Les antirétroviraux du VIH cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 3155 du 08/12/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3155 du 08/12/2016
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS  1  SURVEILLANCE 

UNE REMONTÉE INQUIÉTANTE

Juliette, 43 ans, a découvert sa séropositivité il y a 6 mois. Asymptomatique, elle est suivie par un infectiologue et est traitée par ténofovir disoproxil-emtricitabine (Truvada) et dolutégravir (Tivicay). Son taux de lymphocyte T CD4 était de 550/mL et sa charge virale < 400 copies/mL lors de l’examen à 3 mois. Elle vient de faire de nouvelles analyses et est très inquiète car sa charge virale a augmenté et atteint 1 000 copies/mL. Le pharmacien interroge la patiente sur une éventuelle automédication, un oubli de traitement ou une infection récente. Perplexe, Juliette évoque la prise de paracétamol après avoir été vaccinée contre la grippe lors d’une campagne de vaccination au travail.

ANALYSE DU CAS

La charge virale reflète la quantité de virus dans le sang et donne ainsi une image de l’activité du VIH dans l’organisme, alors que le nombre de lymphocytes T CD4 renseigne sur l’état du système immunitaire. Ces deux mesures sont corrélées : plus la charge virale est élevée, plus le risque de diminution du taux de CD4 est grand et plus la probabilité de développer des infections opportunistes et de passer au stade sida est élevée.
Le nombre de CD4 et la charge virale peuvent fluctuer avec de nombreux paramètres. Ce qui est important est de considérer l’évolution de la charge virale dans le temps et la tendance générale de la fluctuation. Chez les patients infectés par le VIH, la charge virale peut significativement augmenter après un vaccin ou une infection.
Les recommandations vaccinales s’appliquent aux patients vivant avec le VIH. Cependant, le vaccin BCG est contre-indiqué en raison du risque de « bécégite » élevé et les vaccins vivants peuvent être contre-indiqués en fonction du taux de CD4.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure la patiente. Cette augmentation ponctuelle n’est pas forcément significative d’une accélération de la maladie. Seule une évaluation au long cours de la tendance de ces fluctuations donne une indication sur l’évolution de la pathologie et l’efficacité des traitements.
Le pharmacien incite Juliette à prendre contacte avec son médecin. De nouveaux examens biologiques devront certainement être réalisés à distance de la vaccination.
À retenir
Infections et vaccins peuvent faire fluctuer la charge virale et inquiéter les patients séropositifs. Seule la tendance générale des fluctuations au fil du temps est un facteur pertinent d’évolution de la maladie.

CAS  2  EFFETS INDÉSIRABLES 

DES CREUX ET DES BOSSES

Lydie, 39 ans, est une patiente régulière. Elle vient renouveler son traitement contre le VIH : darunavir (Prezista), ritonavir (Norvir) et ténofovir disoproxil-emtricitabine (Truvada), qu’elle a débuté il y a 6 mois. Elle se plaint d’un changement récent de morphologie : « j’ai les joues creuses, les fesses plates et des bourrelets sur le ventre. Je ne me reconnais pas ! ». Elle demande des produits pour maigrir et une crème contre la cellulite. « Je commence à en avoir assez. J’ai parfois envie d’arrêter », confie-t-elle au pharmacien.

ANALYSE DU CAS

Ce changement de morphologie décrit par Lydie est une lipodystrophie, due à une toxicité métabolique iatrogène pouvant affecter les adipocytes et être responsable d’une redistribution des graisses.
Autrefois très courante et facteur limitant l’observance (notamment avec stavudine et zidovudine), cette toxicité est devenue plus rare avec l’avènement des nouvelles molécules, mais reste encore observée, notamment avec le ritonavir (Norvir), qui sert de booster au darunavir.
Elle se traduit par une perte du tissu adipeux sous-cutané au niveau des jambes, des fesses, des bras et du visage. Cette lipoatrophie donne au patient un aspect émacié et musculeux.
Parallèlement, une prise de masse grasse au niveau du tronc avec augmentation du tour de taille est observée. Une gynécomastie peut également être présente aussi bien chez l’homme que chez la femme. On observe parfois une accumulation de graisse au niveau de la nuque donnant un aspect de bosse de bison.
La lipodystrophie a des conséquences majeures, notamment esthétiques, entraînant une souffrance psychologique pour le patient et pouvant conduire à une rupture du traitement. Elle est partiellement réversible.
Elle expose également à un risque athérogène et hépatique, avec une possible stéatose.
Le respect de règles hygiéno-diététiques est primordial. Pour évaluer l’impact des thérapeutiques anti-VIH sur la répartition des graisses, le poids, les tours de taille, des hanches et de la poitrine sont mesurés avant l’introduction d’un nouveau traitement, puis à intervalles réguliers afin d’intervenir rapidement.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure Lydie et l’encourage à pratiquer une activité physique régulière et à avoir une alimentation équilibrée.
Il lui propose d’en parler à son médecin et de prendre rendez-vous avec un diététicien. Si les effets ne s’estompent pas au bout de quelques mois, le médecin pourra envisager un changement de traitement, en tenant compte des résultats virologiques.
À retenir
Les lipodystrophies sont des effets indésirables devenus plus rares. Gênants, ils peuvent mener à un arrêt du traitement par le patient. Il est important de les prévenir et de les prendre en charge dès leur apparition.

PRISE EN CHARGE DES LIPODYSTROPHIES

Prise en charge des lipodystrophies
D’après les données d’une cohorte suisse, les lipodystrophies sont estimées à 17 % environ des patients recevant un traitement depuis plus de 6 ans. L’objectif de la prise en charge est d’améliorer la qualité de vie et de favoriser l’observance des traitements.

• Vérifier l’hygiène de vie : une évaluation de l’alimentation peut être réalisée avec un nutritionniste afin d’évaluer la consommation de lipides, de glucides et vérifier l’apport suffisant en fibres. Il est important, en parallèle de pratiquer une activité physique régulière même modérée.

• La thérapeutique anti-VIH peut être adaptée suivant les cas.

