Comment les autres pays européens développent le générique - Le Moniteur des Pharmacies n° 3170 du 25/03/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3170 du 25/03/2017
 
SUBSTITUTION

Temps Forts

Enquête

Auteur(s) : MAGALI CLAUSENER 

Le développement du marché du générique en France accuse un retard par rapport à celui des autres pays européens. Chez nos voisins, ce marché se porte plus que bien. Pourquoi cette différence ? Quels leviers ont-ils choisis pour développer l’utilisation des génériques ?

La relative réticence des Français et des médecins vis-à-vis du médicament générique n’est pas la seule explication au faible développement de ce marché dans l’Hexagone. Il s’agirait plutôt d’une conséquence de la politique menée jusqu’alors par les pouvoirs publics. Pour Erick Roche, président du Gemme, l’association des laboratoires de génériques, cette défiance provient du fait que tous les acteurs — génériqueurs, médecins, patients — n’ont pas été associés, dès le départ, à la politique du générique. En outre, depuis l’origine, son développement repose essentiellement sur la substitution par les pharmaciens. Malgré la mise en place d’une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) et l’obligation de prescrire en dénomination commune internationale (DCI), les médecins peinent à changer leurs habitudes. Quant aux patients, malgré le dispositif de « tiers-payant contre génériques », ils sont assurés d’être pris en charge, même s’ils doivent faire l’avance de frais pour obtenir le princeps.

Chez nos voisins européens, le marché du générique est en bien meilleure santé. « Les exemples étrangers montrent que le succès d’une politique en faveur des médicaments génériques repose sur l’engagement et la responsabilisation des médecins (prescripteurs), l’adhésion des patients (utilisateurs) et le concours actif des pharmaciens (diffuseurs) », observe la Cour des comptes dans son rapport sur la Sécurité sociale de septembre 2014.

Une approche disparate du Répertoire

Effectivement, le développement des génériques dans plusieurs pays européens s’appuie sur l’incitation des médecins à les prescrire. Il faut cependant savoir que la notion de « Répertoire » n’existe pas partout. Selon une étude réalisée par Eurostaf en 2010 pour le compte de la Direction de la Sécurité sociale dans 5 pays (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), seuls le Danemark et la Suède ont élaboré un répertoire des génériques. En Allemagne et aux Pays-Bas, les génériques sont classés dans des groupes de « médicaments interchangeables ». « Leur champ est cependant plus large que les groupes génériques du Répertoire français puisqu’ils rassemblent non seulement les présentations ayant un même principe actif mais aussi leurs équivalents thérapeutiques », note l’Assurance maladie dans son rapport à la Commission des comptes de la Sécurité sociale, en juin 2010. En revanche, il n’y a aucun répertoire au Royaume-Uni.

Pour autant, ces cinq pays ont mis en place des « référentiels [qui] hiérarchisent les prescriptions sur des critères médico-économiques ». Ces derniers sont utilisés pour fixer des objectifs de prescriptions aux médecins, en particulier « dans les classes susceptibles de générer le plus d’économies ». Il s’agit notamment des traitements anticholestérol, antiulcéreux et antihypertenseurs. Ces taux cibles sont souvent proches de 80 à 90 % et ils doivent être respectés par « chaque médecin, individuellement ou au niveau d’un cabinet de groupe, et sont parfois définis (Allemagne, Suède) ou ajustés (Royaume-Uni) localement ». Dans ces pays, les logiciels informatiques de prescription sont utilisés de façon quasi systématique, ce qui facilite aussi la prescription en DCI.

En outre, ces objectifs de prescription des traitements les moins coûteux s’accompagnent de contreparties financières, soit générales en fonction du respect des budgets de prescription (Allemagne, Royaume-Uni), soit de rémunérations directement liées à l’atteinte des taux cibles définis par les référentiels de prescription (Royaume-Uni, Suède). A l’inverse, il peut y avoir des sanctions. En Allemagne, si le seuil de référence (c’est-à-dire le quota de prescriptions) est compris entre 15 et 25 %, le médecin a un entretien-conseil lui permettant de s’expliquer sur les raisons de ce dépassement. S’il ne se rend pas à cet entretien ou s’il continue de dépasser ses quotas, il est contrôlé. Si le dépassement est supérieur à 25 %, le praticien rembourse le surcoût à la caisse d’Assurance maladie sauf si celui-ci est justifié.

Obligation de substitution en Suède

Si le rôle des prescripteurs est essentiel, celui des pharmaciens l’est également. Pour autant, la substitution par les officinaux n’est pas forcément appuyée comme en France. Ainsi, au Royaume-Uni, les pharmaciens n’ont pas le droit de substitution. Cependant, ils peuvent proposer un médicament générique lorsque la prescription est rédigée en DCI. En Allemagne, les pharmaciens sont tenus de dispenser aux patients le générique qui coûte le moins cher. En revanche, aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède, les pharmaciens ont le droit de substituer un générique à un médicament prescrit. Pour les officinaux suédois, il s’agit d’ailleurs d’une obligation légale. Outre ces obligations, les pharmaciens peuvent être intéressés financièrement à la délivrance de génériques. Au Royaume-Uni, les pharmaciens délivrent les médicaments gratuitement et sont « remboursés » par l’équivalent des Caisses primaires d’Assurance maladie en fonction des prix fixés par le ministère de la Santé. Ceux-ci sont déterminés sur la base des prix moyens pratiqués par les fabricants. Dans le même temps, les pharmaciens anglais achètent directement aux laboratoires et peuvent négocier des remises sans plafonnement. Si le prix négocié est inférieur au prix fixé, ils en tirent un profit qu’ils partagent avec le National Health Service (mécanisme de récupération). A contrario, la rémunération des pharmaciens allemands ne varie presque pas en fonction du prix des médicaments.

Un intérêt financier pour les patients

Un autre pilier des politiques menées à l’étranger repose sur l’intérêt financier des patients. Comme le relève Eurostaf, le remboursement des princeps et des génériques dans les cinq pays étudiés est fondé sur un tarif et non sur les prix des génériques (au Royaume-Uni, par exemple), soit du prix du générique le moins cher (Suède et Danemark). Concrètement, le patient a un reste à charge si le médicament prescrit est plus cher que le tarif de référence. L’effet pour le patient est donc immédiat et individuel. Et plus simple à comprendre que des messages portant sur les économies à réaliser pour la collectivité à moyen terme ! §

À RETENIR


• En France, il manque une politique concertée auprès des acteurs concernés par le générique : laboratoires, patients, médecins, pharmaciens…

• Dans les autres pays européens, le médecin est un levier majeur pour le générique, par le biais de récompenses ou de sanctions.

• Le levier financier fonctionne aussi pour les pharmaciens et les patients.

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