traité par plusieurs antihypertenseurs et un alpha-bloquant urinaire dont la posologie a été récemment augmentée, fait suspecter une hypotension orthostatique. Celle-ci est définie par une chute de la pression artérielle systolique de plus de 20 mmHg et/ou une diminution de la pression diastolique de plus de 10 mmHg, dans les trois minutes suivant le passage de la position allongée (clinostatisme) à la position debout (orthostatisme) et qui est corrigée par le retour en position allongée.ATTITUDE À ADOPTER
M. R. doit apprendre à se lever lentement et s’hydrater suffisamment.COMPLICATIONS D’UNE CHUTE CHEZ LE SUJET ÂGÉ
Complications d’une chute chez le sujet âgéMME B. A MAL AU COUDE
ANALYSE DU CAS
La prise d’ibuprofène (a fortiori en traitement prolongé) doit être évitée en automédication chez le sujet âgé, du fait de ses effets indésirables et de ses interactions médicamenteuses.ATTITUDE À ADOPTER
La pharmacienne explique à Mme B. que l’ibuprofène ne lui est pas recommandé, compte tenu de son traitement antihypertenseur.AINS ET SUJETS ÂGÉS
AINS et sujets âgésAUDE A PERDU LA NOTICE
ANALYSE DU CAS
En dépit de la réévaluation du service médical rendu des traitements de la maladie d’Alzheimer, le neurologue qui suit Mme V. maintient son traitement par rivastigmine car les tests d'évaluation (MMS) de la patiente montrent des résultats favorables.MON PÈRE A ATTRAPÉ LA GASTRO DE THÉO
ANALYSE DU CAS
Deux antiémétiques sont disponibles sans ordonnance : la métopimazine (Vogalib) et le diménhydrinate (Nausicalm).ATTITUDE À ADOPTER
Le pharmacien propose un soluté de réhydratation en continuant Smecta. Il rappelle à Marie les conseils hygiénodiététiques en cas de gastro-entérite. Smecta doit être pris à deux heures d’intervalle des autres médicaments.DE LA FUMÉE SORT DE SA BOUCHE !
ANALYSE DU CAS
En moyenne, les sujets âgés de 75 ans à 84 ans consomment quatre spécialités par jour. Or, cette polymédication multiplie le risque d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses (notamment lorsque le patient consulte plusieurs médecins). La polymédication diminue aussi la qualité d’observance. Outre la complexité du traitement, une personne âgée peut rencontrer plusieurs obstacles à une correcte observance. En effet, celle-ci dépend des facultés motrices, sensorielles et cognitives du patient.ATTITUDE À ADOPTER
Le pharmacien passe en revue le contenu du sac en examinant une à une les différentes ordonnances (afin de s’assurer de la cohérence des prescriptions, déceler d’éventuelles interactions ou des redondances). Il écrit lisiblement sur chaque boîte les posologies et explique à Laure à quoi servent les médicaments. Il propose d’établir un tableau récapitulatif des différents plans de prise, que Laure pourra afficher chez elle. Si, malgré tout, elle ne parvenait pas à gérer les traitements de M. E., une mise en place de soins infirmiers libéraux à domicile pourrait s’envisager. Le pharmacien l’informe aussi sur l’existence de piluliers ou de semainiers adaptés et des supports permettant de pallier aux oublis (montres-alarme, piluliers électroniques avec rappels de l’heure de prise des médicaments, alarmes de téléphone…).LES ENTRAVES À L’OBSERVANCE
Les entraves à l’observanceLE SUJET ÂGÉ
FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ DU SUJET ÂGÉ
POLYPATHOLOGIE
Plus de 10 % des personnes de plus de 75 ans sont polypathologiques. Les comorbidités augmentent le risque iatrogène car elles ont des répercussions sur la tolérance aux médicaments : anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) susceptibles de décompenser une insuffisance cardiaque, anticholinergiques aggravant une démence d’Alzheimer ou exposant au risque de rétention urinaire et de globe vésical en cas d’adénome de prostate, vasoconstricteurs et AINS susceptibles d’augmenter la tension artérielle…POLYMÉDICATION
Définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou l’administration d’un nombre excessif de médicaments », la polymédication, diminue la qualité d’observance (75 % d’observance pour une monothérapie contre 40 % dans le cas où le traitement comporte plus de quatre médicaments). Elle augmente le risque d’interactions médicamenteuses, d’autant plus que le nombre de prescripteurs est élevé. Or, les interactions médicamenteuses sont considérées comme responsables de 15 à 20 % des effets indésirables.ALTÉRATIONS ORGANIQUES
Chez la personne âgée, la vidange gastrique est diminuée, allongeant le temps de contact du médicament avec la muqueuse gastrique qui peut être nocif lorsqu’il présente une toxicité digestive (ex : AINS).DÉNUTRITION
2 à 4 % des seniors (de 60 ans à 80 ans), vivant à domicile, sont dénutris. Cette dénutrition aggrave une sarcopénie (diminution de la masse maigre au profit de la masse grasse) et modifie le volume de distribution des médicaments liposolubles, allongeant leur demi-vie.TROUBLES COGNITIFS ET/OU PSYCHOAFFECTIFS
Les troubles thymiques et les démences représentent un obstacle majeur à la correcte observance d’un traitement.FACTEURS DE RISQUE D’ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES MÉDICAMENTEUX
Modification récente d’un traitementCHANGEMENT DANS LA VIE DU PATIENT
Chez le sujet âgé, la moitié des événements indésirables médicamenteux est consécutive à un épisode intercurrent. En effet, tout événement aigu (infection, fièvre, diarrhée, déshydratation…) est susceptible de décompenser une maladie sous-jacente, de déséquilibrer un traitement antidiabétique ou anticoagulant, d’altérer la fonction rénale et la tolérance aux médicaments.PRÉVENTION DE L’IATROGÉNIE REPÉRER LES PATIENTS À RISQUE
Identifier les patients à haut risque iatrogène et les situations à risque, être particulièrement attentif aux patients en sortie d’hospitalisation.ANALYSER LES TRAITEMENTS
Rechercher des contre-indications (anticholinergiques et risque de glaucome par fermeture de l’angle ou troubles urétroprostatiques, AINS et insuffisance cardiaque)PARTICIPER À LA SURVEILLANCE DES TRAITEMENTS
Une surveillance insuffisante (que ce soit au niveau clinique ou biologique), notamment concernant les traitements anticoagulants ou les antihypertenseurs et/ou un défaut d’information prodiguée aux patients sont responsables de plus de la moitié des effets indésirables graves.VÉRIFIER L’OBSERVANCE
Selon un sondage mené en 2015 à la demande du Leem par l’Institut français des seniors, 19 % des seniors reconnaissent oublier de prendre leur médicament, 16 % arrêter un médicament de leur propre initiative, 2 % se tromper dans les doses.PRÉVENIR L’IATROGÉNIE
Y A-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS ?
Y a-t-il des contre-indications ?LA SITUATION CLINIQUE EST-ELLE SUSCEPTIBLE D’ÊTRE AGGRAVÉE PAR LA DÉLIVRANCE DU MÉDICAMENT ?
La situation clinique est-elle susceptible d’être aggravée par la délivrance du médicament ?Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?
Y a-t-il des interactions ?LES POSOLOGIES SONT-ELLES ADAPTÉES À UN PATIENT ÂGÉ ?
Les posologies sont-elles adaptées à un patient âgé ?LA FORME GALÉNIQUE EST-ELLE APPROPRIÉE ?
La forme galénique est-elle appropriée ?LE PATIENT EST-IL OBSERVANT ?
Le patient est-il observant ?Y A-T-IL UN ÉVÉNEMENT INTERCURRENT SUSCEPTIBLE DE DÉSTABILISER LE TRAITEMENT OU DE FAVORISER L’IATROGÉNIE ?
Y a-t-il un événement intercurrent susceptible de déstabiliser le traitement ou de favoriser l’iatrogénie ?Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?
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