• Le manque de tissu adipeux au niveau du visage peut être comblé avec des produits de comblements artificiels (acide polylactique-New Fill pris en charge par l’Assurance maladie, l’acide hyaluronique, les gels de polyacrylamide ou d’alkylimide).

• La pose de prothèses est envisageable au niveau des fessiers (non prise en charge). Posées en latéral, elles ne permettent pas de combler une perte de graisse au niveau des points d’appui mais améliorent indirectement le confort en répartissant les pressions en position assise.

• Traitements pharmacologiques. La metformine peut permettre de diminuer la masse grasse abdominale mais reste sans effet sur la graisse sous-cutanée périphérique. En pratique, elle est peu utilisée en raison des risques d’interactions médicamenteuses.
L’uridine, testée dans la lipoatrophie, vendue comme complément alimentaire, n’a pas fait preuve de son efficacité et n’est donc pas recommandée.

CAS  3 EFFETS INDÉSIRABLES 

DES YEUX JAUNES

Henri B., 55 ans, sous antirétroviraux depuis 15 ans, est traité depuis 2 mois par l’association abacavir 600 mg/lamivudine 300 mg (Kivexa) 1 comprimé par jour, atazanavir (Reyataz) 1 gélule à 300 mg par jour, et 100 mg de ritonavir (Norvir). Il vient à la pharmacie demander conseil, car il a les yeux jaunes et craint d’avoir contracté une hépatite, en plus du VIH.

ANALYSE DU CAS

Une coloration jaune du fond d’œil ou de la peau (ictère) évoque une augmentation massive de la concentration de bilirubinémie souvent liée à une atteinte hépatique et notamment une hépatite virale.
L’atazanavir, une antiprotéase, augmente la concentration sanguine de bilirubine libre par inhibition d’une enzyme assurant la glucurono-conjugaison de la bilirubine ensuite éliminée au niveau rénal. L’accumulation de bilirubine libre peut conduire à une pigmentation jaune de la conjonctive (ictère globulaire), voire à une coloration de la peau évoquant une jaunisse. Bénigne, elle est réversible à l’arrêt du traitement.
Le ritonavir est un puissant inhibiteur du CYP3A4. Il permet d’augmenter la biodisponibilité de l’atazanavir. L’arrêt de la prise du ritonavir peut être suffisant pour réduire cet effet indésirable mais nécessite d’augmenter la posologie d’atazanavir et de surveiller ses concentrations plasmatiques résiduelles. Une réduction de la posologie d’atazanavir n’est pas recommandée en raison du risque de perte de l’efficacité thérapeutique et d’apparition de résistances.


ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne rassure M. B. sur le caractère probablement bénin de cet ictère.
Il lui conseille de contacter son médecin pour préciser son étiologie. Si l’ictère est mal supporté, une adaptation voire un changement du traitement antiviral pourraient être envisagés.
À retenir
L’ictère oculaire et de la peau est un effet indésirable fréquent et bénin de l’atazanavir.

CAS  4  INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

PLANTES TOXIQUES

Marjorie, 25 ans, étudiante, est en plein partiels. Elle est traitée par éfavirenz-emtricitabine-ténofovir disoproxil (Atripla) depuis 5 ans. Fatiguée par ses révisions, Marjorie voudrait quelque chose de naturel pour la concentration. Marius, l’étudiant en pharmacie, demande au titulaire s’il peut proposer des gélules de Gingko biloba.

CAS  5  INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

BRÛLURES D’ESTOMAC

Ludovic, 23 ans, a été diagnostiqué séropositif pour le VIH il y a 6 mois. Sous trithérapie ténofovir disoproxil-emtricitabine-rilpivirine (Eviplera), c’est un patient observant. Il pose une boîte de Mopralpro (oméprazole) sur le comptoir et demande des sachets de Gaviscon. Il indique qu’il souffre depuis plusieurs jours de brûlures d’estomac et demande si ces produits sont compatibles avec son traitement.

ANALYSE DU CAS

Eviplera est une association de deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (ténofovir disoproxil et emtricitabine) et d’un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (rilpivirine).
L’absorption du rilpivirine est dépendante du pH gastrique.
La rilpivirine est contre-indiquée avec tous les inhibiteurs de la pompe à protons dont l’oméprazole. En effet, l’inhibiteur de la pompe à protons augmente le pH gastrique et diminue l’absorption de la rilpivirine.
La prise d’antihistaminiques H2 est également à prendre en compte, car elle expose à un risque de diminution de l’absorption par augmentation du pH gastrique. Si nécessaire, un anti-H2 peut être administré en une prise par jour, au moins 12 heures avant, ou 4 heures après la rilpivirine.
La prise de Gaviscon (bicarbonate de sodium et sodium alginate), comme tous les topiques anti-acides, nécessite une prise à distance de tout autre médicament.
Le charbon actif et les argiles, adsorbants intestinaux, sont également contre-indiqués avec tous les antirétroviraux du VIH car ils peuvent diminuer l’absorption des antirétroviraux.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien alerte Ludovic sur l’incompatibilité de son traitement antirétroviral avec l’oméprazole.
Il lui propose quelques mesures simples : éviter les aliments trop gras, le café, l’alcool, le tabac, les aliments acides (tomates, vinaigre…) et les plats épicés.
Il lui rappelle de prendre Eviplera, le matin avec un bon petit-déjeuner (avec 400 à 450 calories et un peu de graisses) plutôt que le soir, car le transit est plus lent et le risque de reflux plus élevé.
Si l’administration de Gaviscon est nécessaire, il devra veiller à le prendre à distance d’au moins 2 heures du traitement antiviral.
Le pharmacien incite également Ludovic à informer son médecin de ce symptôme qui pourrait être la manifestation d’une candidose buccale.
À retenir
Les inhibiteurs de la pompe à protons sont contre-indiqués avec la rilpivirine. Les antihistaminiques H2 et les topiques antiacides peuvent être administrés à distance de l’antiviral.

TRAITEMENTS ANTIRÉTROVIRAUX ET MÉDICAMENTS ANTI-ACIDES

Traitements antirétroviraux et médicaments anti-acides
Antiacides
Inhibiteur de protéase / ritonavir
Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse
Inhibiteurs d’intégrase
Inhibiteur de fusion et inhibiteur du CCR5
Anti-H2
Atazanavir diminué :
prendre l’anti-H2 au moins 10 heures avant l’atazanavir/r
Rilpivirine diminuée : prendre l’anti-H2 12 heures avant ou 4 heures après
Pas d’interaction
Pas d’interaction
Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
Atazanavir diminué :
prendre IPP au moins 10 heures avant l’atazanavir/r
Rilpivirine diminuée :
ne pas associer
Raltégravir augmenté :
pas de conséquence clinique
Pas d’interaction
Antiacides topiques
(Al, Mg, Ca)
Diminution de l’absorption, quel que soit l’antirétroviral : décaler la prise d’au moins 2 heures
Dolutégravir : décaler 2 heures après, ou 6 heures avant
Argiles, charbon
Diminution de l’absorption, quel que soit l’antirétroviral : contre-indiqué
Source : Société française de lutte contre le sida, 2016

CAS  6 INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

TROP DE CHOLESTÉROL !

Jacques, 52 ans, présente une ordonnance du remplaçant de son généraliste qui vient de lui prescrire de la simvastatine. Jacques est traité par atazanavir (Reyataz), ritonavir (Norvir) et emtricitabine-ténofovir disoproxil (Truvada). Il est aussi sous metformine pour un diabète de type 2. La pharmacienne est en alerte.

ANALYSE DU CAS

Les traitements antiviraux ont allongé l’espérance de vie des patients vivant avec le VIH. De fait, la mortalité directe par le sida n’est plus que de 25 %.
Les autres causes de mortalité sont en progression. L’atteinte cardiovasculaire est responsable de 10 % de mortalité. Certains traitements antiviraux peuvent favoriser des troubles métaboliques : diabète, hyperlipidémie ou hypercholestérolémie.
La simvastatine est contre-indiquée avec les inhibiteurs de protéases (ici, atazanavir et ritonavir). Leur association expose à un risque majoré d’effets indésirables (rhabdomyolyse…) à cause de la diminution du métabolisme hépatique de la simvastatine par le cytochrome P450 3A4.
D’autres statines peuvent être utilisées. L’atorvastatine et la rosuvastatine doivent être prescrites à la dose la plus faible possible, des cas de myalgies ayant été signalées à fortes doses.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien décide, avec l’accord de Jacques, de joindre le médecin prescripteur.
Il lui propose de prescrire une autre statine non métabolisée par le CYP 3A4 (pravastatine, rosuvastatine à faible dose…).
À retenir
La simvastatine est contre-indiquée avec les inhibiteurs de protéases. Le choix doit alors se porter sur une statine non métabolisée par le cytochrome P450 3A4 (pravastatine, rosuvastatine…).

CAS  7 INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

AMINATA VEUT UNE CONTRACEPTION

Aminata, 21 ans, est séropositive depuis sa naissance. Elle est traitée par emtricitabine, ténofovir et rilpivirine (Eviplera). En couple depuis 6 mois, elle a peur d’une rupture de préservatif et de tomber enceinte. Venue renouveler son traitement anti-VIH, elle présente également une prescription d’Optilova (éthinylestradiol + lévonorgestrel). Coralie, la préparatrice, s’étonne de cette prescription.

ANALYSE DU CAS

La contraception estroprogestative est utilisable chez les patientes atteintes par le VIH. Cependant, son efficacité peut être réduite par certains antirétroviraux (notamment névirapine, éfavirenz, darunavir/r, lopinavir/r).
Après recherche dans la base Thériaque, Coralie, la préparatrice, constate qu’il n’y a pas d’interaction entre l’éthinylestradiol et le traitement antirétroviral actuel d’Aminata.
La moitié des femmes vivant avec le VIH déclarent ne pas avoir de projet de grossesse, d’où le besoin d’une contraception fiable et bien tolérée, pour éviter un risque insuffisamment couvert.
Le préservatif est un moyen de contraception efficace lors d’une utilisation parfaite. Mais, il expose à un risque d’échec contraceptif plus important que la pilule en raison d’un fréquent mésusage. Il reste cependant nécessaire contre la transmission des infections sexuellement transmissibles.
Le dispositif intra-utérin (DIU) est également utilisable. Aucune augmentation du risque d’infection génitale haute ou de complications liées à la pose du DIU n’a été constatée chez les femmes infectées par le VIH.


ATTITUDE À ADOPTER

Coralie délivre le contraceptif à Aminata. Elle lui rappelle qu’en cas de rupture de préservatif, elle doit informer son partenaire du risque de contamination pour intervenir en conséquence.
Attention
Les contraceptifs estroprogestatifs peuvent être rendus inefficaces par certains traitements antirétroviraux, tels que la névirapine, l’éfavirenz, darunavir boosté par le ritonavir (/r) et le lopinavir/r.

CAS  8 INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

UN VOYAGE EN ASIE À RISQUE

Antoine, 32 ans, séropositif depuis 5 ans, est traité par atazanavir (Reyataz), ritonavir (Norvir) et ténofovir disoproxil-emtricitabine (Truvada). Il part en vacances un mois en Asie. Son généraliste lui a prescrit une chimioprophylaxie antipaludéenne : atovaquone/proguanil (Malarone). Lorsqu’Antoine vient chercher ses traitements, le pharmacien s’interroge.

ANALYSE DU CAS

Le traitement prophylactique antipaludéen de première intention associant atovaquone et proguanil ne convient pas à Antoine.
Le traitement anti-VIH par atazanavir (Reyataz) boosté par ritonavir (Norvir) expose à un risque de diminution des concentrations plasmatiques de l’atovaquone par augmentation de son métabolisme, et en conséquence à un risque de diminution de son efficacité. Cette association est ainsi déconseillée.
D’autres traitements sont indiqués dans ces régions. La doxycycline (photosensibilisante) et la méfloquine (à l’origine de troubles neuropsychiques) n’interagissent pas avec le traitement anti-VIH d’Antoine.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien contacte le médecin d’Antoine pour ajuster la chimioprophylaxie.
Il propose également des modes de prophylaxie complémentaires (répulsifs et moustiquaires imprégnées) et l’incite à porter des vêtements longs imprégnés d’insecticides.
Le pharmacien rappelle à Antoine qu’il doit emporter avec lui ses ordonnances (rédigées avec la dénomination commune internationale) ainsi qu’un compte rendu médical, traduit dans la langue du pays de destination ou au moins en anglais.
À retenir
L’atazanavir boosté par le ritonavir expose à un risque de diminution de l’efficacité de l’atovaquone utilisée en chimioprophylaxie antipaludéenne.

CAS  9 INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES 

STEVEN PREND DE LA BUPRÉNORPHINE

Steven, 33 ans, graphiste, est sous buprénorphine depuis 6 ans. Il vient d’apprendre qu’il est séropositif. Abattu, il présente une ordonnance de ténofovir disoproxil-emtricitabine (Truvada), darunavir (Prezista) et ritonavir (Norvir). Le pharmacien s’alerte de cette prescription.

ANALYSE DU CAS

Certains inhibiteurs de protéases peuvent faire varier les taux de buprénorphine ou de méthadone.
L’association entre la buprénorphine et le darunavir boosté par le ritonavir doit être prise en compte, car il existe un risque de majoration des effets de la buprénorphine par inhibition de son métabolisme hépatique par les inhibiteurs de protéases. En revanche, le darunavir et le ritonavir accélèrent le métabolisme de la méthadone exposant au risque de sous-dosage et de manque.
La coprescription de traitements substitutifs aux opiacés et de certains antirétroviraux nécessite une vigilance et éventuellement un ajustement des doses.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à Steven le risque de déséquilibre de son traitement par buprénorphine. Steven devra consulter sans délai un médecin en cas de signes de surdosage (troubles respiratoires, nausées, vomissements, hypotension, sédation). Un rééquilibrage du traitement pourrait être nécessaire.
Le pharmacien lui demande comment il est accompagné dans son parcours de sevrage et dans la gestion de son traitement VIH et l’incite à se rapprocher d’associations de patients. Il lui recommande également de venir à la pharmacie en cas de difficultés avec le traitement : observance, compréhension, gestion des effets indésirables…
À retenir
Les concentrations de buprénorphine et de méthadone peuvent être modifiées par certains traitements antirétroviraux avec un risque de déséquilibre de la substitution aux opiacées.

CAS  10 MÉSUSAGE 

STEPHAN EST FÊTARD

Stephan, 29 ans, chauffeur de bus, a été diagnostiqué VIH+ il y a un mois. Il est sous Atripla (éfavirenz, emtricitabine, ténofovir disoproxil) un comprimé le soir, depuis 3 semaines. Il vient à la pharmacie et demande s’il peut prendre son traitement plutôt le matin que le soir car, sortant régulièrement avec ses amis, il a tendance à l’oublier.

ANALYSE DU CAS

Il est primordial de ne pas interrompre un traitement antirétroviral sans avis médical et plus particulièrement au début du traitement. D’une part, une charge virale indétectable doit être obtenue très rapidement. En outre, la sélection de virus résistants est rapide et favorisée par les périodes d’intermittence de traitement.
Les conséquences d’une dose non prise sont d’autant plus importantes qu’il s’agit d’une administration monodose.
Dans le cas de l’éfavirenz, surtout lors des premières semaines, il est recommandé de prendre la molécule le soir, au coucher car il peut provoquer des sensations vertigineuses gênantes et potentiellement dangereuses en cas de prise dans la journée.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rappelle à Stephan l’importance de l’observance et d’une prise de son traitement le soir pour limiter le risque de survenue de vertiges qui pourraient être dangereux dans l’exercice de sa profession.
Il lui indique qu’en cas d’oubli, s’il s’en aperçoit dans les 12 h., il doit prendre la dose en restant vigilant au risque de vertiges. S’il reste moins de 12 h. avant la prise suivante, la dose doit être sautée.
Le décalage systématique de la prise d’Atripla est déconseillé. En attendant un changement éventuel de traitement, le pharmacien lui propose des solutions pour éviter l’oubli, notamment une application mobile de rappel de prise.
Attention
Les horaires de prise des traitements sont définis notamment en fonction de leurs effets indésirables potentiels. L’éfavirenz doit être pris le soir au coucher pour limiter la survenue de vertiges.

CAS  11 OBSERVANCE 

VACANCES THÉRAPEUTIQUES

Rayane, 19 ans, est sous trithérapie abacavir-lamivudine-dolutégravir (Triumeq) depuis 2 ans. A la veille des vacances, il passe à la pharmacie acheter un médicament contre le mal des transports. Le pharmacien lui demande s’il doit lui renouveler son traitement anti-VIH. Rayane explique qu’il va faire une pause dans son traitement durant ces 2 semaines avec ses amis. Il veut être comme tout le monde.

ANALYSE DU CAS

L’adolescence est une période propice au refus de traitement et à une mauvaise observance.
L’observance dépend de nombreux critères : la tolérance, le nombre de prises quotidiennes, l’antériorité du traitement, les facteurs psychologiques, les préjugés sociaux, les addictions (alcool, tabac, drogues…), la compréhension du traitement et de ses enjeux…
Dans le VIH, le niveau d’observance doit être supérieur à 95 % pour prévenir un échec thérapeutique. Une mauvaise observance est aussi à l’origine du développement de souches du VIH résistantes aux traitements.
Des « pauses thérapeutiques » ont pu être autorisées par certains infectiologues. Il s’agit d’une suspension du traitement pendant un temps défini, avec pour objectif une réduction de l’exposition aux traitements et de leur toxicité. Elles ne sont plus recommandées, sauf situations particulières et sous contrôle médical.


ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rappelle à Rayane les risques auxquels il s’expose. Il lui propose de voir si l’achat d’un pilulier discret, évitant ainsi de transporter ses boîtes de médicaments, pourrait l’aider.
À retenir
L’observance est un élément déterminant de l’efficacité des traitements anti-VIH. Être à l’écoute des patients vivant avec le VIH favorise l’observance.

CAS  12 PROFILS PARTICULIERS 

« JE SUIS INQUIÈTE POUR LE BÉBÉ »

Jennifer, 26 ans, est séropositive et enceinte de 7 mois. Laurence, la mère de Jennifer, est de passage chez sa fille. Elle vient à la pharmacie chercher le traitement anti-VIH de Jennifer. Elle fait part à la pharmacienne de son inquiétude pour le bébé exposé aux traitements de sa mère. Elle se demande s’il ne serait pas plus raisonnable qu’elle arrête les médicaments juste le temps de la grossesse.

ANALYSE DU CAS

Le traitement antirétroviral doit être maintenu au cours de la grossesse. Il est prescrit pour le bénéfice de la mère et pour prévenir la transmission mère enfant. Un arrêt de traitement entraîne un risque de remontée de la charge virale et de diminution du taux de CD4 avec un risque de transmission du virus plus élevé.
Le risque de malformations chez les enfants exposés aux antirétroviraux n’est pas globalement augmenté. L’éfavirenz est le seul antirétroviral contre-indiqué au premier trimestre de la grossesse en raison d’un risque de malformation du système nerveux central.
La transmission par l’allaitement est majorée par certains facteurs tels qu’une forte charge virale (lors de la primo-infection, d’une progression de la maladie), des affections des seins (mastite, crevasse, abcès…), la durée de l’allaitement au sein et un muguet buccal chez le nourrisson.
En Europe, il n’est pas recommandé aux femmes vivant avec le VIH d’allaiter leur enfant, même si leur charge virale est indétectable. Après l’accouchement, l’enfant suivra un traitement défini en fonction de la charge virale de la mère et sera spécifiquement suivi.


ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne indique à la mère de Jennifer que sa fille est suivie par une équipe pluridisciplinaire.
Elle la rassure concernant les effets du traitement durant la grossesse. Elle explique que le nouveau-né recevra également un traitement antirétroviral pendant quelques semaines. Jennifer ne devra pas allaiter pour éviter tout risque de contamination.
À retenir
En Europe, l’allaitement est contre-indiqué chez la femme vivant avec le VIH, même lorsque la charge virale est indétectable.

GROSSESSE ET VIH

Grossesse et VIH
En France, en début de grossesse, le dépistage du VIH est proposé à toutes les femmes. Le taux de transmission mère-enfant du VIH-1 est estimé à 0,54 % sur la période 2005-2011 en France métropolitaine. Le plus souvent, la transmission concerne des femmes non dépistées avant la grossesse. Le risque est le plus important en cas de séroconversion au cours de la grossesse en raison d’une virémie initiale élevée.

• Suivi de la grossesse
Chez une femme séropositive, le suivi de la grossesse est classique. S’y ajoutent quelques mesures : surveillance glycémique chez les patientes sous inhibiteurs de protéase, sérologies mensuelles du cytomégalovirus et de la toxoplasmose si le nombre de CD4 est inférieur à 200/mL, mesure mensuelle de l’ARN-VIH plasmatique et trimestrielle des CD4... La charge virale est vérifiée à 34-36 semaines d’aménorrhée (SA) pour décider du mode d’accouchement.

• Traitement antirétroviral utilisé en fonction des cas
– Traitement en cours efficace, CD4 > 350/mL, charge virale indétectable : le traitement est maintenu sauf si l’antirétroviral utilisé est contre-indiqué : éfavirenz au 1er trimestre (risques tératogène et neurologique).
– Traitement en cours peu efficace, CD4 < 350/mL, charge virale positive : modification de la thérapie après vérification de l’observance.
– Séropositivité découverte au cours de la grossesse : débuter le traitement le plus tôt possible. Pratique courante dans le passé, l’option de différer le traitement, en l’absence de facteur de risque, pour le débuter entre 14 et 26 SA, est désormais déconseillée.

• Accouchement
– Voie basse possible si charge virale (CV) négative ou inférieure à 400 copies. Si 50 < CV < 400 copies, au cas par cas, en plus du traitement antirétroviral habituel, une perfusion de zidovudine est réalisée jusqu’au clampage du cordon ombilical. La perfusion de zidovudine n’est pas nécessaire lorsque la charge virale est inférieure à 50 copies/mL, sauf complication obstétricale.
– Si CV > 400 copies à 36 SA, césarienne prophylactique réalisée à 38-39 SA, avec perfusion de zidovudine 3 h. avant et jusqu’au clampage.
– Si sérodiagnostic durant l’accouchement, perfusion de zidovudine et névirapine pour la mère.

• Nouveau-né
Après l’accouchement, le nouveau-né reçoit de la zidovudine durant 4 semaines. Une trithérapie est mise en œuvre en cas de risque élevé d'infection.
Source : Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, actualisation 2015.

CAS  13 PROFILS PARTICULIERS 

LE PRÉSERVATIF S’EST ROMPU

Jérémy, 29 ans, séronégatif pour le VIH, fréquente épisodiquement, depuis quelques semaines, un nouveau partenaire. La veille au soir, lors d’un rapport sexuel, le préservatif s’est rompu. Le partenaire de Jérémy ne connaît pas son statut sérologique. Inquiet, Jérémy vient à la pharmacie car il a entendu qu’un autotest VIH était désormais disponible : « Je peux le faire tout de suite ? Et mon partenaire aussi ? », demande-t-il à la pharmacienne.

ANALYSE DU CAS

Après un rapport à risque et en l’absence de certitude concernant le statut sérologique du partenaire, une contamination par le VIH doit être envisagée.
Le risque de transmission homosexuelle du VIH lors de rapports avec pénétration anale est élevé en raison de la fragilité et de la perméabilité de la muqueuse. Le risque est de 0,05 à 0,18 % pour un homme pratiquant une pénétration anale non protégée sur un homme VIH+, et de 0,3 à 3 % en cas de pénétration anale non protégée par un partenaire VIH+. En comparaison lors d’un rapport hétérosexuel, le risque de transmission est de 0,03 à 0,09 % pour un homme ayant un rapport non protégé avec une femme VIH+ et de 0,05 à 0,15 % pour une femme ayant un rapport non protégé avec un homme VIH+.
Dans les 48 heures suivant l’exposition, un traitement post-exposition (TPE) peut être initié. Dans la mesure du possible, il doit être débuté dans les 4 premières heures suivant l’exposition.
Le TPE comporte une trithérapie préférentiellement 2 INTI (ténofovir, emtricitabine) et 1 INNTI (rilpivirine). Il est instauré soit pour une durée de 28 jours, soit pour une durée initiale de 48 à 96 heures, suivi d’évaluation pour décider de la poursuite ou non du traitement en fonction des nouveaux éléments apportés (sérologie négative ou charge virale indétectable du sujet source, mauvaise tolérance).
L’autotest VIH est un moyen supplémentaire de dépister le virus à partir d’un prélèvement capillaire. Cependant, il ne permet pas de détecter une infection par le VIH datant de moins de 3 mois.
Les tests d’analyse biologiques « classiques » permettent de détecter le virus dans le sang avec certitude 6 semaines après la prise de risque.


ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique à Jérémy que l’autotest n’est pas indiqué dans son cas. Elle l’oriente vers un service hospitalier afin de débuter un traitement le plus rapidement possible et l’encourage à être accompagné de son partenaire à qui sera proposé un dépistage du VIH.
À retenir
L’autotest VIH permet de détecter une infection par le virus datant de plus de 3 mois. Dans les 48 heures suivant une exposition, un traitement post-exposition peut être administré.

LA PROPHYLAXIE PRÉ-EXPOSITION (PREP)

La prophylaxie pré-exposition (PrEP)

• Pour qui ?
La PrEP s’adresse à toutes les personnes n’utilisant pas systématiquement le préservatif lors de rapports sexuels et qui sont à haut risque de contracter le VIH :
- hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ;
- personnes transgenres ;
- au cas par cas des usagers de drogue par voie intraveineuse (UDVI) ;
- des personnes en situation de prostitution exposées à des rapports sexuels non protégés ;
- en cas de partenaires sexuels multiples ;
- en cas de partenaire sexuel originaire d’un pays à haute prévalence, ou UDVI ;
- personnes avec un facteur physique aggravant le risque de transmission chez la personne exposée (comme une ulcération génitale).
La PrEP ne s’adresse pas aux personnes séronégatives ayant des relations sexuelles avec une personne séropositive sous traitement antirétroviral efficace avec une charge virale indétectable depuis au moins 6 mois, ni à une personne séronégative exprimant un souhait de procréation naturelle dans un couple sérodifférent.

• Quel traitement ?
Truvada (emtricitabine et ténofovir disoproxil), association de 2 inhibiteurs de la transcriptase inverse, utilisé comme antirétroviral depuis une dizaine d’années, a montré son efficacité pour empêcher une contamination par le VIH. Une AMM européenne a été obtenue dans le cadre de la PrEP, mais les conditions de prise en charge ne sont pas encore définies.

• Comment ?
La PrEP est prise en charge, depuis le 31 décembre 2015, dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation chez les adultes à haut risque d’acquisition du VIH par voie sexuelle.
La prescription est réservée aux médecins hospitaliers expérimentés dans la prise en charge de l’infection au VIH, initialement pour une durée d’un mois puis par période de 3 mois maximum. L’ordonnance de Truvada doit indiquer la mention « Prescription sous RTU ».

PHARMACOLOGIE 

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

L’objectif principal du traitement antirétroviral est d’empêcher la progression vers le stade sida et le décès, en maintenant ou en restaurant un nombre de lymphocytes T CD4 > 500/mL. Les autres bénéfices attendus sont l’amélioration ou la préservation de la qualité de vie des patients et la diminution du risque de transmission.
Un traitement antirétroviral doit être instauré chez toute personne infectée par le VIH quel que soit le nombre de lymphocytes T CD4.
Le rapport d’experts sur la prise en charge médicale des personnes vivants avec le VIH (2016) recommande de privilégier, parmi les 6 classes d’antiviraux, les associations suivantes :
2 inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et 1 inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) : ténofovir, emtricitabine et rilpivirine
2 INTI et 1 inhibiteur de l’intégrase (INI) :
– Ténofovir, emtricitabine et dolutégravir ou raltégravir ou elvitégravir/cobicistat
– Abacavir, lamivudine et dolutégravir
2 INTI et 1 inhibiteur de protéase/ritonavir (IP/r) : ténofovir, emtricitabine et darunavir/ritonavir
En cas de succès virologique, une optimisation thérapeutique peut être proposée : réduction du nombre de comprimés ou de prises, changement de molécule…

LES TRAITEMENTS

Les traitements

INHIBITEURS NUCLÉOSIDIQUES DE LA TRANSCRIPTASE INVERSE (INTI)

Pour être efficaces, les INTI doivent être phosphorylés et transformés en composés triphosphates dans la cellule. Le ténofovir possède déjà une phosphorylation.

Principaux effets indésirables : Effets gastro-intestinaux. Toxicité mitochondriale, devenue rare avec les nouveaux INTI (ténofovir, lamivudine, emtricitabine), qui se manifeste par des troubles digestifs, neuromusculaires (crampes, myalgies…), puis une altération de l’état général (asthénie, perte de poids) et une dyspnée précédant la survenue d’une acidose lactique potentiellement mortelle (toxicité favorisée en cas d’association de plusieurs INTI). Risque de pancréatite (surtout avec la didanosine), de troubles hépatiques et rénaux (ténofovir : risque de syndrome de Fanconi et d’insuffisance rénale). Lipodystrophie, moindre avec l’abacavir et le ténofovir. Risque d’hypersensibilité à l’abacavir prévenue par le génotypage du patient (les patients porteurs de l’allèle HLA B 5701 sont plus exposés). Risque d’atteinte hématologique avec la zidovudine : anémie, leucopénie, thrombopénie. Risque osseux avec le ténofovir (au-delà de 50 ans) par perte tubulaire de phosphate. L’emtricitabine peut induire une hyperpigmentation de la peau et des vertiges.
Principales interactions : Les INTI sont éliminés, surtout sous forme inchangée, par voie rénale. L’association à des médicaments diminuant la fonction rénale (AINS, IEC, sartans, diurétiques…) ou entrant en compétition pour la sécrétion tubulaire active expose à une majoration des effets indésirables. Avec la zidovudine, espacer d’au moins 2 heures la prise de comprimés de clarithromycine (risque de réduction de l’absorption de la zidovudine). L’association de zidovudine avec la ribavirine est déconseillée en raison de l’addition de la toxicité hématologique. La coadministration stavudine/zidovudine expose à un risque d’échec de traitement antirétroviral.

Principales contre-indications : Troubles hématologiques sévères (zidovudine). Insuffisance rénale au stade terminal (association zidovudine-lamivudine-abacavir).


INHIBITEURS NON NUCLÉOSIDIQUES DE LA TRANSCRIPTASE INVERSE (INNTI)

Principaux effets indésirables : Troubles hépatiques (principalement avec éfavirenz et névirapine). Troubles neuropsychiatriques (rêves anormaux, anxiété, dépression…), métaboliques (hypertriglycéridémie, dyslipidémie…) avec éfavirenz. Eruption cutanée (dont syndrome de Stevens-Johnson et syndrome de Lyell) avec la névirapine, l’éfavirenz et l’étravirine. Troubles métaboliques avec l’étravirine.

Principales interactions : Les INNTI sont métabolisés par le cytochrome P450 (CYP). Leurs effets sont augmentés par les inhibiteurs de l’isoenzyme du CYP 3A4 (macrolides sauf spiramycine, kétoconazole, jus de pamplemousse…). A l’inverse les inducteurs enzymatiques (notamment rifampicine et millepertuis) diminuent leur concentration plasmatique et donc leur efficacité. La rilpivirine est contre-indiquée avec les médicaments inhibiteurs de la pompe à protons. L’éfavirenz, l’étravirine et la névirapine diminuent l’efficacité des contraceptifs hormonaux. L’association de plusieurs INNTI n’est pas recommandée.

Principales contre-indications : Insuffisance hépatique sévère (éfavirenz, névirapine). Pour la névirapine, réadministration contre-indiquée en cas d’éruption cutanée sévère ou d’augmentation des transaminases durant un précédent traitement.

INHIBITEURS DE PROTÉASES (IP)

Principaux effets indésirables : Troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée, dyspepsie, douleur et distension abdominale). Troubles métaboliques (anomalies lipidiques — moindre avec l’atazanavir, intolérance au glucose voire diabète). Eruption cutanée (dont syndrome de Stevens-Johnson). Augmentation de l’hyperbilirubinémie libre, parfois associée à un ictère (jaunisse, ictère globulaire) principalement avec l’atazanavir, l’indinavir, le saquinavir. Modification de la répartition des graisses, devenue rare avec les traitements les plus récents, gynécomastie. Augmentation du risque cardiovasculaire avec la durée du traitement. Troubles érectiles.

Principales interactions : la simvastatine est contre-indiquée en raison du risque de myalgies, myopathie et rhabdomyolyse. La rifampicine et le millepertuis contre-indiqués. Les IP, et notamment le ritonavir, sont inhibiteurs du CYP 3A4. En association avec des médicaments substrats du CYP450 3A4 (inhibiteurs calciques, losartan, atorvastatine, simvastatine, rivaroxaban, apixaban…), ils exposent à un risque d’augmentation des effets indésirables de ces médicaments, principalement pour ceux à index thérapeutique étroit. L’atazanavir et le darunavir sont contre-indiqués avec le sildénafil aux doses indiquées dans l’hypertension artérielle pulmonaire (précautions pour dysfonction érectile). Les IP diminuent les concentrations d’atovaquone + proguanil. Les IP diminuent l’efficacité des contraceptifs hormonaux. Les IP exposent à un risque de surdosage de la buprénorphine et de sous dosage de la méthadone.

Principales contre-indications : Insuffisance hépatique sévère. Insuffisance hépatique modérée avec l’atazanavir boosté par ritonavir.


INHIBITEURS DE FUSION

L’enfuvirtide est le seul médicament de cette classe. Il est administré par voie injectable. Cette voie d’administration limite fortement son utilisation.

Principaux effets indésirables : fréquentes réactions au point d’injection (douleur, durcissement, nodules inflammatoires), infections bactériennes, anorexie, perte de poids, pancréatites, reflux gastro-œsophagien, neuropathies périphériques.

Pas d’interactions médicamenteuses, ni de contre-indication.



INHIBITEURS DU CCR5

Le maraviroc, seul représentant de cette classe, est actif contre les virus de type VIH-1 exclusivement à tropisme CCR5, limitant son utilisation.
Principaux effets indésirables : Nausées, douleurs abdominales, flatulence, anorexie, anémie, rash, asthénie, dépression, insomnie, élévation des transaminases.

Principales interactions : Un ajustement de dose peut être nécessaire en cas d’administration avec des inhibiteurs ou inducteurs du CYP3A4.

Contre-indications : Hypersensibilité à l’arachide et au soja présents dans la spécialité.


INHIBITEURS DE L’INTÉGRASE

Principaux effets indésirables : Troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, flatulence, dyspepsie, perte d’appétit), fièvre, céphalée, vertiges, fatigue, insomnie, rêves anormaux, troubles métaboliques (augmentation des transaminases, CPK, lipase, amylase), éruption cutanée, rash, prurit.

Principales interactions : Les inducteurs enzymatiques (rifampicine, anticonvulsivants, millepertuis…) augmentent le métabolisme du raltégravir et du dolutégravir et diminuent leur activité.

Pas de contre-indication.

LES BOOSTERS : RITONAVIR ET COBICISTAT

Les boosters : ritonavir et cobicistat

• Les inhibiteurs de la protéase (IP), ont une biodisponibilité médiocre. C’est pourquoi, ils sont presque toujours associés à un booster. Le ritonavir est un inhibiteur de protéase et également un puissant inhibiteur enzymatique du cytochrome P450 3A (CYP3A). L’inhibition de l’iso-enzyme du cytochrome, permet un ralentissement du métabolisme des IP. La concentration plasmatique et le temps de demi-vie de ces derniers sont alors augmentés. Le ritonavir est ainsi principalement utilisé comme potentialisateur de la pharmacocinétique d'autres inhibiteurs de protéase.

• Le cobicistat est un potentialisateur pharmacocinétique, inhibiteur irréversible du CYP3A, analogue structurel du ritonavir, mais dépourvu d’activité antirétrovirale. Il est actuellement utilisé dans une seule spécialité (Stribild) en association avec 2 INTI et un inhibiteur de l’intégrase, l’elvitégravir. L'inhibition du CYP3A augmente l’exposition systémique de l'elvitégravir dont la biodisponibilité est limitée et la demi-vie écourtée en raison de son métabolisme CYP3A-dépendant.

LE VIH EN CHIFFRES

Le VIH en chiffres
Il existe deux types de virus de l’immunodéficience humaine : VIH-1 et VIH-2. En France, plus de 98 % des cas d’infections sont dus au VIH-1. Le VIH-2 est moins transmissible et sévit principalement en Afrique de l'Ouest.
Environ 150 000 personnes vivent avec le VIH en France (2010). Il s’agit de 39 % d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, 11 % d’utilisateurs de drogues injectables, 24 % de personnes immigrées originaires d’Afrique subsaharienne et 26 % d’autres patients, majoritairement des personnes infectées par rapports hétérosexuels.
En 2014, 6 600 personnes ont découvert leur séropositivité VIH, dont 11 % sont des jeunes de moins de 25 ans.
Environ 29 000 personnes vivent avec le VIH en France et l’ignorent.
Le taux d’incidence est estimé à 18 pour 100 000 en France (39 pour 100 000 en Ile-de-France et 44 pour 100 000 dans les départements français d’Amérique).

PRÉVENIR L’IATROGÉNIE

Les questions à se poser lors de la dispensation

LE PATIENT CONNAÎT-IL L’ENJEU DE L’OBSERVANCE ?

Le patient connaît-il l’enjeu de l’observance ?
– Dans le VIH, le niveau d’observance doit être supérieur à 95 % pour prévenir un échec thérapeutique et le développement de souches du VIH résistantes aux traitements.
– Les « pauses thérapeutiques » ne sont pas recommandées.


CONNAÎT-IL LES MODALITÉS DE PRISE ?

Connaît-il les modalités de prise ?
– Respecter le moment de prise par rapport aux repas pour améliorer l’efficacité et limiter la survenue d’effets indésirables :
Indifférent par rapport au repas : abacavir, emtricitabine, lamivudine, zidovudine, névirapine, fosamprénavir, lopinavir (comprimé), dolutégravir, raltégravir, Combivir, Kivexa, Trizivir, Triumeq.
Pendant les repas : ténofovir, étravirine (après le repas), rilpivirine, atazanavir, darunavir, lopinavir (sol. buv.), ritonavir, saquinavir, tipranavir, Truvada, Eviplera, Stribild.
A distance des repas : efavrenz, indinavir, Atripla.
– Pour faciliter la prise, certains comprimés peuvent être écrasés et certaines gélules ouvertes.


LE PATIENT PREND-IL D’AUTRES MÉDICAMENTS ?

Le patient prend-il d’autres médicaments ?
– Les médicaments métabolisés par le cytochrome P450, inhibiteurs et inducteurs, interagissent avec les anti-VIH (sauf les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse) et demandent une vigilance particulière.
– Les antiacides interagissent avec les antirétroviraux en modifiant le pH gastrique. Les argiles et le charbon sont contre-indiqués. Les inhibiteurs de la pompe à protons ne doivent pas être associés à la rilpivirine.
– La buprénorphine et la méthadone peuvent être déséquilibrés en cas d’association avec un inhibiteur de protéase.
– La simvastatine est contre-indiquée avec l’atazanavir et le ritonavir.
– L’atazanavir boosté par le ritonavir expose à un risque de diminution de l’efficacité de l’atovaquone utilisée en chimioprophylaxie antipaludéenne.


CONNAÎT-IL LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ?

Connaît-il les principaux effets indésirables ?
– Troubles gastro-intestinaux (douleurs abdominales, troubles du transit) : très fréquents, ils peuvent nécessiter un traitement symptomatique. Une consultation médicale s’impose si l’épisode diarrhéique se poursuit au delà de 48 heures.
– Lipodystrophie : cet effet indésirable est devenu plus rare avec les nouvelles molécules. Le respect de règles hygiéno-diététiques est primordial pour le prévenir : alimentation équilibrée, activité physique régulière. L’aide d’un diététicien ou d’un nutritionniste est parfois nécessaire.
– Troubles neurologiques : rêves anormaux, anxiété, dépression, céphalées… la survenue de vertiges peut être limiter en prenant le traitement le soir.
– Ictère oculaire et cutané sous inhibiteurs de protéase (surtout atazanavir, indinavir et saquinavir) : effet bénin et réversible à l’arrêt du traitement.
– Eruption cutanée sous certains inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (névirapine, éfavirenz, étravirine) et inhibiteurs de protéases : nécessite une consultation médicale.
– Toxicité mitochondriale (fatigue, douleur musculaire, troubles digestifs, dyspnée…) avec les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse : devenue rare, elle nécessite une surveillance particulière.


LE TRAITEMENT NÉCESSITE-T-IL UNE SURVEILLANCE ?

Le traitement nécessite-t-il une surveillance ?
– L’efficacité des traitements est évaluée par une mesure des lymphocytes T CD4 et de la charge virale initialement à 1 mois, 3 mois, 6 mois et 12 mois, puis lorsque la charge virale est indétectable, tous les 3 à 6 mois.

Liste non exhaustive

Comment agissent les antirétroviraux anti-VIH ? - L’inhibiteur de fusion empêche la fusion entre la membrane de la cellule virale et celle de la cellule cible. - L’inhibiteur du CCR5 empêche l’intégration du virus dans le lymphocyte T CD4 en se liant au récepteur aux chimiokines humain CCR5. - Les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) limitent la réplication du VIH en bloquant l’élongation de la chaîne d’ADN viral en formation. - Les inhibiteurs de l’intégrase (INI) empêchent l’intégration du génome viral au génome cellulaire et la propagation de l’infection virale dans l’organisme. - Les inhibiteurs de protéase (IP) limitent la production de nouveaux virus. La protéase scinde de longues protéines en plus petites protéines ultérieurement assemblées pour constituer un nouveau virus fonctionnel.

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